La Constitution haïtienne de 1987 prévoit des procédures précises pour l’amendement de la Constitution, en conférant exclusivement aux parlementaires en exercice le pouvoir d’initier et de mener à bien ce processus. Selon l’article 282 de la Constitution, l’amendement doit être proposé par l’une des deux chambres du Parlement et adopté à la majorité des deux tiers de chaque chambre. L’article 284 stipule que l’amendement ainsi adopté doit être ratifié par la législature suivante, également à la majorité des deux tiers de chaque Chambre. Ces dispositions visent à garantir que toute modification de la Charte fondamentale soit le résultat d’un consensus parlementaire, reflétant la volonté du peuple à travers ses représentants élus.
Dans ce contexte, la formation du Groupe de Travail sur la Constitution (GTC), coordonné par l’ancien parlementaire Jerry Tardieu, remet en question sa légitimité constitutionnelle. Bien que la mission du GTC soit de proposer une révision de la Constitution en consultant divers secteurs de la société civile, le cadre constitutionnel actuel prévoit que seul le Parlement a le pouvoir légal d’initier et d’adopter des amendements constitutionnels.
Par conséquent, les initiatives de ce type doivent impérativement s’interroger sur leur conformité avec l’État de droit et le respect des normes constitutionnelles établies. Toute tentative d’amendement de la Charte fondamentale en dehors des mécanismes prévus par la Constitution de 1987 comporte le risque d’affaiblir les établissements démocratiques et de créer des précédents qui peuvent mettre en péril la stabilité juridique et politique du pays.
Ainsi, si l’objectif de doter Haïti d’une Constitution adaptée aux réalités actuelles est louable, une réforme constitutionnelle doit impérativement respecter scrupuleusement les procédures établies par la loi fondamentale. Le rôle exclusif du Parlement dans le processus de révision constitutionnelle doit être préservé afin de garantir la légitimité et la légalité des changements apportés, assurant ainsi la pérennité des institutions démocratiques haïtiennes.
Jerry Tardieu et les consultations sectorielles sur la réforme constitutionnelle en Haïti
Dans le cadre des consultations sur la révision constitutionnelle, plusieurs secteurs clés de la société haïtienne, initialement opposés au projet sous l’administration Tèt Kale 2, ont été sollicités pour exprimer leurs positions et propositions. Ces rencontres ont impliqué divers groupes, notamment les secteurs syndical, privé, vodou et protestant, entre autres.
1. Secteur syndical
Des représentants de nombreuses organisations syndicales se sont réunis pour discuter des enjeux constitutionnels. Parmi ces organisations figurent :
- Le Mouvement unifié des transporteurs haïtiens ;
- La Confédération des travailleurs haïtiens ;
- La Centrale nationale des ouvriers haïtiens ;
- L’Association des propriétaires et chauffeurs d’Haïti ;
- La Confédération nationale des éducateurs d’Haïti.
Ces organisations ont formé un comité technique pour définir une position commune sur la révision constitutionnelle. Ce comité devra présenter une vision unifiée du secteur syndical sur les réformes proposées.
2. Secteur privé
Le secteur privé a également participé activement à ces discussions. Des consultations ont eu lieu avec des représentants des chambres de commerce et d’industrie, notamment :
- La Chambre de commerce et d’industrie de l’Ouest ;
- La Chambre de commerce et d’industrie d’Haïti ;
- L’Association des industries d’Haïti (ADIH) ;
- La Chambre de commerce haïtiano-américaine (AmCham) ;
- L’Institut Makaya.
Ces entités ont collaboré pour rédiger un document regroupant leurs positions communes concernant la révision constitutionnelle. Une coordination régionale a été mise en place pour harmoniser les avis des différentes chambres de commerce.
3. Secteur vodou
Le secteur vodou a également été consulté. Des représentants de la Fédération vodouisante nationale d’Haïti (KNVA) ainsi que des organisations telles que Alofida Oumé et Société Afrique Guinée ont participé aux discussions. Le Bureau national d’ethnologie, dirigé par Jean-Yves Woldroziec, a facilité ces rencontres.
4. Secteur protestant
Une importante délégation de la Fédération protestante d’Haïti, présidée par Bastien Calix Florydor, a également pris part aux échanges. Ce secteur a partagé ses préoccupations et ses propositions sur les aspects constitutionnels en débat.
Prochaines étapes
Ces consultations témoignent de l’implication d’une diversité d’acteurs, malgré l’illégalité flagrante du processus de révision constitutionnelle, qui n’est pas sans rappeler les dérives institutionnelles de 1917. Chaque secteur s’efforce actuellement de structurer ses propositions, prétendant contribuer à l’élaboration d’une Constitution prétendument inclusive et représentative.
Selon M. Tardieu, l’objectif de ces échanges est de construire un consensus national en faveur de réformes jugées essentielles à l’amélioration de la gouvernance et à la consolidation de la stabilité institutionnelle en Haïti. Cependant, cette approche soulève des questions quant à sa légitimité et à son impact réel sur l’Etat de droit.

