L’explosion de La Crête-à-Pierrot
Le 5 septembre 1902, aux alentours de midi, la canonnière allemande S.M.S. Panther pénétra dans la rade des Gonaïves. L’aviso haïtien La Crête-à-Pierrot était alors à l’ancre, à peu de distance du littoral. Son commandant, l’amiral Hammerton Killick, amputé de deux doigts la veille, se trouvait à terre quand le premier coup de semonce allemand retentit.
L’ultimatum lancé par le capitaine de frégate Richard Eckermann était clair : abaisser le pavillon haïtien et se rendre, sous peine de destruction immédiate. Au bruit de la canonnade, Killick regagna précipitamment son navire. Après avoir fait préparer le branle-bas, il ordonna pourtant l’évacuation de l’équipage. Restèrent seulement auprès de lui le Dr Émile Cole, un maître d’hôtel et trois matelots décidés à partager son sort.
Killick pénétra alors dans son carré arrière, où il avait disposé plusieurs barils de poudre. Il les aspergea de kérosène, transformant l’intérieur du navire en baril explosif. Puis il déchargea deux coups de revolver : la déflagration fut immédiate, projetant des flammes à travers les superstructures.
Alors que l’incendie s’intensifiait, la Panther tira encore une quinzaine d’obus pour achever la manœuvre. Le feu gagna les machines, et la chaudière de La Crête-à-Pierrot explosa avec fracas. Le bâtiment, soulevé par la violence de l’explosion, bascula lentement sur bâbord avant de sombrer, dans un épais nuage de fumée et de vapeur qui recouvrit toute la rade des Gonaïves.
Deux jours après, les funérailles de Killick étaient célébrées aux Gonaïves au milieu d’une foule immense. Parce qu’il considérait que l’amiral s’était suicidé, le curé de la paroisse, le père Aubéry, refusa les honneurs d’un service religieux à sa dépouille qui resta pieusement exposée devant l’autel de la patrie. Plus tard, un buste sera érigé à sa mémoire dans le port des Gonaïves.
recherches : cba