« Le problème de la Digicel n’est pas l’investissement dans le réseau, mais la maîtrise des coûts et la rentabilité de la trésorerie », estime l’actuel Directeur Général de la Natcom
La population haïtienne n’a pas fini de compter ses morts et d’évaluer les ravages économiques causés par la guerre que lui livrent des gangs armés criminels depuis plus de 4 ans en Haïti, cependant une bataille commerciale sans gants se profile à l’horizon entre deux opérateurs du secteur Télécom. : Une entreprise multinationale, (la Digicel) dont les nouveaux propriétaires sont des investisseurs basés aux États-Unis et une autre (Natcom) dont les actions sont détenues à 60% par l’État vietnamien et à hauteur de 40% par l’État haïtien.
Cela n’arrive pas souvent qu’un Directeur Général d’un opérateur Télécom en fonction s’exprime aussi librement sur les problèmes de son principal concurrent avec autant de détails, mais c’est le cas de l’actuel Directeur Général de la Natcom, . M. Nguyen Huy Dung qui se présente comme un guerrier des temps modernes.
M. Dung a pris ses fonctions en Haïti en juin 2022. Dans une communication faite le 24 mars dernier à travers le Département Marque et Communication de Viettel, il a répondu à de nombreuses questions. A savoir, par exemple :
1- Haïti a connu de nombreux changements politiques, économiques et sociaux ces dernières années. Lorsque vous êtes devenu n°1 en part de marché avec Natcom, qu’avez-vous ressenti ?
2- – Pouvez-vous analyser de plus près les opportunités de Natcom à ce moment-là ?
3- – Mais investir dans un contexte haïtien aussi instable peut-il être une décision risquée ?
Ce qui surprend plus d’uns, c’est la façon dont il parle de la Digicel : il s’est exprimé avec une totale liberté sur son principal concurrent .
Le Directeur Général de la Natcom estime que si l’on compare l’infrastructure réseau, le nombre d’emplacements ou sites de la Digicel est 1,5 fois supérieur à celui de Natcom. Et la qualité de son réseau et sa vitesse 4G sont plus de 2 fois supérieures. Et avec cette corrélation, investir davantage de ressources ne représente pas une grande pression pour la compagnie des investisseurs américains.
Une grande pression est de notre côté car les performances du réseau sont très élevées, dit-il .
Et la pression des concurrents ( Digicel) est d’assurer l’efficacité et les profits. Ils investissent tellement que lorsqu’il y a des fluctuations, ils seront affectés par les coûts énormes des intrants, affirme t-il.
Le problème de la Digicel n’est pas l’investissement dans le réseau mais la maîtrise des coûts et la rentabilité de la trésorerie, estime le Directeur Général de la Natcom.
Le Directeur Général de la Natcom estime également que la « principale erreur de Digicel » a été sa façon d’exploiter ses antennes et stations pendant la crise du carburant et sa stratégie de tarification.
Par rapport à cette prétendue première erreur de la Digicel, il a fait les remarques suivantes :
- La Digicel a beaucoup investi , le poste est solide et méthodique. En Haïti, plus de 90 % des centrales fonctionnent généralement avec des générateurs ou des batteries solaires car il n’y a pas de réseau électrique. Ils disposent de deux générateurs fonctionnant en alternance à la station et ont investi dans un réservoir de pétrole qui peut fonctionner pendant 1 à 2 mois une fois rempli.
- Dans des conditions normales, c’est très bien. Mais lorsqu’il y a des émeutes et des manifestations, les routes sont bloquées et les camions-citernes ne peuvent pas accéder à la gare. Sans parler de la pénurie d’essence et de pétrole et du manque d’approvisionnement pour les centrales électriques. La particularité d’Haïti est que les bouleversements politiques ne durent généralement que 2 à 3 mois : le pic est le premier mois, puis le deuxième mois diminue progressivement et en mars, la société retrouve progressivement un nouvel état normal.
- S’il y a des manifestations ou des émeutes au début du cycle pétrolier (lorsque le réservoir vient d’être rempli), les stations de la Digicel peuvent survivre pendant les 2 mois suivants. Mais s’il y a une malheureuse manifestation en fin de cycle, alors que le pétrole est épuisé et qu’il faut faire le plein, la station mourra et le réseau sera perdu pendant 1 à 2 mois.
- Et la station de Natcom est toujours entretenue car il y a du personnel sur place, apportant chaque bidon d’huile. Nous collectons toutes les sources de pétrole de la société, où que nous les trouvions. Je ne continue à verser que quelques jours, sachant quel jour est le meilleur, comme une guérilla.
- Les concurrents remplissent la voiture d’huile, chez Natcom, cela s’appelle un remplissage uniforme, le remplissage une fois dure 1 à 2 mois. Je le verse sporadiquement, en apportant un bidon d’huile pour le verser 3 à 5 fois par semaine. Cette méthode est vraiment très difficile, plus difficile à gérer, et le risque de perte est également plus élevé. Mais nous sommes obligés de faire preuve de flexibilité et de nous adapter en fonction de la situation réelle.
En ce qui concerne les « erreurs de Digicel « relativement à sa stratégie de tarification , le Directeur Général de la Natcom a noté :
- Nous avons tiré les leçons des erreurs de nos concurrents lorsqu’ils ont augmenté les tarifs de manière extrême, ce qui a conduit à une crise de communication ayant un impact considérable sur la marque et les clients. Pendant ce temps, Natcom maintient toujours sa politique et dispose toujours de moyens d’augmenter les prix afin que les clients puissent voir qu’il s’agit d’une marque aimable et transparente.
- Mais c’était l’histoire d’il y a des années. En 2023, les opposants se sont « réveillés ». Leurs opérations et maintenance de réseau sont également meilleures. Ce n’est donc pas comme si leurs concurrents dormaient, ils restent l’une des marques les plus fortes en Haïti. Preuve selon les rapports financiers, à la fin 2022, la Digicel en Haïti doit représenter 20% des revenus de la société mère et constitue le plus grand marché parmi les 25 marchés de la Digicel.
- En 2023, grâce au développement de Natcom, Digicel est tombée au numéro 3 ( ?). Sur de nombreux autres marchés, elle est toujours numéro 1, comme en Jamaïque
Par rapport aux leçons tirées des prétendues erreurs de la Digicel, le Directeur Général de la Natcom précise ce qui suit :
- L’« avantage local » est un facteur d’avantage concurrentiel. L’avantage concurrentiel est créé par le rôle du peuple vietnamien et la façon de faire de Viettel. Les dirigeants de Natcom se sont personnellement rendus sur place pour saisir les opportunités du marché et identifier les avantages commerciaux. L’esprit commun de l’équipe de direction est de « travailler ensemble, atteindre les objectifs ensemble ». Quant au concurrent Digicel, il est rare que le président vienne sur place ou visite le point de vente.
- Deuxièmement, la stabilité de la politique des prix. Grâce à sa stratégie tarifaire, Natcom reste toujours 25 à 30 % moins cher que ses concurrents en lançant des forfaits voix et données gratuits. Dans un marché difficile comme Haïti, le facteur prix joue un rôle clé : comment gagner la confiance des clients, afin que ceux-ci voient Natcom comme un opérateur de réseau bon marché, transparent et aimable.
A la question si Digicel se « réveille « , que fera alors la Natcom pour continuer à être numéro un non seulement dans les télécommunications mais aussi dans d’autres domaines , le Directeur Général de la Natcom qui ne croit pas que « la Digicel est entrain de mourir « note dans sa communication :
- Natcom vient d’atteindre la première part de marché. Pour rester numéro un en Haïti, Natcom doit faire converger de nombreux facteurs tels que les revenus, les bénéfices, le rôle auprès des clients, avec l’économie et avec le pays d’Haïti. Les membres de la Natcom eux-mêmes doivent continuellement améliorer leurs connaissances, améliorer leurs capacités, avoir une nouvelle conscience et une nouvelle réflexion pour se préparer à une nouvelle période.
- L’important est « Quand l’adversaire se réveillera, est-ce que je vais m’endormir ou rester éveillé avec l’adversaire ? ».
- Les frères Natcom doivent se réveiller et ne peuvent pas dormir dans la victoire. Ce qui était bon et constituait un avantage concurrentiel au cours de la période précédente peut ne pas être applicable dans la nouvelle période et peut même créer des obstacles. La chose la plus dangereuse pour les gagnants est une mentalité subjective et méprisante.
- Beaucoup de gens pensent que notre rival Digicel est sur le point de mourir, mais je ne le pense pas.
- On ne peut pas laisser mourir la branche la plus importante de la société mère. Évidemment, si l’on regarde la corrélation, Natcom n’est pas aussi bonne que ses concurrents. Le conseil d’administration de Digicel est formé dans les meilleures écoles mondiales. Quand il s’agit de passer l’examen, je peux perdre, mais quand il s’agit d’affaires, je n’en suis pas sûr. Natcom ne réussit pas grâce aux erreurs de nos concurrents, nous réussissons grâce à nos capacités et nos capacités internes. Bons adversaires, Natcom doit être encore meilleur.
- Lorsqu’elle atteint la première part de marché, Natcom ne peut pas rivaliser éternellement avec des prix bas. L’entreprise doit passer d’une mentalité de prix compétitifs à une mentalité d’assurance qualité. Cela ne veut pas dire que Natcom efface la marque du business à bas prix. Le prix peut être moins cher que celui des concurrents, mais la qualité doit être meilleure ou égale à celle des concurrents. Dans une période économique difficile comme aujourd’hui, avec de bons prix et une qualité stable, les clients consomment naturellement davantage.