L’Edito du Rezo
Aux Etats-Unis, la démocratie s’organise ; en Haïti, elle se réinvente à chaque échéance
En Haïti, le temps électoral ressemble à une course contre le vide : chaque scrutin repart de zéro, sans archives, sans cadre permanent, et souvent sans confiance publique. Tel est aujourd’hui le cas avec ce Conseil présidentiel de transition (CPT), au sein duquel figurent trois conseillers officiellement indexés pour corruption dans une affaire qualifiée de braquage de la BNC. Quant au Conseil électoral provisoire (CEP), il souffre d’un profond déficit de crédibilité depuis la nomination, manu militari, de trois de ses membres par le conseiller-président Leslie Voltaire.
À l’inverse, aux États-Unis, l’élection s’inscrit dans une mécanique institutionnelle réglée depuis des décennies, où les candidatures se préparent près de deux ans à l’avance. Deux conceptions du pouvoir s’y révèlent : là-bas, la démocratie s’organise dans la durée ; ici, elle s’improvise dans l’urgence.

Les élections américaines obéissent à une mécanique constitutionnelle fixée depuis plus de deux siècles.
- Durée de préparation effective : environ 24 mois pour une présidentielle complète.
- Annonce des candidatures : 18 à 24 mois avant le scrutin.
- Primaires et caucus : janvier à juin de l’année électorale.
- Conventions nationales : été précédant le vote.
- Élection générale : premier mardi de novembre.
- Facteurs clés :
- Infrastructures électorales permanentes dans chaque État.
- Financement stable (budgets fédéraux et locaux).
- Listes électorales informatisées et actualisées en continu.
- Formation du personnel électoral déjà institutionnalisée.
Ce système permet à la Federal Election Commission (FEC) de n’intervenir qu’en régulation, car chaque État maîtrise sa logistique.
Haïti : une structure intermittente et dépendante
À l’inverse, en Haïti, chaque élection se présente comme un recommencement :
- Durée moyenne observée : 12 à 18 mois, dans les meilleures conditions.
- Mise en place du Conseil électoral provisoire (CEP) : souvent plusieurs mois de blocage politique.
- Révision du registre électoral : entre 4 et 6 mois selon la logistique du ONI (Office national d’identification).
- Campagne électorale officielle : 30 à 60 jours seulement.
- Formation et déploiement du personnel électoral : 3 à 4 mois.
- Sécurisation du scrutin et observation : sous forte dépendance de l’ONU et de partenaires internationaux.
Le processus haïtien souffre d’un manque de continuité : chaque CEP travaille sans archives consolidées, et la logistique dépend des financements externes (OEA, UE, USAID, Canada).
Comparaison synthétique
Élément | États-Unis | Haïti |
---|---|---|
Cadre légal | Stable depuis 1789 | Révisé ou contesté à chaque cycle |
Institution électorale | Permanente (fédérée) | Provisoire et politisée |
Durée minimale réaliste | 12 à 24 mois | 12 à 18 mois |
Budget moyen | Financement interne (public/privé) | Dépendance internationale |
Risque de contestation | Faible | Élevé |
Sécurité du scrutin | Garantie par États fédérés | Liée au contexte des gangs |
Aux États-Unis, le processus électoral est une institution permanente ; en Haïti, il reste une mission à chaque fois réinventée.
Ainsi, vouloir organiser des élections en Haïti dans un délai inférieur à douze mois, sans structure, sans sécurité et sans consensus, revient à improviser un rituel démocratique sans substance institutionnelle.