par le Géographe Mibsam JEANNIS
Dimanche 2 octobre 2022 ((rezonodwes.com))–
Haïti se trouve dans la zone intertropicale où le soleil brille plus de 12h sur 24. Le pays bénéficie aussi, à cause de sa localisation géographique, de l’influence des vents alizés soufflant toute l’année sur la région et surtout grâce à sa proximité avec le canal du vent.
Une situation géographique qui pourrait être une manne.
Dans ce contexte, deux sources d’énergie inépuisables et propres y sont disponibles : l’énergie solaire et l’énergie éolienne. Alors, cela nous amène à questionner notre dépendance par rapport aux hydrocarbures (pétrole et autres) venant de l’extérieur.
Comment donc penser l’avenir autrement?
Certes, des études font état de l’existence de pétrole et d’autres minerais dans le sous sol haïtien, une autre manne, cependant, l’exploitation des ressources minières n’est pas un exercice facile aux pays en développement et instables comme le nôtre.
L’exploitation de ces ressources réclament un ensemble de conditions d’ordre institutionnel, technologique et socio-économique dont seul un gouvernement stable avec une vision technique et environnementale clairement définie, peut disposer.
Cela doit permettre une exploitation rationnelle au profit du développement durable, tout en évitant le drainage de ces ressources par les compagnies étrangères au détriment des nationaux.
Il faut une exploitation intelligente des potentialités pour éviter aux générations futures les mêmes fâcheuses expériences historiques entraînant richesses pour les compagnies étrangères et dégâts environnementaux pour le peuple haïtien .
Le contexte mondial et national marqué par l’augmentation du prix du baril de pétrole sur le marché international, l’absence de politique énergétique et l’incapacité des dirigeants à alimenter les stations d’essence constituent un véritable défi pour nos « élites » politiques et économiques. En même temps et paradoxalement, cette crise nous offre une opportunité en or d’envisager un changement de paradigme. Elle est l’occasion pour les décideurs politiques de prendre leurs responsabilités par l’adoption dune vision par rapport à la réalité énergétique en vue de poser les bases d’une Haïti qui regarde avec certitude l’avenir, sinon un développement soutenable et durable.
En effet, il n’est pas concevable qu’en 2022 nos ménages ruraux n’aient pas accès à l’électricité. En 2022 le charbon de bois ne devrait pas être la principale source d’énergie pour les ménages urbains . À part l’opportunité énergétique que nous offre la crise actuelle, elle nous montre aussi la nécessité d’assurer notre souveraineté alimentaire en mettant en valeur les produits agricoles patrimoniaux et les bonnes habitudes alimentaires d’antan.
Jadis le manioc, la patate douce, la banane, l’igname, le Petit-mil, le maïs ,l’arbre à pain, le lait des vaches , les volailles, l’arbre véritable , les produits maraîchers ( légumes) et les diversités de pois ( haricots) et de riz, faisaient la fierté de la gastronomie haïtienne. Aujourd’hui, malheureusement, nous importons pour la plupart des salami (des produits de mauvaises qualités, des cochonneries) en vue de pourvoir à nos besoins alimentaires. Pourtant, nos plaines, malgré l’urbanisation, sont encore aptes à subvenir aux besoins de la population et sans oublier une maîtrise des paysans haïtiens remontant à plusieurs centaines d’années pour faire pousser des plantes dans les zones de montagne. En effet, cette architecture et aménagement par le bas, disponible au niveau des espaces ruraux, constituent un patrimoine immatériel en péril marqué par la déprise agricole.
Il est vrai que nos délicieux fruits et légumes continuent d’alimenter les ménages malgré les insuffisances et l’absence d’innovation agricole, les études au niveau de la variation météorologique montrent néanmoins des changements au niveau climatique sans toutefois modifier le régime pluviométrique du pays. Celui-ci conserve encore l’alternance entre les deux saisons : saison sèche et pluvieuse. Donc, la mise en valeur des superficies cultivables avec une vision économique plus claire est encore possible. Les initiatives des acteurs locaux à Jacmel et dans tout le Sud-est d’Haiti pourraient servir d’expérience pilote pour les autres acteurs au niveau national.
Malgré la crise totale qui affaiblit la nation haïtienne, nous sommes convaincu qu’un démarrage économique et institutionnel reste encore possible. Pour cela , nous devons changer de paradigme politique en laissant de côté les leaders messianiques et populistes qui accusent à tort et à travers les étrangers comme les seuls coupables de nos malheurs tout en cherchant leur clémence en privé.
En clair, nous sommes amenés à croire que le développement socioéconomique du pays doit impérativement passer par un leadership collectif qui doit se structurer à travers les organisations politiques, communautaires , syndicales , patronales et professionnelles avec comme socle, l’honnêteté, les intérêts collectifs, la technique, l’humanisme, la fierté patriotique, les valeurs environnementales et notre ouverture sur le monde. Ainsi, nous pourrons faire face aux multiples défis et prendre souverainement la voie de la réussite.
2/10/2022
Mibsam JEANNIS
Géographe, doctorant en géographie à l’Université Paris 8, Professeur à l’Université d’Haïti, UEH ( ENS et IERAH-ISERSS) – Professeur à l’université Publique du Sud-est à Jacmel ( UPSEJ)
mibjeanis75@yahoo.fr