15 octobre 2024
Rezo Nòdwès en collaboration avec ‘The Kettly Foundation Inc’ présente: « Haiti, l’Echo de la Province Oubliée »
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Rezo Nòdwès en collaboration avec ‘The Kettly Foundation Inc’ présente: « Haiti, l’Echo de la Province Oubliée »

La diffusion de ce texte est rendue possible grâce à l’aimable courtoisie de ‘The Kettly Foundation Inc’.

« Haïti, l’Écho de la Province Oubliée » est une œuvre littéraire diffusée en exclusivité sur Rezo Nòdwès, rendue possible grâce au soutien généreux de la Kettly Foundation Inc. Tous les dimanches soirs de septembre, découvrez un nouvel extrait de ce roman captivant dans le Coin littéraire de Rezo Nòdwès.

Note de l’auteur : Les personnages et les événements décrits dans ce roman sont purement fictifs. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé serait purement fortuite et involontaire.

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Kettly Foundation Incorporation est une organisation dédiée à la promotion de l’éducation, de la justice sociale, et du développement durable au sein des communautés haïtiennes et de la diaspora. Grâce à ses multiples initiatives, la fondation soutient des projets d’autonomisation, de bourses scolaires, et d’infrastructures locales visant à améliorer la qualité de vie et à encourager la résilience des populations vulnérables. Leur engagement envers l’éducation et l’amélioration des conditions de vie constitue une source d’inspiration pour toute la communauté.

Chapitre 2 – Le Retour à Belvieu : Une Mission au-delà des Mots

Un retour en suspens

KEDA se tenait face à la fenêtre de son appartement montréalais, son regard perdu dans les lueurs scintillantes de la ville. Chaque lampe, chaque reflet urbain dessinait un contraste saisissant avec le paysage aride et oublié de Belvieu. Montréal, avec ses gratte-ciels et son rythme effréné, respirait la modernité, la stabilité, et l’opulence tranquille. Pourtant, au cœur de cette sérénité apparente, KEDA sentait une tempête naître en elle. Le calme de cette ville n’était qu’un écran face à l’agitation qui régnait dans son âme.

Chaque soir, sous la lumière diffuse des lampadaires, elle se replongeait dans ses pensées, hantée par la nécessité de retourner à Belvieu. Ce village, autrefois un berceau de souvenirs et de promesses, n’était plus que l’ombre d’un rêve déchu. Le projet de retour qu’elle partageait avec Marc-Antoine n’était plus une simple idée à explorer ; il s’imposait chaque jour avec plus d’urgence. Ce n’était plus seulement une quête personnelle ou une volonté de renouer avec le passé, mais une mission pour préserver ce que Belvieu représentait : un fragment de la mémoire collective, un espoir ténu pour ceux qui, malgré tout, s’accrochaient encore à l’idée d’un renouveau.

À mesure que ce projet prenait de l’ampleur, KEDA sentait la peur la ronger. Les doutes, tels des vagues, s’abattaient sur elle. Comment concilier cet idéal de renaissance avec les réalités brutales qui l’attendaient ? Chaque pas vers Belvieu ressemblait à une marche dans l’inconnu, un sentier où logistiques complexes, obstacles financiers, et responsabilités s’entremêlaient. Et au fond, la peur viscérale de l’échec la suivait, insidieuse, comme une ombre silencieuse.

Dans sa main, une lettre froissée semblait peser une tonne : la lettre d’Antoine. Depuis sa réception, elle ne l’avait jamais laissée de côté. Chaque ligne, gravée dans son esprit, résonnait comme un appel au secours. Les mots du frère ainé de Marc-Antoine étaient crus, tranchants, dépourvus d’espoir : si rien n’était fait rapidement, Belvieu sombrerait dans l’oubli, écrasé sous le poids de l’exode des jeunes, de l’abandon des terres, et de la dégradation inéluctable des infrastructures.

« Est-ce que cela vaut vraiment la peine ? » murmura-t-elle pour elle-même, ses yeux se perdant dans les lumières de Montréal. Cette ville semblait si loin, si étrangère au déclin silencieux qui se jouait à Belvieu. Les gratte-ciels et l’effervescence nocturne paraissaient se moquer de la désolation qui menaçait de tout emporter là-bas. Un gouffre s’était ouvert entre ces deux mondes, et KEDA se tenait au bord de cette faille, incertaine de pouvoir la franchir.

Elle savait qu’elle et Marc-Antoine avaient élaboré un plan ambitieux, mais chaque fois qu’elle y pensait, les défis lui apparaissaient plus grands, plus insurmontables. Il ne s’agissait pas simplement de retourner à Belvieu pour revivre le passé ou tenter de sauver les souvenirs. Il fallait convaincre une communauté épuisée, démobilisée, déçue par des années de promesses non tenues. Il fallait mobiliser des fonds, beaucoup de fonds, trouver des alliés là où il n’y en avait plus, et surtout, garder l’espoir vivant. Mais face à une situation si désespérée, où même les plus optimistes avaient depuis longtemps baissé les bras, comment continuer à croire ?

KEDA ferma les yeux un instant, laissant les battements réguliers de son cœur apaiser ses pensées. Elle se rappelait des mots qu’elle avait souvent entendus dans son enfance, des mots qui revenaient à elle comme une prière murmurée dans le vent : « Il y a un temps pour tout, un temps pour chaque chose sous le ciel » (Ecclésiaste 3:1). Peut-être, se disait-elle, était-ce le temps de se battre, le temps de ne plus se taire. Mais la question restait : étaient-ils prêts à affronter les fantômes qui attendaient à Belvieu ?

En elle, une étincelle de détermination commençait à naître, fragile mais réelle. Le chemin serait long, périlleux, incertain. Pourtant, dans cette ville étrangère, loin de la terre qui l’avait vue grandir, KEDA sentait que l’heure était venue de répondre à cet appel, cet écho du passé. Il ne s’agissait plus de simples mots, mais d’une mission qui allait bien au-delà de tout ce qu’elle avait imaginé.


Le fardeau du système et l’impasse politique

Si la reconstruction de Belvieu représentait un défi en soi, Marc-Antoine ne pouvait ignorer l’état désastreux du pays. Haïti, depuis plusieurs décennies, se noyait dans une incertitude politique oppressante. Chaque jour, les nouvelles étaient plus désespérantes. Les dirigeants se complaisaient dans une politique corrompue, exerçant leurs fonctions comme s’ils poussaient un cadavre en putréfaction. Le système était gangrené, et les villages comme Belvieu n’avaient plus que l’ombre d’un espoir. L’État n’était qu’un mirage lointain.

La politique d’Haïti glissait vers l’abîme, les élites dirigeantes s’enrichissaient tandis que le peuple dépérissait. Chaque politicien venait, promettait, puis disparaissait sans rendre de comptes. Marc-Antoine voyait le fossé entre les promesses et les réalités se creuser inexorablement.

Le cas du Fonds National de l’Éducation (FNE) illustrait cette corruption rampante. Ce fonds, financé par une taxe de 1,50 dollar sur chaque transfert d’argent envoyé à Haïti par la diaspora, devait servir à construire des écoles. Pourtant, après des années de prélèvements, rien n’avait été fait. L’opacité des comptes alimentait la méfiance. Des millions de dollars étaient engloutis dans les abysses bureaucratiques, et les écoles promises restaient de simples promesses.

Face à cette situation, Marc-Antoine se sentait submergé par l’amertume. Comment pouvait-il espérer redresser Belvieu alors que le pays tout entier semblait sombrer ? Lors d’une conversation tardive, il confia ses pensées à KEDA :

« Ils ont tué l’espoir, KEDA. Le peuple ne croit plus en rien. Comment peut-on croire en un avenir quand même les élections sont truquées ? Depuis 1990, tout est une mascarade. Comment demander aux gens de se mobiliser ? »

Malgré la gravité de ses paroles, KEDA tenta de rester optimiste. Elle croyait fermement qu’en commençant par le local, ils pourraient amorcer un changement, aussi infime soit-il. Belvieu pouvait devenir le symbole d’une renaissance, si seulement ils persévéraient.


Une foi en action : Les fondations d’un renouveau

Pour KEDA, l’espoir n’était pas une simple idée abstraite, c’était une force indomptable, un moteur profond qui la poussait en avant malgré les tempêtes de la vie. Cet espoir, elle ne le puisait pas dans les promesses éphémères des hommes, mais dans une foi inébranlable, celle qui la guidait depuis l’enfance. Chaque jour, face aux défis de Belvieu, elle se rappelait les paroles gravées dans son cœur : « L’Éternel est mon berger, je ne manquerai de rien. » (Psaume 23). Ces mots ne représentaient pas seulement une consolation spirituelle, mais une ancre dans la tourmente. Ils vibraient en elle comme une promesse sacrée, celle d’un chemin éclairé par la persévérance et la grâce divine, même lorsque tout semblait perdu.

KEDA le savait, la renaissance de Belvieu ne serait ni facile ni rapide. Il ne s’agissait pas seulement de réparer des routes ou de relancer des champs abandonnés. Il s’agissait de restaurer des âmes brisées, de redonner vie à une communauté dont le cœur s’était presque éteint. Mais la terre de Belvieu, bien que fatiguée, avait encore en elle cette énergie ancienne, celle des générations qui avaient résisté aux vents violents de l’histoire. Cette même terre, aride et dure sous les pieds, était pour elle le symbole de la résilience de tout un peuple.

Il fallait plus qu’une reconstruction physique. Il fallait une réconciliation avec l’histoire, un retour aux racines, une foi renouvelée dans la possibilité d’un futur meilleur. Et pour cela, KEDA croyait fermement que chaque petit geste comptait. Chaque pierre posée, chaque main tendue vers l’autre, chaque prière murmurée dans le silence de la nuit contribuait à tisser ce rêve d’une nouvelle vie pour Belvieu.

Le soutien de The Kettly Foundation, bien plus qu’un simple financement, devenait pour elle un signe, une preuve tangible que des forces bienveillantes s’alignaient pour faire renaître ce village. Chaque jour, les promesses de la fondation croissaient, et avec elles, l’espoir que ce projet fou, lancé avec Marc-Antoine, prenait forme et devenait réalité. La vision d’un Belvieu vibrant, où les enfants riraient à nouveau dans les ruelles, où les chants des travailleurs résonneraient dans les champs, n’était plus un rêve lointain. C’était une certitude, ancrée dans la foi de KEDA et dans la conviction que ce renouveau était plus grand qu’eux.

Pourtant, les obstacles ne cessaient de s’accumuler. Les fonds envoyés par la diaspora, dévouée à leur cause, étaient systématiquement ponctionnés par un État avide et corrompu. L’argent destiné à la réhabilitation des écoles, à la réparation des routes, se perdait dans les méandres bureaucratiques, capturé par des mains invisibles et cupides. Les infrastructures restaient en ruines, et la méfiance des habitants, marquée par des décennies de trahisons politiques, devenait un obstacle presque insurmontable. Chaque jour, KEDA sentait le poids de ces promesses non tenues peser sur ses épaules.

Mais même dans l’obscurité de ces épreuves, elle refusait de céder. À chaque moment de doute, elle sentait en elle une voix, douce mais persistante, lui rappeler que la foi ne vacille pas face aux tempêtes. « Avec chaque pas, aussi petit soit-il, tu te rapproches de la lumière », se disait-elle. Belvieu était une terre sacrée, et bien que blessée, elle savait que le village pouvait renaître. Il fallait juste continuer à marcher, même lorsque le chemin semblait impossible à suivre.

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Naomi et la famille : un soutien ou un fardeau ?

Pendant que KEDA et Marc-Antoine s’épuisaient à trouver des solutions pour financer le projet de Belvieu, Naomi, la sœur cadette de KEDA, apportait avec elle ses propres turbulences. Son arrivée à Montréal, aussi rapide qu’inattendue, n’avait pas seulement perturbé l’équilibre de KEDA, mais aussi éveillé des inquiétudes profondes. Très vite, Naomi s’était liée d’amitié avec Karim, un homme d’origine maghrébine, et leur relation avait pris une tournure inattendue. Naomi, si spontanée et insouciante, semblait voler vers un bonheur immédiat, tandis que KEDA observait avec une méfiance qu’elle peinait à dissimuler.

Un après-midi, alors que le soleil caressait les terrasses montréalaises, les deux sœurs partageaient un café. L’air était léger, mais KEDA ressentait une tension invisible qui pesait sur leurs échanges. Le sourire habituel de Naomi cachait une certaine résistance que KEDA ne pouvait plus ignorer. Elle décida d’aborder le sujet qui la taraudait depuis des jours, essayant de choisir ses mots avec soin.

« Naomi, je suis contente que tu aies trouvé quelqu’un, vraiment. Mais ne crois-tu pas que tout cela va un peu vite ? » commença-t-elle, tentant de paraître rassurante. « Karim semble être un homme bien, je ne doute pas de ses intentions, mais… es-tu certaine que c’est vraiment ce que tu veux ? » Sa voix, douce mais empreinte de prudence, trahissait une inquiétude plus profonde.

Naomi, qui d’ordinaire riait de tout, fronça légèrement les sourcils. Un éclat d’agacement passa dans ses yeux, un éclat que KEDA n’avait que rarement vu chez elle. « KEDA, je ne suis plus une enfant. Je sais ce que je fais. Karim m’apporte une stabilité que je n’ai jamais ressentie avant. Pourquoi cela te dérange-t-il autant ? » Sa voix était ferme, presque tranchante, comme pour repousser toute tentative de protection.

Le silence qui suivit fut lourd, étouffant même. KEDA détourna le regard, fixant la fumée qui s’échappait de sa tasse, cherchant dans les volutes quelque chose à dire pour apaiser la situation. Mais les mots lui manquaient. Ce n’était pas simplement Karim qui l’inquiétait, c’était cette rapidité, cette impulsivité qui caractérisait Naomi. KEDA savait qu’en amour, comme dans la vie, précipiter les choses pouvait souvent mener à des écueils.

« Je m’inquiète parce que je t’aime, Naomi », finit-elle par murmurer. « Et je ne veux pas que tu te perdes dans quelque chose qui pourrait te faire plus de mal que de bien. » Ses mots étaient sincères, chargés de cette affection qui avait toujours marqué leur relation. Mais Naomi, blessée dans son orgueil, secoua la tête avec un sourire amer.

« Tu as toujours voulu me protéger, KEDA. Toujours. Mais parfois, il faut me laisser faire mes propres choix, même si cela signifie que je dois faire des erreurs. »

Cette réplique frappa KEDA en plein cœur. Naomi avait raison, bien sûr, mais cela n’apaisait en rien ses craintes. Elle savait que le rôle de sœur aînée l’avait souvent poussée à trop vouloir contrôler la vie de Naomi, mais cette relation avec Karim semblait précipitée, presque irréfléchie. Et en plus de tout cela, il y avait ce sentiment sourd que cette nouvelle dynamique familiale risquait de perturber les plans de retour à Belvieu, de compliquer leur mission commune.

Naomi se leva doucement, laissant derrière elle un parfum d’amertume mêlé à une légère tristesse. « Je ne suis plus cette petite fille que tu devais protéger, KEDA. Laisse-moi vivre ma vie. » Et sans un mot de plus, elle tourna les talons, laissant KEDA face à ses doutes et à un sentiment d’impuissance grandissant.

Alors qu’elle regardait sa sœur s’éloigner, KEDA se demandait si elle devait laisser Naomi suivre son propre chemin, au risque de la voir trébucher. Cette distance émotionnelle qui se creusait entre elles lui faisait mal, mais était-ce le prix à payer pour l’autonomie de Naomi ? Le retour à Belvieu approchait, et KEDA se demandait si cette relation précipitée ne risquait pas d’entraver leur dynamique familiale, ou pire, de rompre un lien qui, jusqu’ici, les avait toujours unies.


Belvieu : Le lieu des héros et l’héritage effrité

Belvieu n’était pas qu’un simple village niché dans les montagnes. Il était un sanctuaire d’histoire, un témoin silencieux des luttes pour la liberté et la dignité humaine. Enfoui sous l’oubli, ce lieu portait dans ses entrailles les empreintes d’un passé glorieux, celui où les héros de l’indépendance haïtienne, ces âmes indomptables, avaient trouvé refuge. Avant de descendre vers Gonaïves pour proclamer, dans un souffle audacieux, la liberté de toute une nation, ils avaient arpenté les terres de Belvieu. Là, dans ce creuset de silence et de grandeur, ils rêvaient d’un avenir où les chaînes ne seraient plus qu’un souvenir douloureux, une marque indélébile, mais éradiquée de leurs esprits et de leurs corps.

Cependant, le rêve de liberté qu’ils avaient forgé dans le feu de la résistance s’était effrité, se décomposant sous les assauts implacables de l’histoire. Haïti, la première république noire libre du monde, avait été asphyxiée par des dettes imposées par la France, cette même nation qu’elle avait vaincue. Et comme si cette trahison n’avait pas suffi, les ingérences étrangères continuaient à ronger l’indépendance pour laquelle ces héros s’étaient battus avec tant de courage et de conviction. À chaque décennie, à chaque génération, les valeurs intrinsèques qui avaient donné naissance à cette révolution s’étaient délitées, troquées contre des promesses vides, des mains tendues vers des forces extérieures au lieu de bâtir sur les fondations de l’héritage national.

KEDA, le regard fixé sur une vieille photographie d’elle, prise à côté de l’arbre sacré de Belvieu, se demandait souvent ce que ces héros, ceux dont les âmes flottaient encore dans les collines et les vallées de ce lieu, penseraient s’ils pouvaient voir l’état actuel du pays pour lequel ils avaient sacrifié leurs vies. Cette souveraineté tant rêvée, tant chantée dans les hymnes de liberté, qu’en avait-on fait ? Les enfants de la révolution avaient-ils trahi leur propre héritage ? Belvieu, autrefois un symbole de résistance farouche et d’espoir infini, n’était-il pas aujourd’hui devenu le miroir de cet échec collectif qui pesait lourd sur les épaules de la nation ?

Le vent souffla doucement dans les feuilles de l’arbre sacré, et KEDA, avec une amertume qu’elle peinait à contenir, murmura pour elle-même, presque comme un aveu douloureux : « Nous sommes devenus la risée du monde. » Elle ferma les yeux, sentant l’ironie cinglante de ses propres mots. Ceux qui avaient renversé l’oppression étaient désormais les complices silencieux de leur propre déchéance. Au lieu de bâtir sur les fondations posées avec tant de sacrifice, ils avaient choisi la corruption et l’inertie. L’abandon des valeurs intrinsèques, cette soif de pouvoir, avait trahi l’héritage et les rêves de ceux qui avaient tout donné pour un avenir meilleur.

Le sacrifice de ces héros était aujourd’hui enseveli sous les promesses non tenues, sous l’opacité des institutions, et l’incapacité de la génération actuelle à reprendre le flambeau de la liberté avec la dignité qu’elle méritait. Belvieu, une fois sanctuaire de l’indépendance, n’était plus qu’une ombre du passé, trahi par ceux qui auraient dû protéger son essence sacrée.

Alors qu’elle fixait les collines lointaines, KEDA se demanda si cette génération, la sienne, aurait le courage de redresser ce qui avait été brisé. L’espoir de redonner à Belvieu, et à Haïti, la dignité qu’ils méritaient n’était pas complètement éteint, mais les flammes de la résilience devaient être rallumées avec une détermination à l’épreuve du temps et de la trahison.


Les blessures du passé : les cicatrices de KEDA

Les blessures du passé : les cicatrices de KEDA

Sous un ciel orageux, KEDA observait la ville scintillante de Montréal depuis le balcon de son appartement. Ce panorama lumineux contrastait violemment avec la tempête intérieure qui l’agitait. Tandis que le bruit lointain des voitures montait, assourdi par la nuit, elle se laissait engloutir par les souvenirs, ces fragments éparpillés d’une vie qu’elle tentait de reconstruire, tout comme Belvieu. Mais derrière le visage serein qu’elle offrait au monde, un abîme profond se creusait, un abîme creusé par des blessures encore béantes, malgré les années écoulées.

KEDA portait en elle les cicatrices invisibles des amours brisés. L’amour n’avait jamais été simple pour elle. Pendant ses études à Port-au-Prince, elle avait connu un homme qui, à l’époque, semblait incarner tous ses espoirs. Il était à la fois intellectuel et révolutionnaire, animé d’une fougue politique qui les liait autour de rêves communs : changer le monde, renverser le statu quo. Ensemble, ils parlaient d’avenir, d’émancipation, de liberté. Mais l’idéalisme de la jeunesse s’était rapidement effrité.

L’homme qu’elle aimait s’était laissé séduire par les promesses faciles du pouvoir et de la réussite matérielle. Au fil des mois, il avait troqué leur projet révolutionnaire contre des alliances politiques douteuses. KEDA, quant à elle, n’avait jamais pu accepter cette trahison de valeurs. Pour elle, la communauté, la solidarité, l’aide aux plus vulnérables demeuraient au cœur de son engagement. La rupture avait été aussi brutale que nécessaire, laissant en elle une plaie ouverte. Depuis, elle s’était promis de ne plus jamais confier son cœur à quiconque. Elle savait que l’amour pouvait être un piège, une porte vers la désillusion.

La brume nocturne enlaçait la ville, mais elle ne parvenait pas à apaiser les questionnements qui revenaient, encore et encore, comme une vague incessante. Marc-Antoine était différent, elle le savait. Pourtant, chaque geste de sa part, chaque parole douce et attentionnée la renvoyait à cette époque où elle avait cru pouvoir tout partager avec un homme. Elle se surprenait à faire des parallèles. Elle voyait Marc-Antoine comme cet homme de son passé, mais une partie d’elle se demandait s’il suivrait le même chemin de trahison, si, au fond, tous les hommes n’étaient pas semblables lorsqu’ils étaient confrontés à la tentation du pouvoir.

Mais il y avait autre chose avec Marc-Antoine, quelque chose qu’elle n’avait pas ressenti depuis longtemps : une tendresse, un respect mutuel qui transcendait le simple partenariat pour Belvieu. Pourtant, l’amour l’effrayait. L’idée de rouvrir son cœur, de revivre les douleurs du passé, de souffrir à nouveau… cela la paralysait. Les cicatrices étaient trop profondes, trop marquantes. Chaque instant passé avec Marc-Antoine la rapprochait d’une éventualité qu’elle avait toujours voulu fuir : celle de s’abandonner à nouveau à l’amour.

Elle soupira, la gorge nouée. Le vent soufflait doucement, mais elle sentait en elle une tempête se préparer. KEDA était partagée entre deux chemins : continuer à bâtir des murs autour de son cœur, ou laisser Marc-Antoine entrer, avec tous les risques que cela impliquait.

Ce que Belvieu représentait pour eux était plus qu’un simple projet de reconstruction ; c’était une métaphore de leur propre vie, de la possibilité d’une renaissance. Mais pouvait-elle véritablement reconstruire sa propre vie sentimentale, tout comme elle espérait reconstruire son village ? Le vent s’intensifia, comme pour lui murmurer que parfois, il fallait lâcher prise, accepter la vulnérabilité pour avancer. Pourtant, le poids de ses blessures était toujours là, et l’idée de réouvrir ces plaies la terrifiait. L’amour était devenu pour elle un territoire dangereux, où chaque faux pas pouvait laisser une cicatrice encore plus profonde.

KEDA savait que Marc-Antoine représentait une nouvelle chance, une possibilité de guérison. Mais l’écho des trahisons passées résonnait encore en elle, et la peur de l’abandon, de la douleur, restait trop présente. Pourtant, au fond d’elle, une petite voix lui soufflait que peut-être, cette fois, elle devait oser croire à nouveau, croire que l’amour n’était pas toujours synonyme de perte, mais pouvait être une force de reconstruction.

Assise là, sous les étoiles lointaines et insensibles, KEDA ferma les yeux, tentant de calmer la tempête qui battait en elle. Pour la première fois depuis longtemps, elle se surprit à prier pour la paix de son cœur, une prière que seul le temps et l’amour vrai, celui que Marc-Antoine semblait incarner, pourraient peut-être exaucer.


Marc-Antoine et ses déceptions passées

Marc-Antoine, quant à lui, était plongé dans des réflexions similaires, bien que d’une autre nature. Les relations humaines avaient toujours été pour lui un territoire instable, un champ de mines où les promesses d’amour étaient souvent trahies par les réalités du quotidien. Il se souvenait encore de son mariage, des années auparavant. Il avait épousé Julie avec l’enthousiasme d’un jeune homme croyant aux idéaux de l’amour, mais la réalité l’avait vite rattrapé. Julie n’avait jamais compris son attachement profond à Belvieu, ce lien presque mystique qu’il entretenait avec ce village oublié des montagnes. Elle voyait en lui un rêveur naïf, un homme coincé dans des idéaux trop grands pour le monde moderne, un homme qui, selon elle, se noyait dans une nostalgie du passé. Leur relation s’était érodée, non pas par manque de sentiments, mais parce que l’incompréhension avait creusé un fossé infranchissable entre eux.

La séparation avait été amère. Julie était partie, laissant Marc-Antoine avec ses rêves inachevés et une promesse silencieuse de ne plus se laisser atteindre aussi profondément. Elle lui avait appris à protéger son cœur, à se barricader derrière des murs émotionnels qui, s’ils le gardaient à l’abri, l’avaient aussi isolé. Depuis, chaque relation semblait être un terrain miné, où les fantômes du passé rôdaient, prêts à surgir à la moindre occasion.

Et maintenant, il y avait KEDA. Une femme forte, déterminée, avec une foi en la communauté et une mission bien plus grande que celle de n’importe quelle autre personne qu’il avait connue. Son amour pour Belvieu, sa passion pour aider les autres, le fascinait. Elle semblait être tout ce qu’il avait cherché, tout ce qu’il n’avait jamais trouvé ailleurs. Mais pouvait-il vraiment s’ouvrir à elle ? Après tout, KEDA n’était pas seulement une partenaire de projet. Elle représentait une promesse de quelque chose de plus grand, de plus intime, et cela l’effrayait.

Marc-Antoine sentait ce conflit grandir en lui. KEDA n’était pas Julie, elle n’était pas comme les autres femmes qu’il avait connues. Mais ce qui le fascinait chez elle pouvait aussi être ce qui rendrait une relation impossible. Sa force, sa détermination, son engagement pour Belvieu… Il se demandait s’il pouvait être l’homme dont elle avait besoin, ou si cette différence entre eux serait, comme autrefois avec Julie, un obstacle insurmontable.

Le cœur de Marc-Antoine était une terre aride, marquée par des cicatrices anciennes, des blessures qui n’avaient jamais vraiment guéri. Oserait-il laisser KEDA traverser ce désert intérieur pour atteindre ce qu’il avait longtemps enfoui sous le sable de ses déceptions ? Ou serait-elle, elle aussi, une étoile brillante mais inatteignable, dans un ciel déjà trop rempli de rêves brisés ?

L’amour comme facteur de renaissance

Mais au fond de lui, Marc-Antoine savait que cet amour latent, fragile mais palpable, était peut-être la clé de tout. L’amour, dans toutes ses formes, était le seul antidote à l’abandon des valeurs. Que ce soit l’amour pour un village délaissé ou pour une femme aussi passionnée que KEDA, Marc-Antoine comprenait que seule la réconciliation avec ses propres émotions pouvait vraiment rendre possible la renaissance de Belvieu.

Il ne s’agissait pas seulement de reconstruire des routes ou de restaurer des maisons. C’était une question de redonner vie à ce qui avait été abandonné depuis si longtemps : l’amour pour les autres, la solidarité, la capacité à rêver d’un avenir partagé. Marc-Antoine se surprit à espérer, à croire que peut-être, à travers ce projet, à travers KEDA, il pouvait aussi retrouver un chemin vers son propre cœur.

C’était là la véritable mission. Et Belvieu n’était que le miroir d’un combat plus profond. Un combat pour redonner un sens aux mots, aux promesses, aux engagements. Un combat pour retrouver la capacité d’aimer, de construire, et de croire en quelque chose de plus grand que soi.


L’amour flotte dans l’air : l’éveil des sentiments

Alors que les jours passaient et que les deux travaillaient de plus en plus étroitement sur le projet de Belvieu, l’ambiguïté de leur relation devenait de plus en plus palpable. KEDA et Marc-Antoine passaient de longues soirées à discuter des détails du projet, mais leurs conversations dérivaient souvent vers des sujets plus personnels. KEDA se surprenait à révéler des aspects d’elle-même qu’elle n’avait jamais partagés avec personne d’autre. Marc-Antoine, de son côté, trouvait en KEDA une compagne d’esprit, quelqu’un avec qui il pouvait partager ses doutes, ses espoirs, et même ses peurs les plus profondes.

Un soir, alors qu’ils étaient tous deux assis sur le balcon de l’appartement de KEDA, un verre de vin à la main, l’air semblait chargé de quelque chose de plus grand. Les étoiles au-dessus de Montréal scintillaient, et le silence de la nuit les enveloppait. Marc-Antoine se tourna vers elle, son regard plus intense qu’à l’accoutumée.

« KEDA, tu sais que nous avons parcouru un long chemin ensemble, et je sens que… » Il hésita un instant, cherchant les mots. « Je sens que ce que nous construisons ici n’est pas seulement pour Belvieu. Je ressens que quelque chose de plus se passe entre nous. »

KEDA, surprise par la franchise de Marc-Antoine, sentit son cœur s’accélérer. Elle avait toujours su que quelque chose flottait entre eux, mais entendre Marc-Antoine le verbaliser rendait les choses réelles. Pourtant, les cicatrices de son passé la rappelaient à la prudence. Elle ne voulait pas répéter les erreurs du passé, ouvrir son cœur, pour ensuite se retrouver brisée.

« Marc-Antoine, tu sais que je tiens énormément à ce que nous faisons ensemble. Mais…** » Elle marqua une pause, cherchant à rassembler ses pensées. « Je ne sais pas si je suis prête à m’engager dans quelque chose de plus… personnel. J’ai été blessée avant, et je ne veux pas que cela interfère avec ce que nous essayons de construire à Belvieu. »

Marc-Antoine, bien que touché par ses mots, comprit. Il savait que l’amour ne pouvait pas être forcé, surtout après des blessures profondes. Mais il était prêt à attendre, à lui montrer que son engagement envers elle était aussi fort que son engagement envers Belvieu.


Le tournant : un avenir à deux ?

Les jours passaient, et avec eux, une tension imperceptible s’installait entre KEDA et Marc-Antoine. Ce n’était pas une tension négative, mais plutôt un jeu d’émotions qui émergeait à chaque regard, chaque silence partagé. Les doutes qui les habitaient au début s’étaient transformés en un langage secret, une danse où chaque geste, chaque mot portait un poids qu’ils n’avaient pas encore osé reconnaître.

KEDA, qui s’était toujours protégée derrière un mur de rationalité à l’instar de son ami cba, se retrouvait à envisager un futur avec Marc-Antoine. C’était une idée qu’elle n’avait jamais osé laisser germer, mais ces moments de complicité, ces discussions tardives qui déviaient toujours vers des sujets plus personnels, lui laissaient entrevoir une possibilité qu’elle avait longtemps refusée. Marc-Antoine, de son côté, ne pouvait ignorer les sentiments naissants qui l’envahissaient. Il s’étonnait lui-même de la rapidité avec laquelle KEDA avait pris une place centrale dans sa vie, non seulement en tant que partenaire pour Belvieu, mais aussi comme une présence apaisante et mystérieuse, qui faisait résonner en lui des émotions profondes qu’il croyait oubliées.

Le village de Belvieu, autrefois simplement un projet de renouveau, s’était transformé en un miroir de leurs âmes. Chaque pas qu’ils faisaient ensemble vers la reconstruction de ce lieu semblait rapprocher davantage leurs cœurs, tissant des liens invisibles mais puissants. Belvieu n’était plus seulement une mission humanitaire ou un devoir envers leur communauté ; il devenait le symbole d’une transformation plus vaste, celle de leurs propres vies.

L’incertitude planait toujours. Comment pourraient-ils concilier leurs sentiments grandissants avec les réalités complexes de leur engagement ? Pourtant, un espoir persistant s’épanouissait en eux, non seulement pour Belvieu, mais aussi pour leur avenir ensemble.


L’incertitude d’un avenir partagé

Alors que KEDA et Marc-Antoine continuaient de naviguer entre le projet titanesque pour Belvieu et les sentiments non exprimés mais bien présents, l’incertitude devenait de plus en plus palpable. Chaque décision pour le village semblait résonner avec leur propre relation, suspendue dans un espace flou entre la camaraderie et quelque chose de plus profond. Le chemin vers la reconstruction, qu’il s’agisse de Belvieu ou de leur lien intime, était parsemé d’embûches, de doutes, et de peurs non avouées.

KEDA sentait que le moment viendrait où elle devrait faire face à ses propres angoisses. Marc-Antoine la fascinait, mais il réveillait aussi des cicatrices anciennes qu’elle préférait garder enfouies. Se protéger avait toujours été son mode de survie. Devait-elle continuer à cloisonner son cœur, ou devait-elle accepter cette ouverture, cet espoir fragile qui commençait à prendre forme ? Ce dilemme reflétait celui de Belvieu : fallait-il prendre le risque d’investir dans un avenir incertain ou se résigner à l’échec d’avance ?

Leur relation, à l’image de leur mission, demandait du courage, de la foi, et surtout, la capacité d’accepter l’imprévu. Marc-Antoine, quant à lui, voyait en KEDA non seulement une alliée de cœur, mais aussi une femme avec qui il pouvait imaginer un avenir, plus solide que tout ce qu’il avait connu jusque-là. Mais il savait qu’elle n’était pas prête, pas encore. Lui-même, avec ses propres blessures, devait s’interroger sur ses véritables attentes.

Assise face à l’horizon montréalais, KEDA laissait le verset d’Ecclésiaste résonner en elle comme une mélodie réconfortante : « Il y a un temps pour tout, un temps pour chaque chose sous le ciel » (Ecclésiaste 3:1). Ce verset était son ancre, la rassurant que tout arriverait en son temps. Mais quand ce moment viendrait, serait-elle prête à prendre le risque, à ouvrir son cœur à la fois pour Belvieu et pour Marc-Antoine ?

Le poids des responsabilités, autant envers le village qu’envers elle-même, l’écrasait par moments. Pourtant, il était évident que l’heure des décisions approchait. Le voyage imminent à Belvieu ne serait pas seulement une mission pour sauver un village, mais aussi un voyage émotionnel, une confrontation avec leurs sentiments non résolus.

Belvieu, ce village meurtri, symbolisait tout ce qu’ils avaient perdu, mais aussi tout ce qu’ils pouvaient encore regagner. L’incertitude de l’avenir flottait dans l’air, mais une chose était certaine : tant que KEDA et Marc-Antoine étaient ensemble, l’espoir resterait une lumière, aussi fragile soit-elle.

A suivre..

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