Le déshonneur des signataires de l’accord du 11 septembre !

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Par Abel Descollines 

Mardi 28 juin 2022 ((rezonodwes.com))–

Le premier ministre Ariel Henry est arrivé à la Primature suite à l’assassinat crapuleux du feu président Jovenel Moïse. Le président défunt l’avait nommé par arrêté présidentiel peu avant sa mort dans la commune de Pétion ville.

Dès son installation au poste de chef de gouvernement, Ariel Henry s’était montré enclin à rechercher un accord politique associant à la fois, protagonistes politiques et organisations de la société civile.

Au terme d’une série de pourparlers, plusieurs partis politiques et une infime minorité d’organisations de la société civile se sont mis d’accord avec le chef du gouvernement, le docteur Ariel Henry.

C’est ainsi que le samedi 11 septembre 2021, une cérémonie a eu lieu au siège de la Primature dans le cadre de la signature d’un accord  politique. Les signataires ont convenu de l’appeler  « accord du 11 septembre pour une gouvernance apaisée « 

Quoique minoritaire du point des composantes de la société haïtienne, l’accord du 11 septembre 2021 offrait à monsieur Ariel Henry, un minimum de légitimité. 

Car avant la conclusion de cette entente politique , Ariel Henry s’était installé à la Primature tout bonnement à la faveur d’un communiqué du core group. Une réalité qui démontre la responsabilité de la communauté internationale dans le pourrissement de la crise haïtienne.

Il faut dire que le consensus, somme toute minoritaire entre le premier ministre et une frange de la classe politique, avait l’avantage de drainer des opposants farouches au régime PHTK.

Ces partis étaient parmi les principales forces politiques  a avoir incarné une opposition systématique au président Jovenel Moïse.  Pour la plupart de ses protagonistes politiques, le président Jovenel était devenu infréquentable.

Il ne fallait pas envisager ni dialogue ni cohabitation avec son pouvoir.

Ces acteurs politiques traitaient avec la plus grande virulence toute tentative venant notamment d’autres membres de l’opposition qui, par moment, souhaitaient échanger avec le feu président en vue de la recherche d’une solution négociée à la crise.

Ses opposants ne juraient que par la fin du règne PHTK et du chef de l’Etat.
La promesse d’une nouvelle Haïti a été pratiquement le leitmotiv du discours des opposants. Ils s’engageaient à changer le système. Enfin, on nous promettait la rupture. La bonne gouvernance. La fin du népotisme. Ils allaient en finir avec la corruption.

Méfions nous des faux prophètes !

Faut il cependant souligner que cette opposition n’a jamais été homogène.  Elle avait certes, exprimée des revendications communes face à la mauvaise gouvernance de l’administration Moïse. Néanmoins, il y avait toujours de la méfiance.

Quand les masques tombent !

À ceux qui reprochent à ses anciens opposants d’avoir signé l’accord du 11 septembre avec le PM Ariel Henry alors que l’intéressé est l’émanation du président Jovenel Moïse, ses alliés indéfectibles du pouvoir bottent en touche.

Ils rétorquent  » Nous n’avons pas fait la révolution  » . 

Une façon pour eux de  justifier la coalition hétéroclite qui contrôle le pouvoir politique, où les principaux postes stratégiques sont toujours aux commandes des dignitaires du régime PHTK.

En cela , on peut légitimement se poser la question de la sincérité en matière de discours politique. 

L’exercice du pouvoir entre les anciens ennemis intervient dans un contexte assez traumatisant de la vie nationale. Les anciens opposants semblent avoir oublié, les blessures, les diatribes, mais aussi, les invectives réciproques.

Sans occulter, bien entendu, les accusations de crimes de sang, crimes financiers imputés aux  affidés de Jovenel Moïse et à son régime. 

En réalité, d’un point de vue strictement politique, l’on pourrait tenter de comprendre cette alliance. 

La politique, dit-on, est dynamique.

La signature d’un accord politique en soi n’est pas le problème ! On est habitué à des accords entre belligérants. Même des ennemis peuvent s’entendre autour d’un accord. 
Cela dit, tout accord n’est pas nécessairement irréfutable. Il y va de sa substance et de sa cohérence.

La nature de tout accord résulte d’une problématique. Tout accord répond à un objet. Un accord, c’est aussi définir les contours d’un projet d’avenir. Un accord peut-être la somme  d’intérêt commun entre  signataires. Un accord peut-être aussi une alternative. Enfin, un accord c’est la loi des parties ! Son application dépend de la bonne volonté des uns et des autres. Aussi, sa non application peut entraîner la rupture et dissension entre les partenaires.

Il convient ici de juger du sérieux ou de la sincérité politique des signataires de l’accord du 11 septembre pour une gouvernance apaisée.

L’accord du 11 septembre 2021 devrait permettre le rétablissement d’un climat de sécurité à l’échelle du territoire national. À travers cet accord, les détenteurs du pouvoir exécutif s’étaient engagés à combattre le kidnapping dans le pays. Ils avaient promis de prendre toutes les dispositions nécessaires au renforcement de la police nationale. Il a été convenu d’œuvrer à l’indépendance du pouvoir judiciaire. L’accord avait prévu d’octroyer des moyens budgétaires aux forces publiques dans la lutte contre l’insécurité et le kidnapping.

Du point de vue de la gouvernance, le premier ministre avait convenu de procéder à la formation d’un nouveau gouvernement. Des changements notoires devraient être opérés au niveau des directions générales et des organismes déconcentrés.

Par ailleurs, L’accord du 11 septembre avait prévu la mise en place d’une commission de contrôle. Sa mission serait de veiller à la gestion du gouvernement. Cette commission devrait être également consultative s’agissant des initiatives gouvernementales.

Selon l’accord du 11 septembre pour une gouvernance apaisée, toutes les décisions du gouvernement devraient être l’objet de consensus.

Les protagonistes s’étaient engagés à améliorer les conditions de vie de la population. Ils avaient promis l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme d’urgence en faveur des déshérités.

L’accord du 11 septembre devrait favoriser un environnement propice à l’organisation de nouvelles élections, pouvait-on lire, dans un délai raisonnable.

Ils s’étaient fixés pour objectif, la formation d’un nouveau conseil électoral provisoire.
Les signataires avaient pris l’engagement de combattre la corruption.

Quid du résultat des courses ?

L’application de l’accord du 11 septembre est désormais un vieux pieux. Son application relève de l’imaginaire. Objectivement, aucun des engagements n’a été appliqué. Il conviendrait de parler d’un accord morné. Le premier ministre Ariel Henry s’est octroyé le plein pouvoir. 

Contrairement aux prescrits de l’accord du 11 septembre, il n’y a pas eu formation de nouveau gouvernement. Le premier ministre avait tout simplement attribué quelques postes ministériels à certains de ses complices. Il n’y a jamais eu non plus de contrôle de l’action gouvernementale. Les dépenses du gouvernement d’Ariel Henry ne sont assujetties à aucun contrôle.

L’engagement de rétablir un climat de sécurité est toujours dans l’impasse. Le phénomène du kidnapping a considérablement multiplié depuis la signature de l’accord du 11 septembre 2021.

De l’aveu même de certains tenants du pouvoir, il faudra œuvrer à la recherche d’un nouvel accord politique.

Tout ça pour ça !

La vérité, plusieurs entités signataires s’étaient retirées de l’accord en raison de l’attitude méprisante mais surtout, cavalière du chef du gouvernement.

Ces entités se sont carrément désolidarisées du premier ministre et de son gouvernement.

Entre temps, les transfuges de l’opposition continuent de faire vivre la cohabitation. Qu’importe la situation intenable dans laquelle se trouve Haïti.

Et en guise d’accommodement, certains d’entre eux se prêtent à un exercice, somme toute, invraisemblable. Lequel exercice consiste à réclamer l’application d’un accord dont personne n’y croît. Pis encore, ces ténors dénoncent l’inaction du gouvernement dans lequel ils ont des représentants.

Qui a dit que le cynisme avait de la ressource ?

En tout cas, un homme politique français nous enseigne :  » Si un ministre n’est pas d’accord avec un gouvernement, qu’il claque la porte. Autrement, qu’il ferme sa gueule ».
Un autre temps ! 

Comment redonner sens au discours politique face à de tels atermoiements ?
Un habitué des réunions politiques des membres de l’opposition se souvient des remontrances contre la nomination d’Ariel Henry .

Un ancien sénateur du Sud-est l’avait jugé plus « dangereux » que son prédécesseur Claude Joseph.

Devenu ministre de la planification sous le gouvernement du premier ministre Ariel Henry, l’ancien parlementaire se conforme à la volonté du prince.

Un autre se rappelle des invectives de la présidente du parti de la fusion des sociaux démocrates à l’égard du docteur Ariel Henry.
Ariel Henry était qualifié d’être  » impertinent et arrogant ».

Depuis, la présidente de ce parti se métamorphose en boxeuse prête à se battre pour la cause du premier ministre.

Prompte à juger de l’échec des anciens ministres des TPTC, désormais, l’actuel ministre de la fusion se trouve au pied du mur au ministère des travaux publics.

Sa seule méthode consiste à épiloguer. Du changement pour ne rien changer. Monsieur le ministre se plaint de ne pas avoir de budget d’investissement. 
Peut-être !

Mais pourtant, s’il faisait encore parti de l’opposition, il aurait conseillé à la démission un ministre qui n’aurait pas eu de budget d’investissement. 

Eh pardon. « L’homme aux abords du pouvoir n’est jamais l’homme au pouvoir « .

Il n’empêche, qu’ils ne s’embarrasseront jamais à faire des leçons morales aux autres. Quelle absurdité ?

Il fut un temps ou l’inamovible ministre des finances a été la cible des attaques des  transfuges de l’opposition.

La décote interminable de la gourde face à la montée vertigineuse du dollar américain était imputable au ministre Boivert ainsi qu’au gouverneur de la banque centrale.
Mais les  retrouvailles au sein d’un même gouvernement semblent avoir effacées les accusations antérieures.

Quitte à continuer à enfoncer la monnaie nationale et la crise qui ne cesse de s’envenimer. 

Mais le déshonneur c’est quand ?

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