Racisme : l’avocat haïtien Jodel Coupet écrit au SG de l’ONU sur les opérations d’expulsions massives en République Dominicaine

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L’avocat haïtien Me Jodel Coupet écrit au Secrétaire Général des Nations Unies sur les opérations de déportation et d’expulsion d’Haïtiens en République dominicaine, dénonce le caractère xénophobe et raciste desdites opérations.

Boston, le 22 novembre 2022

            Massachussetts,

Etats-Unis d’Amérique

Monsieur Antonio Guterres

Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies

                (ONU)

Monsieur le Secrétaire Général ;

            Je m’empresse d’attirer votre attention sur le mouvement de déportation et d’expulsion en masse d’Haïtiens voire même de chasse contre tous ceux qui ressemblent à des haïtiens depuis plusieurs mois en République dominicaine vers Haïti par les autorités de l’immigration de ce pays en dehors des conditions minimales de respect des droits humains, et du principe clé de Non-Refoulement de la Convention de 1951 relative au statut de réfugiés et du protocole additionnel de 1967 auxquels  l’Etat dominicain lui-même est partie depuis le 04 janvier 1978.

Il a été rapporté que, selon l’ONG haïtienne : Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR), les Haïtiens sont expulsés sans égard à leur statut légal ou non légal. Pour le seul mois d’octobre,14800 rapatriés sont déjà recensés, d’après le dernier rapport de la même organisation. Selon William Charpentier, coordonnateur de l’ONG dominicaine, Mesa para las Migraciones y Refugiados dont les propos ont été rapportés par le media Al Jazeera, des enfants haïtiens ont été séparés de leurs parents et des Dominicaines et Dominicains auraient été détenus et expulsés par la police du fait de leur couleur de peau. Une Haïtienne a été contrainte d’accoucher dans la rue après avoir été chassée d’une maternité dominicaine. Selon le media cité, la République dominicaine indique avoir reconduit 100 000 personnes à la frontière.

Dans un message de détresse audio adressé au gouvernement haïtien qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux, l’ancien député de la commune de Ouanaminthe, ville frontalière d’Haïti, puis ancien consul respectivement à Dajabon et Santiago, deux villes dominicaines, monsieur Luckner Noel, a rapporté des cas de massacre d’haïtiens se trouvant loin des villes et des projecteurs de la presse par des agents de l’immigration dominicaine. Dans son message, il a assimilé ce massacre à celui qui fut perpétré contre des Haïtiens en octobre 1937 par l’Etat dominicain. Selon le site de recherche Wikipédia, le nombre d’haïtiens tués lors de ce massacre communément connu sous le nom de massacre du Persil incluant hommes, femmes et enfants se situe entre 20 000 et 35 000.

Monsieur le Secrétaire Général, au regard des deux instruments de règle du droit international plus haut mentionnés, la plupart des Haïtiens se trouvant sur le sol dominicain sont des personnes susceptibles d’être reconnues comme réfugiées en raison du climat d’insécurité qui sévit en Haïti et des crises humanitaires auxquelles est confronté mon pays.

Lesdits instruments du droit international  ainsi que d’autres traités internationaux notamment le Pacte de 1966 relatif aux droits civils et politiques auxquels l’Etat dominicain est partie sont opposables à  celui-ci qui reconnait d’ailleurs leur applicabilité dans son droit interne à travers la constitution dominicaine de 2015 dans son article 26,alinea 1 et 2.Cela étant, la république dominicaine ne peut pas se prévaloir d’une certaine politique d’Etat migratoire qui va à l’encontre des normes du droit international et des principes fondamentaux des droits humains.

Les opérations d’expulsion d’haïtiens par l’Etat dominicain vers Haïti dans la forme et les conditions qu’elles sont réalisées sont en violation de l’article premier, alinéa 3 de la charte des Nations Unies qui encourage « le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion », de l’article 2, alinéa 1 du Pacte International de 1966 relatif aux droits civils et politiques qui dispose que :

 « Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion d’origine nationale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation »

Monsieur le Secrétaire Général, je suis particulièrement inquiet d’observer que cette forme de politique migratoire de la république dominicaine se définit davantage en une expression de xénophobie voire de racisme visant spécifiquement les Haïtiens en terre voisine. D’ailleurs, depuis le 23 septembre 2013 le Tribunal constitutionnel dominicain avait même pris un arrêt (TC 168-13) pour enlever la nationalité dominicaine à des Dominicaines et Dominicains d’ascendance haïtienne. Cette décision, étant d’ailleurs contraire à la théorie des droits acquis en matière du droit, a depuis plongé des milliers d’individus dans une situation d’apatridie en République dominicaine. Ce qui représente une menace certaine pour ces individus qui ne bénéficient plus de la protection de l’Etat dominicain.

Je crains que cette politique discriminatoire, hostile et raciste manifestée à l’encontre des noirs, en générale et des Haïtiens, en particulier, par l’Etat dominicain ne fasse remonter à la mémoire les mauvais souvenirs de faits similaires qui ont tristement marqué le monde au début du milieu du 20 -ème siècle entre 1933 et 1945.

Les peuples haïtien et dominicain sont appelés à vivre dans la paix et l’harmonie sur une terre commune. Cela doit être une vocation pour les deux Etats partageant l’Ile. Cependant, cette vision d’unité et de paix entre les deux peuples semble échapper à la politique migratoire de la république dominicaine qui a choisi d’opter en plein d’un 21-eme siècle de culture de cosmopolitisme pour le cloisonnement des peuples comme à l’époque du Moyen âge en décidant le 20 février 2022 de construire un mur le long de la frontière de la république dominicaine avec Haïti au prétexte de lutter contre l’immigration illégale.

Comme suite logique à ce projet qui frise xénophobie et racisme, ont débuté les opérations de chasse contre les noirs et haïtiens en république dominicaine, sans égard au respect des droits de l’homme et des conventions et traités internationaux en matière de protection des droits des réfugiés cités plus haut.

Cette chasse aux Haïtiens non seulement risque de perturber le rapport de bon voisinage qui devrait exister entre Haïti et la République dominicaine, mais encore pourrait nuire à la stabilité dans la région, condition fondamentale pour la Paix et la Sécurité dans le monde déjà aux prises avec des guerres et des crises toutes sortes en Europe et en Afrique.

La République dominicaine, en sa qualité de membre des Nations Unies, doit se conformer aux prescrits de la Chartes des Nations Unies, des instruments de droit internationaux pour lesquels elle s’était engagée de respecter.

            En conséquence de tout ce qui précède, je vous prie de bien vouloir considérer, Monsieur le Secrétaire Général, la nécessité d’adopter via l’Organisation des Nations Unies les mesures que voici :

            D’abord, une résolution de l’Assemblée Générale des Nations-Unies Condamnant la politique de xénophobie  et de racisme contre les noirs ,en général, et  Haïtiens en particulier, en république dominicaine et Ordonnant à la fois à l’Etat dominicain d’arrêter  sans condition les opérations de déportation, d’expulsion d’Haïtiens ou de persécution raciale contre les noirs, en général et haïtiens, en particulier, en République dominicaine au nom et par respect  du principe de Non-Refoulement de la Convention de 1951 relative au statut de réfugiés et du protocole additionnel de 1967 auxquels l’Etat dominicain est partie,

            Ensuite, la création d’une commission d’experts pour Investiguer, Enquêter sur des cas de violation grave des droits humains et de massacre d’haïtiens au motif de racisme en République dominicaine, puis, sur rapport communiqué et après résolution et recommandations des Nations-Unies, l’adoption des mesures prévues à l’article 41 de la Charte des Nations Unies (ONU) contre la République dominicaine.

            Ce faisant, ce sera Droit, Justice et Humanité

.

Salut et Respect

Me Jodel Coupet

       Avocat

   coupetjodel1976@gmail.com

Cc : Monsieur Filippo Grandi

        Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés

        Monsieur Volker Turk

        Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme

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