13 octobre 2024
Histoire : Il y a 20 ans, le Core Group réuni au Canada décidait qu’Haïti ne sera plus dirigé par des haïtiens
Actualités Société

Histoire : Il y a 20 ans, le Core Group réuni au Canada décidait qu’Haïti ne sera plus dirigé par des haïtiens

Ce 31 janvier 2023 ramène Le 20ème anniversaire de la réunion du groupe au nom de code «  Initial d’Ottawa sur Haïti » qui décida de mettre fin à l’expérience du gouvernement élu du Président Jean Bertrand Aristide et de la mise sous tutelle d’Haïti sous la forme déguisée que l’on connaît.

Pour l’Histoire , nous reproduisons cet article paru dans la presse Canadienne sous la plume de Michel Vastel, le 15 mars 2003, sous le titre « Haïti mise en tutelle par l’ONU ?  Et en sous-titre « Il faut renverser Aristide. Et ce n’est pas l’opposition haïtienne qui le réclame, mais une coalition de pays rassemblée à l’initiative du Canada ! « 

Le dernier week-end de janvier, une réunion secrète s’est tenue à Ottawa et sur les bords du lac Meech, dans le parc de la Gatineau. Le secrétaire d’État du Canada pour l’Amérique latine, l’Afrique et la Francophonie, Denis Paradis, a invité les représentants de l’Organisation des États américains (OEA), de la Commission économique européenne (CEE) et de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie à « brasser des idées » sur le dram haïtien. La France avait délégué sont le ministre de la Coopération, Pierre-André Wiltzer ; le Secrétariat d’État américain avait envoyé deux fonctionnaires de haut rang ; et le Salvador, sa ministre des Affaires étrangères, Maria Da Silva.

Le groupe réuni par Denis Paradis (et qui porte pour l’instant le nom de code « Initiative d’Ottawa sur Haïti ») n’est pas prêt à attendre les élections de 2005 pour le changement de régime. En effet, la communauté internationale conserverait réglera cette question avant le 1er janvier 2004 et le bicentenaire de la plus ancienne république des Antilles.

«Je ne veux pas finir comme Roméo Dallaire», a dit le ministre Paradis à ses invités. Les événements de 1994 au Rwanda ont en effet exposé au grand jour les horreurs auxquelles peuvent conduire l’inaction de la communauté internationale : les Casques bleus de l’ONU, placés sous le commandement du général canadien Dallaire, assistèrent, impuissants, au massacre de 500 000 à un million de personnes.

En Haïti, il y a 8,2 millions de francophones (plus que la population du Québec) qui vivent dans une ère de pauvreté « écoeurante », comme j’ai retrouvé Denis Paradis au cours d’un premier voyage, en 2000, à l’époque où il était parlementaire du ministre des Affaires étrangères, John Manley. « Si les Canadiens traitent leurs animaux comme les autorités haïtiennes traitent les citoyens, dit-il, on les mettrait en prison. »

Un taux de chômage officiel de 60% et un produit intérieur brut par habitant de 469 dollars par an, une espérance de vie de 50 ans pour les hommes et de 54 ans pour les femmes : Haïti se classe, selon l’Indice de Développement Humain des Nations Unies, 150e sur les 173 comtés attribués. L’anarchie est telle qu’au moins un milliard de dollars d’aide internationale sont retenus par les bailleurs de fondos, qui estiment que les sommes ne sont pas utilisées à d’autres fins.

La misère des Haïtiens, qui a échoué à l’occasion sur les côtes de la Floride et des îles françaises de la Guadeloupe et de la Martinique, reste le secret le mieux gardé de la planète. L’île est loin du siège social de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie, à Paris. La France s’inquiète de savoir qui se trouve en Côte d’Ivoire. Les pays membres de l’OEA se voient face à intervenir en Haïti, qui sera également une plaque tournante importante du trafic de drogue. Et les États-Unis, obsédés par leur sécurité intérieure, ne s’intéressent guère à cette république de 27 797 km2 – plus petite que la Belgique -, sans pétrole, sans intérêt stratégique, où l’on parle français de surcroît.

Le Canada s’est toujours senti une responsabilité particulière envers ce petit pays francophone des Antilles, d’autant qu’on estime à 120 000 le nom des Haïtiens qui vivent au Québec – Le président Aristide a lui-même étudié à la faculté de Théologie de l’Université de Montréal. Le gouvernement Mulroney approuve le retour au pouvoir de Jean-Bertrand Aristide, destitué et condamné à l’exil après un coup d’État, en septembre 1991. Plus que les élections de novembre 2000 ont créé une impasse entre Lafanmi Lavalas – Le parti du président – ​​​​et l’Organisation du peuple en lutte, qui contrôle le Parlement. Depuis, c’est un véritable régime de terreur qui s’est installé.

La communauté internationale comprend, selon un nouveau principe des Nations unies, se prévaloir de sa « responsabilité de protection ». Ce principe a été établi en décembre 2001 par la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États, créée par le Canada en septembre 2000, à la suite d’un appel du secrétaire général des Nations unies. La responsabilité de protéger est encore définie : « Lorsqu’une population subit gravement les conséquences d’une guerre civile, d’une insurrection, de la répression menée par l’État ou de l’échec de ses politiques, et que l’État en question n ‘est pas disposé ou apte à mettre un terme à ces souffrances ou à les éviter, la responsabilité internationale de protection prend le pas sur le principe de non-intervention. »

C’est la première fois que la Communauté économique européenne et l’Agence intergouvernementale de la Francophonie participent à une rencontre avec l’Organisation des États américains. Aucune décision n’est prise

t à l’ordre du jour, mais dans les milieux diplomatiques français, on indique qu’on a beaucoup parlé d’une sorte de « mise en tutelle », comme au Kosovo.

Pour Denis Paradis, qui, avec la complicité de Jean Chrétien, en avait fait une croisade personnelle au retour de son voyage, en 2000, c’est l’aboutissement de plus de deux ans de campagne de sensibilisation dans une vingtaine de capitales. Accompagnant le premier ministre dans Afrique l’an dernier, il avait d’ailleurs sensibilisé tous les chefs de gouvernement qu’il avait rencontrés. « Dans Afrique, j’ai vu la pauvreté dans la dignité, raconte Denis Paradis. En Haïti, il n’y a même plus de dignité ! »

Le groupe « Initiative d’Ottawa sur Haïti » se réunira de nouveau à la mi-Avril, à Salvador. Il se propose de rédiger un projet de résolution qui sera déposé aux Nations unies. On y parlera sûrement de respect des droits de la personne et de rétablissement de l’État de droit. Même si l’ONU n’est pas souveraine, pas que ce genre d’intervention débouche sur une occupation militaire, celle-ci pourrait être inévitable jusqu’à ce que des élections aient été organisées. La communauté internationale devra ensuite, comme à la fin des années 1990, surveiller la mise en place d’une police et d’une armée démocratique.

Les besoins sont énormes : la population, dont 80 % vit sous le seuil de pauvreté, n’a généralement pas accès à l’eau ni à l’électricité. Et le temps presse, car on estime que le nombre d’habitants en Haïti pourrait atteindre 20 millions en 2019. Vingt millions de francophones, dans un état de misère abjecte, aux ports des Amériques. « C’est une bombe à retardement, qu’il faut désamorcer tout de suite », plaid Denis Paradis.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.