Canada : de jeunes membres de la diaspora haïtienne se mobilisent

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Ayiti, futur incertain de notre humanité commune

Nous, de jeunes membres de la diaspora haïtienne de Montréal, du Québec et du Canada, voulons lancer un cri d’alarme concernant la situation inédite et tragique dans laquelle se trouve aujourd’hui notre pays d’origine. Nos populations se nourrissent l’une de l’autre et une importante communauté haïtienne réside au Canada, principalement au Québec, depuis plus d’une soixantaine d’années. Cette diaspora joue un rôle clé dans divers domaines de la société canadienne, tant sur le plan culturel que sur les plans politique, médical ou scolaire.

Ce sont toutes ces raisons qui nous mènent à écrire cette lettre aujourd’hui aux différents ordres gouvernementaux au Canada.

Depuis le début du mois de mars, la situation s’est drastiquement détériorée en Haïti à la suite de l’effondrement soudain des instances de l’État dans la foulée d’attaques des gangs armés. Il nous paraît inquiétant qu’aucun représentant ou représentante des différents ordres gouvernementaux auxquels s’adresse cette lettre n’ait cru bon de prendre la parole publiquement pour exprimer son soutien à la population haïtienne au Canada et au Québec, ou pour lui faire part d’un plan d’action durable pour accompagner les institutions la représentant en ces temps difficiles et complexes.

Comme il est important que le Canada ainsi que le Québec assument leurs responsabilités envers les personnes haïtiennes présentes sur le territoire, nous vous demandons clairement d’agir pour :Lever le voile sur les responsables du trafic d’armes et de munitions en Haïti. Dans un rapport publié en 2023 par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, il est démontré qu’Haïti ne fabrique officiellement aucune arme à feu ou munition et que la quasi-totalité des nouveaux fusils, armes de poing, chargeurs et balles entrant dans le pays sont importés légalement ou illégalement. Par cette lettre, nous voulons que le gouvernement canadien prenne position contre ce trafic, exerce les moyens de pression nécessaires sur les gouvernements identifiés dans cedit rapport pour avoir plus de transparence quant à leur implication et à leur rôle dans ce trafic.

Établir de meilleures mesures pour les personnes haïtiennes déplacées. En 2023, le Québec était la seule province à refuser de participer à un nouveau programme fédéral pour accueillir 11 000 ressortissants en provenance d’Haïti, du Venezuela et de la Colombie. Par cette lettre, nous demandons formellement au gouvernement du Québec de revenir sur cette décision en considérant les risques actuels. Nous proposons aussi aux deux ordres gouvernementaux de réviser le processus de réunification familiale afin de réduire les délais d’attente et de faciliter les demandes faites par les membres de la communauté haïtienne.

Soutenir plus généreusement les organisations ou groupes dirigés par des Haïtiens au chapitre de la santé mentale. Nous demandons que les différents ordres gouvernementaux travaillent en concertation avec ces organisations afin de mettre à leur disposition les ressources nécessaires pour leurs employés et les communautés diversifiées qu’elles servent. Avec des ressources trop souvent limitées, ces groupes soutiennent concrètement les Haïtiens, matériellement, institutionnellement, en ce qui concerne leur immigration ou leur déplacement forcé, et leur santé mentale.

Nous tenons à ce que les nôtres sachent que nous, membres de la communauté haïtienne et nos alliés, ne les oublions pas, que nous les soutenons et que nous continuerons à militer pour préserver, hors de la honte, notre humanité commune. Notre engagement profond persiste, non seulement envers Haïti, mais aussi envers celles et ceux des nôtres qui n’ont d’autre choix que de partir pour sauver leurs vies.Nous sommes conscients que, depuis l’étranger, il ne nous appartient pas — pas plus qu’à aucune puissance étrangère — de dicter la forme que prendra enfin le renouveau dans ce pays que nous chérissons tant. Cependant, avec la même conviction que nous avons mise à participer à l’édification, au questionnement et l’enrichissement de nos deuxièmes patries, nous pouvons mettre toute notre énergie à nous assurer, depuis nos lieux respectifs, que tous les efforts sont faits afin de protéger les vies humaines, de soutenir leurs combats de façon respectueuse depuis les nations et territoires dont nous possédons aussi la citoyenneté.Nous espérons une réponse prompte de votre part, car face à la situation qui se détériore rapidement, il est de votre responsabilité d’agir pour fournir un appui adéquat aux besoins des communautés haïtiennes du Canada.

Manuel Mathieu et Marina Mathieu

Le premier est artiste multidisciplinaire de renommée internationale ; la seconde est travailleuse culturelle multidisciplinaire. Cette lettre est leur initiative. Ils la cosignent avec une quinzaine de personnes.

Ont cosigné ce texte : Kharoll-Ann Souffrant, chercheuse, chargée de cours universitaire et écrivaine ; Gabriella Garbeau, libraire et autrice ; Fedora Mathieu, avocate spécialisée en droit de l’immigration et des réfugiés ; Fabrice Vil, avocat et chroniqueur ; Sly Toussaint ; Schelby Jean-Baptiste, comédienne, autrice et animatrice ; Karine Coen-Sanchez, candidate au doctorat et chercheuse ; Lyndz Dantiste, acteur et cofondateur du Théâtre de la Sentinelle ; Miryam Charles, scénariste, réalisatrice et productrice ; Mona-Lisa Prosper, LL.B., MBA, avocate et directrice de programme en entrepreneuriat ; Maxime Mompérousse, acteur et réalisateur ; Taïna Mueth, artiste multidisciplinaire ; Déborah Cherenfant, stratège en entrepreneuriat féminin ; Vanessa Destiné, animatrice et chroniqueuse.

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