La République Dominicaine a-t-elle suspendu ou résilié unilatéralement l’Accord de Coopération signé avec Haïti dans le domaine des Télécommunications ?

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Par Marcelin Montaigne

Lundi 9 mai 2022 ((rezonodwes.com))–

Le 16 Avril 2021 , la République Dominicaine représentée par le Président de l’Institut Dominicain des Télécommunications(Indotel), M. Nelson Arroyo Perdomo signe avec le représentant d’Haïti, M. Léon Jean Marie Guillaume, Directeur Général du Conseil National des Télécommunications ( Conatel) un accord dans lequel Indotel et Conatel s’engagent à travailler ensemble , entre autres, pour :

  • Résoudre les problèmes d’interférences radio rencontrées le long de la frontière. Le suivi est effectué une fois l’an, au début du mois de mars ou au début du mois d’octobre de chaque année, à une date préalablement convenue entre les deux parties. Le Conatel et Indotel enverront une équipe conjointe pour surveiller les fréquences et les sites de télécommunications dans les zones frontalières.
  • Assurer et garantir que les stations émettrices( Radiodiffusion et Télécommunications) respectent les spécifications définies dans leur licence d’exploitation, afin que leurs signaux ne dépassent pas les zones de couverture définies dans les cadres réglementaires des deux pays, évitant ainsi les interférences radioélectrique dans le territoire voisin.
  • Éviter que les habitants des zones frontalières ne subissent la réception involontaire de signaux émis par les opérateurs de réseaux de téléphonie mobile de l’autre pays. Il en résulte des frais élevés(redevances) pour l’utilisation de l’itinerance mobile « roaming ».
  • Neutraliser ou aider à neutraliser les réseaux d’opérateurs illégaux qui causent de graves dommages, tant aux opérateurs autorisés par l’État, dans la mesure où la loi territoriale applicable le permet. À cet effet, etant donné l’existence d’activités frauduleuses perpétrées dans certains endroits proche de la frontière haitiano-dominicaine, Conatel et Indotel apporterons le soutien nécessaire pour identifier les opérateurs illégaux et prendre les mesures fortes, si nécessaire.

Cependant le Président d’Indotel, une année plus tard, c’est-à-dire à la fin du mois dernier, interrogé par une chaîne de Télévision dominicaine sur «  l’ingérence «  des stations de radio haïtiennes sur le sol dominicain dans la zone frontalière , déclara  ce qui suit :

« Nous avons rencontré le Conatel (Conseil National des Télécommunications de la République d’Haïti) qui est l’homologue haïtien, mais malheureusement avec la situation en Haïti vous n’avez pas d’interlocuteur valable de ce côté-là, ils nous ont même demandé de leur prêter notre matériel pour traverser la frontière, et qui sécurisera l’équipement traversant la frontière? »,

M. Nelson Arroyo a soutenu que pour résoudre le problème, une coopération bilatérale entre les deux États est nécessaire. Ce que prévoit l’accord qu’il a paraphé avec le Conatel.

« Il y a des interférences des stations haïtiennes en République dominicaine, mais il y a aussi des interférences de la nôtre de ce côté-là, c’est-à-dire que ce n’est pas un problème à sens unique, c’est dans les deux sens, donc une coopération bilatérale est nécessaire », a déclaré M. Nelson Arroyo.

Le Président de Indotel a estimé que l’une des actions envisagées se produira  lorsqu’il lancera des offres pour tenter de donner une série de concessions aux stations de radio dominicaines à la frontière.

« L’une des choses que je pense que nous devons faire, c’est quand nous allons à de nouveaux appels d’offres, c’est d’essayer de donner une série de concessions pour les stations dominicaines à la frontière afin que l’espace ne soit pas si libre pour les stations haïtiennes, c’est-à-dire , il y a des stations dominicaines de ce côté-ci avec des atouts qui peuvent servir de contrepoids aux diffuseurs haïtiens », a déclaré M. Nelson Arroyo dans cette interview à l’émission El Despertador, par Color Vision, chaîne 9.

Le régulateur des Télécommunications en République dominicaine a fait valoir que cette action se ferait « jusqu’à ce que les conditions soient réunies en Haïti pour qu’il soit possible, d’État à État, de prendre des mesures communes au profit des usagers des deux côtés ».

Comment comprendre les déclarations de M. Nelson Arroyo ?

Premièrement, que traduisent ces déclarations du Président de la plus haute autorité de la République Dominicaine dans le domaine des Télécommunications relativement à un secteur d’activités économiques (Télécom), à une ressource (fréquences) et une  zone (frontière) que partagent deux pays sur une même île ?

Faut-il comprendre de la République Dominicaine n’entend plus respecter les engagements pris dans le cadre du Protocole d’accord ?

Qu’est-ce qui s’est passé entre le Conatel et Indotel ? Y-a-t-il litige ou différend entre les deux institutions dans le cadre de la mise en œuvre de cet accord. Que reproche l’Institut dominicain des Télécommunications (Indotel) au Conseil National des Télécommunications( Conatel ) ?

Litige entre Indotel et Conatel ?

Ledit accord entre les deux pays prévoit que tout différend ou litige dans le domaine Télécom entre les parties concernant l’interprétation ou l’application de l’accord sera réglé à l’amiable par une ou plusieurs réunions entre les parties. Y-a-t-il eu, si litige il existe, des réunions pour tenter de  régler le différend?

Le Président de Indotel déclare entendre prendre unilatéralement des mesures exceptionnelles « jusqu’à ce que les conditions soient réunies en Haïti pour qu’il soit possible, d’État à État, de prendre des mesures communes au profit des usagers des deux côtés », dit-il.

Effectivement le Protocole d’accord entre la République Dominicaine et Haïti prévoit des cas de force majeure comme celui que semble vouloir insinuer M. Arroyo. Cependant il y a des procédures à respecter.

Procédures en cas de suspension de l’accord ?

L’article X dudit Accord stipule en effet : Dans le cas où les parties seraient empêchées , en cas de force majeure, de remplir leurs obligations au titre du Protocole d’accord, sa mise en œuvre sera suspendu pour le temps nécessaire et sera notifiée dans le délai prévu( 30 jours avant la date effective de la suspension ) à l’autre partie.

La demande de suspension de l’accord doit être faite officiellement par écrit, selon ledit accord.

S’il s’agit d’une suspension de l’accord, cette procédure  à t-elle été respectée ?

Procédures en cas de résiliation de l’accord ?

Le Président de l’Institut dominicain des Télécommunications, M. Nelson Arroyo , qui a personnellement paraphé le protocole d’accord avec son homologue haïtien , M. Léon Jean Marie Guillaume, estime aujourd’hui, qu’il y a pas d’interlocuteur valable en Haïti.

Cetre déclaration peut être interprétée comme une forme de résiliation unilatérale.

Cependant, dans ce cas également , il y a des procédures prévues par l’accord signé par M. Arroyo.

En effet , à l’article XII de cette entente formelle entre les deux pays dans le domaine des Télécommunications et des NTICs, il est écrit :

« La résiliation anticipée du Présent Protocole  Accord par l’une ou l’autre des deux parties doit être formellement notifiée par écrit. L’avis de résiliation doit être donné au moins trente (30) jours ouvrables avant la date à laquelle la résiliation prend effet. Le présent protocole d’accord peut être résilié unilatéralement à tout moment en cas de violation de l’une des obligations des parties. « 

Ces dispositions relativement à la résiliation, si résiliation il y a, sont elles respectées ?

Menace d’autorisation de stations à la frontière avec des « atouts » pour brouiller d’autres stations et systèmes de télécommunications ?

Enfin, la menace de M. Nelson Arroyo d’autoriser prochainement dans les zones frontalières entre la République Dominicaine et la République d’Haïti la mise en place de stations de radiodiffusion avec des « atouts » qui peuvent servir de « contrepoids «  aux diffuseurs haïtiens doit être prise aux sérieux.

D’abord cette déclaration publique venant d’un régulateur Télécom est étonnante. Elle est dangereuse et doit être condamnée fermement par tous ceux qui , à un titre quelconque, s’intéressent à l’avenir des relations entre les deux pays.

 Elle peut représenter une menace pour les investissements des opérateurs Télécoms et des diffuseurs des deux côtés de la frontière.

Elle équivaut à une déclaration de guerre  dans un domaine  où la quête d’harmonie doit être promue en permanence et en toute circonstance.

D’ailleurs le Président de Indotel, M. Arroyo , ne s’était-il pas formellement engagé dans le cadre de cet accord à promouvoir la diffusion de messages d’harmonie et de fraternité pour renforcer les liens d’amitié entre les populations haïtiennes et dominicaine ?

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