L’Édito du Rezo | France : quand un immigré espagnol veut fermer la porte aux immigrés africains

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L’Édito du Rezo | France : quand un immigré espagnol veut fermer la porte aux immigrés africains

Dimanche 26 mars 2023 ((rezonodwes.com))–

Le mercredi 15 mars 2023, l’hebdomadaire français, Le Point, a publié un article en ligne, intitulé « Manuel Valls : ‘‘La France ne peut plus accueillir d’immigrés’’ », où l’on apprend que « l’ancien Premier ministre publie un livre sur le courage et rompt […] le silence médiatique qu’il s’était imposé » (1). Déjà, le 19 décembre 2021, en plein débat politique, à l’approche de la présidentielle de 2022, il n’avait pas manqué de lancer au micro d’Europe 1 qu’ « il faut arrêter l’immigration » (2) aujourd’hui, en France. Ce faisant, il s’aligne sans vergogne sur la position xénophobe de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour.

C’est toujours drôle, si l’on ose dire, d’entendre cet immigré espagnol – né, à Barcelone, en 1962, très attaché à sa terre catalane, naturalisé français à 20 ans, dont les parents ont fui la dictature franquiste pour venir se réfugier en France –, vouloir fermer la porte à d’autres immigrés venus du Sud. Des immigrés africains, pour ne pas les citer, qui, eux aussi, cherchent à fuir la dictature, la guerre, la famine dans leurs pays.

En clair, en matière de stigmatisation des immigrés, cet homme politique venant des rangs de la gauche, est un récidiviste. En effet, ce n’est pas la première fois que cet ex-apparatchik du Parti socialiste (PS), se droitise et glisse dangereusement vers l’extrême droite sur l’échiquier politique français. Depuis une dizaine d’années, il ne cesse de se radicaliser dans ses prises de position sur l’immigration, faisant, au fil du temps, des immigrés noirs et arabes les boucs-émissaires des maux de la société française. Or, la question migratoire arrive loin derrière, par exemple, le pouvoir d’achat, les inégalités sociales (sécurité sociale, retraites, éducation), le dérèglement climatique, la paix en Europe, dans les préoccupations des Français (3).

Personne n’est dupe ! Les propos scandaleux que cet ambitieux décomplexé, sorte de caricature de Nicolas Sarkozy – l’homme au karcher –, a tenus lorsqu’il était candidat à la primaire socialiste en 2009, sont encore dans toutes les têtes. Ainsi que l’a rapporté Libération : « Dans une séquence diffusée le 8 juin sur Direct 8, Valls, dans les allées d’une brocante, soupire : ‘‘Belle image de la ville d’Evry…’’. Et demande à l’homme qui l’accompagne : ‘‘Tu me mets quelques Blancs, quelques white, quelques blancos’’. Retour sur le plateau de la chaîne : Valls s’empresse d’exprimer ‘‘le sentiment, avec les stands, que la ville, tout à coup, n’est que cela, que cette brocante…’’ Et de se faire porte-voix de la diversité, ‘‘d’un mélange qui ne peut pas être uniquement le ghetto’’ » (4) En fait, à l’époque, ces propos n’ont pas échappé à la vigilance républicaine de Faouzi Lamdaoui, membre du conseil national du PS, lequel a fustigé « la petite phrase [qui] n’a[vait] rien d’une sortie un peu crue ». Il n’a pas manqué de dénoncer, à juste titre, « un ‘‘dérapage scandaleux’’ [confortant] des thèses chères à l’extrême droite qui prône une hiérarchie absurde entre les ‘‘races’’ ».

Ainsi est-il évident qu’en récidivant dans sa stratégie de stigmatisation permanente, sous couvert de pseudo-républicanisme, cet ancien rocardien, jospiniste et ségoléniste, ex-député-maire d’une ville comme Évry – riche de sa diversité culturelle et ethnique –, devenu ministre de l’Intérieur puis Premier ministre sous le piteux quinquennat de François Hollande, contribue à mettre de l’huile dans les rouages du moteur xénophobe et raciste de l’extrême droite qu’il prétend pourtant combattre. Une stratégie pour le moins très dangereuse pour la cohésion nationale en France, dans la mesure où elle favorise la montée de l’extrême droite dont la cheffe de file piaffe aux portes du pouvoir.

À dire vrai, ce pseudo-républicain, véritable requin avec des dents rayant le parquet, qui n’a jamais caché ses ambitions politiques personnelles (5), n’a qu’un seul et unique objectif : reconquérir le pouvoir suprême coûte que coûte, quitte à vendre son âme au diable, après avoir échoué lamentablement à entrer au gouvernement depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en mai 2017. Autrement dit, son pseudo recyclage dans la production des idées politiques l’amenant du social-libéralisme à la droite réactionnaire, dans ses prises de position de plus en plus radicales sur la question migratoire, ne vise qu’à servir sa stratégie individualiste, vaine jusque-là, du « coucou me revoilà ».

Il cherche ainsi à se rappeler aux bons souvenirs notamment des électeurs démocrates et républicains. Mais, ces derniers, très vigilants, visiblement, en France comme en Espagne d’ailleurs, semblent détester ce genre de girouette qui n’hésite pas à retourner sa veste pour regagner la jouissance du pouvoir. Pour preuve, la claque magistrale électorale qu’il a reçue, d’une part, lors de son retour au pays natal, pour briguer la municipalité de Barcelone aux côtés du parti libéral espagnol Ciudadanos, en 2019, après avoir quitté l’Assemblée nationale française en 2018 ; et d’autre part, aux dernières législatives de juin 2022 dans la circonscription des Français de l’étranger (Andorre et Monaco, Espagne et Portugal). Si, aux municipales de Barcelone, cet opportuniste invétéré est arrivé en 4ème position, avec seulement 13% des voix, en revanche, fini en troisième place, aux législatives, il a été éliminé dès le premier tour, avec 15% de voix.

À cet égard, il est important de rappeler que, selon Le Monde, l’une des raisons de cet échec cuisant sur sa terre catalane est la suivante : « Souvent perçu comme le candidat des élites économiques et comme un activiste cherchant en Espagne une reconnaissance perdue en France, Manuel Valls a notamment souffert de sa participation à une manifestation en faveur de l’unité de l’Espagne et contre le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez, organisée en février par Ciudadanos et le parti Populaire (PP, droite), aux côtés du parti d’extrême droite Vox. » (6) Ce flirt avec l’extrême droite espagnole a-t-il joué également dans sa bérézina aux législatives françaises ? Probablement !

Voilà donc un homme politique, soi-disant de gauche, soi-disant républicain, qui manifeste ouvertement dans la rue aux côtés de l’extrême droite espagnole, laquelle collabore avec l’extrême droite française ! Ce n’est pas banal du tout d’un point de vue politique ! En effet, il s’agit, là, incontestablement d’un acte politique fort de la part d’un opportuniste indécrottable, d’une girouette, d’un homme politique de gauche, passant à la droite extrême, qui accepte désormais de fricoter avec l’extrême droite ! Et ce, explicitement, à la fois dans les mots et dans les actes ! Cela permet de mieux comprendre évidemment son revirement politique l’amenant à reprendre, à son compte, sans aucune gêne, le refrain xénophobe préféré de l’extrême droite : « Il faut arrêter l’immigration, la France ne peut plus accueillir d’immigrés. »

(1) Manuel Valls : « La France ne peut plus accueillir d’immigrés » (lepoint.fr)

(2) Manuel Valls : « Il faut arrêter l’immigration » (lepoint.fr)

(3) Les Français retrouvent de l’optimisme mais restent inquiets pour 2023, selon notre étude (rtl.fr)

(4) A Evry, Manuel Valls veut des «Blancs, des white, des blancos» – Libération (liberation.fr)

(5) De Rocard à Hollande : les 4 vies de Manuel Valls (nouvelobs.com)

(6) Aux élections municipales de Barcelone, Manuel Valls termine à la 4e place (lemonde.fr)

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