Choisir sa carrière : une difficulté ignorée mais décisive sur la qualité de notre vie

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par Valéry COQUILLON

Lundi 28 août 2017 ((rezonodwes.com))– Dans la vie, au moins deux choix se révèlent à la fois importants et difficiles : le choix d’une carrière professionnelle et celui d’un(e) conjoint(e). Notre réussite dans la vie en dépend largement. Ce qui revient à dire qu’un mauvais choix dans l’un ou l’autre sens aura des conséquences certainement malheureuses sur notre vie.




D’où la nécessité de bien réfléchir afin de pouvoir faire un bon choix. Ce qui requiert une connaissance de l’existant ; car choisir c’est prendre de préférence, c’est renoncer. Ainsi, dans ce papier, nous allons essayer de comprendre la difficulté à laquelle font face nos jeunes au moment de choisir un métier (une carrière professionnelle) et tenter de les proposer une attitude pouvant les guider à faire un bon choix en fonction de notre réalité.

Une étude scientifique réalisée en France a révélé que la plupart des hommes et femmes malheureux le sont parce qu’ils n’aiment pas leur travail (Guy Lebœuf : 1987). Ainsi, sont-ils condamnés à faire quotidiennement quelque chose qui les rend malheureux. En Haïti, si nos jeunes ont toujours la difficulté de faire un choix après leurs études secondaires, il n’en demeure pas moins que cette difficulté résulte, selon nous, de ces sept problèmes cruciaux :

  • De la faiblesse du système éducatif ;
  • D’une carence de modèle ;
  • D’une méconnaissance des différentes disciplines enseignées dans les centres universitaires ;
  • D’une dévalorisation et méconnaissance des métiers manuels ;
  • D’une incapacité à comprendre la demande du marché ;
  • D’une faible capacité financière des parents ;
  • De l’inexistence au pays de conseillers en orientation.

Une liste qui, d’après moi, est loin d’être exhaustive mais qui présente la situation dans son ensemble. Pour tester de sa validité, il suffit de faire une petite enquête auprès de nos jeunes et vous serez surpris de constater une quantité non négligeable ignorant ce qu’ils doivent choisir comme profession après la fin de leurs études secondaires.

Le fait est que notre système éducatif ne nous forme pas pour faire face aux vicissitudes de la vie, il nous montre uniquement à « lire et à écrire ». Nombreux sont nos jeunes qui terminent leurs études sans savoir vraiment ce qu’ils veulent dans la vie, nombreux sont-ils à demander à leurs amis plus avancés qu’eux : « kisa w wè m ta pran la a[1] ? ». Cette simple question en dit long.

A la question qui lui a été posée de savoir ce que signifie réussir sa vie professionnelle, Pierre Yves Gomez, le docteur en gestion  et professeur de management stratégique répond :

On ne se rend pas compte à quel point on peut devenir malheureux à cause de cela. C’est une expérience que je constate couramment. Il faut vraiment prendre au sérieux la question de la réussite professionnelle… mais à condition, bien sur de ne pas la séparer de la vie tout court. Avoir une vie de famille solide, des enfants, des amis, une vie équilibrée dans laquelle s’intègre le travail à sa juste place : voilà l’objectif qui est à la portée de tout le monde.

Avant de faire le choix d’une carrière, assurez-vous non seulement d’avoir identifié vos talents, vos forces et vos faiblesses mais aussi et surtout la demande du marché ou plutôt la profession qui  facilitera votre ascension sociale quelque soit votre capital social et/ou économique. Aussi, devrais-je ajouter qu’il faut nécessairement ajouter une bonne dose de rationalité au moment de faire  ce choix décisif de votre vie.

Ainsi, rêver de devenir ingénieur-e aérospatial-e pendant que vous êtes un(e) haïtien-ne des plus ordinaires vivant en Haïti me parait un peu irréaliste. De même que rêver de devenir charpente pour les grands chantiers alors que vous n’arrivez pas à combattre votre vertige à chaque fois que vous montez sur un banc n’est pas un choix très rationnel selon moi.




Sans vouloir être discriminant ou attribué  certaines professions à une catégorie de personnes bien déterminée, des cas concrets me prouvent qu’il n’est pas trop judicieux pour le petit campagnard venu à Port-au-Prince avec seulement son intelligence, de choisir la diplomatie comme première étude universitaire pendant que ses parents l’attendent avec ses nombreux petits frères et sœurs comme le passager qui attend l’heure de son premier vol à l’aéroport.

 

Identifiez vos talents, vos forces, vos faiblesses et votre aptitude

Pour avoir terminé mes études secondaires à Cote-de-fer, j’ai pu déceler (sans faire une généralisation hâtive) la conception des jeunes de certaines régions du pays comme Cote-de-fer, Bainet et Belle-Anse laissant croire que celui ou celle  qui n’arrive pas à briller en mathématique est un(e) élève médiocre. Et pourtant, lorsqu’on jette un simple coup d’œil sur les résultats des examens officiels, l’on se demande si cette prétention de bien maitriser les maths n’est pas qu’une simple illusion faisant obstacle au développement des autres potentialités de nos jeunes. Cette conception complique davantage toute réflexion devant aboutir au choix de sa carrière à celui qui n’est pas fin mathématicien. Sous prétexte de bien comprendre les maths, nos écoles détruisent nos potentiels sociologues, travailleurs sociaux, communicateurs, psychologues, anthropologues, historiens, politologues, linguistes, philosophes et juristes pour ne citer que ces disciplines.

L’autre aspect de la question se rapporte à la nécessité de former, ce que mon camarade à l’Université d’Etat d’Haïti (UEH) et collègue au Parlement Jeunesse d’Haïti (PJH), Rency Inson Michel appelle une ‘’génération d’étudiants 2.0’’dans le pays. Aux yeux de Rency, il importe de former nos écoliers et nos étudiants à l’aune du numérique considérant la révolution numérique qui prévaut aujourd’hui à cette ère de la mondialisation. L’Elève 2.0 est un consommateur rationnel et conscient du numérique. Conscient des richesses du web scientifique qui sont profitables à sa performance académique et outillé pour en faire un usage rationnel, rentable ; dirait-il, vertueux par rapport à ses projets intellectuels et/ou professionnels. Au lieu d’être un mangeur de temps, le smartphone doit être pour nos jeunes écoliers une arme de réussite académique et surtout un outil efficace les aidant à découvrir leur domaine de prédilection en toute rationalité.




A ceux et celles qui n’ont pas été brillant-es  à l’école, je vous dirai : Il ne faut pas trop s’attarder sur les résultats scolaires que l’on obtient à un moment de sa vie. Ce qui compte, c’est l’envie de faire quelque chose, de s’épanouir, de se réaliser dans sa vie professionnelle comme dans sa vie privée, c’est la détermination pour contourner le système. En outre, il faut identifier et miser sur ses talents. Tout le monde a du talent. Tout le monde sait faire quelque chose un peu mieux que les autres. Choisissez votre carrière ou votre première profession avec rationalité, c’est-à-dire en tenant compte de la demande du marché du travail et votre chance de réussite. Ainsi, après avoir connu du succès vous garantissant une stabilité avec une accumulation d’un capital culturel, social, économique et symbolique (Pierre Bourdieu : 1979), vous pourriez faire des études en génie aérospatial comme vous l’auriez toujours rêvé même si vous choisissez de vivre en Haïti.

 

Jeune Sénateur Valéry COQUILLON, étudiant finissant en Travail Social à l’UEH et en journalisme à l’ISNAC

e-mail : coquillonvalery@yahoo.fr/ valerycoquillon@gmail.com

 

[1] . Quel choix devrais-je faire selon vous?

2 COMMENTS

  1. Très bien , mais pour bien choisir il faut ètre informè. Maintes fois on choisit une profession juste en suivant la route de celui qui a rèussi . Dans mon temps les plus prisèes ètaient : la mèdecine ou l’acadèmie militaire et les moindres devenaient instituteurs ou professeurs au lycèe local ou avocats. On ètait trés limitè quant au choix d’une profession manuelle car etre appelè boss untel frisait le ridicule après des annèes sur les bancs face à d’autres condisciples mèdecins ou ingènieurs ou officiers de l’armee.

  2. Camarade et ami Valéry, tu as pointé du doigt un cas flagrant de ce que j’appellerais « l’échec de l’école haïtienne ». Un document de réforme datant de 1982 (Réforme Bernard) attend son application. Ce document, constant que l’école a formé des « dépaysés », entendait former d’élève-citoyen à même d’identifier et de faire carrière dans des disciplines porteuses à la fois pour soi et le pays. Malheureusement, la situation que tu as décrit durera aussi longtemps que nous continuons à apprendre dans de telles conditions avec ces mêmes « enseignants » n’ayant aucune formation adéquate. De l’organisation du système éducatif haïtien, seul les plus justes seront sauvés.
    Bravo pour ce papier cher ami !

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