Analyse de la situation économique d’Haïti au regard du rapport du FMI publié le 10 décembre 2024 où, toujours selon ce rapport, les recettes fiscales d’Haïti restent parmi les plus faibles du monde (environ 5 % du PIB).
Haïti, pays à faible revenu, demeure en proie à une crise multidimensionnelle qui combine des défis économiques, sociaux, humanitaires et sécuritaires. Depuis 2019, la situation s’est aggravée sous l’effet de multiples chocs, notamment la pandémie de COVID-19, le tremblement de terre de 2021, et les retombées économiques de la guerre en Ukraine. En 2024, la dégradation sécuritaire a atteint des proportions critiques : 80 % de la capitale, Port-au-Prince, était sous le contrôle des gangs entre mars et mai, perturbant profondément l’activité économique et exacerbé la fragilité déjà structurelle du pays.
Le rapport du FMI met en évidence des facteurs aggravants, tels que la destruction du capital humain et physique, l’exode massif des cerveaux, et une inflation galopante qui affecte de manière disproportionnée les plus vulnérables. Ces réalités compromettent sérieusement le potentiel de croissance à moyen terme, malgré une légère amélioration projetée pour 2025 (+1 %).
La crise sécuritaire a engendré des pertes massives de capital productif, entraîné la paralysie des chaînes d’approvisionnement et amplifié les pressions inflationnistes. Ces effets cumulatifs ont plongé Haïti dans une récession persistante, marquée par une croissance économique négative pour la sixième année consécutive en 2024 (-4 %). La résilience économique reste compromise par la domination de l’économie informelle et une dépendance excessive aux envois de fonds, lesquels, bien que stables, reflètent un exode de capital humain.
Le FMI souligne que les recettes fiscales d’Haïti restent parmi les plus faibles au monde (environ 5 % du PIB). Les efforts de réforme fiscale, bien que prometteurs – adoption d’un nouveau code fiscal et douanier en 2022-2023 – peinent à porter leurs fruits en raison d’une application insuffisante et de la corruption endémique. Cette situation limite les marges budgétaires nécessaires pour répondre aux besoins sociaux urgents et aux investissements en infrastructures.
L’économie haïtienne est fortement exposée aux fluctuations des prix mondiaux des denrées alimentaires et du carburant. La crise alimentaire mondiale, exacerbée par la guerre en Ukraine, a intensifié la malnutrition, tandis que les importations ont diminué en raison de la faiblesse de l’activité portuaire et de l’insécurité logistique. L’insuffisance des réserves de change, bien que légèrement renforcées en 2024 (5,7 mois d’importations), expose également le pays à des risques de dévaluation monétaire.
Rétablissement de la sécurité
La mission de soutien multinationale dirigée par le Kenya, déployée en juin 2024, offre une occasion cruciale pour rétablir un climat de sécurité. Cependant, le FMI note que l’impact de cette mission reste limité, faute de ressources et d’effectifs suffisants. La normalisation sécuritaire est une condition sine qua non pour la reprise économique, car elle permettrait de relancer l’activité productive, d’attirer des investissements directs étrangers (IDE) et de renforcer la confiance des agents économiques.
Renforcement de la gouvernance et lutte contre la corruption
Le rapport appelle à des réformes structurelles visant à améliorer la transparence et l’efficacité de la gestion publique. Cela inclut la publication rapide du diagnostic de gouvernance et de son plan d’action, l’adoption de mécanismes robustes de lutte contre la corruption, et la modernisation des systèmes administratifs via la digitalisation. Ces mesures pourraient non seulement élargir l’assiette fiscale, mais aussi améliorer la perception internationale d’Haïti comme un partenaire crédible pour les donateurs.
Soutien international et cohésion sociale
Le rapport insiste sur le rôle clé de la communauté internationale pour soutenir Haïti à travers des financements concessionnels et des subventions. Une assistance accrue serait indispensable pour stabiliser la situation macroéconomique et financer les infrastructures essentielles. Par ailleurs, le FMI souligne l’importance d’une allocation budgétaire ciblée sur les programmes sociaux, notamment pour réduire les écarts de genre et promouvoir l’inclusion économique.
Recommandations stratégiques
- Rétablissement sécuritaire et stabilité politique : Mobiliser davantage de ressources pour renforcer la mission multinationale et restaurer l’autorité de l’État.
- Renforcement des recettes fiscales : Appliquer rigoureusement les nouveaux codes fiscaux et douaniers tout en limitant les exemptions fiscales non stratégiques.
- Digitalisation et transparence : Moderniser les administrations fiscales et douanières en exploitant les solutions technologiques pour réduire la fraude et améliorer la traçabilité des opérations.
- Priorisation des dépenses sociales : Augmenter les investissements dans la santé, l’éducation et les filets de sécurité sociale pour réduire la pauvreté extrême et renforcer la résilience des populations.
- Développement des infrastructures : Investir dans des projets structurants pour relancer la production nationale et réduire la dépendance aux importations.