Ariel Henry est actuellement à Trinidad And Tobago où il doit participer, du 3 au 5 juillet, à la 45e réunion régulière des chefs d’Etat et de gouvernement de la Caricom. En marge de cette réunion, le chef du gouvernement de facto aura plusieurs rencontres bilatérales où il sera question de la « stabilisation d’Haïti « via une intervention militaire étrangère. Mais ce projet de « stabilisation d’Haïti « via une occupation militaire cacherait-il d’autres objectifs non déclarés?
Selon ce qu’a rapporté Joe Brenan, spécialiste des marchés émergents au journal IrishTimes, citant certaines sources des marchés obligataires, quatre conditions au moins seraient nécessaires pour la mise en vente du groupe de Télécommunications fondé par Denis O’Brien, après la fin de la deuxième restructuration financière en moins de 3 ans qui verra un groupe d’investisseurs basé aux États-Unis s’emparer de 62% au moins des actions de Digicel et son fondateur conserver 10 à 20% des actions.
Ces (4) conditions seraient :
- La « stabilisation » d’Haïti , pays que d’aucuns considèrent comme le principal marché ou le joyau de la couronne de Digicel ;
- Une amélioration des taux de change dans certains de ses principaux marchés (Haïti, Jamaïque, Trinidad) par rapport au dollar américain ;
- La concrétisation des avantages du programme tant vanté dans les médias de transformation numérique de Digicel ;
- Les marchés de la dette devront également être plus conviviaux qu’ils ne le sont actuellement.
Selon les responsables de Digicel , la « déstabilisation » d’Haïti (c’est-à-dire les difficultés du régime Têt Kale pour se renouveler en Haïti) serait la cause principale de la chute de la compagnie du milliardaire irlandais dans la Caraïbe. Cependant des observateurs estiment qu’il faut chercher les raisons réelles et profondes de la présente situation financière du groupe dans la gestion que O’Brien a fait des 7 milliards de dollars de dette sur lesquels il était assis en 2019.
Le prétexte de l’effondrement d’Haïti
En effet, alors que les discussions initiales visaient à reporter les remboursements des obligations, qui étaient dues le 1er mars 2023, une « situation détériorée et sans précédent « en Haïti depuis septembre 2022 aurait conduit l’entreprise de Denis O’Brien à se concentrer sur une solution plus globale pour la structure du capital de l’entreprise », avait déclaré Digicel dans un communiqué.
L’effondrement d’Haïti dans une crise politique, économique et humanitaire, suite à l’assassinat crapuleux du Président Jovenel Moïse, et les manifestations provoquées par la fin des subventions aux carburants dans le pays en septembre dernier, aurait incité le groupe à avertir en novembre que ses revenus haïtiens chuteraient jusqu’à deux tiers au second semestre de l’exercice jusqu’en mars, à aussi peu que 25 millions de dollars.
Le dollar haïtien avait également plongé de 30% au cours de la dernière année par rapport au dollar américain, la monnaie des rapports financiers de Digicel et de sa dette.
Digicel avait indiqué aux investisseurs obligataires que le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (Ebitda) pour son exercice en cours jusqu’à la fin mars dernier avait chuté de près de 5% à environ 700 millions de dollars, supprimant la performance de l’activité du Pacifique pour les deux ans, selon des sources citées par IrishTimes.
O’Brien avait également signalé qu’il s’attendait à ce que les bénéfices augmentent l’année prochaine, dans l’espoir qu’Haïti se redressera quelque peu et que l’entreprise récoltera les bénéfices d’un nouveau programme de transformation, visant à augmenter les revenus et à réduire les coûts, qui est actuellement en cours de planification.
Fitch, l’agence de notation de crédit, est moins optimiste. Elle prévoit que les performances opérationnelles du groupe vont rester sous pression au cours de l’année 2024 à venir.
Les vraies raisons de la chute de Digicel
Cependant des observateurs avertis font remarquer que Digicel était assise sur une dette de 7 milliards de dollars au début de 2019lorsque les détenteurs d’obligations à l’origine de 3 milliards de dollars d’emprunts ont accepté de reporter les remboursements pour donner à l’entreprise une marge de manœuvre à un moment où ses bénéfices diminuaient.
La société a agi de manière plus agressive au début de la crise de Covid-19 au début de 2020, convaincant les détenteurs d’obligations d’annuler 1,6 milliard de dollars de dette. Les deux parties savaient qu’elles risquaient de perdre beaucoup plus si l’entreprise succombait à la liquidation à l’époque.
Ils notent également que Denis O’Brien avait géré le bilan de la dette pendant trop longtemps, prenant trop de dividendes dans le processus (1.9 milliard USD entre 2007 et 2015).
En effet O’Brien avait embauché Citigroup fin 2020 pour conseiller sur une vente des opérations de Digicel dans le Pacifique après avoir reçu des approches non invitées pour la partie la moins endettée du groupe. Il accepterait de vendre l’entreprise à la fin de l’année suivante à son homologue australien Telstra dans le cadre d’un accord d’une valeur pouvant atteindre 1,85 milliard de dollars, financé en partie par le gouvernement australien, qui craignait que les actifs ne tombent entre les mains des Chinois à un moment de tension géopolitique accrue. entre les pays.
Digicel a agi rapidement à la fin de l’accord en juillet dernier pour utiliser la majeure partie du produit initial de 1,3 milliard de dollars pour racheter des obligations garanties de premier rang qui devaient arriver à échéance en 2024. Il y avait peut-être un espoir que la société puisse utiliser cet accord de réduction de la dette pour approcher marché pour refinancer 925 millions de dollars d’obligations qui approchaient rapidement leur échéance.
Cependant, les marchés devenant de plus en plus laids de semaine en semaine, O’Brien a été contraint d’ouvrir des pourparlers avec les principaux créanciers vers la fin de l’été dernier pour aboutir aux résultats que l’on connaît.
Une mise en vente hypothétique et problématique
Aujourd’hui, la stabilisation d’Haïti, c’est-à-dire le renouvellement du régime PHTK/Têt Kale passant par une nouvelle occupation et/ou des élections frauduleuses sous le contrôle des gangs armés criminels, serait posée comme condition principale pour que les créanciers devenus actionnaires principaux et propriétaires par la force des choses ( les Télécoms ne sont pas leur métier) puissent vendre la compagnie à l’un des deux plus grands acteurs de ce secteur sur le continent : Liberty Global et America Mobil.
Et les chantres d’une intervention militaire en Haïti sont nombreux. Ils se comptent non seulement au niveau des pays membres du Core Group mais également à la Caricom , sauf que certains ignorent les intérêts qui sont cachés derrière cette éventuelle intervention militaire en Haïti.
Mise à part cette « stabilisation d’Haït », trois autres conditions toutes aussi hypothétiques et problématiques devraient être également remplies à court terme avant la mise en vente de la Dig dont la filiale en Haïti est signataire d’un accord politique appuyant le Premier Ministre illégal et illégitime Ariel Henry :
- Une amélioration des taux de change qui, pour un pays comme Haïti dont production ne fait que baisser et qui vit essentiellement des transferts d’argent de la Diaspora, est un leurre.
- Une concrétisation des avantages du programme tant vanté dans les médias de transformation numérique de Digicel qui tarde encore à venir
- Une convivialité des marchés de la dette dépendant de beaucoup de facteurs, donc non prévisible
Une chose , cependant , est certaine , le coût de financement de l’acheteur, après tout, sera la clé de toute évaluation dans le cas de cette hypothétique et problématique mise en vente de la Digicel.