Quelques propositions pour les 100 premiers jours de la prochaine administration

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Depuis plus de 5 ans (2018 à 2024), Haïti fait face à l’une des plus graves crises de son histoire. La crise est multiple mais elle est avant tout institutionnelle. Certes le thème qui revient en boucle dans le débat public est l’insécurité. Mais,si la problématique de la sécurité domine l’actualité ne cache-t-elle pas une réalité  beaucoup plus complexe ? Où sont passées les institutions chargées de la sécurité dans le pays ?Cette réalité triste et macabre dans une certaine mesure  met à nu les problèmes de responsabilités et de missions de l’appareil étatique et des acteurs. N’est-ce pas la responsabilité des élites (la classe dirigeante) de penser, de planifier et dans une plus large mesure d’assurer la sécurité nationale ?  N’est-ce pas de la compétence des pouvoirs publics de garantir la libre circulation des vies et des biens ? Si dans la mission originelle de l’État, il revient à la machine étatique de revendiquer avec succès pour son propre compte le monopole de la violence légitime, dans la réalité socio-politique haïtienne actuelle, l’État remplit-il ce rôle quand on sait que les groupes armés instaurent quasiment un État parallèle? Sous ce regard, et selon la conception Wébérienne, l’État « détient le monopole de la violence légitime ». Sur le plan institutionnel, cela se traduit par l’institution d’une ou plusieurs forces publiques destinées à garantir les droits et libertés (Max Weber dans Le savant et le politique).

En effet, si l’on tient comptedes différents paramètres (responsabilité, mission) de l’appareil étatique, il est clair que le problème est la résultante  d’un État failli.Notons au passage qu’il n’y a plus d’élus au pouvoir depuis des lustres et que le gouvernement de transition démissionnaire a déjà passé plus de 32 mois au pouvoir sans atteindre les objectifs qu’il s’était fixé. Par conséquent, le problème est avant tout d’ordre institutionnelcar il revient aux institutions et seulement aux institutions d’aborder la problématique de la sécurité (sécurité physique, alimentaire etc.) et l’insécurité généralisée observée est la conséquence des inconséquences des acteurs qui avaient pour mission d’assurer la bonne marche des institutionspubliques. Néanmoins,  il est clair que la situation sécuritaire du pays (physique) est la manifestation la plus palpable de la déliquescence de l’État instauré dans le pays depuis plus de 70 ans déjà. Ici, il est tout aussi important de souligner que la situation s’aggrave quand on sait que des agences Onusiennes et locales dont RNDDH affirment que des groupes armés contrôlent  non seulement les routes principales du pays mais surtout près de 80% de la capitale. Des centaines de milliers de personnes, majoritairement jeunes, émigrent vers d’autres pays. Plusieurs milliers de déplacés, des cas d’enlèvement, assassinats, pillages et incendies ont été recensés etc.  (Sources: RNDDH et OIM).

Après plusieurs mois de tergiversations, le pays s’apprête à changer de cap avec de nouvelles têtes pour former une nouvelle administration. Dès lors, plus d’un se demande si cette nouvelle directionne serait pas une de plus dans la longue liste des administrations qui nous ont mené dans le chemin du temps perdu ?Mais tenant compte de la situation chaotique du pays, avons-nous le luxe de laisser cette nouvelle équipe échouer à nouveau ?  L’heure est grave. Nous devons nous engager pour exiger un meilleur pilotage du pays. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre 2 ans de plus tenant compte de la gravité du problème qui menace même l’existence du pays.Cette situation intenable et insoutenable exige un plan (voire plusieurs) urgent et efficace pour endiguer ce chaos généralisé qui gangrène le pays. En effet, tenant compte de la complexité du problème, il nous faudra dans l’urgence une combinaison de politiques responsables et d’experts de différents horizons notamment dans le domaine de la sécurité pour donner des réponses rapides et adéquates aux problèmes les plus urgents avant d’attaquer les problèmes structurels. De ce fait, les cent premiers jours seront cruciaux pour la réussite de cette nouvelle administration qui se profile à l’horizon.

On l’aura compris car c’est une évidence pour tout le monde que les premières politiques publiques du prochain gouvernement sont attendues dans le domaine de la sécurité. Il y a urgence. Et comme cela concerne tous les haïtiens, l’échec de la prochaine administration serait le revers pour tous les haïtiens. En ce sens, je me permets, en tant que citoyen engagé et responsable, de contribuer le plus modestement possible en faisant ces quelques petites propositions qui suivent. Ces dernières visent  les premiers chantiers de la reconstruction du pays.

Considérant la complexité de la situation et les différents défis qui attendent la prochaine administration, j’ai pris le soin de circonscrire mes petites propositions sur les cent premiers jours de leur installation. Chers, es membres de la prochaine administration, je vous propose de mettre en œuvre ces mesures jugées cohérentes pour bien mener les politiques publiques de sécurité du pays:

1- Déclarer l’état d’urgence sécuritaire du pays lors du premier conseil des ministres après l’installation du prochain gouvernement;

2- Publier un décret spécial dans une semaine dans lequel vous déclarez les différents groupes armés fédérés qui opèrent activement dans le pays comme organisations terroristes en requérant la peine maximale pour ces criminels;

3- Réviser la loi de finance dans un mois maximum pour allouer entre 30 à 40 % du budget pour les secteurs chargés de la sécurité, ce qui implique une augmentation considérable du budget des ministères de  la Justice, de l’intérieur et de la défense;

4- Créer un fond souverain citoyen dans lequel le peuple haïtien particulièrement la diaspora pourra aider à financer l’effort de guerre contre les terroristes;

5- Mobiliser un corps de volontaires bien encadré par la loi, limité dans le temps et en nombre pour combattre aux côtés des forces de l’ordre les terroristes; et qui pourra à l’avenir intégrer les listes prioritaires de ces institutions républicaines (Police/ armée);

6- Repenser la question du renseignement dans le pays, le renforcement des forces républicaines de sécurité à savoir la police et l’armée… mais pour des raisons éthiques, je ne m’aventure pas trop car je préfère laisser aux experts en sécurité  le soin d’explorer ce terrain-là. 

MATHE Vladimir Estefano, enseignant et spécialiste en politiques publiques et territoires.

Email: vladimirm219@gmail.com

Sources :

Max Weber, Le savant et le politique, 1919

https://news.un.org/fr/story/2023/12/1141432

https://www.iom.int/fr/news/rapport-de-loim-96-000-haitiens-deplaces-par-les-recentes-violences-des-bandes-organisees-dans-la-capitale

https://unsdg.un.org/fr/latest/stories/plusieurs-vagues-dhaitiens-risquent-leur-vie-dans-des-voyages-en-haute-mer-la

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