Réunion sur Haïti : Déclaration de Helen La Lime devant le Conseil de Sécurité de l’ONU

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REMARQUES DU REPRESENTANT SPECIAL HELEN LA LIME, BRIEFING OUVERT DU CONSEIL DE SECURITE SUR HAITI
Mardi 24 janvier 2023 ((rezonodwes.com))–

BUREAU INTÉGRÉ DES NATIONS UNIES À HAÏTI (BINUH)


Monsieur/Madame le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

Janvier est un mois doux-amer pour Haïti, car les célébrations de l’indépendance sont accompagnées du souvenir douloureux du tremblement de terre dévastateur qui, le 12 janvier 2010, a ravagé la capitale, tué des centaines de milliers de personnes et en a déplacé des milliers d’autres. Cette année, les commémorations de la tragédie sont restées discrètes, éclipsées par la crise prolongée à laquelle le pays est confronté, alors que les années de dur labeur pour le redressement sont réduites à néant et que les Haïtiens s’efforcent de remettre le pays sur la voie de la démocratie.

La violence liée aux gangs a atteint des niveaux jamais vus depuis des décennies. Les meurtres et les enlèvements ont augmenté pour la quatrième année consécutive : 1 359 enlèvements ont été enregistrés en 2022, soit plus du double de ceux enregistrés en 2021, avec une moyenne d’environ quatre par jour. Les meurtres ont également augmenté d’un tiers par rapport à l’année précédente. Un total de 2 183 ont été signalés en 2022, touchant presque tous les segments de la société, y compris un ancien candidat à la présidence et le directeur de l’Académie nationale de police.

Les rapports à venir du BINUH, avec le HCDH, ont établi que les guerres de territoire impliquant deux coalitions de gangs, à savoir la coalition G9 et G-Pep, ont atteint des niveaux sans précédent dans plusieurs quartiers de Cité Soleil. Cette violence fait partie de stratégies bien définies visant à soumettre les populations et à étendre le contrôle territorial. Les gangs ont de plus en plus recours à l’assassinat délibéré d’hommes, de femmes et d’enfants par des tireurs d’élite positionnés sur les toits. Des dizaines de femmes et d’enfants âgés d’à peine dix ans ont été brutalement violés, dans le but de répandre la peur et de détruire le tissu social des communautés sous le contrôle de gangs rivaux. Assaillant et déplaçant des populations entières vivant déjà dans une extrême pauvreté, les gangs ont intentionnellement bloqué l’accès à la nourriture, à l’eau et – au milieu d’une épidémie de choléra – aux services de santé.

Près de cinq millions de personnes sont confrontées à des conditions de faim aiguë dans tout le pays, et si 90 % des écoles sont désormais ouvertes, des milliers d’enfants, en particulier ceux qui vivent dans les zones touchées par les gangs, n’ont pas encore commencé l’année scolaire. Et l’on signale de plus en plus souvent que des mineurs sont recrutés pour servir dans des gangs. Le plan de réponse humanitaire sera probablement près du double de celui de 2022. Je demande instamment aux donateurs de continuer à donner généreusement, pour aider à répondre aux besoins immédiats, ainsi qu’aux lacunes de développement à long terme dans le pays.
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,

L’expiration du mandat des dix derniers sénateurs en fonction le 9 janvier signifie qu’il n’y a plus un seul élu dans le pays. Bien qu’il s’agisse d’un défi de taille, ce vide institutionnel offre à Haïti l’occasion de faire le point, d’examiner les causes profondes du dysfonctionnement et de mettre le pays sur la voie pour y remédier.

Deux développements clés – s’ils sont correctement soutenus – peuvent aider à tracer la voie du retour à la responsabilité, à l’état de droit et à la restauration des institutions démocratiques.

La première évolution a été impulsée par les distingués membres de ce Conseil, à savoir l’adoption à l’unanimité de la résolution 2653 établissant des mesures de sanctions à l’encontre de ceux qui soutiennent les activités criminelles et la violence impliquant des groupes armés. Comme je l’ai noté dans mon dernier exposé devant vous en décembre, les sanctions bilatérales ont également été accueillies favorablement au cours de cette période. Ces mesures créent un espace pour un dialogue politique supplémentaire et les réformes nécessaires. Cela a été renforcé par des développements encourageants dans le système judiciaire, avec de nouvelles mesures prises à la fois pour la vérification des antécédents des juges et la réduction des niveaux de détention provisoire.

La deuxième évolution prenait forme au moment où j’informais le Conseil le 21 décembre. Elle a culminé plus tard dans la journée avec la signature, par un large éventail de personnalités politiques, d’organisations de la société civile, d’autorités religieuses, de syndicats et du secteur privé, de l' »Accord de consensus national pour une transition inclusive et des élections transparentes ».Ce Consensus identifie un calendrier pour l’installation d’un gouvernement élu d’ici février 2024 et énumère les mesures immédiates à prendre pour la promotion des réformes fiscales afin d’augmenter la collecte des recettes de l’État et de restaurer les services publics. Un « Haut Conseil de transition » a été créé et nommé. Il collaborera avec le gouvernement pour nommer les membres de la Cour de cassation (la plus haute juridiction du pays) et du Conseil électoral provisoire, et désigner un comité chargé de réviser la constitution. L’accord n’est en aucun cas un fait accompli, et il reste fondamentalement ouvert. Une série de tables rondes, qui comprendra des discussions sur l’établissement d’une feuille de route électorale inclusive et d’un plan de sécurité nationale, donne l’occasion à ceux qui sont intéressés, mais qui ne se sont pas encore engagés, de participer à cet effort.

L’accord, dont le nombre d’adhérents augmente chaque jour, est en effet le signe le plus prometteur issu des efforts de dialogue jusqu’à présent. Nous sommes encouragés par les réactions positives des principaux dirigeants politiques et des partenaires internationaux. Mais la mise en œuvre sera essentielle pour renforcer la confiance autour de l’accord. Le pays a besoin de toute urgence de voir ceux qui occupent des positions d’influence et de leadership – que ce soit au niveau national, local ou de la diaspora.
Le pays a besoin de toute urgence de voir ceux qui occupent des positions d’influence et de leadership – que ce soit au niveau national ou local, y compris la diaspora – mettre de côté leurs différences et faire leur part pour la restauration des institutions légitimes de l’État.

Monsieur/Madame le/la Président(e),

La PNH reste une priorité pour le gouvernement, avec une augmentation de près de 50% de l’allocation budgétaire pour l’année en cours, à 162 millions de dollars. Le mois dernier, la 32e classe de cadets a fait son entrée dans la force : 714 officiers supplémentaires, dont 174 femmes. Je remercie les partenaires qui continuent à travailler avec le basket fund pour soutenir la PNH. La police utilise les véhicules blindés qu’elle a achetés, et qui continuent d’arriver en Haïti, pour lancer des opérations contre les gangs, dont certaines sont plus réussies que d’autres. Mais le défi reste de maintenir et de consolider les gains obtenus après les opérations.

Distingués membres du Conseil,Comme indiqué dans le rapport du Secrétaire général, et comme je l’ai mentionné précédemment, le Consensus national et les sanctions sont deux développements importants qui peuvent contribuer de manière significative à surmonter la crise et aider à soulager des souffrances indicibles. Ils offrent une voie claire vers le rétablissement de la démocratie et de la légitimité. Le troisième élément qui renforcera à la fois la PNH et ces développements est le déploiement d’une force internationale spécialisée, comme l’a demandé le gouvernement en octobre. Cela ne s’est pas encore concrétisé.

La réalité est que sans ce déploiement international, fonctionnant de manière intégrée avec la PNH, les effets très positifs du processus politique et des sanctions jusqu’à présent, resteront fragiles et susceptibles d’être inversés. Les Haïtiens, dans leur grande majorité, souhaitent cette assistance afin de pouvoir mener leur vie quotidienne en paix. La population vit dans la peur et n’est que trop consciente des limites des forces de police. En ce mois du souvenir, le peuple haïtien compte sur vous.

Merci.

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