LE 7 FÉVRIER, LA FIN POUR LE CPT
Par Léo Joseph – Haïti-Observateur
C’est confirmé, de manière brutale : le sort politique des dirigeants haïtiens ne se joue plus à Port-au-Prince, mais aux Nations Unies, à New York, sous la houlette du Département d’État américain.
Laurent Saint-Cyr, président du Conseil présidentiel de transition (CPT), qui avait représenté l’exécutif haïtien à la 80ᵉ Assemblée générale de l’institution mondiale, a pris connaissance de l’amère vérité. Toutefois, de retour à Port-au-Prince, le dimanche 28 septembre, il a tenu une brève conférence de presse sans révéler la vérité — toute la vérité — concernant le leadership intérimaire.
Mais qu’en est-il du scrutin, dont la date a été réitérée par Jacques Desrosiers, le nouveau président du Conseil électoral provisoire (CEP), et prévue pour le 29 mars 2026 ?
Une délégation pléthorique et un séjour amer
À la tête d’une délégation pléthorique — composée notamment de Harvel Jean-Baptiste, ministre des Affaires étrangères, du chef du protocole Yves Mazile (ou Yves Marie Mazile) et d’autres fonctionnaires dont le nombre n’était pas inférieur à une douzaine — M. Saint-Cyr avait intégré son épouse à ce groupe, sans l’avoir jamais présentée en public en Haïti.
Il n’a pas vécu des moments heureux dans cet univers diplomatique. L’allure de son intervention, à son retour de New York, n’était pas empreinte de triomphe, comme beaucoup l’auraient attendu.
Le rappel de Washington
Il ne s’est pas éternisé dans des remarques triomphalistes. Et pour cause ! Si le chargé d’affaires américain en Haïti, l’ambassadeur Henry T. Wooster, lui a déclaré, en présence de la délégation haïtienne, de ne pas miser sur la présence du Conseil présidentiel intérimaire à la tête de l’administration au-delà du 7 février, le général américain retraité Russel L. Honoré n’a pas mâché ses mots.
La manière dont s’est exprimé ce militaire américain laisse croire que, dans les milieux gouvernementaux, politiques et diplomatiques, on ne porte pas la gent actuellement au pouvoir en Haïti dans le cœur.
Selon des indiscrétions faites par un membre de l’entourage de Laurent Saint-Cyr, présent dans le cadre de l’Assemblée générale de l’ONU à Washington, le haut gradé militaire aurait déclaré à ce dernier que son pouvoir prendrait fin tôt l’année prochaine. Il aurait été encore plus explicite en ajoutant que le CPT « ne sera plus là le 7 février 2026 ».
Le verdict diplomatique
Ce verdict contre le CPT a été rendu autrement par le chargé d’affaires américain. Avant même le vote du Conseil de sécurité de l’ONU sur la résolution créant une force de sécurité de 5 500 hommes, destinée à succéder à la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) en Haïti, l’ambassadeur Wooster s’est exprimé longuement sur l’insécurité omniprésente.
Répondant à une question d’un journaliste sur le fonctionnement du gouvernement, M. Wooster a expliqué :
« Il y a un Premier ministre, qui dirige le gouvernement, et un président du Conseil présidentiel de transition, également connu sous le nom de président. Il est le chef de l’État. (…) Les Haïtiens doivent se rendre aux urnes et élire un président. Plusieurs obstacles se sont dressés sur cette voie : la sécurité, les crises, le refus de certains membres du CPT d’agir, mais aussi la question constitutionnelle. »
Il poursuit :
« La question constitutionnelle et celle des élections ne doivent pas servir de prétexte pour ne pas agir. En d’autres termes, on ne peut pas occuper ces fonctions à vie. »
La date du 7 février sans équivoque
Ces propos laissent peu de place à l’ambiguïté. Le 7 février 2026 marquera la fin du mandat du CPT, sans aucune chance de prolongation.
Face à la date du 29 mars 2026, proposée par le CEP pour la tenue des élections, une question demeure : quelle entité organisera le scrutin, puisque, de l’avis du général Honoré, l’équipe actuellement au pouvoir n’y sera plus à cette date.
Le gouvernement multicéphale mis en place par les Américains, par le biais de la CARICOM, ne peut prolonger son mandat au-delà de cette échéance fatidique. Cela semble signifier que le patron a parlé.
Les risques d’une classe politique compromise
Reste à savoir à quels risques s’exposent les actuels décideurs politiques haïtiens.
À la lumière des sanctions imposées par les États-Unis, le Canada et les Nations Unies contre d’anciens présidents, premiers ministres, parlementaires ou hommes d’affaires, il est plausible que de nouveaux dossiers soient en préparation contre certains acteurs du pouvoir actuel.
Les dénonciations répétées de corruption et de détournement de fonds publics, notamment les accusations de pots-de-vin impliquant trois conseillers présidentiels liés à la Banque nationale de crédit (BNC), pourraient annoncer d’autres vagues de poursuites.
L’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), de son côté, a déjà indexé plusieurs conseillers, ministres, secrétaires d’État et hauts fonctionnaires pour leur implication présumée dans la corruption endémique des institutions publiques.
Une atmosphère de défiance généralisée
D’ores et déjà, des voix dénoncent cette atmosphère criminelle entretenue par le pouvoir, accusé d’avoir toléré les abus ou d’avoir servi de mauvais exemple à ses subalternes.
En fin de compte, Haïti compte un nombre croissant d’officiels compromis, opérant dans divers secteurs, alors que certains oligarques, après avoir été sanctionnés ou expulsés, ont été déclarés personae non gratae dans plusieurs villes américaines.
La réalité demeure : dans les pays qui se présentent comme les “redresseurs de torts”, on ignore encore d’où viendra la prochaine mise en accusation.