Mirlande Manigat : une nouvelle et dernière imposture?

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Il est totalement improductif d’avoir le verbe haut quand le sujet vole bas.

Castro Desroches: « Il y a 35 ans, les Manigat arrivaient au pouvoir à travers les élections manu militari du sanglant général Henry Namphy. Usurpation de titre? À vous de tirer vos propres conclusions…« 

Par Ducasse Alcin

O tempora O mores ! (quel temps, quel mœurs). Ainsi s’est écrié Cicéron pour se lamenter sur la déloyauté de Catilina. On a envie de pousser le même cri quand on voit la bassesse de certains de nos politiciens qui abandonnent leur crédo, si jamais ils en avaient un, pour pactiser avec les dirigeants crapuleux de la trempe d’Ariel Henry. On irait même jusqu’à vouloir faire entrer Diogène le cynique dans le décor pour nous prêter ses bons offices dans notre quête d’hommes et de femmes intègres.

Pourtant le catalogue politique haïtien est rempli de personnes dont les noms sont entourés de mythes. Les Manigat figurent au premier plan dans cette liste. On les a toujours considérés comme des intouchables, plaçant un nimbe autour de leur persona. Sans prendre le temps de faire le « vetting process » pour emprunter une expression américaine.

Pas plus tard que ce matin, on pouvait lire dans le « Le Nouvelliste » un article pour le moins obséquieux consacré à madame Manigat. La rédactrice nous la présente comme une Pedigree de la politique haïtienne. Une personne dont la sagesse prométhéenne la rendrait infaillible. On tente de réécrire l’histoire mais pas pour nous. Car nous ne sommes pas nés de la dernière pluie.

Là où l’on peut se mettre d’accord avec le journal c’est lorsqu’il campe madame Manigat dans le cercle restreint de l’intelligentsia haïtienne. De bonne guerre, reconnaissons sa contribution hors-piste dans la formation des intellectuels haïtiens. Cela dit, nous la vendre comme une « Sénatrice » constitutionnelle, quand on sait les circonstances dans lesquelles elle a été élue, passe à côté de la plaque.

Le travail de mémoire nous interpelle pour dénoncer cette imposture. Oui, le Nouvelliste s’est mélangé les pinceaux à ce sujet. Les élections de 1988 ne furent pas constitutionnelles. La classe politique de l’époque dans sa quasi-totalité décida de les bouder parce que le Conseil électoral provisoire a été établi par la Junte militaire au pouvoir, ce qui était en violation flagrante avec les prescrits de la Constitution de 1987.

Cette dernière définit clairement les procédures devant déboucher sur la formation de ce dit Conseil. On s’inscrit aussi en faux contre les assertions de cet article selon lesquelles Leslie François Manigat aurait été le premier président élu sous le chapeau de la constitution de 1987. Il n’y avait pas eu d’élections libres à cette date. Le peuple était resté cloîtré chez lui. Ce sont les militaires qui renflouèrent les urnes de bulletins préalablement cochés au nom de Manigat. 1988 est trop fraîche dans la mémoire pour qu’on oublie déjà les événements dramatiques dont elle fût porteuse.

En revanche en 2006, Mirlande Manigat eut l’occasion de siéger au Parlement comme Sénatrice, chose qu’elle n’a pas faite parce qu’elle décida de suivre son mari qui rejetait les résultats d’un revers de main.
Aujourd’hui donc, il est venu le temps de la démystification. Oui, il faut enlever le masque pour montrer les gens sous leur vrai jour.

Madame Manigat ne se distingue en rien du commun des mortels. En fait, elle dépeint les mêmes vices que tous les autres rapiats de la politicaillerie haïtienne qui n’hésitent pas à se courber l’échine devant le pouvoir et tous les privilèges qui marchent avec.

Sinon, comment expliquer que la constitutionnaliste qui a été victime d’une supercherie électorale devant Sweet Micky, qui se trouve de surcroît au couchant de sa vie (puisqu’elle est octogénaire), puisse s’embarquer dans une démarche perçue comme une mission de sauvetage pour le régime moribond au pouvoir? Comment a-t-elle pu donner son adhésion à une initiative dont la finalité n’est autre que pérenniser le pouvoir de ceux-là qui lui ont chipé la présidence.

Est-il besoin de rappeler que le Premier ministre de facto exerce son pouvoir en dehors de toute norme constitutionnelle. Mieux qu’un monarque, ses frivolités sont comme celles d’un empereur. Il fait et défait, n’ayant de compte à rendre à personne. Qui pis est, Ariel Henry travaille dans un objectif très précis : aplanir le terrain pour préparer le deuxième avènement du Parrain. Comme quoi elle ne se rend pas compte que sa présence au sein du HCT ne fera qu’entériner le pouvoir absolu des martelystes?

Encore faut-il souligner que Mirlande Manigat a accepté ce poste au mépris total de la mémoire d’Éric Jean-Baptiste, le président de son propre parti qui a été lâchement assassiné. Jusqu’à date, aucune enquête sérieuse n’a été menée pour élucider ce crime. Comment donc accepter de faire alliance avec un gouvernement sous le regard duquel le membre le plus influent de votre parti a été fauché?

On dit que la pomme ne tombe jamais loin du pommier. Madame Manigat vient de prouver qu’elle est un sous-produit de son feu époux. On ne doit pas oublier que son mari a commis la même grossièreté lorsque, en 1988, il court-circuita la volonté populaire pour faire alliance avec Namphy, en crachant sur les cadavres des victimes de la ruelle Vaillant. On voit bien que devant leurs intérêts, les Manigat ne sont pas à leur coup d’essai pour ce qui est poignarder le peuple dans le dos.

Qu’est-ce qui l’a motivée ? L’argent? Le pouvoir? La perte de sa capacité cognitive ou le tout?

Quoi qu’il en soit, cela ne finira pas bien pour sa mémoire. Tout comme son feu époux, chaque fois qu’on citera son nom ce sera pour parler d’elle comme une renégate qui a vendu son âme pour trahir le peuple dans le seul but d’assouvir ses ambitions personnelles. L’opprobre pourrait la suivre au-delà de la tombe.

Ducasse Alcin

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