POINT DE VUE
par Lucien Montas
L’éducation du peuple est à faire. On a pu ces jours derniers toucher du doigt cet impératif. Et ce sont les statues, celles de Dessalines et de Pétion érigées sur la Place des Héros de l’Indépendance qui en ont fourni l’occasion.
Dès qu’elles furent montées sur leurs socles, elles attirèrent, chaque soir, au Champ de Mars un grand nombre de curieux, presque tous des gens du peuple, pour employer la terminologie courante.
Dans la plupart des cas, les gens du peuple ne peuvent, pas comme les gens appartenant à d’autres couches, exprimer de leurs sentiments profonds ou leurs opinions. Ils les expriment au contraire à haute voix. Et ces réflexions amusantes traduisent un manque total d’éducation artistique, une histoire presque complète de l’histoire de ce pays. Évidemment son inexplicable mais on ne peut pas s’empêcher, sur le moment, de grincer par la tristesse.
La conclusion logique qui s’impose, c’est que l’éducation du peuple est à entreprendre.
Il est donc que ces statues aient été érigées, si, en dehors de ce qu’elles traduisent, c’est à dire l’Hommage de la Nation aux Pères de la Patrie et la nécessité de perpétuer leur mémoire, elles suscitent chez ces êtres frustes la fierté patriotique, le désir d’accéder à la culture artistique, de pénétrer dans le cadre de notre histoire.
Pourquoi ne profiterait-on pas de cette curiosité suscitée par les Héros de l’Indépendance, pour, certains soirs à leurs pieds, organiser des causeries-conférences, vivantes et sans apprêt, à point du tout académiques, sur la figure des combattants et les grandes lignes de notre histoire.
Il y a là quelque chose de concret, de vivant, d’émouvant. Et nous verrions avec plaisir le Département de l’Éducation Nationale, le Musée du Peuple Haïtien, par exemple, se concerter autour de cette suggestion, réfléchir, l’approfondir et d’en tirer quelque chose de constructif pouvant servir à l’éducation du peuple.
S’il est normal que des êtres frustes fassent des réflexions saugrenues à propos de telle ou telle statue, on sera d’accord avec nous pour reconnaître que le fait est singulièrement réversant, s’agissant d’individus qui ont passé sous les bancs de l’école et accumulé des parchemins. Ils ne sont pas nombreux, heureusement, ceux qui sont dans ce cas.
Les commentaires sont plutôt décourageants qu’ils font à propos de tel ou tel des héros de l’indépendance nationale. Pour eux, ou parait leur de mémoire perpétuel demeure leur éducation et à faire ou à refaire.
S’il s’agit des Fondateurs de la Patrie, de ceux qui nous ont donné la liberté, nous croyons devoir demander à ces gens de la mener à la mesure de leurs intérêts et non pas les ramener à l’aune de leurs petits intérêts.
