Violation massive des Droits Humains en Haïti : où est passée l’ONU ?

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Lundi 16 mai 2022 ((rezonodwes.com))–

Le président haïtien assassiné en sa résidence  n’a pas été remplacé par des acteurs du milieu politique haïtien . En toute logique, il a été substitué par les chefs de gangs de la  capitale et des villes de province qui détiennent le contrôle du pays .

La population haïtienne vit sous l’emprise des gangs .Les bandits sont les principaux acteurs de la société haïtienne : Ce sont eux qui dictent les lois ,qui décident de quand on peut se rendre d’un endroit à un autre ,quand l’école peut fonctionner  et quel chemin emprunter pour se rendre chez soi. Pour cause, même le lycée français d’Haïti est obligé de fermer ses portes , des policiers et officiels du gouvernement de facto  tout comme les civils sont obligés de d’emprunter le difficile chemin de st Jude pour se rendre dans le sud de la capitale .

Les vrais chefs en Haïti ne sont ni celui qui se rend chaque matin à la primature alors qu’il devrait être à l’HUEH pour recevoir des soins que nécessite son cas ni les 10 sénateurs qui sont en train d’apprendre à nager au bord de la mer au bicentenaire encore moins les Ministres et Directeurs Généraux qui transforment leurs bureaux en night club pour célébrer la victoire 5 à 0 face au peuple avec les tenants de l’ancienne opposition.

La réalité est telle qu’elle est en Haïti : des  bandits qui tuent ,pillent ,brulent et violent les femmes haïtiennes aux yeux  des représentants de la communauté internationale  qui continuent de produire des rapports ,d’exhorter les acteurs politiques à prendre des mesures pour combattre l’insécurité qu’ils ont eux même alimenté pour consolider leur pouvoir .

Face à cette situation on se demande ,est ce que l’ONU est présente en Haïti ,tenant compte des objectifs de cette organisation  ?

  Les droits humains au sein de l’ONU  

 La création de l’ONU a été motivée par l’idée de permettre aux nations du monde entier de vivre à l’abri du fléau de la guerre qui ravageait le monde à cette époque ,de favoriser le strict respect des droits humains  par tous et de s’assurer que les libertés fondamentales de l’homme ne soient violées par un tiers .

Ainsi, les Etats partis au traité ont convenu à ce que la charte de l’ONU soit dotée de deux types de normes ,se référant aux droits humains . Un premier groupe qui saisit les droits humains dans une perspective normative  à travers  les buts que l’organisation s’est fixé .

A cet effet, dans son article 1.3 ,la charte de l’ONU  déclare que l’organisation doit Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion.

En son article 55 ,elle déclare également qu’en vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront :

 a) le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement dans l’ordre économique et social;
 b) la solution des problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la santé publique et autres problèmes connexes, et la coopération internationale dans les domaines de la culture intellectuelle et de l’éducation;
 c) le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.

Ajouté à cela ,nous pouvons faire mention d’un autre groupe de normes à caractère institutionnel qui définit les organes compétents dans cet environnement, que sont spécifiquement l’assemblée générale et le conseil Economique et sociale ( charte de l’ONU ,art 60).

Toutefois, en vue de s’assurer  que les droits humains soient valorisés dans le meilleur des cas , le Conseil économique et social  a procédé à la création d’une commission en charge des questions en rapport aux droits de l’homme  dénommée la Commission des Droits Humains ( résolution ECOSOC 5(I). Cette dernière a vu le jour soit en 1946 et devint  le principal organe  des Nations Unies  chargé de la promotion des droits de l’homme au niveau international .

Cependant ,le 15 mars 2006 ,l’Assemblée Générale a approuvé une résolution donnant naissance au Conseil des droits de l’Homme destiné à substituer à la commission(Résolution  A / RES/60/251 ). Ce dernier constitue un organe intergouvernemental du système des Nations Unies ,composé de 47 Etats membres, chargé de renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme dans le monde et a également pour mission de faire face à des situations de violations des droits de l’homme et de formuler des recommandations à leur sujet. Il est en mesure d’examiner toutes les questions et situations en lien avec les droits de l’homme qui nécessitent son attention, et ce tout au long de l’année .

Selon la Dra  Escobar Hernandez , afin de faire des droits humains une réalité dans l’environnement international ,un ensemble d’instruments ont été mis en place à travers la charte internationale des droits de l’homme ,que sont:   La déclaration universelle des droits humains ,  le Pacte international relatif aux droits civils et politiques , pacte international relatif aux droits économiques ,sociaux et culturels ,les protocoles facultatifs aux pactes .

Ce sont ces instruments , ajoutés à d’autres ,qui servent d’instruments  conventionnels qualifiés de spécialisés  aux Nations Unies qui visent à faire respecter les droits humains dont:  La convention pour la prévention et délit de génocide ( 9 Décembre 1948), la convention sur les droits politiques de la femme ( 20 Décembre 1952), Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale  ( 22 Décembre 1965), convention sur les droits de l’enfant ( 20 Novembre 1989), Convention contre la torture et autres peines, ou traitements cruels ,inhumains ou dégradants (26 juin 1987) .

Tous ces dispositifs insérés dans le système des nations unies montrent à quel point l’organisation est attachée au respect et à la promotion des droits de l’homme comme élément pouvant donner une garantie de paix et de stabilité au niveau international.

Contexte de l’Intervention de l’ONU en Haïti

A la fin des années 80,l’action politique des différentes instances onusiennes s’est développée  en Haïti comme ailleurs, dans un contexte idéologique nettement marqué par un discours dominant proclamant la venue d’un “ Nouvel Ordre International ”. Le démantèlement du bloc communiste à l’Est était alors souvent interprété, par les acteurs politiques occidentaux, comme le signe du triomphe d’un modèle démocratique libéral, qu’ils pensaient sans alternative. Le discours prononcé le 6 mars 1991 par le président George Bush, devant le Congrès américain, comme celui du président François Mitterrand, lors du sommet franco-africain de la Baule, en juin 1990, illustrent cette résurgence des thèmes de la démocratisation et des droits de l’homme sur la scène internationale.

De fait, il est apparu nécessaire pour qu’Haïti se conforme au nouvel ordre établi au niveau international en sortant d’une gouvernance politique marquée par des années de dictature en vue d’intégrer cette fois ci le concert des nations démocratiques . 

 Sur cette base y compris les résolutions de 1988 ,1990 de l’Assemblée Générale (AG) et celle de 1991 du Conseil de Sécurité(CS), de nombreuses interventions tant civiles qu’armées ont eu lieu en Haïti dans les années 1990 et jusqu’à aujourd’hui.

Ainsi, au cours de la période allant de 1990 à 1994, à deux reprises le cas haïtien a été l’objet  d’une première dans l’histoire de l’implication de la communauté internationale dans le soutien de la démocratie dans le monde:

1) en décembre 1990, pour la première fois une mission d’observation des Nations Unies apporte son soutien à un processus électoral en dehors des cadres classiques de la décolonisation ou du règlement de conflit ;

2)  le 19 septembre 1994, les USA avec l’aval du CS de l’ONU, lancent l’opération « Restaurer la démocratie ». Pour la première fois une intervention est ainsi  justifiée, sous l’égide de l’ONU, par la nécessité de rétablir la démocratie dans un pays .16 000 soldats débarquent en Haïti et le 15 octobre, le Président Aristide, renversé trois ans plus tôt par un coup d’Etat sanglant, regagne son pays. Le 15 mars 1995, la Mission des Nations Unies en Haïti (MINUAH) prend le relais des forces armées américaines.

Ces différentes interventions pour le maintien de la paix en assurant la protection des droits de l’homme s’inscrivent dans un programme conjoint de l’ONU en faveur des droits de l’Homme et de la Démocratie . Lesquels à savoir ,la démocratie et les droits de l’homme, sont étroitement imbriqués .De plus ,  en 1993, la conférence mondiale sur les Droits de l’homme a adopté la déclaration de Vienne qui proclama l’interdépendance entre démocratie ,développement économique et droits de l’homme .

 C’est dans ce contexte que l’ONU a commencé à intervenir en Haïti en vue d’Instaurer la démocratie ,de protéger les droits humains et de rétablir l’ordre et la paix. Surtout, depuis le 16 juin 1993 Haïti est considéré par le conseil de sécurité comme une menace pour la paix et la sécurité internationale.

Depuis  , l’ONU s’est toujours intéressée à la situation des droits Humains en Haïti . Cette importance est surtout  marquée par l’ensemble des résolutions prises par l’organisation au niveau de son assemblée générale et de son conseil de sécurité et aussi par sa présence active  dans le pays à travers : MINUHA(1993-1996),MANUH(1996-1997),MINUH(1997),MIPONUH(1997-2000),MICAH(2000-2004),MINUSTAH(2004-2017),MINUJUSTH(2017-2018),BINUH(2019 à nos  jours)

Conclusion

Il est regrettable de constater qu’après plus de trois décennies d’interventions de l’ONU  dans le pays ,la situation des droits humains ne fait que s’empirer quotidiennement . Haïti a toujours fait partie des pays à éviter ,des pays reconnus internationalement pour la violence des gangs où les droits humain sont violés constamment au point que même les enfants, les femmes et les étrangers ne sont pas épargnés .

 Le plus inquiétant  ,c’est le fait que la politique de l’ONU vis à vis Haïti ,à travers le BINUH n’a pas  changé . Elle se résume en ces points : rencontrer les membres du gouvernement , soumettre des rapports sur Haïti qui semblent ne pas traduire la réalité(sinon des mesures concrètes auraient été prises si l’ONU tient vraiment à améliorer la situation) , Appeler les protagonistes  au dialogue ,exhorter les autorités policières à agir sans moyens efficaces et demander des fonds pour soutenir les projets humanitaires en Haïti .

Il semble que la situation des gens en Haïti qui sont  torturés par les chefs de gangs  ne dit rien à la communauté internationale alors que leurs droits sont garantis par la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants de 1987; la situation des femmes qui  sont violées par des dizaines de bandits  dont leurs droits sont garantis par la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de Septembre 1981 ainsi que la déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes de Décembre 1993  ne dit rien à la communauté internationale; la situation  des milliers d’enfants haïtiens qui ne peuvent plus se rendre à l’école dont leurs droits sont garantis par la convention  internationale des Droits de l’enfant de Novembre 1989 ne dit rien à l’ONU ; la situation des milliers de refugiés haïtiens à l’intérieur de leur pays n’interpelle pas  la communauté internationale qui continue de supporter le régime de facto de l’actuel président et premier ministre haïtien ,Ariel Henry, malgré son incapacité à rétablir l’ordre.

Donc ,si la communauté internationale ne veut pas se faire complice de la violence des gangs et celle des acteurs politiques ,elle doit prendre effectivement position en faveur du peuple haïtien qui ne peut plus supporter cette situation de dégradation des droits humains qui leur empêche de vivre en toute dignité comme prescrit dans les instruments conventionnels  de protection des Droits Humains.

Mathias L. DEVERT
POLITOLOGUE
mathiasdevert@gmail.com

Références

BERNADIN RAYMOND, Cinq siècles d’histoire d’Haïti, Tome3 vol 2.(OS)

Diez Velazco ,las organizaciones ,Ed democuarta .

 MASSIMO Tommassoli, démocratie et droit de l’homme : rôle de l’ONU(OG)

MORGANT BEATRICE POULY ,l’intervention politique de l’ONU dans l’histoire politique d’Haïti ,ed l’harmattan ,1998(OS)

PETITEVILLE Franck , les organisations internationales , ed la découverte ,2021.

DAUDET YVES ,l’ONU et l’OEA en Haïti et le droit International ,annuaire Français de DI,1992,ed CNRS Paris

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