Le Fonds national de l’éducation en Haïti, un système mafieux de corruption créé par le PHTK néo-duvaliériste

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Par Robert Berrouët-Oriol

Linguiste-terminologue

Montréal, le 19 avril 2024

L’article de Jonasson Odigène paru en Haïti dans Le Nouvelliste du 16 avril 2024, « Le Fonds national de l’éducation dénonce une « campagne de dénigrement » et annonce des recours judiciaires », a surpris et estomaqué nombre de lecteurs. Cet article, bricolé à l’aune d’une molle paresse intellectuelle et dénué de la moindre perspective analytique, offre une tribune complaisante et à sens unique à Jean Ronald Joseph, l’actuel directeur du Fonds national de l’éducation (FNÉ), sans donner en contrepartie la parole aux voix autorisées de la société civile haïtienne, notamment celles des enseignants œuvrant dans le secteur de l’éducation. Installé en décembre 2021 par le PHTK à la direction du Fonds national de l’éducation, Jean Ronald Joseph a inauguré le 16 avril 2024, lors d’une conférence de presse, un plaidoyer en défense de l’« intégrité » de son institution et dénoncé une « campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux » contre sa personne et des cadres » du FNÉ. À défaut de présenter des documents et témoignages assermentés attestant la véracité de cette présumée « campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux », le probe directeur du Fonds national de l’éducation s’estévertué à dénoncer les « allégations mensongères » circulant sur les réseaux sociaux [tout en] pointant du doigt la « politisation d’un dossier d’ordre administratif ».Le vertueux directeur du FNÉ a fait de cette conférence de presse la rampe de lancement d’une acrobatique campagne d’intimidation destinée à juguler toute contestation de sa gouvernance et, surtout, à évacuer toute évaluation, tout bilan, tout audit comptable accessible au public sur l’usage des fonds collectés par le FNÉ.Se voulant habile, la périlleuse campagne d’intimidation lancée par le directeur du Fonds national de l’éducation est parée de la toge du Droit à l’encontre des« détracteurs » qui récupèrent un « dossier administratif » à des « fins politiques ».Le vertueux directeur du FNÉ a également « annoncé des recours judiciaires contre ceux qui ont orchestré toute cette campagne, précisant qu’une enquête administrative et juridique est déjà en cours ». Jean Ronald Joseph a du même souffleinformé qu’une demande a été faite à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif « pour un audit de la gestion de [son] administration durant les deux dernières années ». Pour sa part, le site Vantbèf info, relayant une information consignée sur le site officiel du Fonds national de l’éducation, précise que « Le numéro un du FNE a informé que des actions en diffamation ont été engagées au niveau de la justice contre ses détracteurs. « Ces attaques ne sauraient entraver le fonctionnement du FNE. Nous continuerons à œuvrer en conformité avec les lois et les normes en vigueur », a assuré M. Joseph. (…) Dans le cadre du programme PROSGATE, le FNE paie près de 4 000 contractuels pour le compte du ministère de l’Éducation nationale. Le Fonds agit en tant que caissier. Et pour l’exercice en cours, le FNE a déjà autorisé des décaissements pour trois départements, a expliqué Jean Ronald Joseph » (site Vantbèf info : « Dossier FNE : Jean Ronald Joseph clarifie », 16 avril 2024).

Le communiqué daté du 16 avril 2024 et consigné sur le site officiel du Fonds national de l’éducationa pour titre « Intervention du Directeur général lors du point de presse du 16 avril 2024 ». On y apprend que « Depuis le début de l’année, le dossier de sabotage, par un ancien informaticien de l’institution, fait l’objet d’une politisation dans les médias, exposant ainsi au grand public des données sensibles d’État.Comme déjà annoncé, une enquête administrative est déjà en cours pour faire la lumière sur cette question et clarifier les mobiles de cette action.Cette manipulation et utilisation hors contexte de ces informations ont été mises à profit d’une campagne de dénigrement adressée contre la personne du Directeur général et des cadres compétents de l’institution ». De surcroît, contrairement à l’affirmation selon laquelle le FNÉ n’agirait qu’en tant que « caissier », il est attesté, sur le site officiel du Fonds national de l’éducation, que « le FNE intervient aussi dans l’appui aux études, le financement de l’éducation et de projets éducatifs, l’appui à la cantine scolaire, l’acquisition du mobilier et [du] matériel didactique » (le souligné en gras est de RBO). Nous verrons plus loin dans le présent article si le site officiel du Fonds national de l’éducation fournit des informations chiffrées, mesurables et vérifiables éclairant ses interventions dans chacun de ces domaines… Et puisque, selon l’actuel directeur du Fonds national de l’éducation cité dans l’« Intervention du Directeur général lors du point de presse du 16 avril 2024 », « Le FNE reconnait la nécessité de communiquer davantage sur son action [une] campagne d’information sera incessamment lancée pour pallier ce déficit auprès du public qui détient le droit de savoir ». Et puisque, d’autre part, selon le directeur du FNÉ « Personne n’est au-dessus de la loi,[en] cas d’irrégularités l’État prévoit les mécanismes de contrôle à travers les institutions compétentes », il sera utile de déterminer si le site officiel du Fonds national de l’éducation donne accès aux résultats obtenus au moyen de ces présumés mécanismes de contrôle… Il sera tout aussi utile de déterminer si le site officiel du ministère de l’Éducation nationale comprend des informations chiffrées, mesurables et vérifiables relatives à l’action du Fonds national de l’éducation en appui aux études, au financement de l’éducation et aux projets éducatifs, y compris l’appui à la cantine scolaire, à l’acquisition du mobilier et du matériel didactique…

Contrairement à la tribune complaisante et à sens unique offerte par Le Nouvelliste à Jean Ronald Joseph, l’actuel directeur du Fonds national de l’éducationsans donner en contrepartie la parole aux voix autorisées de la société civile haïtienne, notamment celles des enseignants, le site AlterPresse, dans son édition datée du 17 avril 2024, fournit en ces termes un éclairage informatif supplémentaire : « [Jean Ronald Joseph]   informe avoir constitué un ensemble d’avocats pour traiter la question de la diffamation devant la justice haïtienne. Jean Ronald Joseph rapporte avoir adressé une correspondance formelle, demandant à la CSSCA de venir auditer sa gestion à la tête du FNE pendant ces deux dernières années. (…) Comme instance étatique, le Fonds national de l’éducation se plie aux exigences administratives. L’une des institutions de contrôle, qui réalise des audits pour le FNE, est la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA), rappelle-t-il » (voir l’article « Haïti-Justice : Le directeur général du FNE Jean Ronald Joseph rejette les accusations de corruption à son encontre », AlterPresse, 17 avril 2024). De manière fort pertinente et dans le même article, AlterPresse révèle qu’« Il existerait une vague de corruption à la direction générale du Fonds national de l’éducation, a révélé l’avocat militant Me. Caleb Jean-Baptiste, en conférence de presse le jeudi 28 mars 2024. Caleb Jean-Baptiste a pointé du doigt, dans ces actes de corruption, l’actuel directeur général du FNE, Jean Ronald Joseph, l’ancien député de Marigot, DéusDéronneth, et l’ancien secrétaire d’État à la communication, Eddy Jackson Alexis ».Le site tandans7.org, dans son édition du 16 avril 2024, révèle l’existence toute récente d’une pétition initiée par le juriste Caleb Jean-Baptiste, «Corruption au FNE : Une pétition lancée par Me Caleb Jean-Baptiste pour demander des comptes ». Cet article expose que « L’avocat haïtien Me Caleb Jean-Baptiste a lancé une pétition pour exiger des comptes dans l’affaire de dilapidation des fonds du Fonds national de l’éducation (FNE). Ces fonds proviennent notamment de la contribution de 1,50 $ de la diaspora et des frais sur les appels téléphoniques, des sources cruciales de financement pour le secteur éducatif en Haïti.Me Jean-Baptiste appelle la justice à prendre des mesures fermes pour lutter contre ce scandale de corruption, notamment en gelant les comptes bancaires et en saisissant les biens des personnalités impliquées dans le détournement des fonds. (…) Le détournement des fonds du FNE est un coup dur pour le secteur éducatif haïtien, car ces ressources étaient destinées à financer des projets essentiels pour le développement de la jeunesse du pays. La démarche de Me Jean-Baptiste vise à rendre justice et à garantir que les responsables de cette dilapidation rendent des comptes à la population haïtienne ».

Il y a lieu de noter que lors de la conférence de presse du directeur du FNÉ le 16 avril 2024 et à laquelle a assisté AlterPresse, Jean Ronald Joseph n’a fourni aucun document officiel attestant qu’il aurait demandé « à la CSSCA de venir auditer sa gestion à la tête du FNE pendant ces deux dernières années ». De surcroît, sur le site officiel du Fonds national de l’éducation, très précisément aux rubriques « Notre action » et « Centre de presse », nous n’avons trouvé aucun document officiel attestant que l’actuel directeur du Fondsnational de l’éducation aurait entrepris la moindre démarche auprès de la CSSCA en vue d’un audit indépendant… Ces rubriques ne consignent pas non plus la moindre information attestant la véracité des allégations formulées en conférence de presse par le directeur du FNÉ le 16 avril 2024, à savoir qu’il aurait « constitué un ensemble d’avocats pour traiter la question de la diffamation devant la justice haïtienne ». Aussi, l’aventureuse campagne d’intimidation lancée le 16 avril 2024 par le directeur du Fonds national de l’éducation –même parée de la toge du Droit à l’encontre de présumés « détracteurs » qu’il s’est gardé d’identifier à visière levée–, semble être directement en lien avec la sous-culture de l’impunité qui gangrène la société haïtienne dans son ensemble. Elle semble tout aussi directement abouchée à la sous-culture duvaliériennedes « bandits légaux » promue par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste.NOTE – Sur les « bandits légaux », voir l’article de haute facture analytique de Laënnec Hurbon,sociologue, directeur de recherche au CNRS(Paris) et professeur à la Faculté des sciences humaines de l’Université d’État d’Haïti, « Pratiques coloniales et banditisme légal en Haïti » (Médiapart, 28 juin 2020) ; voir aussi l’article « La philosophie du “bandit légal” en Haïti: de la verbalisation à la matérialisation », site Trip foumi, 10 avril 2022. Sur la problématique de l’impunité, voir le rigoureux « Mémoire portant sur la lutte contre l’impunité en Haïti » élaboré par le Collectif haïtien contre l’impunité et Avocats sans frontières Canada et présenté le 2 mars 2018 à la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Voir aussi les différents rapports et communiqués d’Amnesty international, entre autres « Haïti: un nouveau pas vers la fin de l’impunité » (6 juin 2001) et « Haïti n’oubliera pas les violations commises dans le passé » (26 avril 2013). Voir également l’ample et fort bien documentée étude « Massacres cautionnés par l’État : règne de l’impunité en Haïti » réalisée par la Harvard Law School International Human Rights Clinic et l’Observatoire haïtien des crimes contre l’humanité (avril 2021).

Au creux de la tribune complaisante et à sens unique offerte par Le Nouvelliste à l’actuel directeur du Fonds national de l’éducation (FNÉ), que nous enseigne la réalité des faits observables et vérifiables ? En quoi consiste le FNÉ et quelle est sa mission ? Depuis sa création, le Fonds national de l’éducation a-t-il déjà présenté au moinsun bilan comptable public –réalisé par une firme d’audit indépendante et/ou par l’ULCC (l’Unité de lutte contre la corruption) au nom de l’État haïtien–, des sommes colossales amassées puis distribuées dans le système éducatif national ?  Le site officiel du Fonds national de l’éducation –qui affiche curieusement à sa page d’accueil la mention « Une Direction générale du ministère de l’Éducation nationale, ce qui est fauxtant sur le plans juridique que sur le plan administratif »–, comprend quatre grandes rubriques qui, selon leur appellation, seraient destinées à informer : « L’institution », « Notre action », « Centre de presse » et « Ressources ». Nous y reviendrons plus loin dans cet article.

Le Fonds national de l’éducation et le PSUGO sont au sommet d’une vaste entreprise de corruption et de détournement des ressources financières de l’État dansle système éducatif national haïtien 

Fonctionnant à ses débuts sans cadre légal, le Fonds national de l’éducationa été formellement créé par la loi du 17 août 2017à l’initiative des deux principaux caïds du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, Michel Martelly et Laurent Lamothe qui, à plusieurs reprises, se sont publiquement attribué le titre combien révélateur de « bandits légaux ». Au chapitre des pratiques managériales des « bandits légaux » oeuvrant au sein du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste, le réputé site AlterPresse–édité en Haïti et réputé pour la rigueur de ses dossiers de presse–, fournit des données de première main sur le glorieux passé d’homme d’affaires en Afrique de Laurent Lamothe. Daté du 1er avril 2013, l’article d’AlterPresse, « Haïti-Politique : Laurent Lamothe se tourne vers la Côte d’Ivoire »,informe que « Le gouvernement haïtien, via son premier ministre Laurent Salvador Lamothe, met le cap sur l’Afrique, particulièrement la Côte d’Ivoire.La « diplomatie d’affaires » est allée dire qu’Haïti est ouverte aux affaires, sur un continent où Lamothe a fait fortune avec sa multinationale Global Voice.Lamothe aurait thésaurisé une grande partie de sa fortune, sur le continent africain avec sa multinationale de télécommunications Global Voice ». Dans le même article, il est précisé que « Laurent Lamothe est considéré comme un escroc au Sénégal. Car ses principaux associés, dans sa compagnie Global Voice, sont actuellement en prison et lui-même se trouve sur une liste de personnalités recherchées », rapporte l’avocat Newton St-Juste, un des invités à l’émission « Ranmase » de la station privée Radio Caraïbes le samedi 30 mars 2013.Le Premier ministre serait [à la] recherche d’une « médiation monnayée » auprès du président ivoirien Alassane Ouatarra pour régler en douce ses « démêlés » avec la justice sénégalaise ».

Il est attesté que le Fonds national de l’éducation, vaste structure gangstérisée de « pompage » des ressources financières de l’État,créé par la loi du 17 août 2017, n’a jamais été inscrit au Budget officiel de l’État haïtien.Il est donc une structure opérationnelle échappant à tout audit du Parlement haïtien, institution de contrôle de l’action du gouvernement et qui a été atrophiée et frappée de caducité par le PHTK. Il est également attesté que le FNÉ n’a fait l’objet d’aucun audit comptable diligenté par l’ULCC (l’Unité de lutte contre la corruption) dans le contexte où la corruption endémique est un sujet majeur de société aussi bien en Haïti qu’à l’échelle internationale comme en témoigne Transparency International dans son étude intitulée « La corruption dans le secteur éducatif / Document de travail » (avril 2007).Pour mémoire il est utile de rappeler que « Le Fonds national de l’éducation (FNE) est un organisme autonome de financement de l’éducation, placé sous la tutelle du ministère chargé de l’éducation nationale et de la formation professionnelle et créé par la loi du 17 août 2017, parue au Moniteur n° 30 du vendredi 22 septembre 2017. Le FNE jouit de l’autonomie financière et administrative. Il est doté de la personnalité juridique et sa durée est illimitée » (source : site officiel du Fonds national de l’éducation).

De manière statutaire, leFonds national de l’éducation a pour mission de participer à l’effort de l’éducation pour tous et de gérer les fonds destinés au financement de l’éducation. (…)[Le FNÉ] intervient dans plusieurs domaines, notamment la construction d’infrastructures, la rénovation des bâtiments scolaires, l’appui au Programme de cantines scolaires, le paiement des frais de scolarité, le paiement des frais pour les enseignants, la dotation d’équipements scolaires, le financement de projets éducatifs, l’appui aux étudessupérieures. (…)La présidence du conseil [d’administration du FNÉ] est assurée par le ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle, la vice-présidence par celui de l’Économie et des finances » (source : site officiel du Fonds national de l’éducation). [Le souligné en italiques est de RBO] L’apparition du Fonds national pour l’éducation au creux de la structuration de la corruption dans le système éducatif haïtien est un sujet majeur de société et comme tel ce « Fonds » a fait l’objet de diverses analyses. Il y a lieu de mentionner l’éclairage de Jesse Jean consigné dans son « Étude de l’aide internationale pour la réalisation de l’éducation pour tous en Haïti » – Thèse de doctorat, Université Paris-Est Créteil Val de Marne, 13 janvier 2017. Dans cette thèse de doctorat, Jesse Jean précise que « Le Projet de loi portant création, organisation et fonctionnement du Fonds national pour l’éducation (FNÉ) n’a jamais été ratifié par le Parlement haïtien. Ainsi, l’utilisation du FNÉ n’est toujours pas légale et les taxes sont prélevés tous les jours par l’État haïtien. Bref, en 2013, soit deux ans après la création du Fonds national pour l’éducation, les montants collectés par exemple sur les appels téléphoniques étaient évalués, d’après les chiffres indiqués par le Conseil national des télécommunications (le CONATEL) à 58 066 400, 63dollarsaméricains. Et les taxes prélevées sur les transferts d’argent entrants et sortants s’élevaient à plus de 45 238 095 dollars US » (Jesse Jean,op.cit., page 132). NOTE / Sur le site officiel du Fonds national de l’éducation, il est précisé que ce « Fonds » a été créé par la loi du 17 août 2017 ; dans la thèse de doctorat de Jesse Jean, il est mentionné à la page 132 que le FNÉ aurait été créé en 2011… Il semble donc y avoir des divergences quant à la « date de naissance » du Fonds national pour l’éducation. Ainsi, dans l’article «Haïti : l’UNESCO salue la création d’un fonds national pour l’éducation », il est dit que « La Directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Irina Bokova, s’est félicitée mardi de la création d’un Fonds national pour l’éducation (FNE), lancé par le Président d’Haïti récemment élu Michel Martelly. L’objectif de ce fonds, dont la création a été annoncée le 26 mai [2011], est de mobiliser les ressources financières afin de scolariser les enfants les plus défavorisés. Doté de 360 millions de dollars sur une période de cinq ans, ce fonds est le plus important jamais créé pour les enfants non scolarisés.Le FNE estun consortium multisectoriel qui réunit le gouvernement haïtien, le secteur privé, les institutions financières internationales et les organisations non gouvernementales (ONG). Il est financé majoritairement par le prélèvement de 0,05 dollar sur les appels internationaux entrants et de 1,5 dollar prélevé sur chaque transfert international de fonds. » (Source : ONU Info, 14 juin 2011 ; les italiques et gras sont de RBO). À ce chapitre, il ne faut pas perdre de vue que leFNE, consortium multisectoriel regroupant notamment les institutions financières internationales, n’est pas inscrit au budget de la République d’Haïti et n’est pas de ce fait soumis au contrôle du Parlement : il ne rend compte qu’au pouvoir politique détenu frauduleusementdepuis onze ans par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste…

Ce qui s’apparente à des divergences quant à la « date de naissance » du Fonds national de l’éducation –2011 plutôt que 2017–, recouvre la réalité que ce qui deviendra en 2017 un organisme d’État placé sous tutelle du ministère de l’Éducation nationale a commencé à fonctionner sans cadre légal en 2011. À cet égard, plusieurs questions de fond demeurent ouvertes : (1)quel est le montant total des sommes amassées par le FNÉ de 2011 à 2024 ? (2)Les sommes totales amassées par le FNÉ de 2011 à 2024 ont-elles fait l’objet, chaque année, d’un état financier (provenance des fonds, recettes et dépenses, pièces justificatives) ? Alors même que l’actuel directeur du FNÉ part en croisade contre une présumée « campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux » visant son institution, comment se fait-il qu’il n’ait jamais présenté (3)les états financiers (provenance des fonds, recettes et dépenses, pièces justificatives)duFonds national pour l’éducation depuis son arrivée à la direction de cette institution en 2021? L’on a bien noté que lors de sa conférence de presse du 16 avril 2024, l’actuel directeur du FNÉ n’a présenté aucun document officiel intitulé « États financiers duFonds national pour l’éducation » couvrant la période 2021 (date de son installation au poste de directeur) à 2024 : Jean Ronald Joseph devrait savoir que l’audit comptable qu’il croit pouvoir réclamer ne peut être conduit en l’absence des états financiers de son institution… (4) Quatrième question majeure : qu’est-ce qui justifie que les États financiers duFonds national pour l’éducation, de 2011 à 2024, soient l’objet d’une totale omertà, d’un assourdissant « secret des tombes » ?(5) Cinquième question majeure : la nomination de Jean Ronald Joseph à la direction du Fonds national pour l’éducationest-elleconstitutionnelle et juridiquement fondée ? Cette nomination n’aurait-elle pas dû être approuvée par le Parlement ? –il est vrai qu’en 2021 le Parlement avait déjà été « démantibulé » par le PHTK, mais le principe de la sanction parlementaire demeure fondé puisque la Constitution de 1987 est toujours en vigueur. Dans cette optique, il est fondé de soutenir que tous les actes administratifs posés par l’actuel directeur du FNÉ sont inconstitutionnels et illégaux –même s’ils ont été approuvés par le ministère de tutelle, le MENFP–, et l’actuel directeur du FNÉne dispose d’aucune provision légale pour engager « des actions en diffamation (…) au niveau de la justice contre ses détracteurs »comme il l’a annoncé durant sa conférence de presse le 16 avril 2024. Une sixième question doit aussi être posée : (6) la Constitution de 1987 et les lois en vigueur autorisent-t-elles un ministre à être président du Conseild’administration d’une institution autonome d’État comme c’est le cas au FNÉ (« La présidence du conseil [d’administration du FNÉ] est assurée par le ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle, la vice-présidence par celui de l’Économie et des finances » (source : site officiel du Fonds national de l’éducation). Septième question majeure : (7) n’y a-t-il pas conflit d’intérêt lorsqu’un ministre, exerçant un droit de tutelle sur une institution d’État, est en même temps le président du Conseil d’administration de cette institution ? Cette septième question majeure doit être mise en perspective sur le registre de la déontologie de la gouvernance d’autant plus que le ministre de facto de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat, a dernièrement occupé le poste de président du Comité de gouvernance, d’éthique, du risque et du financement du Partenariat mondial pour l’éducation…En amont de la rédaction du présent article, nous avons lu attentivement le texte de la « Loi portant création organisation et fonctionnement du Fonds national de l’éducation » (Le Moniteur numéro 30, 22 septembre 2017). Dans ce document, nous n’avons trouvé aucune trace de la justification et/ou de la légalité de la nomination d’un ministre, celui de l’Éducation en particulier, au poste de président du Conseil d’administration d’une institution autonome d’État comme c’est le cas au FNÉ… Au chapitre 1 article 2, page 36 de la « Loi portant création organisation et fonctionnement du Fonds national de l’éducation », il est précisé que le FNÉest placé sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale : aucune mention n’est faite de la nomination du ministre de tutelle au poste de président du Conseil d’administration du Fonds national d’éducation… 

Vaste structure de « pompage » et d’escroquerie des ressources financières de l’État haïtien, le Fonds national de l’éducation a été l’objet de nombreuses dénonciations citoyennes comme nous l’avons exposé plus haut dans cet article. Ainsi, « Depuis sa création, le Fonds national de l’éducation a (…) fait l’objet de vives critiques notamment pour sa gestion occulte. En effet, personne ne sait avec précision combien d’argent a déjà été collecté au nom de cet organisme par la Banque centrale et le CONATEL (Conseil national des télécommunications). L’absence de transparence dans la gestion du FNÉ a même suscité l’inquiétude de certains secteurs de la société civile. À ce propos, voici ce que le dirigeant de l’initiative de la société civile (ISC) Rosny Desroches eut à déclarer le 7 aout 2012 :  « L’orientation que prend ce Fonds nous inquiète en tant que citoyen, car elle va dans le sens de la concentration des pouvoirs aux mains de l’Exécutif, de l’affaiblissement du Ministère et de la négation des principes démocratiques de participation, de contrôle, de transparence, d’équilibre des pouvoirs » (…) Initialement, lorsque le chef de l’État [Michel Martelly] a lancé le Fonds national de l’éducation, il projetait de collecter au moins 180 millions de dollars sur les appels téléphoniques et le même montant sur les transferts pendant une période de cinq ans. Ce qui revient à dire qu’il voulait collecter un montant de 360 millions de dollars sur cinq ans pour scolariser 1, 5 million de jeunes haïtiens privés d’éducation. Et selon les calculs faits par le pouvoir, quand il combine les deux taxes, celles-ci devraient rapporter au moins 8 millions dedollars par mois pour alimenter le FNÉ. (…) Le 30 septembre 2011, le principal conseiller de Michel Martelly en éducation, George Mérisier (…) a annoncé que 28 millions dedollars US avaient déjà été collectés dans le cadre du financement du Fonds national de l’éducation. (…) Le vrai scandale éclatera lorsque, le 7 janvier 2012, dans un article du New York Times, Denis O’Brien, fondateur de la Digicel a déclaré que sa compagnie avait déjà versé 11.1 millions de dollars américains au CONATEL. Il a indiqué également qu’il en avait parlé au président Martelly des rumeurs concernant les 26 millions de dollars manquants et qu’il allait en faire une affaire personnelle. Il réclame un audit. Dans une note rendue publique le 10 janvier 2012, la compagnie confirme les déclarations du patron et annonce que le virement des frais de décembre se ferait le 20 janvier pour un montant de 1.945 million de dollars américains. Ce qui porte à 13 millions de dollarsaméricains le montant total des frais versés seulement par la Digicel au CONATEL sans compter les autres opérateurs téléphoniques présents sur le marché haïtien » (New York Times, 7 janvier 2012, cité dans l’article «Où est l’argent du Fonds national de l’éducation ? », Haïti liberté, 29 janvier 2013).Toujours au chapitre des recettes amassées par le Fonds national de l’éducation, Joseph Frantz Nicolas, le directeur général sortant du ministère de l’Éducation, a publiquement déclaré « qu’avec un peu plus de 7 milliards 521 millions de Gourdes versées dans ce Fonds, plus de 5 milliards 513 millions ont été investis de 2018 à 2021 dans divers chantiers et programmes résumant l’utilisation de ces fonds durant ses 3 ans en poste » (voir l’article « Haïti – Éducation : Fonds national de l’éducation, 5 milliards 1/2 investi en 3 ans », Haïti liberté, 22 décembre 2021). Joseph Frantz Nicolas n’a toutefois fourni aucune information documentée sur un éventuel audit comptable de l’utilisation de ces énormes recettes qui, faut-il encore le rappeler, ne sont pas inscrites dans le Budget de l’État haïtien et ne sont l’objet d’aucun contrôle du Parlement.

La saga du Fonds national de l’éducation créé par le PHTK néo-duvaliériste rappelle celle instituée par le dictateur François Duvalier pour asseoir un vaste système de corruption et de « pompage » des ressources financières du pays à travers la Régie de tabacet desallumettes dès le milieu des années 1960. L’une des caractéristiques opérationnelles de cette régie de la dilapidation gangstérisée était l’utilisation d’un « compte non-fiscal » créant un monopole du tabac. Ce dispositif a par la suite été instrumentalisé dans d’autres entreprises gouvernementales qui ont servi de caisse noire et sur lesquelles aucun bilan n’a été trouvé. Dans son célèbre ouvrage « Idéologie de couleur et classes sociales en Haïti » (Presses de l’Université de Montréal, 1987), la sociologue Micheline Labelle nous enseigne qu’« une grande part des recettes extra-budgétaires, provenant surtout de la Régie du tabac et des allumettes et représentant au moins 40% des recettes totales de l’État, alimente largement les dépenses en frais militaires non encourues par le budget de la défense (Girault, 1975 : 62). On sait que cet organisme est le grand pourvoyeur de fonds du budget de répression et que le gouvernement refuse encore la fiscalisation de ses comptes, en dépit des demandes de rationalisation administrative [p. 30] de tous les organismes internationaux à ce jour ». De la Régie de tabacet desallumettes à l’actuelFonds national de l’éducation qui n’est pas soumis au moindre contrôle du Parlement haïtien au demeurant asphyxié par le PHTK, la filiation duvaliériste est historiquement établie et une telle donnée historique ne figure certainement pas dans les critères d’attribution par l’International des importantes sommes transférées à Haïti dans le domaine de l’éducation. Il importe de rappeler que l’actuel titulaire de facto de l’Éducation nationale –brillant économiste de formation, familier des procédures de gestion administrative internationale et fort de son passage à la présidence du Comité de gouvernance, d’éthique, du risque et du financement du Partenariat mondial pour l’éducation–, n’est pas sans savoir qu’il y a une parenté historique directe entre la Régie de tabacet desallumettes et le Fonds national de l’éducation. Sur ce registre, il y a communauté de vue parmi les meilleurs spécialistes haïtiens qui constatent que l’« amnésie sélective » pratiquée d’une main de maître par l’actuel ministre de facto de l’Éducation nationale dans le dossier du Fonds national de l’éducationfait de lui la caution intellectuelle de la stratégie du PHTK dans la reproduction de la corruption systémique au sein du système éducatif national.

Dans le déroulé du présent article, nous avons exposé et exemplifié la réalité que le Fonds national de l’éducationest au sommet d’une vaste entreprise de corruption et de détournement des ressources financières de l’État dans le système éducatif national haïtien. Les sommes colossales engrangées par leFonds national de l’éducation, plus haut citées,n’ont fait l’objet d’aucun bilan chiffré sur le mode d’un tableau récapitulatif assorti d’un audit comptable public et consultable. Il s’agit, tel que précisé plus haut, de : 180 millions de dollars sur les appels téléphoniques, 360 millions de dollars sur cinq ans, 8 millions dedollars par mois pour alimenter le FNÉ, 28 millions dedollars US, les 11.1 millions de dollars américainsversés au CONATEL, puis 13 millions de dollarsaméricains versés seulement par la Digicel au CONATEL(New York Times, 7 janvier 2012, cité dans l’article «Où est l’argent du Fonds national de l’éducation ? », Haïti liberté, 29 janvier 2013).À ces sommes colossales s’ajoutent plus de 7 milliards 521 millions de Gourdes versés dans ce Fonds et plus de 5 milliards 513 millionsde Gourdes investis de 2018 à 2021 dans divers chantiers et programmes(voir l’article « Haïti – Éducation : Fonds national de l’éducation, 5 milliards 1/2 investi en 3 ans », Haïti liberté, 22 décembre 2021).

Sur le registre de la reddition des comptes que la société haïtienne a le droit d’exiger des administrateurs du Fonds national de l’éducationet de son ministère de tutelle, le MENFP –où règnent à ciel ouvert comme à pas feutrés la corruption et la dilapidation des ressources financières de l’État–, nous avons effectué une consultation méthodique dusite officiel du Fonds national de l’éducation, en particulier à la rubrique « Notre action ». Celle-ci comprend les sous-rubriques « Infrastructures scolaires », « Financement de l’éducation », « Carte des interventions » et « Événements ». Il est hautement significatif que la sous-rubrique « Infrastructures scolaires » dusite officiel du Fonds national de l’éducationne présente aucuntableau récapitulatif de la totalité des interventions présumées du FNÉ dans le domaine des infrastructures scolaires de 2017 à 2024 (nombre total des interventions, nature et localisation des interventions, durée et coût réel de chacune des présumées interventions). L’information privilégiée à la rubrique « Notre action » est plutôt de nature déclarative et les réalisations présumées, objet de « reportages », ne sont nullement attestées par une documentation consultable (exemple de reportage sur le site du FNÉ : « Le FNE supervise plusieurs chantiers d’infrastructure dans le Grand Sud », 17 novembre 2023).

Quant à elle, la sous-rubrique « Financement de l’éducation » ne présente aucuntableau récapitulatif de la totalité des interventions présumées du FNÉ au chapitre du financementde l’éducation de 2017 à 2024.Or c’estprécisément à ce chapitre que se nouent toutes LES STRATÉGIES D’INVISIBILISATION de la corruption et du détournement des ressources financières du secteur de l’éducation en Haïti : RENDRE INVISIBLES ET NON TRAÇABLES LES DIVERSES OPÉRATIONS DE DÉTOURNEMENT DES RESSOURCES FINANCIÈRES DU SECTEUR DE L’ÉDUCATIONCONSISTE À LES MAQUILLER, À LES RENDRE INDISPONIBLES, À LES SOUSTRAIRE À DES AUDITS COMPTABLES… Sur lesite officiel du Fonds national de l’éducation, la sous-rubrique « Financement de l’éducation » a souvent recoursà des « reportages de divertissement », aux « promenades d’inspection de chantiers » du directeur du FNÉ plutôt qu’à l’exposé documenté et analytique de la gestion financière de la totalité des interventions présumées du FNÉde 2017 à 2024 : c’est précisément en cela que réside l’opacité managériale du Fonds national de l’éducation, c’est sur ce registre que son « système dilapidateur » trouve son ancrage le plus… payant. À ce niveau et sur le plan historique, le « « système dilapidateur » –tel que modélisé au Fonds national de l’éducation, comme d’ailleurs au PSUGO–, appartient à la même cordée que celui de la Régie de tabacet desallumettes de François Duvalier, aux « Petits projets de la Présidence » des granmanjèlavalassiens, aux projets « Ede Pep » et « Carte rosed’assurance santé à la population »du PHTK de Martelly/Lamothe, ainsi qu’au tout aussi faramineux et démagogique projet « Elektrisite 24/24 » de Jovenel Moïse… Il y a lieu toutefois de noter que le « système dilapidateur » modélisé au Fonds national de l’éducation se démarque des autres, que nous venons de citer, par son ancrage dans une conjoncture où le PHTK néo-duvaliériste a profondément « démantibulé », atrophié et rendu caduques les institutions régaliennes de l’État, avec pour point d’orgue l’hyper centralisation des trois pouvoirs (l’exécutif, le parlementaire et le judiciaire) aux mains d’un seul homme, Ariel Henry, l’homme de paille du secteur le plus mafieux du PHTK lié aux gangs violents qui aujourd’hui sèment la terreur sur l’ensemble du territoire national.

Le « système dilapidateur » modélisé au Fonds national de l’éducation est également à l’œuvre dans le scandale du détournement massif des fonds du programme Petrocaribe à l’échelle du pays tout entier. Ainsi,  « La Cour supérieure des comptes d’Haïti déplore, dans un nouveau rapport publié lundi, la gestion frauduleuse et souvent illégale, par les divers ministères et administrations, de centaines de millions de dollars d’aide offerts par le Venezuela entre 2008 et 2016 (voir l’article « Corruption: la Cour des comptes étrille le pouvoir haïtien », La Presse, Montréal, 17 août 2020). Le même article précise que « Les six gouvernements haïtiens qui se sont succédé depuis 2008 ont lancé pour près de deux milliards de dollars de projets sans, le plus souvent, se soucier des principes de base de la gestion de fonds publics (…) ». L’information véhiculée par la presse haïtienne et étrangère confirme la réalité du « système dilapidateur » dans la gestion des fonds du programme Petrocaribe. Ainsi, « (…) la Cour supérieure des comptes d’Haïti (CSCCA) a publié une enquête de 600 pages portant sur des dépenses de plus de 2,3 milliards de dollars liées à Petrocaribe entre 2008 et 2016, date à laquelle Jovenel Moïse a finalement remporté la présidence. Le rapport fait état de près de 2 millions de dollars de paiements douteux versés à Jovenel Moïse fin 2014 et début 2015. Le plus important versement a eu lieu quelques jours à peine après son enregistrement comme candidat à la présidence du parti au pouvoir » (voir l’article de Jake Johnston, « Les ramifications internationales du scandale Petrocaribe », Center for Economic and Policy Research,11 juin 2019).

Dans ce contexte, il est peu vraisemblable que dans un pays gangréné par la corruption au plus haut niveau de l’appareil d’État, l’ULCC (l’Unité de lutte contre la corruption) ou la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif soient « autorisées » par le PHTK à enquêter sur des malversations financières dans le secteur de l’éducation en dépit de leur dénonciation publique par des institutions de la société civile et par la presse locale. Sur le registre de la « sousculture de l’omertà » et de l’impunité que cultive le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste dans l’Administration publique haïtienne, il est nécessaire de rappeler l’unique prise de position publique du ministre de facto de l’Éducation nationale Nesmy Manigat enregistrée par la presse haïtienne au sujet du PSUGO, la seconde vaste entreprise de corruption et de détournement des ressources financières de l’État dans le système éducatif national haïtien : « Le ministre de l’Éducation Nationale, Nesmy Manigat, affirme que les 85 directeurs d’écoles récemment épinglés pour corruption dans le cadre du PSUGO ne représentent qu’une infirme partie des détournements de fonds publics dans le secteur éducatif. » Et sans identifier les mécanismes institutionnels de ces détournements de fonds publics, il a précisé que « Plusieurs centaines d’écoles sont impliquées dans ces détournements (…) rappelant que les directeurs corrompus ont des connexions au sein du ministère de l’Éducation » (voir l’article « Important réseau de corruption au sein duPSUGO », Radio Métropole, 13 juillet 2015). Les directeurs d’écoles épinglés et leurs contacts opérationnels au sein du ministère de l’Éducation nationale n’ont pas été identifiés et encore moins traduits en justice : ils ont bénéficié de l’obscure impunité qui gangrène le corps social haïtien ainsi que les institutions du pays. La presse haïtienne a bien noté que dèsson retour, en novembre 2022, à la direction du ministère de l’Éducation nationale, le mêmeNesmy Manigat a vite fait de reconduire le décrié PSUGO qu’il ne s’était pas privé ponctuellement de dénoncer en juillet 2015… La « super vedette » médiatiqueet ministrede factode l’Éducation nationale Nesmy Manigat–qui a dans un passé récent a dirigé leComité de gouvernance, d’éthique, du risque et du financement au Partenariat mondial pour l’éducation–, a certainement une lecture très sélective des exigences politiques de la« sousculture de l’omertà » au pays du « sa je pawè, bouchpa pale »…Et tel que nous l’avons explicitement exposé plus haut dans cet article,l’« amnésie sélective » pratiquée d’une main de maître par l’actuel ministre de facto de l’Éducation nationale dans le dossier du Fonds national de l’éducationfait de lui la caution intellectuelle de la stratégie du PHTK néo-duvaliériste dans la reproduction de la corruption systémique au sein du système éducatif national. À ce chapitre, il ne faut pas perdre de vue que selon la loi du 17 août2017,la présidence du Conseil d’administration du Fonds nationald’éducation est assurée par le ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle et la vice-présidence par celui de l’Économie et des finances » (source : site officiel du Fonds national de l’éducation).

L’économiste et historien Leslie Péan est l’auteur de l’article « Corruption et crise financière aux temps du choléra haïtien (2 de 3) » (site alainet.org, 18 juin 2015). Dans ce texte d’une grande amplitude analytique, Leslie Péan expose que « Le pillage systématique des deniers publics a également touché le secteur de l’éducation avec le détournement des fonds estimés à 100 millions de dollars l’an, collectés à partir d’une taxe de 5 centimes (0.05 $) sur chaque appel téléphonique entrant et 1.50 $US sur chaque transfert monétaire. Dès la première année, 766 fausses écoles ont été créées et financées dans le cadre du prétendu Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO). Ce programme a été totalement improvisé et il n’est pas muni des garde-fous nécessaires. Le ministère de l’Éducation nationale est souvent dans le rouge et n’arrive pas à payer les écoles participant au PSUGO. En 2015, pour justifier les retards enregistrés au niveau des paiements des écoles participant au PSUGO, le gouvernement pleurniche en prétendant qu’il n’a reçu que 44 millions de dollars des 100 millions qui avaient été prévus. Aucun audit indépendant n’est venu prouver cette assertion. (…) Selon un rapport réalisé en 2015 par l’Union des parents d’élèves progressistes haïtiens (UPEPH), « le PSUGO subventionne plus de 2 500 écolesfantômes. Ces dernières sont créées par des délégués départementaux, des députés du Bloc pour la stabilité et le progrès (PSP), des sénateurs pro-gouvernementaux et des partis du gouvernement. Le rapport indexe en des termes pour le moins cinglants Kenston Jean-Baptiste, député du Cap-Haitien, qui a pistonné 44 écoles du Nord, comptabilisant 812 bénéficiaires. Dans le Sud, poursuit le rapport, sur les 79 établissements privés subventionnés par le PSUGO, 73 sont référencés par des députés.« Il y a six départements du pays où les parlementaires sont beaucoup plus impliqués dans les cas de fraude du PSUGO : la Grande-Anse, le Sud, le Nord, l’Artibonite et le Nord-Ouest » indique le document ». [Le souligné en gras et italiques est de RBO]

Vaste opération de corruption et de détournement de fonds publics, le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire, le PSUGO, a été lancé en 2011 par le PHTK néo-duvaliériste. Pour mémoire, il y a lieu de rappeler que le PSUGO a été publiquement soutenu et promu par l’un des Ayatollahs du créole dans la Revue transatlantique d’études suisses, 6/7, 2016/17 . Son auteur soutient aventureusement qu’« Il existe déjà de louables efforts pour améliorer la situation en Haïti, où une éducation de qualité a traditionnellement été réservée au petit nombre. Un exemple récent est le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) lancé par le gouvernement haïtien en 2011 dans le but de garantir à tous les enfants une scolarité libre et obligatoire. » Cet appui public a également été promu dans une vidéo propagandiste du même Ayatollahs du créolevantant les prétendues vertus « pédagogiques » du PSUGO, l’un des programmes-phare du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. Dans cette vidéo datée du 5 juin 2014, il soutient frauduleusement que « Gras a pwogram PSUGO a 88% timoun yo rive al lekòlannAyiti »…

Le PSUGOa été unanimement dénoncé par les enseignants et de nombreux secteurs de la société civile en Haïti : des associations d’enseignants, des directeurs d’écoles et des regroupements de parents d’écoles ont en effet publiquement mis en lumière les malversations systémiques qui ont lieu au PSUGO, comme en font foi plusieurs articles issus d’observations de terrain et parus dans la presse en Haïti : « Le Psugo, une menace à l’enseignement en Haïti ? (parties I, II et III) – Un processus d’affaiblissement du système éducatif », Ayitikale je (Akj), AlterPresse, Port-au-Prince, 16 juillet 2014. Voir aussi sur AlterPresse la série d’articles « Le PSUGO, une catastrophe programmée » (parties I à IV), 4 août 2016. Voir également les articles fort bien documentés de Charles Tardieu : « Le Psugo, une des plus grandes arnaques de l’histoire de l’éducation en Haïti », Port-au-Prince, 30 juin 2016, et « Le PSUGO et l’obligation de scolarisation universelle Catastrophe programmée et violation des droits de la nation et de ses enfants », Academia.edu, juin 2016 ; voir aussi l’article « Le système éducatif haïtien à l’épreuve de malversations multiples au PSUGO » (par Robert Berrouët-Oriol, Le National, Port-au-Prince, 24 mars 2022).

En début d’article nous avons relaté que le directeur du FNÉ, Jean Ronald Joseph, a « annoncé des recours judiciaires contre ceux qui ont orchestré toute cette campagne [et précisé] qu’une enquête administrative et juridique est déjà en cours ». Il a également informé qu’une demande a été faite à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif « pour un audit de la gestion de [son] administration durant les deux dernières années ». Sur le site officiel du Fonds national de l’éducation, nous n’avons trouvé nulle trace de documents administratifs attestant la véracité de ces vertueuses déclarations, et plusieurs hypothèses devront sans doute être examinées à ce sujet. L’une d’elles est le momentum, le contexte politique dans lequel le directeur du FNÉ a choisi de faire son intervention publique alors que les écoles et les universités sont fermées au pays. Le contexte est celui du chaos sécuritaire actuel, de la mainmise violente des gangs armés sur de larges portions du territoire national, celui où le gouvernement PHTKiste d’Ariel Henry a reçu une « nouvelle feuille de route » de ses tuteurs internationaux par l’entremise d’un club affairiste dénommé CARICOM, celui où le gouvernement PHTKiste, plus virtuel et « aux ordres » qu’à l’accoutumée, est présenté comme « démissionnaire » et devant céder la place à un erratique « Conseil présidentiel de transition » qui n’est pas sans rappeler le CNG néo-duvaliériste imposé à Haïti par le Département d’État américain après la défaite de la dictature de Jean-Claude Duvalier en 1986. Sentant le vent tourner et pressentant que ceux qui, au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste l’ont nommé au poste de directeur du FNÉ auraient déjà fait leurs valises, Jean Ronald Joseph aurait résolu de prendre les devants et chercherait à se refaire une « virginité » politique et gestionnaire en obtenant « décharge » de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif… Dans la sous-culture kleptocratique amplement répandue en Haïti, la « décharge » est un sésame, un passeport, une sorte d’armure providentielle capable d’invisibiliser la corruption

Il faut prendre toute la mesure que la question de la corruption et de l’impunité dans le système éducatif national haïtien n’est pas un épiphénomène ou un fait mineur de société ou une survivance collatérale accessoire de pratiques gestionnaires déficientes dont les ravages, connus et amplement diagnostiqués, pourraient comme par miracle être surmontés par des déclarations qui se veulent vertueuses sans viser les causes. Les trois millions d’élèves en cours de scolarisation dans les 17 000 écoles du pays ont droit à une École de qualité, inclusive et citoyenne, respectueuse des droits linguistiques de tous les locuteurs. Pilier et vivier de l’avenir du pays, l’éducation n’est pas une marchandise à vendre au plus offrant et en toute impunité. Elle doit cesser d’être la « station de pompage » des revenus illicites des « contrebandiers brasseursd’affaires » nationaux embusqués dans ou en poste à la direction du ministère de l’Éducation nationale, du Fonds national de l’éducation et du PSUGO: l’éducation est un droit explicitement consigné à l’article 32 de la Constitution de 1987, et à ce titre elle est également un combat citoyen. 

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