Acte I – Scène unique
(Un avion bourdonne au-dessus de l’océan. Laurent Saint-Cyr, téléphone et verre de champagne à la main, compose un numéro. Le ton est solennel mais un peu forcé.)
Laurent – (parlant fort, comme s’il prononçait encore un discours)
Allô, Alix ? Comment te portes-tu ?
Alix – (d’un ton calme, ironique)
Eh bien Laurent, on est mieux, on est mieux… J’ai suivi jeudi matin ton grand numéro à la tribune des Nations Unies.
Laurent – (flatté, mais jouant l’ingénu)
Et comment m’as-tu trouvé, mon allié distingué ?
Alix – (hausse un sourcil, narquois)
Trouvé ? Ta récitation, voyons ! Tu l’avais répétée devant moi et ta femme. Même tes hésitations étaient au programme.
Laurent – (riant nerveusement)
C’est vrai, j’ai oublié, j’ai oublié… Mais j’ai osé improviser, pour paraître naturel.
Alix – (sec, moqueur)
Improviser ? Tu as resservi le bouillon froid : “force robuste”. Ariel nous l’avait déjà fait. Toujours des promesses sans troupes ni budget. Juste de quoi durer.
Laurent – (d’un aplomb comique)
Mais c’est l’essentiel, non ? Rester au pouvoir. Après février, un simulacre d’élections, et hop, tolérés de nouveau par nos maîtres !
Alix – (sérieux, ton de reproche)
Laurent, il y a l’accord du 3 avril. On ne peut pas tout le temps violer les textes. Et puis regarde-toi : à l’ONU, on ne t’appelle même pas président d’Haïti, seulement président d’un Conseil de transition. N’as-tu pas honte ?
Laurent – (moqueur, appelant à la connivence)
Ok, ok, Alix ! Mais toi aussi, avec tes drones kamikazes ratant leurs cibles à Cité Soleil, combien d’enfants sont morts ? Et toi qui gouvernes par tweets et communiqués…
Alix – (piqué, outré)
Trop loin, Laurent ! Regarde tes trois braqueurs de la BNC qui siègent encore avec toi. Tu parles de fin de l’impunité dans ton discours, fè Komisè Gouvènman-an fouke yo ! Si ce n’est pas une farce permanente !
Laurent – (soupirant, désabusé)
Bah… Passons Alix. Tu déconnes tout comme hier au Champ-de-Mars avec ta mise en scène ridicule. Vas-tu établir la Primature au Centre-ville? Ecoute avant que je raccroche. Personne ne m’a reçu, même pas un secrétaire d’État. Mwen pa gen chans fè menm yon ti foto ak M. Trump. On a juste gaspillé des fonds pour faire ripaille avec la diaspora.
Alix – (rictus amer)
Alors, le peuple paie l’addition, pendant que vous répétez votre comédie.
Laurent – (levant les bras comme un acteur satisfait)
Parbleu ! Voilà notre théâtre national : chacun son rôle, mais personne son devoir.
(Silence. Puis de faibles applaudissements venant des 24 membres de la délégation comme d’un public contraint.)
Le peuple attend toujours le vrai dénouement…
(Le rideau tombe.)
Rezo Nòdwès