La problématique de la prestation de serment des élèves-avocats : le cas de l’École du Barreau des Gonaïves

0
1186

Appel à la Justice : Les élèves-avocats de Gonaïvesc confrontés à une entrave administrative et éducative

« L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. » – Article 26, alinéa 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Le texte expose la problématique de la prestation de serment des élèves avocats à l’École du Barreau des Gonaïves, soulignant les obstacles liés à la délivrance des licences par l’Université d’État d’Haïti (UEH). Les élèves-avocats, confrontés à des retards administratifs et des crises universitaires, se voient interdire la prestation de serment par le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ). Les auteurs Me Emmanuel ST PHARD, élève-avocat (École du Barreau des Gonaïves) , Me Naudy MARTYR, élève-avocat (École du Barreau des Gonaïves) et Me Calex JOSEPH, élève-avocat (École du Barreau des Gonaïves) invoquent les articles 7 et 26.2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme pour défendre leur demande de levée des sanctions, soulignant l’égalité devant la loi et le droit à une éducation contribuant au respect des droits de l’homme. Ils interpellent le CSPJ à assurer la protection de leurs droits plutôt que de les pénaliser.
 
Il n’existe pas de génération spontanée, en effet, l’avenir d’un pays se construit par la force et l’implication de sa jeunesse. Pour renouveler une élite, il faut passer par l’université. C’est la raison pour laquelle la formation dispensée dans les universités doit être conforme à la réalité du pays.

Tout compte fait, l’université ne doit pas être prise en otage par des intellectuels sans vision, égocentriques, narcissiques et dépourvus de considération pour le genre humain. Nous devons travailler pour une université sans exclusion ni discrimination, et développer la probité intellectuelle. Il est important de valoriser la recherche scientifique et la technologie afin de permettre aux étudiants d’obtenir leurs résultats en ligne et, pourquoi pas, de récupérer leur diplôme et leur licence. En plein 21e siècle, ce débat ne devrait plus être d’actualité et ne devrait pas causer de blocage pour les universitaires souhaitant prêter serment.

La prestation de serment marque un tournant décisif dans la vie de l’élève-avocat, car elle lui permet de mettre en pratique les connaissances acquises pendant sa formation. D’ailleurs, quelle serait la finalité de la formation si ce n’est de les mettre en pratique ?

L’avocat stagiaire, pendant sa période de probation, est un éternel serviteur. Il est au service de la société, en particulier des justiciables. Il consacre environ deux ans à faire du bénévolat pour assister des personnes qui se trouvent dans une situation criminelle délicate et qui ont besoin d’un avocat pour plaider leur cause.

Les stagiaires sont administrés par le Barreau des Gonaïves cependant, sur demande du doyen du Tribunal de Première Instance des Gonaïves, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats envoie un ou plusieurs avocats stagiaires afin d’assister des accusés qui n’ont pas les moyens de payer les services d’un avocat militant.

Y a-t-il des avocats stagiaires dans la juridiction ? Actuellement, non, car la dernière promotion a déjà terminé son stage. À la lumière de ce qui a été expliqué ci-dessus, les avocats stagiaires ne sont-ils pas importants dans le système ?

Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), dans sa circulaire du 11 janvier 2022, a interdit la prestation de serment des élèves avocats qui n’ont pas la licence. Le ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, dans sa note de rappel du 11 juin 2023, a demandé aux commissaires du gouvernement de s’assurer que les élèves-avocats possèdent leur licence avant de prêter serment.

Cependant, pour que la prestation de serment ait lieu, il faut une audience comprenant un juge, un commissaire du gouvernement, un greffier et un huissier audiencier. Il est évident que la licence est indispensable dans la prestation de serment, conformément au décret-loi du 29 mars 1979 réglementant la profession d’avocat.
 
La grande question est : est-il facile d’obtenir la licence ? Inutile de chercher midi à quatorze heures, la réponse est non. En effet, à travers les 18 juridictions du pays, la grande majorité des hommes de loi n’ont pas leur licence, non pas parce qu’ils n’ont pas entamé les démarches, mais parce que le RUEH (Rectorat de l’Université d’État d’Haïti) est débordé et que la machine est en panne. Trop de crises sont à gérer dans l’université, comme par exemple le conflit entre le RUEH et l’EDSEG (Gonaïves) ainsi que le conflit entre le RUEH et l’EDSEC (Cayes). Plus les jours passent, plus les crises s’enveniment.
Le ministère de la Justice et de la Sécurité Publique demande aux commissaires du gouvernement de s’abstenir si les élèves-avocats n’ont pas de licence, alors qu’il existe des commissaires du gouvernement qui n’en ont pas. Un problème identifié est à moitié résolu, mais existe-t-il une volonté manifeste de résoudre ce problème ? Si c’est au RUEH de résoudre ce problème, le CSPJ devrait-il pénaliser les élèves-avocats qui n’ont pas de licence ? Comment demander à des élèves-avocats de fournir la licence alors que même le RUEH prend environ dix ans pour la délivrer ?
 
D’emblée, analysons la question de la licence et le rôle du RUEH : dans nos universités en Haïti, après quatre ou cinq ans d’études selon la filière, l’étudiant doit préparer son mémoire de fin d’études (pour les sciences juridiques à l’EDSEG, c’est quatre ans) accompagné d’un directeur de mémoire qui lui servira de guide. Il présentera son travail devant un jury qui le validera. L’EDSEG lui délivrera alors un procès-verbal de soutenance qui lui permettra de faire la demande de licence. Entre-temps, le statut de l’étudiant est de licencié en droit, car la licence ne devient qu’une formalité. De plus, l’étudiant qui détient son procès-verbal de soutenance et/ou son certificat de licence est habilité à prêter serment, puisque l’UEH a toujours été lente dans la délivrance de la licence. Rappelons que la licence contient généralement trois signatures : a) la signature de l’EDSEG ; b) la signature du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle ; c) la signature du rectorat de l’UEH.

Maintenant, pour raccourcir la procédure, les élèves-avocats, sous présentation du certificat de licence délivré par l’EDSEG, ont été éligibles pour prêter serment comme avocat stagiaire au TPI des Gonaïves. Il n’existe pas à l’heure actuelle d’avocats stagiaires dans le Barreau des Gonaïves.

Le CSPJ (Conseil supérieur du pouvoir judiciaire) a été créé par la loi du 13 novembre 2007. L’article 184.2 de la Constitution de 1987 amendée dispose : « L’administration et le contrôle du Pouvoir Judiciaire sont confiés à un Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire qui exerce sur les magistrats un droit de surveillance et de discipline, et qui dispose d’un pouvoir général d’information et de recommandation sur l’État de la Magistrature ». Le Conseil est composé de neuf membres : Deux membres de droit : 1) Le Président de la Cour de Cassation ; 2) le commissaire du gouvernement près de la Cour de Cassation. Un membre désigné : un officier du ministère public près le tribunal de Première Instance. Quatre magistrats de siège élus par leurs pairs (Cassation, Appel, TPI, TPx). Deux membres de la société civile élus (un bâtonnier et une personnalité élue par les associations de droits humains).
 
Parlons des objectifs du CSPJ et de ses fonctions :

  • Objectifs du CSPJ
  1. Veiller au fonctionnement régulier du Pouvoir Judiciaire (Administration, Contrôle du fonctionnement)
  2. Veiller à la protection des justiciables (Traitement des plaintes, Sanction disciplinaire des juges)
     
    A partir des objectifs du CSPJ, il y a deux questions fondamentales que l’on souhaiterait poser :
  • Le droit des élèves-avocats n’est-il pas lésé ?
  • Le CSPJ ne devrait-il pas veiller à la protection de nos droits ?
     
    Il suffit de revoir les 5 fonctions du CSPJ pour s’en faire une idée :
  1. Administration
  2. Contrôle
  3. Discipline
  4. Délibération
  5. Communication
     
    Nous aimerions donc solliciter auprès du CSPJ une mainlevée de la décision afin de nous permettre de prêter serment.
     
    Nous ne sommes pas responsables si la licence ne nous est pas parvenue dans un délai raisonnable, et nous ne sommes pas responsables non plus du conflit qui oppose l’EDSEG et le RUEH. Étant donné que le CSPJ est responsable de veiller à la protection des justiciables, nous leur demandons de veiller à la protection de nos droits plutôt que de nous pénaliser.
     
    Si toutes les promotions avant nous ont pu prêter serment avec leur procès-verbal de soutenance, pourquoi serait-ce différent pour nous ?
     
    À cet égard, nous nous référons aux articles 7 et 26.2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme pour soutenir notre demande :
     
    Article 7 : Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.
     
    Article 26, alinéa 2 : L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.
     
    Me Emmanuel ST PHARD, élève-avocat (École du Barreau des Gonaïves)
    Me Naudy MARTYR, élève-avocat (École du Barreau des Gonaïves)
    Me Calex JOSEPH, élève-avocat (École du Barreau des Gonaïves)

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.