9 octobre 2024
Rezo Nòdwès en collaboration avec ‘The Kettly Foundation Inc’ présente : Haiti, l’écho de la province oubliée
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Rezo Nòdwès en collaboration avec ‘The Kettly Foundation Inc’ présente : Haiti, l’écho de la province oubliée

La diffusion de ce texte est rendue possible grâce à l’aimable courtoisie de ‘The Kettly Foundation Inc’.

« Haïti, l’Écho de la Province Oubliée » est une œuvre littéraire diffusée en exclusivité sur Rezo Nòdwès, rendue possible grâce au soutien généreux de la Kettly Foundation Inc. Tous les dimanches soirs de septembre, découvrez un nouvel extrait de ce roman captivant dans le Coin littéraire de Rezo Nòdwès.

Note de l’auteur : Les personnages et les événements décrits dans ce roman sont purement fictifs. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé serait purement fortuite et involontaire.

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Kettly Foundation Incorporation est une organisation dédiée à la promotion de l’éducation, de la justice sociale, et du développement durable au sein des communautés haïtiennes et de la diaspora. Grâce à ses multiples initiatives, la fondation soutient des projets d’autonomisation, de bourses scolaires, et d’infrastructures locales visant à améliorer la qualité de vie et à encourager la résilience des populations vulnérables. Leur engagement envers l’éducation et l’amélioration des conditions de vie constitue une source d’inspiration pour toute la communauté.

Chapitre 2 (suite) – Entre Ombres et Espoir : Le Retour à Belvieu

Un départ sous tension

Le voyage de KEDA et Marc-Antoine vers Port-au-Prince marquait une étape décisive dans leur quête pour sauver Belvieu. Pourtant, dès le début, des obstacles semblaient se dresser contre eux. Alors qu’ils planifiaient leur départ de Montréal, une réalité troublante les frappa : les prix des billets d’avion pour Haïti avaient atteint des sommets vertigineux. Pour une distance équivalente, les vols vers des destinations comme la République dominicaine ou même Miami coûtaient bien moins cher. Cette inégalité de prix ne faisait qu’exacerber leur frustration.

« C’est insensé, » murmura KEDA en consultant les options en ligne. « Comment peut-on justifier de tels prix pour Haïti ? »

Marc-Antoine, penché à côté d’elle, secoua la tête, visiblement irrité. « Ce n’est pas une question de distance. C’est une question de taxes abusives, d’un système corrompu qui voit dans chaque voyageur une opportunité de remplir les poches des fonctionnaires et des gouvernements. »

Les gouvernements successifs d’Haïti, plus soucieux de maintenir une élite au pouvoir que de développer le pays, avaient imposé des taxes exorbitantes sur les billets d’avion. Ces taxes, censées financer des infrastructures et des services publics, n’avaient jamais servi à rien d’autre qu’à alimenter la corruption et les pots-de-vin. Chaque voyage vers Haïti, qu’il s’agisse de touristes ou de membres de la diaspora, représentait une manne financière pour ceux qui occupaient les hautes sphères du pouvoir. Pour Marc-Antoine et KEDA, qui tentaient de rassembler chaque centime pour financer leur projet à Belvieu, cette réalité était un coup dur.

Après plusieurs heures passées à comparer les prix, ils durent se résoudre à acheter des billets bien plus chers que ce qu’ils auraient espéré. Le voyage vers Haïti, avant même qu’il ne commence, semblait déjà teinté d’une forme de désillusion.

« C’est à croire qu’ils ne veulent pas qu’on revienne, » ajouta Marc-Antoine, un soupçon de colère dans la voix. KEDA hocha la tête en silence. Ils savaient tous les deux que ce ne serait que le premier obstacle parmi tant d’autres.


Port-au-Prince : un choc des réalités

L’avion commençait sa descente vers l’aéroport Toussaint Louverture. Le hublot laissait entrevoir les vastes plaines bordant Port-au-Prince, parsemées de toits de tôle et de bâtisses décrépites. Marc-Antoine, assis à côté de KEDA, observait en silence. Ce paysage ne lui était pas étranger, mais chaque fois qu’il remettait les pieds en Haïti, une étrange combinaison de nostalgie et d’amertume le submergeait.

KEDA, elle, était plongée dans ses pensées, se préparant mentalement à ce retour si longtemps repoussé. Elle n’avait pas revu Belvieu depuis des années, et si elle s’était souvent imaginée revenir, jamais elle n’avait anticipé que les circonstances seraient aussi urgentes, aussi graves.

Le trajet vers Haïti avait été long et coûteux, une réalité qui, chaque fois, piquait les consciences de ceux qui avaient choisi l’exil. Les prix des billets d’avion pour Haïti avaient atteint des sommets absurdes. Alors qu’un vol vers une destination équivalente en distance coûtait parfois deux à trois fois moins, Haïti était devenu une destination inaccessible pour beaucoup. KEDA avait froncé les sourcils en consultant les tarifs avant d’acheter leurs billets : plus de 1 000 dollars chacun. Cette somme, exorbitante pour une si courte distance, avait des explications bien moins logiques que la simple loi de l’offre et de la demande.

« C’est la corruption, KEDA. On le sait tous, » avait commenté Marc-Antoine alors qu’ils finalisaient les préparatifs de leur départ. « Le gouvernement impose des taxes absurdes, sans transparence, pour alimenter des poches corrompues. Rien ne justifie un tel prix. »

KEDA avait hoché la tête, son cœur lourd. Depuis des années, les gouvernements successifs d’Haïti ne faisaient qu’alimenter un système vicieux de taxes injustifiées. Des prélèvements pour financer des projets qui, en réalité, n’étaient que des écrans de fumée. Tout était là, gravé dans les comptes obscurs de l’État : les millions collectés grâce aux taxes sur les billets d’avion ou sur les transferts d’argent, destinés à l’éducation ou à la reconstruction, mais qui, en réalité, finissaient dans des comptes personnels à l’étranger ou dans les mains des élites corrompues.

En attendant l’atterrissage, Marc-Antoine ferma les yeux, se préparant au choc qu’était Port-au-Prince. L’aéroport, malgré son nom grandiose, restait un lieu marqué par la vétusté et l’inefficacité. Chaque passage dans cet endroit lui rappelait la lente décadence du pays.

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Port-au-Prince : l’arrivée chaotique

À leur arrivée à Port-au-Prince, la chaleur suffocante les enveloppa immédiatement, contrastant avec la fraîcheur de Montréal. L’aéroport, bien que modernisé en apparence, gardait en son sein un chaos organisé, propre à la capitale haïtienne. Les files d’attente interminables, les fouilles parfois arbitraires, et l’attente d’une voiture dans un dédale de véhicules mal stationnés les épuisèrent avant même que leur véritable voyage ne commence.

« On dirait que rien n’a changé, » commenta Marc-Antoine avec un soupir, en observant les files de voyageurs exaspérés par l’inefficacité des services. KEDA, quant à elle, tentait de rester concentrée sur la suite.

Le trajet jusqu’à Belvieu, qui allait débuter après cette étape à Port-au-Prince, les préoccupait plus encore. La Route Nationale 1, jadis la principale artère reliant la capitale au Nord du pays, était désormais devenue une zone de non-droit, contrôlée par des gangs qui y avaient érigé des postes de péage illégaux. Pour traverser certaines zones, il fallait non seulement éviter les pannes mais aussi payer des « taxes » imposées par des groupes armés qui, en l’absence d’un véritable État de droit, avaient pris le contrôle de ces portions de route.

KEDA observait son téléphone, vérifiant les dernières nouvelles concernant la sécurité sur la route qu’ils allaient emprunter. « Apparemment, il y a eu encore des barrages installés par les gangs près de la ville de Cabaret. Si nous voulons éviter les problèmes, nous devrons emprunter une déviation. »

Marc-Antoine acquiesça, son visage sérieux. « On n’a pas le choix. Cette route est devenue une autre métaphore de l’état du pays. Ceux qui devraient protéger la population sont ceux qui la rançonnent. »

Ils montèrent dans la voiture de location, conscients que le trajet serait long, incertain, et dangereux.


Sur la Route Nationale 1 : entre espoir et tension

Le véhicule roulait lentement sur la Route Nationale 1. Les paysages changeants, des collines verdoyantes aux plaines poussiéreuses, se succédaient avec une régularité apaisante. Pourtant, la tension à l’intérieur de la voiture était palpable. À chaque virage, à chaque point de contrôle, ils redoutaient de tomber sur l’un de ces fameux barrages de gangs.

« Regarde là-bas, » chuchota KEDA en apercevant une silhouette armée près d’un carrefour. Ils approchaient d’une zone connue pour être contrôlée par l’un des plus puissants gangs de la région. Ces groupes armés, souvent composés de jeunes désœuvrés, extorquaient les voyageurs sous prétexte de maintenir l’ordre. Les autorités, incapables de reprendre le contrôle, avaient laissé ces « postes de péage » proliférer, renforçant l’idée que l’État n’existait plus dans de nombreuses régions du pays.

Le conducteur, un ami de longue date de Marc-Antoine, les avait déjà prévenus : il fallait se montrer calme, payer la somme demandée sans poser de questions, et ne jamais chercher à négocier.

« On va passer sans problème, » tenta de rassurer Marc-Antoine, bien qu’il ne parvenait pas lui-même à y croire pleinement. Le silence dans la voiture était lourd de tension.

Alors qu’ils approchaient du barrage improvisé, un homme armé leur fit signe de s’arrêter. Les fenêtres baissées, Marc-Antoine tendit quelques billets sans un mot. Le regard de l’homme se durcit un instant avant qu’il ne leur fasse signe de passer.

« C’est bon, on a franchi un premier obstacle, » murmura KEDA, soulagée. Mais ils savaient tous deux que ce ne serait pas le dernier.


L’arrivée à Belvieu : un retour aux racines

Lorsqu’ils atteignirent finalement Belvieu, une profonde émotion envahit KEDA. Ce village qu’elle n’avait pas revu depuis des années semblait à la fois inchangé et transformé. Les routes en terre battue, les maisons en bois décolorées par le temps, tout évoquait une époque révolue. Pourtant, il y avait quelque chose de familier dans l’air, une réminiscence de son enfance, de ces jours où tout semblait encore possible.

Les premières rencontres avec les habitants furent teintées de nostalgie et de mélancolie. Les visages familiers avaient vieilli, mais le sourire chaleureux de certains membres de sa famille restait intact. Sa tante Marline, une femme robuste et joyeuse malgré les épreuves, fut la première à l’accueillir.

« KEDA, ma fille, enfin tu es revenue, » s’exclama Marline en l’enlaçant. « Tu es la seule qui peut encore faire quelque chose ici. »

KEDA, bien que touchée par l’accueil, sentit le poids de ces paroles. Les attentes des habitants étaient énormes. Ils la voyaient comme une sorte de sauveuse, celle qui pourrait redonner vie à un village en ruines. Pourtant, elle savait que rien ne serait simple.

De son côté, Marc-Antoine retrouva certains de ses anciens camarades, des hommes avec qui il avait grandi, qui, comme lui, avaient rêvé de quitter Belvieu un jour. Certains étaient partis, d’autres étaient restés, mais tous semblaient partagés entre la résignation et un mince espoir de changement.

« Marc-Antoine ! » s’exclama un homme trapu, en s’avançant vers lui. C’était Laurent, un ami d’enfance avec qui Marc-Antoine avait partagé bien des aventures. « On ne t’attendait plus, toi non plus. Mais je suppose que si tu es revenu, c’est que tu y crois encore, toi aussi. »

Marc-Antoine hocha la tête, un sourire triste aux lèvres. « Je suis revenu, mais cette fois, c’est pour rester. »


Le poids des souvenirs : entre passé et avenir

Les premiers jours à Belvieu furent marqués par une étrange dualité. D’un côté, KEDA et Marc-Antoine se retrouvaient confrontés à la réalité crue d’un village en ruines, où les infrastructures de base étaient inexistantes et où les habitants, bien que souriants, semblaient avoir perdu tout espoir. De l’autre côté, ils ressentaient en eux un profond attachement à cette terre, à ces racines qu’ils avaient, chacun à leur manière, tenté de fuir.

Pour KEDA, ce retour était aussi une confrontation avec son passé. Elle se remémorait les jours passés dans ce village, les jeux d’enfants, les rêves qu’elle avait jadis partagés avec sa famille. Mais la réalité présente venait rapidement entacher ces souvenirs. Belvieu n’était plus ce village vibrant qu’elle avait connu. Il était devenu un symbole d’abandon, de trahison, non seulement de la part des gouvernements successifs, mais aussi de sa propre génération.

Marc-Antoine, quant à lui, voyait en Belvieu un miroir de ses propres échecs. Il se demandait souvent s’il aurait pu faire plus, revenir plus tôt, tenter de changer les choses avant que le village ne sombre. Mais à mesure qu’il observait les ruines et les visages fatigués, il comprenait que la tâche à venir serait bien plus complexe qu’il ne l’avait imaginé.


À suivre…

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