OCID : Au-delà du défi sécuritaire et de l’impasse politique, il faut une réforme profonde de l’économie haïtienne

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Un bilan mitigé pour quatre décennies de transition démocratique

par OCID

Au-delà du défi sécuritaire et de l’impasse politique, le dernier sondage de l’OCID révèle qu’une réforme profonde de l’économie haïtienne constitue un élément essentiel pour briser le cycle des crises post-86

Mercredi 8 février 2023 ((rezonodwes.com))–

Le 7 février 2023 marque le 37ème anniversaire du grand mouvement d’effervescence populaire qui célébra  la  chute  du  long  régime  despotique  des  Duvalier  et  inaugura  le  processus  de  transition démocratique  en  Haïti.  Qualifiée  pompeusement  de  deuxième  Indépendance,  cet   important moment  dans  la  lutte  du peuple  haïtien  charriait  cinq  principales  revendications :  l’amélioration des conditions de vie, la justice sociale, la participation citoyenne, un État de droit démocratique et la transparence.

Si au niveau de la participation citoyenne, des libertés publiques et de la Transparence, des progrès ont été réalisés, en  ce qui concerne  la vie politique,  les conditions matérielles d’existence, et la justice sociale, la situation a empiré. En effet, la liberté d’expression, d’association, de s’organiser en  partis  politique,  de  voter,  de  revendiquer,  de  critiquer  les  dirigeants,  de  manifester,  d’avoir accès au budget national sont aujourd’hui des acquis. Par contre, sur le plan politique, la dictature, au lieu de faire place à la démocratie, tend à se transformer en un régime anarchique où les bandits font  la  loi,  où  il  n’y  a  pas  de  Parlement  depuis  trois  ans  et  pas  de  Président  de  la  République depuis 19 mois. Le pays est donc gouverné par un Premier Ministre sans aucun organe de contrôle démocratique   et   avec   un   système   de   justice   défaillant.   Sur   le   plan   économique,   c’est   la catastrophe :  près  de  la  moitié  de  la  population vit  dans  l’insécurité  alimentaire,  des  entreprises ferment  leurs  portes,  le  chômage  augmente,  l’inflation  atteint  bientôt  les  50%.  Une  profonde réforme économique est donc un impératif.

Des données établissent l’extrême urgence d’une réforme structurelle de l’économie haïtienne pour briser le cycle des crises post-86

Fidèle à sa mission de porter la voix des citoyennes et des citoyens dans la sphère publique pour la défense de l’intérêt général, l’OCID vient de conduire un sondage national auprès d’un échantillon aléatoire et représentatif de 1,684 personnes âgées de 18 ans et plus sur les politiques publiques. Cet   échantillon   est   réparti   en   trois   strates   pour   le   milieu   de   résidence :   26.2%   en   zone métropolitaine de Port-au-Prince, 32% pour les villes de province et 41.8% pour le milieu rural. Les femmes y sont représentées à 48% (contre 52% pour les hommes). Cette enquête réalisée du 28 novembre au 4 décembre 2022.

En attendant qu’il en publie les principaux résultats incessamment, l’OCID a jugé bon de partager avec les décideurs, les acteurs de tous les secteurs de la vie nationale et l’opinion publique d’une manière générale, quelques tendances saillantes de ce sondage crucial qui font ressortir l’extrême urgence d’une réforme structurelle de l’économie haïtienne. En effet, si une très grande proportion de la population (52.5% contre 62.2% en octobre 2021 et 9% en mai 2015) se dit préoccupée en

premier lieu par les actes d’insécurité (kidnapping,  gangs et bandits en divers lieux, violence et autres crimes), les problèmes économiques ressurgissent comme une préoccupation majeure. Car 35.5%  des  personnes  interrogées  (contre  21.5%  en  2021  et  66%  en  2015),  tandis  que  les problèmes politiques ne préoccupent qu’entre 9% et 11% de la population (11.2% en 2022, 9.1% en  2021  et  10%  en  2015).  La  variation  de  ces  tendances  confirme  le  caractère  structurel  des problèmes économiques et politiques, ainsi que le poids incomparable de la question économique dans la persistance de la crise.

Par  ailleurs,  l’opinion  de  la  population  sur  diverses  composantes  essentielles  de  la  politique économique  démontre  la  nécessité  de  changements  structurels  incontournables  dans  l’économie haïtienne  pour  briser  le  cycle  infernal  des  crises  intermittentes  de  la  période  post-1986.  Par exemple :

a)   85.1% des citoyennes et des citoyens estiment que l’Etat gaspille de l’argent en faisant des dépenses inutiles ; ce qui rejoint les analyses d’experts dénonçant le fait que les achats de l’État  tendent  beaucoup  plus  à  booster  les  importations  qu’à  renforcer  les  secteurs  de production.

b)   91.5% des citoyennes et des citoyens affirment être tout à fait d’accord ou plutôt d’accord avec une mesure qui viserait l’élimination de la TCA sur les produits de première nécessité afin d’en réduire les prix (une réduction potentielle des taxes sur la consommation qui ne favorisent pas le principe d’équité).

c)   84.9% d’entre eux les sondés estiment que l’Etat fait une mauvaise ou une très mauvaise gestion de l’argent provenant des taxes et impôts, tandis qu’une proportion de plus de 95% est favorable à des mesures de transparence budgétaire.

d)   Enfin, plus de 90% des personnes interrogées appuient   quatre mesures de diminution des avantages  fiscaux  et  douaniers  sur  les  produits  importés  qui  leur  avaient  été  présentées, dans le but d’augmenter la production agro-industrielle locale.

De  telles  tendances  confirment  les  analyses  d’experts  portant  sur  le  rôle  déterminant  d’une économie  fondée  sur  des  rentes  dans  la  pérennisation  de  l’instabilité  politique  et  des  crises  à répétition. Elles expliquent également cette fièvre incroyable pour l’obtention de passeports que le pays vit depuis l’annonce du programme humanitaire Parole du Gouvernement américain. Quand l’économie  du  pays  est  ailleurs  (importations  et  transferts  de  la  Diaspora),  l’espoir  est  aussi ailleurs.

À la lumière de ces données, l’OCID croit que les décideurs publics, les acteurs politiques comme ceux  de  la  société  civile  et  du  secteur  des  affaires  devraient  mettre  le  cap  sur  une  réforme profonde,  notamment  de  nos  politiques  fiscale  et  commerciale,  de  production  et  de  création d’emplois en vue de réduire drastiquement le fléau social du chômage massif et du sous-emploi qui alimente tous les circuits de criminalité. Au-delà de l’insécurité conjoncturelle qui nous étouffe et de l’impasse politique qui paralyse le pays, cette extrême urgence ne pourra plus attendre. Elle doit être au cœur de toute démarche de consensus, et surtout elle doit figurer au top des priorités des offres politiques lors du prochain cycle électoral. Au risque de l’effondrement total de l’État Nation d’Haïti.

Cette  réforme  ne  sera  possible  qu’avec  un  gouvernement  élu  à  l’occasion  d’élections  libres  et fiables. Aussi l’OCID prend-il acte de la publication au journal Le Moniteur d’un nouvel accord politique,  le  Consensus  du  21  décembre  2022,  et  l’installation,  le  6  février  2023,  d’un  Haut

Conseil  de  la  Transition  (HCT)  de  trois  membres  assistant  le  Premier  Ministre.  L’Observatoire tient, cependant, à mettre le Gouvernement, le HCT et leurs alliés en garde contre toute tentation triomphaliste.  Car  l’impasse  politique  demeure,  et  le  consensus  politique  inclusif  prôné  par l’OCID depuis plus de deux ans s’avère plus que jamais d’une impérieuse nécessité.

L’Observatoire Citoyen  pour l’Institutionnalisation de la Démocratie (OCID), consortium de la société civile formé de l’Initiative de la Société Civile, du Centre Œcuménique de Droits Humains et  de  JURIMEDIA,  renouvelle  son  engagement  à  observer  les  processus  politiques,  selon  une approche, objective, scientifique et non partisane, et à travailler à la consolidation de la démocratie en Haïti.

« Une démocratie pérenne par la vigilance citoyenne »

Pour le Comité de Pilotage d e  l’OCID  :

Sylvie BAJEUX

Directrice exécutive du Centre Œcuménique des Droits Humains (CEDH)

Abdonel DOUDOU

Directeur exécutif de JURIMÉDIA

Rosny DESROCHES

Directeur exécutif de l’Initiative de la Société Civile (ISC)

Pour authentification: Rosny DESROCHES (34466167) et Abdonel DOUDOU (38790493).

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