(Première partie)
par Montaigne Marcelin
Lors des joutes électorales contestées de 2015 et 2016 en Haïti, beaucoup de gens se sont plaints du comportement très peu « orthodoxe » des opérateurs Télécoms haïtiens (un en particulier). Certains observateurs se sont même demandés : Qu’est ce qui peut bien pousser un opérateur à s’impliquer, sans retenue aucune, avec une pareille indécence, dans la vie politique d’un pays ? La réponse à cette question semble tourner autour de deux mots : OTT et endettement.
En effet, coincés par les effets conjugués de l’impact des services OTT et le poids d’une dette monstrueuse (6.4 Milliards USD), certains responsables concernés ont cru, dans leur quête désespérée de solutions, devoir aller chercher la réponse à un tel défi chez nos politiciens. Ont –ils eu raison d’agir ainsi ?
Sept mois après le forfait du 20 novembre (la date des élections présidentielles), les attentes des intéressés, par rapport à la minimisation de l’impact des services OTT en Haïti, peuvent-elles être comblées ? L’endettement de cet opérateur gros comme la dette publique de tout un pays ne risque-t-il pas de constituer un facteur aggravant de la situation dans la mesure qu’il met en ligne un certain nombre de contraintes ?
Bref, dans cet environnement politico-économico-social des plus fragiles, sommes-nous, sous la poussée des services OTT et du poids de cet endettement à la veille d’un « changement sans caravane » ? Et comme il est pratiquement impossible de parler de caravane sans l’appui intéressé des médias, quelle serait la place de l’audiovisuel haïtien dans ce « changement sans caravane » ?
« Services OTT mon amour….. Services OTT je vous déteste …..«
On les appelle aussi applications VoIP (Voice-Over Internet Protocol). Ils s’adaptent et se retrouvent dans tous les secteurs d’activité humaine (finance, éducation, santé, jeux, communications….etc.). Sans trompette, ni tambour elles sont à la base de transformations majeures dans la société (ceux qui ont l’accès), en particulier dans la façon de communiquer et de vivre en général.
L’exposition quotidienne des utilisateurs à leur marque, les liens étroits avec les usagers grâce à la facilite de leurs outils, l’écosystème de services personnalises proposes et une disposition grandissante des usagers à payer ces services leur donnent un avantage certain.
On les aime ou on les déteste. Ils ne laissent jamais indifférents.
Si à l’intérieur de l’écosystème télécommunication-medias-technologie en Haïti, certains pensent à changer de modèle d’affaires, c’est à cause des services OTT. Si aujourd’hui la transition vers la télévision numérique terrestre est dans l’impasse c’est en partie en raison de la concurrence desdits services qui sont à l’origine de 50% des contenus de l’audiovisuel haïtien. Si, enfin la portabilité des numéros de téléphone est renvoyée aux calendes grecques, ce n’est pas uniquement en raison des faiblesses de l’autorité de régulation, l’appropriation intelligente des numéros des opérateurs Telecom par les OTT n’en est pas étrangère.
Pourtant très peu de références sérieuses en matière d’application VoIP ou de services OTT proprement haïtiens existent. Les mieux cotés ou reconnus des services OTT haïtiens ne dépassent pas 50 downloads sur le net après plus de 4 ans d’existence.
Pour un usager régulier d’internet haïtien, une application ou service OTT ce n’est pas One Click, Food Digger, Plezikanaval ou Vibe Kreyol (Tous des services OTT haïtiens), mais c’est plutôt YouTube, Hulu, Netflix ou Apple TV pour la diffusion vidéo ; Skype ou Facetime pour les appels vocaux/vidéo, WhatsApps ou iMessage.
Cela correspond au poids économique et financier de ces titans ou géants du secteur des communications à travers le monde et, en particulier, aux Etats-Unis d’Amérique. Cela traduit aussi le succès que connaissent les OTT de la première puissance économique mondiale.
Fondamentale, tout service que vous recevez sur internet qui n’est pas fourni directement par votre fournisseur de service internet (FAI) peut être qualifié de service OTT. Bien sûr, pour un fournisseur de service internet/fournisseur de service de télécommunication, le point critique d’une application VoIP ou d’un service OTT est le fait que ce n’est pas un service pour lequel il est payé.
Services OTT : Un peu d’histoire……
Historiquement on a commencé à parler des applications et des services « over the top » au cours de l’année 2009. A ce moment le terme s’appliquait principalement aux services vidéo tels que ceux provenant de Netflix ou Hulu. À l’époque, les principaux fournisseurs de services américains tels que Comcast et AT & T déployaient leurs services de vidéo à la demande et étaient confrontés à ces fournisseurs «OTT».
Netflix et Hulu ont fourni leur service « over-the-top » de la connexion Internet de l’usager américain, sans aucune interaction avec le fournisseur de service Internet (ni aucun revenu pour ce fournisseur de services).
Par la suite le terme « OTT » s’est appliqué aux milliers d’applications de messagerie qui ont poussé dans l’environnement mobile pour fournir une alternative aux SMS coûteux fournis par les entreprises de télécommunications traditionnelles. : WhatsApp, iMessage d’Apple, Blackberry Messenger (BBM), et une centaine d’autres qui continuent d’apparaître sur une base régulière. Certains regroupent Twitter et Facebook dans cette catégorie également.
L’essentiel de tout cela est que les services OTT ne proviennent pas des télécommunications traditionnelles ou des fournisseurs de services Internet. Les télécoms et les FAI ne sont que des fournisseurs de la connectivité IP. Les applications OTT se chevauchent sur cette connexion Internet.
Conscients du fait que les télécoms et les FAI sont devenus de gros tuyaux très stupides certains des télécoms et des FAI lancent leurs propres applications et services qui ne sont pas limités à leur propre clientèle. Et certaines des entreprises de télécommunications sont tellement désespérées de se préoccuper de leurs modèles commerciaux existants qu’ils essaient de faire en sorte que l’Union internationale des télécommunications (UIT) et les gouvernements réglementent les applications OTT et les fournisseurs de service.
Des faits qui interpellent…..
Jeudi 19 mars 2015: A l’ouverture de la bourse de New York, le fabricant de smartphone Apple a remplacé l’opérateur de télécommunications AT&T dans le Dow Jones, l’indice vedette des valeurs américaines. En chassant la plus célèbre compagnie téléphonique du monde, créée en 1889, Apple ne laisse plus qu’un seul opérateur dans la liste, Verizon, autre digne descendant de l’inventeur du téléphone Alexander Graham Bell.
Mardi 31 mars 2015: WhatsApp, la très chère filiale de Facebook, le leader des applications de messageries instantanées avec plus 700 millions d’utilisateurs actifs, a publié la dernière mise à jour de son application de messagerie à destination des terminaux Android. Un ajout, en particulier, caractérise cette mouture: l’introduction des appels vocaux.
Jeudi 2 Avril 2015: Un groupe d’utilisateurs haïtiens des moyens de communication électronique annonce sur les réseaux sociaux qu’ils abandonnent l’usage de la téléphonie traditionnelle et que, désormais, ils utilisent une connexion mobile Wi-fi et des applications VoIP pour effectuer les appels vocaux en Haïti tant nationaux qu’internationaux ainsi que pour envoyer des messages instantanés pouvant atteindre 100 Mega-octets.
Mai 2017 : Digicel recommande aux gouvernements de la région de faire en sorte que les géants en ligne comme Facebook, Google et WhatsApp obéissent à la loi et paient leur juste part des taxes. S’exprimant lors d’un forum sur les télécommunications et les médias organisé récemment par l’Institut international des communications (CII), David Geary, avocat général pour les Caraïbes au Groupe Digicel, a noté: « Les joueurs en ligne ont soutenu que l’Internet leur fournit un » manteau d’invisibilité réglementaire « et que la loi du pays ne leur est pas applicable parce qu’ils sont sur internet. Ce que nous assistons est une réalisation mondiale parmi les décideurs politiques selon laquelle la loi et la réglementation doivent s’appliquer au monde en ligne. »
8 Mars 2017 : Une agence de notation supérieure affirme que Digicel Group doit améliorer ses flux de trésorerie disponibles d’ici mars prochain afin de compenser les échéances de la dette.
Digicel a besoin d’un recouvrement matériel dans la génération de flux de trésorerie gratuite afin d’éviter tout risque de refinancement potentiel d’escalade des échéances de la dette, a déclaré l’agence de notation Fitch, basée aux États-Unis, qui a maintenu une note B/Stable pour les télécommunications.
« L’extension réussie de Digicel des échéances de prêt à venir à partir de mars 2018 restera une priorité clé de crédit à court terme compte tenu de sa détérioration récente du profil financier », a déclaré Alvin Lim, directeur chez Fitch. « Un recouvrement des flux de trésorerie disponible plus faible est prévu au cours de l’exercice 2018 et de l’exercice financier 2019, ce qui entrave l’achèvement d’un échéancier d’endettement confortable et fera immédiatement pression sur le profil financier de l’opérateur«, a-t-il déclaré.
Des faits parmi tant d’autres qui peuvent nous aider à situer le contexte dans lequel nous entendons placer cette série de présentations relative l’impact des applications VoIP (Voice Over Internet Protocol) sur les cinq catégories d’acteurs qui coexistent dans le fonctionnement du secteur :
- Les opérateurs de communications électroniques, qui déploient et/ou exploitent les réseaux et forment le maillage mondial ;
- Les différents acteurs du secteur de l’audiovisuel
- Les usagers résidentiels et professionnels, généralement appelés internautes, qui sont des personnes physiques ou morales qui accèdent aux services pour leurs propres besoins, par l’intermédiaire de
- Le régulateur haïtien
- La société haïtienne en général
Des chiffres qui interpellent ……
Nous présentons dans les tableaux ci-dessous le profil des appels Voip de quelques acteurs du secteur en Haïti en 2014 ainsi que des données relatives au volume du trafic international.
Nous allons revenir plus tard sur ces chiffres extrêmement importants pour la bonne compréhension de la problématique du Voip et de ses applications en Haïti. Pour l’instant nous nous contentons de faire les remarques suivantes :
- L’acteur principal dans le trafic Voip en Haiti est un opérateur Télécom : la Natcom. l’opérateur dominant n’arrive qu’en dernière position. (Chiffres officiels)
- Le volume du trafic international entrant est passé de 654,391,146 minutes à 581,295,940 minutes de l2008 à 2009, soit une diminution de 17% et a augmenté en 2010 , après le séisme du 12 janvier, pour atteindre 684,490,528 minutes , soit 17.75% de plus par rapport à l’année précédente. Par contre, le volume de trafic international sortant a légèrement progressé de 2008 à 2009 en passant de 71,738,436 minutes à 73,084,605 et a chuté à 58,247,162 en 2010, soit une diminution de 20.30% par rapport à l’année précédente.
- La moyenne du nombre de minute pour le trafic international entrant était en 2010 à environ 60.000.000. Elle est passe en 2014 à 48.000.000 de minutes. Soit une diminution de 12.000.000 de minutes selon des chiffres officiels
Notons que la pénétration de l’Internet en Haïti est évaluée à 12%, alors que celle de la téléphonie mobile se situe, selon le Régulateur Telecom haïtien, entre 55% et 60%. Une baisse de plus de 21% pour la Natcom et 8% pour la Digicel du trafic moyen journalier des appels téléphoniques internationaux entrants a été aussi constatée.
Tableau 1 : Profil des appels Voip en Haïti en 2014
| Nom | Transpor-teur | ISP | Bande passante | Quantite de Paquet SIP | Nombre de minute d’ appels par jour |
| Access Haiti | Non | Oui | 1 Gbps Throughput | 4,000,000 | 100,000 |
| Batelnet | Oui | Non | 10Gps | 300,000 | 100,000 |
| Digicel | Non | Oui | 10Gbps 1.5 Gig Lit | 500,000 | 17,000 |
| Hainet | Non | Oui | Inclus dans la bande passante d’ Access Haiti | 3,000,000 | 40,000 |
| Multilink | Non | Oui | 1 Gig | 300,000 | 800,000 |
| Natcom | Oui | Oui | 2 Gig | 4,000,000 | .1,200,000 |
Tableau 2 : Données opérateurs de téléphonie en Haïti ( Septembre 2014)
| Type | Reseau | Nombre de Clients | Moyenne Minute Locales/mois | Moyenne Minutes Internationales
Sortants/mois |
Moyenne
Minutes Internationale Entrant/mois |
|
| Digicel | Wireless | Edge/3G | 4,505,570 | 214,849,622 | 1,532,961 | 41,902,698 |
| Natcom | Wireless | Edge/3G | 2,600,000 | 145,730,953 | 3,724,377 | 6,614,386 |
(Ref. Document d’ Appel d’Offres pour la fourniture et l’opération d’un système de monitoring du trafic national et international de télécommunications permettant d’identifier, de filtrer les appels Voip et les liaisons internet utilisées a cet effet en vue de réguler le trafic Voip, d’interconnecter tous les opérateurs et de lutter contre la fraude).
Tableau 3 : Volume de trafic appels téléphonique international
| Trafic international entrant (min) | Trafic international sortant (min) | |||||||
| Operateur 1 | Operateur 2 | Operateur 1 | Operateur 2 | Total entrant | Total sortant | |||
| Janvier 10 | 25,540,487 | 32,171,820 | 4,119,012 | 7,823,005 | 57,712,307 | 11,942,017 | ||
| Février 10 | 25,875,839 | 42,331,451 | 2,341,932 | 4,428,605 | 68,207,290 | 6,770,537 | ||
| Mars 10 | 14,134,937 | 27,187,537 | 2,379,283 | 3,234,233 | 41,322,474 | 5,613,516 | ||
| avril 10 | 13,282,406 | 40,873,741 | 1,556,928 | 2,764,186 | 54,156,147 | 4,321,114 | ||
| Mai 10 | 13,200,774 | 45,348,660 | 1,462,981 | 2,226,021 | 58,549,434 | 3,689,002 | ||
| Juin 10 | 11,584,466 | 43,225,441 | 1,331,581 | 2,417,325 | 54,809,907 | 3,748,906 | ||
| Juillet 10 | 12,800,637 | 58,524,452 | 1,332,014 | 2,926,644 | 71,325,089 | 4,258,658 | ||
| Aout 10 | 11,667,570 | 49,636,221 | 1,304,060 | 2,290,329 | 61,303,791 | 3,594,389 | ||
| Septembre 10 | 10,362,353 | 44,062,266 | 1,267,100 | 1,860,457 | 54,424,619 | 3,127,557 | ||
| Octobre 10 | 11,188,660 | 47,433,641 | 1,619,933 | 1,940,382 | 58,622,301 | 3,560,315 | ||
| Novembre10 | 12,506,008 | 35,088,033 | 1,492,845 | 1,779,615 | 47,594,041 | 3,272,460 | ||
| Décembre 10 | 14,110,104 | 42,353,024 | 1,285,891 | 3,062,800 | 56,463,128 | 4,348,691 | ||
| Moyenne | 14,687,853 | 42,353,024 | 1,791,130 | 3,062,800 | 57,040,877 | 4,853,930 | ||
| % Variation 08-09 | 17.84% | 17.72% | 15.83% | -32.60% | 17.75% | -20.30% | ||
| Total | 176,254,241 | 508,236,287 | 21,493,560 | 36,753,602 | 684,490,528 | 58,247,162 | ||
NB : Les opérateurs 1 et 2 écoulent à eux deux plus de 90% du trafic international.
Trainer une dette comme un boulet avec de grandes échéances en 2018, 2020,2021, 2022 et 2023……
L’Histoire de l’endettement de la Digicel fait ressortir 4 dates importantes. Cet endettement a pris les proportions inquiétantes que l’on connait (6.4 Milliards USD) entre les années 2011 et 2015 :
- En septembre 2012, Digicel a émis et vendu 1,5 milliard de dollars en capital total de 8,25% de billets de premier rang échéant le 30 septembre 2020 et, en décembre 2013, DGL a émis et vendu un montant additionnel de capital de plus de 500 millions de dollars de billets de premier rang de 8,25% échéant le 30 septembre , 2020 (collectivement, les «billets 2020»).
- Le 5 mars 2013, Digicel a émis un montant total de capital de 1 milliard de dollars de billets de premier rang de 6,00% échéant en 2021 et le 22 mars 2013, Digicel Limited a émis un montant additionnel de 300 millions de dollars, 187 de billets supérieurs de 6,00% 2021 (collectivement, les «billets 2021»).
- Le 2 avril 2014, Digicel a émis 1,0 milliard de dollars en capital total de billets de premier rang de 7,125% échéant le 1er avril 2022 (les «billets 2022»). Les intérêts sont payables au comptant chaque 1er avril et 1er octobre. Avant le 1er avril 2017, DGL peut racheter la totalité ou une partie des billets 2022 au prix de 100% du capital des billets 2022 rachetés plus la prime applicable.
- Le 24 février 2015, Digicel a émis un montant en capital total de 925 millions de dollars de billets supérieurs de 6,750% échéant en 2023 (les «billets 2023»). Les intérêts sur les billets de 2023 s’accumulent au taux de 6,750% par année et sont payables semestriellement à terme échu le 1er mars et le 1er septembre de chaque année.
| Alors | que l’agence de notation américaine prévoit une baisse des revenus….. |
Au début de ce mois de juin, dans une note publique, l’agence américaine Fitch a fait savoir que les revenus de la Digicel pourraient diminuer en termes réels en raison de la hausse de la dépréciation de la monnaie découlant des hausses des taux de référence de la Reserve Fédérale des Etats-Unis.
Les préoccupations de Fitch concernent l’effet domino des taux plus élevés de la Fed sur l’amortissement de la monnaie et son impact sur les revenus. En outre la hausse des taux pourrait augmenter les intérêts sur les prêts refinancés de Digicel .
Un refinancement pour acheter du temps et retarder l’inévitable ……
En décembre de l’année dernière, la firme de recherche de dette CreditSights a déclaré que l’opérateur de téléphonie mobile base aux Caraïbes de Denis O’Brien faisait face à un « cocktail » en raison de la dépréciation des monnaies dans ses principaux marchés et de la baisse des revenus provenant des appels téléphoniques internationaux.
La Firme de recherche avait averti que la dette de Digicel était insoutenablement élevée et qu’elle n’avait pas de « coussin d’équité » pour supporter et résister à un choc majeur . (Un choc majeur qui pourrait venir de l’entrée d’un opérateur majeur dans l’un de ses principaux marchés par exemple).
Plus récemment, le groupe Digicel a profité du financement de sa dette internationale pour refinancer plus d’un milliard de dollars d’emprunts venant à échéance au cours des trois prochaines années. Cependant des observateurs avisés pensent que ces opérations de refinancement ne serviront en fait qu’à permettre à la Dgicel acheter du temps et retarder l’inévitable…..
Par ailleurs soulignons que le marché haïtien fournit 20% environ des revenus de la Digicel . Le personnel de cette compagnie en Haïti représente moins de 15% de ses employés réunis dans les près de 31 marchés ou elle opère.
Le tableau ci-dessous présente des informations relatives aux obligations financières de la compagnie rendues publiques lors de sa dernière tentative d’entrée en bourse (NYSE) en 2015.
| 2015 | 2014 | |||||||
| $’000 | $’000 | |||||||
| Unsecured Senior Notes: | ||||||||
| (a) 10.500% Senior Notes | — | 775,000 | ||||||
| (a) 7.125% Senior Notes | 1,000,000 | — | ||||||
| (b) 8.250% Senior Notes | 2,000,000 | 2,000,000 | ||||||
| (c) 8.250% Senior Notes | — | 800,000 | ||||||
| (c) 6.750% Senior Notes | 925,000 | — | ||||||
| (d) 7.000% Senior Notes | 250,000 | 250,000 | ||||||
| (e) 6.000% Senior Notes | 1,300,000 | 1,300,000 | ||||||
| Senior Secured Term Loans: | ||||||||
| (f) Tranche D | — | 136,481 | ||||||
| (g) Tranche D-1 | 442,920 | 563,265 | ||||||
| (h) Tranche D-2 | 281,941 | — | ||||||
| (i) Tranche E | — | 21,938 | ||||||
| (j) Tranche E-1 | 47,568 | 38,469 | ||||||
| (k) Tranche F | 14,203 | 30,774 | ||||||
| (l) Tranche F-1 | 9,770 | — | ||||||
| (m) Tranche G | 10,431 | 16,427 | ||||||
| (n) Tranche H | 14,025 | — | ||||||
| (o) J$ Bonds | 12,111 | 19,076 | ||||||
| Other Loans: | ||||||||
| (p) Government of Jamaica (Licence debt) | 18,649 | 19,776 | ||||||
| (q) Telecommunications Authority of Trinidad & Tobago | — | 1,313 | ||||||
| (r) Conatel, Haiti | 7,858 | 9,943 | ||||||
| (s) Caribbean Cable Communications | 1,266 | 1,692 | ||||||
| (t) Turks & Caicos Broadcasting Limited | 1,631 | — | ||||||
| (u) Project Finance Haiti | 51 | 53 | ||||||
| (v) Digicel Asian Holdings Pte. Ltd | 60,000 | — | ||||||
| (w) Turgeau Developments S.A. | 26,500 | — | ||||||
| (x) Project Finance Papua New Guinea | 39,000 | 68,230 | ||||||
| (y) Sites & Towers PNG Limited | 26,145 | — | ||||||
| (z) Digicel Pacific Finance Limited Facility | 7,868 | 30,127 | ||||||
| 6,496,937 | 6,082,564 | |||||||
| Less: Net unamortised discount and fees | (107,758 | ) | (100,155 | ) | ||||
| 6,389,179 | 5,982,409 | |||||||
| Accrued interest | 79,561 | 82,185 | ||||||
| Less: Due within 12 months | (163,227 | ) | (1,218,861 | ) | ||||
| 6,305,513 | 4,845,733 | |||||||
À la suite de l’offre publique lancée en mars 2014 pour le rachat anticipé des billets de premier rang de 775 000 000 $ à 10,5%, le montant total de ces billets a été classé en dette courante au 31 mars 2014 et inclus dans le solde inférieur à un an dans le tableau ci-dessous.
| 2015 | 2014 | |||||||
| $’000 | $’000 | |||||||
| Moins d’une annee | 83,666 | 1,136,676 | ||||||
| Un a deux ans | 69,824 | 302,700 | ||||||
| Deux a trois ans | 207,560 | 278,468 | ||||||
| Trois a quatre ans | 592,409 | 805,430 | ||||||
| Quatre a cinq ans | 288,645 | 2,128 | ||||||
| Plus de cinq ans | 5,254,833 | 3,557,162 | ||||||
| 6,496,937 | 6,082,564 | |||||||
| Less: Deferred discount and financing fees | (107,758 | ) | (100,155 | ) | ||||
| 6,389,179 | 5,982,409 | |||||||
Les premiers services de contournement ne datent pas d’aujourd’hui.
L’histoire des services de contournement dans les Télécoms n’a pas débuté en Haïti avec les OTT. Les opérateurs traditionnels du secteur Télécom ont été déjà confrontés à des offres concurrentielles à la limite de la légalité.
Si aujourd’hui tous les experts, au niveau mondial, s’accordent à dire que le marché des services liés au Voip a tendance à dépasser celui des communications traditionnelles fixes et mobiles, en Haïti c’est le réseau téléphonique classique qui conduisit les premiers pas de l’Internet avec l’accès dial-up au début de l’année 1994.
Mais bien vite les relations Père/Fils entre l’opérateur de réseau téléphonique classique et les fournisseurs d’accès Internet allaient se détériorer, en particulier avec la controverse créée par l’Affaire TELECO/ACN à la fin du siècle dernier relativement à l’acheminement d’appels dits illégaux sur le réseau de l’opérateur historique.
En effet la Alpha Communication Network(ACN) était le premier fournisseur d’accès internet à s’être établie en Haïti en 1993. Elle disposait de son propre lien satellitaire international qu’elle utilisait pour transporter le trafic internet et offrir des services de réseau privé virtuel à de nombreuses entreprises qui disposaient de bureaux en Haïti. Comme FAI (Fournisseur d’Accès Internet) avec la plus grande capacité d’alors, ACN fournissait un service d’accès internet au coût de 130 USD pour les frais d’installation et 16.30 USD pour une connexion dial-up de 20 heures par mois.
En 1998 une controverse éclata entre la ACN et l’opérateur historique d’Haïti (TELECO) appartenant, lors, à l’État haïtien à 100%, qui s’inquiétait de la baisse de ses revenus et soutenu en cela par le Régulateur (CONATEL). Le FAI a été accusé d’utiliser les lignes d’accès pour terminer du trafic illégalement sur le réseau commuté national. Suite à ces accusations la TELECO a repris les deux tiers des lignes téléphoniques allouées à ACN qui perdra alors la majorité de ses clients dial-up.
Plus fondamentalement ce qu’on doit retenir dans cette affaire c’est que l’opérateur historique avait longtemps vécu très largement des seuls revenus des télécommunications internationales (Plus de 50% des revenus de l’opérateur historique provenaient des appels internationaux en 1995). En effet, le déséquilibre structurel du trafic international l’avait toujours placée, jusque-là, en position créditrice par rapport à ses correspondants internationaux.
Toutefois avec la profonde modification de son environnement, la TELECO allait se retrouver face à de nouvelles difficultés, que l’on peut attribuer à deux facteurs :
- La baisse des tarifs de terminaison des appels. Cette baisse, engagée dans le monde entier à partir de la seconde moitié des années 90, a été impulsée par les opérateurs américains, appuyés par la FCC, inquiète de l’augmentation de la dette internationale des USA, conséquence de l’augmentation importante des flux de trafic sortants consécutive à la dérégulation du marché des télécommunications longue distance aux États-Unis. La baisse a été amplifiée par l’apparition de nouveaux transporteurs qui organisent des acheminements de trafic à très faible prix pour le compte des distributeurs alternatifs, notamment des opérateurs de services de voix sur IP (VoIP) ou de cartes prépayées.
- L’apparition d’offres concurrentielles en Haïti. Il s’est agi en premier lieu des opérateurs mobiles, qui, en développant leur parc plus rapidement que la TELECO, offraient au trafic international de nouvelles destinations. Il s’agit aussi d’opérateurs agissant en marge de la légalité, offrant des accès alternatifs au réseau national. En ce qui concerne le trafic de départ, l’apparition d’offres bon marché (elle aussi en marge de la légalité) utilisant la technologie VoIP a également été néfaste pour la TELECO qui maintenait traditionnellement des tarifs internationaux de départ élevés.
Bref les défis posés par les services « Over-The-Top » aux opérateurs Télécom ne sont pas nouveaux. Les premiers contournements dans le secteur ne datent pas d’’aujourd’hui.
Apres avoir fait « évacuer » un opérateur du marché dans une opération qu’ on a tenté de présenter comme une vente et échappé de justesse aux conséquences de l’impact de l’entrée d’un nouvel opérateur sur le marché ( l’appel d’ offres était déjà sous presse au Journal Le Nouvelliste quand il a été annulé en 2013), comment aujourd’hui faire face à cette situation nouvelle qui menace même l’existence, à moyen et long terme, de nos opérateurs traditionnels (Audiovisuel compris) ?
La régulation peut- elle ou doit-elle jouer un rôle dans cette opposition entre opérateurs traditionnels et géant du net?
Quelle catégorie devra protéger le régulateur ? Les usagers ou les opérateurs ?
Quelle est l’ampleur de la « menace » OTT pour les opérateurs télécom (Audiovisuel compris) ?
Quels leviers peuvent activer les opérateurs pour protéger leurs revenus et leurs marges ? • Comment les relations OTT / opérateurs devraient évoluer ? •
A l’intérieur de l’écosystème télécommunications-medias-technologies, cinq modèles sont désormais en concurrence pour distribuer des contenus et contrôler l’ accès aux usagers : le modèle traditionnel des fournisseurs d’ infrastructures ( câble, télécommunications et satellites), le modèle d’Edition agrégation de contenus des radiodiffuseurs (BSkyB, BBC, etc…), le modèle des moteurs de recherche ( Google, Bing, etc….), le modèle des équipementiers ( Apple, Samsung, etc) et le modèle des réseaux ou communautaires (YouTube, Twitter, Facebook). Quel modèle retenir ?
Le poids de cet endettement dont nous avons précédemment décrit l’ampleur et cette pénétration plus que visible du marché haïtien des Télécoms d’un nouvel opérateur par la porte arrière nous laisseront-t-ils d’autre alternative qu’un « changement sans caravane » ?
Ces questions feront l’objet de la deuxième partie de notre présentation.
Montaigne Marcelin
Consultant, Juin 2017

