19 octobre 2025
« La corruption explose en Haïti : une culture à déraciner à tout prix, » titre Haïti-Observateur dans son éditorial
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« La corruption explose en Haïti : une culture à déraciner à tout prix, » titre Haïti-Observateur dans son éditorial

Un scandale de corruption a éclaté en Haïti, impliquant trois membres du Conseil présidentiel intérimaire (CPT). Ils sont accusés d’avoir demandé un pot-de-vin de 100 millions de gourdes à Raoul Pascal Pierre-Louis, président du Conseil d’administration de la Banque nationale de crédit, pour qu’il conserve son poste. Les accusations auraient conduit à une enquête judiciaire. Les conseillers nient les faits et dénoncent une campagne de déstabilisation politique.

L’actualité nationale est, depuis déjà plus d’une semaine, dominée par l’éclatement d’un scandale de corruption au sein de la présidence représentée par une entité multicéphale provisoire, appelée « Conseil présidentiel intérimaire » (CPT). Des sept membres ayant droit de vote, qui composent celui-ci, trois ont trempé dans une affaire sordide de demande de pot de vin à un directeur général pour lui permettre d’éviter sa mise en disponibilité. Il faut préciser que cette situation expose une réalité déroutante, en Haïti : 42,8 % des citoyens engagés dans la politique pratiquent la corruption. Cette donnée pourrait même être repensée à la hausse, si d’autres dénonciations du même genre viennent s’ajouter à celle déjà connue.

Voici le scénario qu’on a en présence. Dans son édition du 17 juillet, Haïti-Observateur, se référant à des rumeurs persistantes, qui avaient cours dans des organes de presse en ligne, avait fait allusion à des conseillers présidentiels de transition sollicitant des pots de vin de directeurs généraux susceptibles d’être révoqués pour qu’ils soient maintenus dans leurs fonctions. Au fil des jours, de tels rumeurs se précisaient, jusqu’à la publication d’un article dans le quotidien Le Nouvelliste, journal haïtien plus que centenaire. Désormais, des noms sont placés sur les acteurs en question.

En effet, sont éclaboussés, par ce scandale, Dr Louis Gérald Gilles, qui représente le groupement du 21 décembre; Emmanuel Vertilaire, pour Pitit Dessalines de Moïse Jean-Charles; et Smith Augustin, nommé par le Parti EDE de l’ex-chancelier Claude Joseph. Ces derniers sont accusés d’avoir demandé 100 millions de gourdes à Raoul Pascal Pierre-Louis, président du Conseil d’administration de la Banque nationale de crédit (BNC) pour qu’il soit maintenu à ce poste.

Mais, face aux rumeurs, aux dénonciations, dans les média en ligne, ou encore dans le quotidien Le Nouvelliste confirmant les accusations portées contre ces trois conseillers-présidents, deux de ces derniers ont proclamé leur innocence. Dans des communications séparées, MM. Augustin et Gilles ont dénoncé des dénonciations « mensongères » à leur encontre, déclarant réserver le droit d’attaquer en justice leurs détracteurs, dans le but de « défendre » leur honneur.

En ce qui concerne M. Gilles, il assimile cette situation à une attaque dirigée sur le CPT par des forces politiques voulant démanteler la gouvernance intérimaire. Dans une note rendue publique, à la capitale haïtienne, il écrit : « Cette campagne orchestrée par des secteurs puissants qui nous ont conduit dans cette situation catastrophique sécuritaire et sociale ne vise pas vraiment les trois Conseillers-présidentiels indexés mais à maintenir le pays dans le chaos afin qu’ils continuent à bénéficier de l’industrie criminelle qui s’installe dans le pays depuis quelques années ».

De son côté, Smith Augustin présentement à Paris, en France, où il se trouve, à la tête d’une représentation du gouvernement haïtien, aux Jeux olympiques d’été (JO), son Bureau de communication a diffusé un communiqué, le samedi 27 juillet, dans lequel ces allégations sont qualifiées de « mensongères et calomnieuses ». Dans sa défense, s’alignant sur la même position que son collègue Louis Gérald Gilles, et laissant croire qu’il s’agit d’une stratégie pour détruire le CPT, on relève ceci : « Notre projet de modernisation du système judiciaire effraie plus d’un, et ils sont prêts à investir pour maintenir le système sous leur contrôle. Nous ne reculerons pas et invitons tous les fils et les filles de la patrie à faire preuve de discernement et à rechercher la vérité ». Le document précise que la formation politique Pitit Dessalines, que M. Vertilaire représente, au sein du CPT, se chargera des « poursuites judiciaires », qui seront lancées contre les « diffamateurs ».

Quant à Raoul Pascal Pierre-Louis, le présumé interlocuteur de MM. Gilles, Vertilaire et Augustin, dans ce scandale de corruption, il n’y va pas de main morte. Aussi a-t-il jugé opportun, et nécessaire, de prendre la première mesure appropriée : lettre de dénonciation adressée au Premier ministre Garry Conille. Dans cette correspondance, au chef du gouvernement, M. Pierre-Louis l’informe qu’il a été contacté par les conseillers présidentiels Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire lui exigeant « un paiement de 100 millions de gourdes pour conserver son poste de président de la Banque nationale de crédit ».

Cette étape franchie par le président du Conseil d’administration de la BNC a immédiatement déclenché la première action judiciaire, sous forme d’une enquête approfondie sur ce scandale ordonnée par M. Conille. Cette lettre, adressée au directeur de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), Hans Ludwig Joseph, met immédiatement en mouvement l’action judiciaire, dont le premier acte consiste en une convocation du président du Conseil d’administration de la BNC par l’ULCC. Ce dernier est convoqué par M. Joseph, pour une audition à son Bureau, le mardi 30 juillet 2024.

On ne doit pas oublier que, en Haïti, la corruption va de pair avec l’impunité. C’est pourquoi quand la première évolue, ceux qui la pratiquent prennent consécutivement des dispositions pour se protéger contre la justice. Déjà, ils mobilisent leurs « troupes », en vue de lancer la grande offensive.

En effet, dans la mesure où les secteurs que les conseillers présidentiels représentent au CTP partagent les mêmes cultures, sociale et politique, qu’eux, ceux-là mettent leurs ressources à profit, en vue de faire échec à toutes actions, juridiques et légales, visant à leur demander des comptes. Dans cette perspective, les militants de la coalition « Engagés pour le développement/RED/Compromis Historique » se préparent à fouler le macadam, visant le lancement de manifestations devant le bureau de la ULCC. Cette initiative a pour objectif d’arrêter l’enquête annoncée, qui sera menée par cet organisme d’État, préposé à cette fin, qu’a ordonnée le Premier ministre Conille. D’ores et déjà, dans le même ordre d’idées, les secteurs juridiques et légaux proches de cette plate-forme politique véhiculent l’opinion selon laquelle le dossier de corruption lié à la Banque nationale de crédit sera tout simplement classé. Car les demandes d’argent attribuées aux trois membres du CPT n’ont pas été formulées devant témoin. Autrement dit, pas de témoin, ni de document, donc le dossier est mort né.

La manière dont les trois membres du CPT et les secteurs qui les ont nommés ont réagi porte à déduire qu’ils ne croient avoir rien fait de mal et qu’ils n’ont rien à avoir honte ou à se reprocher. Cela se comprend bien, la corruption étant leur seconde nature. D’ailleurs c’est la culture qu’ils pratiquent depuis des lustres, leur objectif étant de changer leur statut en celui de millionnaires, dans les plus brefs délais. Cela fait comprendre pourquoi ils ont mis en place une présidence intérimaire multicéphale tournante. Sans se soucier d’avoir foulé aux pieds la Constitution de 1987. Soit, plus de chances au plus grand nombre !

À Haïti-Observateur, on n’a pas été dupe, par rapport à ces dérives. Car nous l’avions même prédit. Mais nous ne nous imaginions guère qu’un tel taux de corrompus allait surgir en Haïti, qui pourrait même atteindre des sommets inimaginables. Mais nous devons imputer ces comportements à la communauté internationale qui, par le truchement de la CARICOM, à l’instar du Kenya appelé à jouer le rôle de substitut, dans la gestion de leurs décisions politico-diplomatiques, avait imposé, au peuple haïtien, une présidence à sept têtes. Système politique totalement étranger aux mœurs et coutumes du peuple haïtien, en sus de violer la Charte fondamentale de la nation, les pays, dits tuteurs d’Haïti, ont enfoncé cette présidence dans la gorge des Haïtiens, tout en faisant la sourde oreille aux protestations qui fusaient de toutes parts.

Aucun doute, l’ingérence de la communauté internationale, dans les affaires politiques haïtiennes, sous prétexte d’assistance technique, politique et diplomatique, a causé des torts immenses au pays. La somme de ces malheurs s’exprime en des coûts exigeant réparations, dont les pays concernés devraient reconnaître la légitimité. Au nom de la démocratie authentique, de la justice et de la simple décence !

Mais il est urgent de lancer maintenant le processus de déracinement de la corruption, en Haïti, par tous les moyens légaux, en dotant la gouvernance intérimaire d’outils appropriés pour entamer cette initiative, qui risque de s’étirer sur plusieurs années.

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