18 mars 2025
Jake Jhonston : Un regard sur les dépenses de l’USAID en Haïti
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Jake Jhonston : Un regard sur les dépenses de l’USAID en Haïti

Where Does the Money Go? A Look at USAID Spending in Haiti

L’article de Jake Jhonston est disponible sur CounterPunch.

L’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) joue un rôle central dans l’aide étrangère à Haïti, un pays où l’assistance internationale influence profondément la politique, l’économie et la société. Depuis octobre 2023, l’USAID a engagé 368 millions de dollars pour des projets en Haïti. Cependant, une récente décision du gouvernement américain visant à geler temporairement ces financements soulève des inquiétudes quant à l’impact immédiat et à long terme sur le pays.

Une dépendance accrue à l’aide étrangère

Haïti est l’un des pays les plus dépendants de l’aide internationale américaine. Toutefois, la majorité des fonds ne bénéficie pas directement aux Haïtiens. Moins de 8 % des financements de l’USAID vont aux organisations locales, le reste étant absorbé par des agences internationales, des organisations non gouvernementales (ONG) et des entreprises américaines. Par exemple, une grande partie des fonds alloués pour l’année fiscale 2024 est destinée à des agences onusiennes comme le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l’UNICEF.

Cette répartition des fonds pose problème : bien que l’aide humanitaire soit cruciale, elle renforce une dépendance qui affaiblit les institutions locales et freine le développement autonome du pays. Plutôt que de soutenir directement les infrastructures haïtiennes, les fonds sont souvent gérés par des acteurs étrangers, limitant l’impact à long terme sur la reconstruction et la stabilisation du pays.

Des programmes menacés par le gel des financements

Le gel des financements imposé par l’administration américaine met en péril plusieurs initiatives essentielles. Parmi elles, la Fondation SEROvie, qui accompagne les jeunes vulnérables et lutte contre le VIH/SIDA, risque de perdre 2,5 millions de dollars. D’autres programmes d’aide alimentaire et de soutien aux déplacés internes, gérés par le PAM et l’OIM, sont également menacés, alors même que plus d’un million d’Haïtiens vivent actuellement dans des camps de fortune.

Dans le secteur agricole, des programmes récents cherchaient à renforcer la production locale afin de réduire la dépendance du pays aux importations alimentaires. Le PAM, qui dirige un programme de cantines scolaires touchant près de 500 000 élèves, avait pour ambition d’augmenter progressivement l’approvisionnement en denrées locales. Le gel des financements compromet cet objectif et pourrait exacerber l’insécurité alimentaire dans le pays.

Un système d’aide qui profite aux entreprises américaines

L’USAID ne finance pas uniquement des programmes humanitaires : une part importante de son budget est dirigée vers des entreprises privées américaines spécialisées dans le développement international. Ces sociétés, souvent basées à Washington D.C., captent une large part des contrats de l’USAID. Deux d’entre elles, Chemonics International et Development Alternatives Inc. (DAI), ont reçu plus de 20 % des fonds alloués à Haïti ces dernières années.

Ces entreprises jouent un rôle clé dans la mise en œuvre des projets financés par l’USAID, mais leur efficacité est régulièrement remise en question. Une grande partie des budgets alloués sert à couvrir leurs frais de gestion et les salaires des employés basés aux États-Unis, réduisant ainsi l’impact réel de l’aide sur le terrain. À titre d’exemple, le PDG de Chemonics perçoit un salaire annuel de 955 000 dollars, tandis que des milliers d’Haïtiens continuent de vivre dans des conditions précaires sans accès aux services de base.

Une instrumentalisation politique de l’aide

Au-delà des aspects économiques, l’aide américaine en Haïti est souvent perçue comme un outil de contrôle politique. En finançant certains programmes électoraux et en soutenant des institutions spécifiques, les États-Unis influencent directement la gouvernance du pays. Par exemple, en 2010-2011, l’USAID aurait fourni un soutien indirect à la campagne de Michel Martelly, contribuant à son élection controversée.

Plus récemment, l’agence a accordé 17 millions de dollars au Consortium pour le renforcement des élections et des processus politiques, un groupe comprenant l’Institut national démocratique (NDI), l’Institut républicain international (IRI) et la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES). Ces organisations ont été impliquées dans des actions politiques en Haïti par le passé, notamment dans l’opposition au gouvernement de Jean-Bertrand Aristide au début des années 2000.

Repenser l’aide pour une véritable autonomie

Le gel des financements de l’USAID met en évidence les contradictions de l’aide internationale en Haïti. D’un côté, elle permet de fournir des services essentiels à des millions de personnes ; de l’autre, elle perpétue une dépendance et un système où les véritables bénéficiaires sont souvent des institutions étrangères plutôt que le peuple haïtien.

Si l’objectif est réellement d’aider Haïti à se stabiliser et à se développer, une réforme profonde de l’aide internationale est nécessaire. Cela passe par un soutien accru aux organisations locales, une meilleure transparence dans l’attribution des fonds et une réduction de l’ingérence politique dans les affaires internes du pays. En l’absence de ces changements, l’aide continuera d’être un instrument de pouvoir plutôt qu’un véritable moteur de progrès.

Where Does the Money Go? A Look at USAID Spending in Haiti

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