La débâcle sociétale : Complicité des contrebandiers économiques

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par Carly Dollin

Depuis les campagnes présidentielles d’après séisme jusqu’aux élections frauduleuses qui avaient prescrit un médicament toxique à l’hypophyse de la gouvernance du pays, tout quidam pouvait percevoir les cyniques manipulations d’une frange de la classe économique pour faire avaler une couleuvre venimeuse à la société. Pour supporter la sélection de Michel Martelly à la première magistrature du pays, la majorité des cerveaux de la mafia économique opéraient subrepticement en offrant des ressources matérielles et financières. En revanche, d’autres acteurs du secteur du banditisme des affaires exposaient leurs visages à visières levées. « Un vote pouvait s’acheter au prix de 50 gourdes, 100 gourdes, 500 gourdes ». Les véreux supports conditionnels de la classe économique crasseuse couplés de la rancune occidentale pour concocter cette haute conspiration politique d’avilir Haïti étaient guidés par des deals souterrains. Les vilains parrains avaient aligné leurs poulains authentiques sur le terrain pendant qu’ils se cachaient derrière les guichets pour amasser les billets en provenance de toutes les sales mains. Et le bien-être collectif en pâtit.

Cette récente série politique tragicomique tant sur le plan des représentants indignes que celui des actions horribles gravées dans les cœurs et les esprits a été initiée autour de l’année 2010. Les références ont été inversées dans la perversité de voir des êtres malicieux s’exposer en vedettes devant les projecteurs, sans aucune gêne. La société aurait atteint un point culminant de son niveau de dépravation dans la mesure où elle finirait par se rendre confortable à travers le pilotage de dealers métamorphosés en leaders. Tel sénateur est indexé de deal de kidnapping. Tel député sert de pont dans la contrebande économique. Tel président est épinglé de deal de cocaïne. Les multiples scènes politiques ignobles de la dernière décennie ont montré que n’importe qui venu de n’importe où et qui faisait n’importe quoi peut occuper n’importe quel poste « prestigieux » en Haïti. Les verrous y ont été drastiquement sautés.

D’une fenêtre brisée à la fissure des pylônes institutionnels, l’existence de l’édifice social est hypothéquée. Si rien n’est fait pour stopper l’hémorragie causée par ce vide politique abyssal, le doute de la disparition d’Haïti sur la carte mondiale se transformera en un fait regrettable. La vocation de l’élite digne consiste à sauver Haïti des griffes des hypocrites et des traîtres fils.

Alliance dans les deals au sommet

Le système politique en vogue oblige, un président cherche constamment l’aval du premier ministre pour exécuter ses projets, voilés et dévoilés. Tout au moins en théorie, l’approbation de la primature s’avère cruciale dans le déblocage des fonds destinés aux projets publics ou sous prétexte d’implémentation des politiques publiques inclusives. Ainsi, une multitude d’acteurs d’ici et d’ailleurs tiraient sur la ficelle pour placer leurs propres pions aux axes de l’échiquier de la primature. Sous l’influence cavalière de la communauté internationale perfide, Garry Conille qui côtoyait les Clinton à la CIRH avait gagné à ce premier tirage de la loterie politique tenue en octobre 2011.

Cependant, puisqu’il n’était pas de la bande, ce médecin de carrière qui prêtait ses services professionnels aux Nations Unies allait donc se casser les dents en étalant face à Michel Martelly ses principes de gestion efficace des affaires publiques. L’honnêteté de Conille – du moins sous l’angle spécifique de contrôler la présidence – dérangeait le principal « bandit légal » suspect de multiple nationalité. Par ailleurs, Martelly hallucinait tôt de se faire/refaire une santé financière dans le trésor public. Il s’enrichissait, enrichissait sa famille et ses parrains de la mafia économique. Le président corrompu jusqu’aux os manigançait tout pour étouffer son premier ministre dans une mortalité infantile. Dans l’œil du cyclone, Garry Conille ne pouvait pas résister aux menaces et invectives proférées par le champion de la bêtise qui, en des scènes scandaleuse à tout bout de champ, salissait les salons et les ondes. Garry Conille n’avait vécu que quatre mois au gouvernail de la primature avant d’être forcé à la démission en février 2012.

Dans le bien comme dans le mal, qui se ressemble s’assemble afin de synchroniser les actions – vertueuse ou vicieuse – dans une parfaite harmonie. Tandis que Laurent Lamothe officiait déjà comme ministre des Affaires étrangères au sein du gouvernement de Conille, l’ancien financeur de Sweet Micky se montrait quasiment omnipotent dans les couloirs du PHTK. En dépit de son casier reprochable dans les lentilles de la constitution haïtienne, Laurent Lamothe n’a pas été passé au moule par le Parlement cupide d’alors qu’il avait arrosé, dixit le sénateur Annacacis. Il ne payait pas ses impôts, il ne respectait pas les contraintes relatives à la résidence au pays, pourtant on entendait des sophismes et des acrobaties parlementaires pour justifier le vote favorable à la nomination de Lamothe à la tête de la Primature.

Telle sénatrice vous dit que l’on ne refuse pas un vote favorable à un millionnaire. Tel député vous dit « qu’il est beau ». L’espace bicaméral a été le théâtre de la démence de la raison pour permettre à Laurent Lamothe d’assurer la relève du gouvernail de la primature. Cette retrouvaille « Sweet Mimi » à la plus haute sphère politique allait faciliter à sécher toutes les sources de génération de l’argent du trésor public et des coopérations internationales. Sésame, ouvre-toi ! « Nou pa egare » avait pris une tournure concupiscible outrancière sous le règne du cartel criminel du PHTK.

Qui se ressemble s’assemble

Rarement de l’histoire politique haïtienne couple présidence et primature n’a connu une si longue et douce lune de miel. Au sommet comme à la base de la pyramide sociale, il se trouve que les bandits en Haïti savent mieux s’entendre que les gens de bien pour conspirer en des crimes multiformes contre la nation. Comme deux frères siamois, Martelly et Lamothe se caractérisaient par leur amateurisme dans les affaires de l’État. Ils visaient les objectifs similaires d’animer les escroqueries dans le trésor public avec une vitesse vertigineuse. Puisque chaque projet implique copinage, commission, surfacturation et pluri-facturation, Lamothe et Martelly lançaient en même temps des centaines de projets. Le PetroCaribe représentait une vache à lait à la portée de ces ravisseurs du trésor public qui a été léchée jusqu’à la dernière goutte. Père, mère, fils, amis, familles et alliés créaient des firmes bidon pour bénéficier de contrats et empocher les fonds publics sans fournir des résultats probants en contrepartie. Le kob Petrocaribe a été dilapidé au nom du père, du fils, du Saint-Rémy et des patrons qui financent les élections et le banditisme.      

Tous les verrous de la passation des marchés publics ont été sautés. Des centaines de contrats ont été paraphés en dehors du respect des normes qui régulent la matière. En voulant objecter aux mauvais coups, le coordonnateur de la Commission nationale de passation des marchés publics, Robert Marcello, y avait laissé sa peau. EDE PÈP, Manmi Cheri, Sport Changement, Banm Limyè, Banm Lavi, Kore Etidyan, etc. ; les programmes conçus par ces brasseurs du PHTK pour déloyalement créditer leurs comptes dans les paradis fiscaux avaient pris toutes les formes. Les rares ordonnateurs et comptables publics qui luttaient à maintenir leur intégrité dans le système en avaient la vie dure. Deux ou trois grands commis hyperpuissants sous ce régime auraient même disparu sans en connaître les véritables motifs. Suicide ou homicide ? Seuls ceux dans les secrets des diables ont la réponse.  

Plusieurs centaines de millions de dollars y ont été dilapidés en des promesses farfelues de construction d’hôpitaux, routes, stades, établissements scolaires, marchés publics, etc. Les fonds du Petro-Caribe ont été volatilisés au profit d’un groupuscule politique, des parrains et des patrons qui avaient financé les élections frauduleuses ayant conduit à l’installation de Michel Martelly au pouvoir. Au nom du père, du fils et de Saint-Rémy, une famille présidentielle espiègle avait empoché la cagnotte de la coopération bolivarienne et de bien d’autres coopérations multilatérales tandis que la population continue de croupir dans une misère extrême.

Pour s’enrichir illicitement et pour amplement rentabiliser les investissements des exploiteurs des ressources de l’État, un ensemble de contrats d’énergie, de construction de routes et d’autres importantes infrastructures étaient paraphés sans aucune analyse critique. Le rapport de la CSCCA indique que dans beaucoup de cas, moins de 10% des travaux ont été réalisés en dépit du décaissement intégral relatif auxdits projets. D’autre part, le couple exécution et supervision requis dans l’implémentation des projets souffrait d’une stupéfiante incompatibilité de caractère pour prêter le flanc à toutes les dérives. La surfacturation y faisait rage. À titre illustratif, un projet de pont de grande longueur comme la Concorde coûterait seulement dix (10) millions de dollars au Canada. Pourtant, un projet de viaduc similaire en Haïti nécessiterait un montant double sous PHTK. Sans aucune esthétique, l’œuvre scandaleuse sur « l’autoroute » de Delmas dénommée Viaduc Delmas-Nazon ne cesse d’interpeller les citoyens. Plus de 23 millions de dollars de décaissés juste pour un « mazi » public (CSCCA). Gravissime ! Les intermédiaires de la corruption étant très nombreux dans ces économies dirigées en dehors des principes institutionnels, c’est au rabais que les contrats sont honorés.     

Le magnicide orchestré par la mafia, la cerise sur le gâteau   

C’est surtout à la fin de l’administration houleuse de Jovenel Moïse qu’une liste de contrats juteux et indûment signés avait été dévoilée. Des postes consulaires et diplomatiques ont été accordés à des racketteurs de la « crasse » économique pour les faciliter dans l’obtention de franchises et des négoces sous le tapis. L’ancien grand fermier de la plantation de bananes n’était pas doté de la droiture vicieuse de son prédécesseur pour bien jouer le jeu concussionnaire avec les véreux concessionnaires et nantis appartenant à des groupes antagoniques.

D’une part, Jovenel demandait le divorce avec un clan de la bourgeoisie répugnante ; d’autre part, il contractait mariage avec d’autres parrains enrichis via le commerce illicite. Cette posture ambivalente a fini par entraîner l’assassinat du champion des sorciers qui déclenchait une chasse deux poids deux mesures aux sorcières qui avaient contribué à le placer au pouvoir afin de promouvoir leurs œuvres malhonnêtes. Les anecdotes siciliennes nous auraient appris que le slogan « Trayi la, mouri la » constitue le béaba de la mafia. Jovenel a été pris dans l’engrenage d’une mafia criminelle à laquelle il pensait pouvoir se rebeller à demi-mesure. Les discours thanatophobiques du président impotent qui se croyait un Apredye montraient qu’il vivait ses derniers jours dans la schizophrénie.

Parmi les lourdes conséquences de l’intrusion politique cavalière des nantis corrompus pour capturer les ressources de l’État, on dénote une absence criante de la mobilité sociale et de la prospérité partagée. Il s’ensuit alors des frustrations, particulièrement dans les zones les plus défavorisées. La cupidité et la stupidité des myopes politiques et des racketteurs des affaires aidant, les gangs criminels se sont pullulés et renforcés. La production de la criminalité devient alors la principale activité d’un ensemble de jeunes prometteurs transformés en démons.

Dommage que le rythme du « Bwa Kale » a été cassé à dessein par ces autorités sans notoriété qui squattent les positions stratégiques de l’État. Les bandits aux costumes financent et protègent les criminels aux sapates tout en jetant nos courageux policiers à la boucherie. Comprenons la rationalité des imposteurs de ce gouvernement crapuleux car ils seraient eux-mêmes inquiets de faire les frais de ce mouvement anti-banditisme. Le sauvetage national requiert l’effort intrépide d’assainir l’arène politique afin de débarrasser Haïti des prédateurs des ressources nationales.            

Carly Dollin

carlydollin@gmail.com

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