La photo de Vitel’homme Innocent sur la liste des dix fugitifs les plus recherchés par le FBI évoque un homme fou – les yeux écarquillés et sauvages, les dents serrées. C’est l’image que l’on peut attendre d’un chef de gang accusé d’avoir déstabilisé une nation, qui prétend être sous protection divine et dont la tête est mise à prix pour 2 millions de dollars pour des enlèvements présumés.
En personne, il projette une image différente, du moins pour les invités. Puissant, certes, entouré d’acolytes armés qui sautent à son coup d’œil, mais aussi très attentionné, avec une glacière remplie de sandwichs pour ses visiteurs et une tendance à se montrer philosophe dans ses conversations.
Après des semaines de négociations, CNN est entrée dans le gangland haïtien au début du mois pour s’entretenir avec Innocent, dont le groupe armé Kraze Baryé fait partie des groupes armés alliés qui ont plongé Haïti dans une crise d’anarchie. Il est une voix influente parmi les chefs de gangs du pays, et il est convaincu que la paix doit être rétablie. Mais à quelles conditions ?
La semaine dernière, aux abords du quartier de Tabarre, dans la capitale haïtienne Port-au-Prince, un camion nous a conduits à travers un dédale de chemins de terre tortueux, passant des postes de contrôle tenus par des gardes armés portant des cagoules et des masques d’Halloween. Nous avons traversé ce qui était autrefois un quartier aisé ; des bougainvilliers roses débordaient encore des hauts murs et un terrain de football verdoyant s’ouvrait sur des vues splendides de la ville en contrebas.
Au bout d’environ 45 minutes, une voiture dorée s’est arrêtée devant. Innocent en sortit. Il était mince et apparemment désarmé, vêtu d’un costume en batik à rayures vives et de mocassins souples, avec un enchevêtrement de chaînes en or et une croix drapée autour du cou. Il nous a fait entrer dans un manoir rococo, où des chaises et des canapés en velours doré, du cristal dans des vitrines et des arrangements de fleurs en plastique évoquaient les anciens propriétaires.
Nous nous sommes assis, en retirant les ours en peluche des sièges pour faire de la place, et nous avons parlé de l’avenir.
« L’Haïti que nous avons connue, la perle des Antilles dans laquelle nous avons grandi, pourrait encore redevenir la plus belle », a déclaré Innocent, s’exprimant doucement en créole haïtien. « Un jour, quelqu’un pourrait s’asseoir au Champ de Mars et manger une glace.
Aujourd’hui, le parc emblématique de la capitale, le Champ de Mars, est une zone de guerre entre les gangs et la police. Après des années de troubles politiques, de négligence institutionnelle et une série de catastrophes naturelles brutales, le malheur d’Haïti a été poussé à son paroxysme le mois dernier avec une vague de violence sans précédent de la part des gangs, qui a entraîné la fermeture de Port-au-Prince.
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