Ni l’une ni l’autre ne sont venues du monde de la politique, mais se sont fait un nom dans l’activisme environnemental d’une part, et dans le monde universitaire de l’autre. Tous deux sont désormais des acteurs clés dans la lutte pour la constitution du prochain gouvernement colombien.
Jeudi 2 juin 2022 ((rezonodwes.com))–Les Colombiens ont parlé. Dimanche, les citoyens ont choisi le gauchiste Gustavo Petro et l’homme d’affaires outsider Rodolfo Hernández comme candidats qui s’affronteront au second tour de la présidentielle le 19 juin. L’un des deux deviendra le prochain président du pays sud-américain, marquant la fin de décennies de règne des représentants de l’élite conservatrice et libérale.
Le scénario est désormais incertain, avec deux candidats aux points programmatiques diamétralement opposés, mais au moins une chose est claire : il y aura une femme à la vice-présidence de la Colombie. Francia Márquez et Marelen Castillo ont été choisies pour accompagner respectivement Petro et Hernández sur le bulletin de vote.
Tous deux ont une histoire à raconter et sont devenus des acteurs clés de la campagne visant à rallier le soutien de différents secteurs de la population, notamment les plus marginalisés.
Une militante au palais du gouvernement : « Merci, Gustavo Petro, de m’avoir confié cette responsabilité, que je sais être grande, au nom des femmes ; au nom des sans-culottes et des sans-grades ». C’est avec ces mots que Francia Márquez a relevé le défi d’être la colistière de l’ancien maire de Bogota, après avoir obtenu une remarquable deuxième place aux primaires du Pacte historique, avec 785 000 voix. Poing levé et quelques sourires, l’avocate de 40 ans a assuré qu’elle travaillera pour les femmes, les Noirs, les indigènes, les paysans, la population LGBTI et les jeunes qui ont manifesté massivement contre le gouvernement conservateur d’Iván Duque en 2021.
Les candidats à la vice-présidence, un autre facteur clé des élections en Colombie. Née dans la municipalité de Suárez Cauca, Márquez a toujours été lié au militantisme, principalement sur les questions environnementales. Selon le journal colombien El Tiempo, alors qu’elle étudiait le droit, elle a intenté un procès contre le transfert de titres miniers dans le Cauca, qui entraînerait l’expulsion et le déplacement de sa communauté.
En 2010, en effet, elle a réussi à obtenir de la Cour constitutionnelle qu’elle ordonne la suspension de ces titres. Son travail a été reconnu au niveau international. En 2018, elle a reçu le prix Goldman – également connu sous le nom de prix Nobel de l’environnement – pour son combat environnemental dans le Cauca, et un an plus tard, la BBC l’a incluse dans sa liste des 100 femmes les plus inspirantes du monde.
Cette activité a toutefois eu des conséquences négatives pour elle. Tout au long de sa carrière, elle a reçu des menaces de groupes militaires et, en 2019, elle a survécu à une attaque à la grenade et au fusil pour sa défense de l’eau dans les communautés afro-descendantes.
Avec ce CV, Francia Márquez a fait le saut dans la politique colombienne, marquant un tournant dans un milieu essentiellement masculin et conservateur. « Son discours, axé sur les communautés et les régions historiquement exclues, une vision féministe de la politique, de la dignité, de la justice et des droits, a fait entrer le racisme, le classisme et le machisme de la politique colombienne dans le débat public », rapporte El Tiempo.
Patricia Muñoz Yi, professeur de recherche à l’Université Javeriana, a expliqué au même journal que la candidature de Márquez « a articulé ces éléments : femme, afro-colombienne et leader social, qui a cherché à maintenir les plus hauts niveaux de cohérence dans ses positions et ses propositions ».
