L`Agriculture, la caravane présidentielle et la triste réalité du terrain!

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par Frantz Ulysse

Jeudi 4 mai 2017 ((rezonodwes.com))– Le secteur agricole demeure, malgré ses faiblesses, l’une des principales sources d’activités génératrices d’emplois et de revenus en Haïti. Forte de 25% du produit intérieur brut, l’agriculture héberge plus de 50% des Haïtiens. Ce qui fait que le pays est à prédominance agricole.




Le secteur agricole haïtien était stratégiquement protégé jusqu’au début de 1980. Plusieurs de nos produits étaient exportés. Haïti était pratiquement indépendante en matière de l’alimentation. Les dirigeants d’alors pouvaient tenir tête aux puissants internationaux qui voulaient, à tout prix, imposer leurs lois aux petits pays.

Après la période dure des Duvalier, des institutions internationales telles FMI, BM, OMC ont élaboré des programmes et les ont imposés à Haïti. Le plan d’ajustement structurel de 1986-1987 avait commencé à détruire toutes les structures du secteur primaire haïtien. Les autorités de l’époque ont abattu les barrières de douane et des produits hautement subventionnés des Etats-Unis ont envahi le marché haïtien.

Le riz haïtien, étant à la base de notre assiette, représente le cas emblématique de la dérégulation capitaliste. En 1995, les droits de douane sur le riz passent de 35% à 3 % suite à un programme de FMI, BM et OMC au profit du riz américain. Depuis, aucune politique publique n’a visé le relèvement ni l’augmentation réels du taux de productivité du pays en matière agricole. Le faible budget du ministère de l’agriculture et des ressources naturelles en témoigne.

La situation critique, alarmante et calamiteuse du secteur va de pair avec la dégradation des conditions de vie de la population globalement. C’est ce qui a, sans doute, motivé les bonnes intentions du président de la République. Mais comment peut-on relancer la production nationale agricole sans penser à restructurer le marché et à protéger les producteurs locaux par rapport aux produits subventionnés étrangers? Comment restructurer le marché et protéger les produits locaux sans s’attaquer à des intérêts des nationaux spécialistes en importation et à des institutions financières internationales? Le pouvoir en place ne s’est-il pas mis à mal en voulant réellement relancer la production nationale dans sa composante agricole?




En effet, lundi 1er mai 2017, à Lagrande, localité de 5ème section communale de Saint-Marc, le président Jovenel MOÏSE a lancé officiellement la caravane du changement. La caravane du changement se veut un programme du premier locataire du palais national qui s’inscrit implicitement dans la lignée de celui de l’ancien président Dumarsais ESTIMÉ. Elle vise la mise en valeur des terres du pays pour les porter à produire. La caravane se projette de curer 197 km de canaux d’irrigation, 87 canaux de drainage; de construire 50 km de berges et de réparer 100 km de routes agricoles. Il s’agit de valoriser 32 milles hectares de terre et de faciliter l’accès à la population au crédit et à des équipements modernes.

Ces actions, liées à de bonnes intentions, sont bonnes. Mais, elles ne suffisent pas à encourager les paysans producteurs eu égard à la concurrence outrancière imposée par l’international. Les tenants de la caravane du changement n’ont rien expliqué par rapport à l’importation qui détruit sciemment toute la production du pays.

Mais, en plus, il devient la science de fabriquer des commissions au mépris des institutions qui sont déjà faibles. Qu’est-ce que cette caravane du changement apporte en terme de renforcement des capacités de nos institutions? Les mairies, les associations de paysans, les bureaux agricoles communaux, ODVA sont-ils vraiment en plein dans cette caravane du président?




Ces questionnements, loin de s’opposer aux bonnes intentions du président Jovenel, se veulent une réflexion critique pour porter les décideurs à réaliser un bon coup au profit de la population qui souffre et dont les émotions et l’euphorie la rendent naïve. Le sérieux de ce programme doit se mesurer aux prochains budgets de la République.

Frantz ULYSSE

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