Corruption – Dossier Jovenel : Le juge Garry Orélien a amassé des millions en pots-de-vin, révèle le RNDDH dans une lettre adressée au CSPJ

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Garry Orélien invité à restituer des montants indument acquis dans l’enquête sur l’assassinat de Jovenel Moise

Le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), dans une correspondance adressée au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), appelle à sévir contre le juge instructeur Garry Orélien en charge de conduire l’enquête sur l’assassinat du Président Jovenel Moise. Le juge Orélien est accusé de normaliser la corruption en exigeant de fortes sommes à des inculpés.

Port-au-Prince, mardi 18 janvier 2022 ((rezonodwes.com))–

Aux membres du

Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ)

En leurs bureaux. –

Messieurs les Conseillers,

Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) estime de son devoir de porter à votre attention certaines informations qui lui sont parvenues, concernant le comportement du magistrat Garry Orélien, chargé d’instruire le dossier relatif à l’assassinat du président Jovenel Moïse.

Messieurs les Conseillers,

Le 6 janvier 2022, soit exactement six (6) mois après l’assassinat tragique du président, le RNDDH a publié un deuxième rapport dans lequel il a pris le soin de noter deux (2) points en particulier.

D’une part, l’organisation a souligné qu’aucune enquête de police judiciaire n’est en cours, les autorités étatiques ayant décidé en haut lieu de ne pas autoriser la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) à approfondir certains aspects importants du dossier qui pourtant auraient aidé à la manifestation de la vérité. Aucune commission rogatoire n’a non plus été acheminée à la DCPJ par le magistrat instructeur, pour la continuation de l’enquête de police judiciaire.  Le RNDDH en a profité pour établir qu’aucune instruction judiciaire n’est menée par le magistrat Garry Orélien, mis à part quelques auditions consenties par ce dernier et le transport de la chambre criminelle sur les lieux du crime, à grand renfort de publicités.

D’autre part, le RNDDH a dénoncé le comportement du greffier Elysée Cadet attaché au magistrat Garry Orélien qui s’est présenté en date du 9 décembre 2021 au local de l’entreprise RJ Rent a Car où il a affirmé à l’un des responsables de cette entreprise que le magistrat instructeur annulera le mandat d’amener et l’interdiction de départ qui avaient été émis à son encontre, s’il accepte de passer un véhicule à son nom.

Le greffier Elysée Cadet, tout en insistant sur le fait qu’il représentait le magistrat dans ses démarches, a poussé l’indécence jusqu’à continuer à communiquer par message WhatsApp avec le responsable de RJ Rent a Car, fournissant les spécifications du véhicule qu’il veut avoir et transférant copie de son permis de conduire pour le transfert en question.

Le greffier Elysée Cadet a cependant affirmé au RNDDH qu’il avait demandé au responsable du RJ Rent a Car – objet d’un mandat d’amener et d’une interdiction de départ émis par le magistrat auquel il est attaché – de lui prêter un véhicule. Les discussions par WhatsApp ainsi que la copie de sa licence qu’il avait acheminée au responsable, devaient permettre de conclure les formalités du prêt.

Le procès-verbal de constat des messages susmentionnés est attaché à la présente.

Messieurs les Conseillers,

Depuis le début de l’instruction du dossier par le magistrat Garry Orélien, le RNDDH a commencé à recevoir d’autres informations relatives au comportement du magistrat lui-même. Cependant, après la publication du rapport dans lequel le cas de tentative d’extorsion de biens susmentionné a été révélé, des précisions, les unes plus inquiétantes que les autres, sont parvenues au RNDDH :

  1. Alors que la DCPJ menait son enquête partielle, plusieurs mandats d’amener ont été émis par le Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince. Dès sa désignation à titre de magistrat instructeur, Garry Orélien a commencé à prendre contact avec les personnes en question et leur a demandé, à chacune d’elles, de lui verser jusqu’à cinquante mille (50,000) dollars américains, pour l’annulation de ces mandats d’amener ;
  • Pour la levée d’une interdiction de départ émise à l’encontre d’une personnalité dont le nom a été cité pour s’être entretenue avec l’un des individus indexés dans cet assassinat, deux millions (2,000,000) gourdes ont été versées au magistrat instructeur Garry Orélien. La personne qui était concernée par cette interdiction de départ avait des soucis de santé ;
  • Un ancien directeur général de la PNH a versé deux millions (2,000,000) gourdes au magistrat instructeur Garry Orélien pour être auditionné par ce dernier. Le jour de son audition soit le 16 décembre 2021, il s’est présenté au Tribunal de première instance de Port‑au-Prince accompagné de cinquante-trois (53) agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) et pas moins de sept (7) véhicules, car, en dépit du versement de ce montant faramineux, rien ne lui garantissait que le magistrat n’allait pas décider de l’arrêter ; 
  • Le 3 janvier 2022, le magistrat Garry Orélien a ordonné la libération de quatre (4) policiers qui étaient incarcérés dans le cadre du dossier relatif à l’assassinat du président Jovenel Moïse. Il s’agit de Paul Eddy Amazan, Wilner Cangé, Cedernier Cicéron et Jacques Sincère. Au moins l’un d’entre eux a versé vingt-cinq mille (25.000) dollars américains au magistrat. Les parents de ce policier, convaincus de son innocence dans la perpétration de l’acte qui lui est reproché, se sont arrangés pour collecter auprès de proches et d’amis le montant exigé par le magistrat et obtenir la libération du policier en question, une scène qui rappelle fortement – et malheureusement ‑ les cas de séquestration contre rançon enregistrés en Haïti depuis quelque temps.

Messieurs les Conseillers,

Vous conviendrez avec le RNDDH que ces dénonciations sont graves et méritent une enquête approfondie de votre cellule d’inspection judiciaire. Elles risquent de saper la confiance due à un magistrat instructeur et de porter la population haïtienne à remettre en question toutes les décisions prises par ce magistrat.

Conséquemment, le RNDDH – tout en vous assurant de sa volonté de collaborer avec le CSPJ pour que lumière soit faite sur les cas susmentionnés – vous saurait gré d’ouvrir une enquête sur le comportement du magistrat Garry Orélien et de prendre à son encontre, les sanctions qui s’imposent dont le remboursement immédiat et au centime près, de ces montants indûment acquis

Espérant que prompte suite sera donnée à la présente, le RNDDH vous transmet, Messieurs les Conseillers, ses salutations distinguées.

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Pierre Espérance

Directeur Exécutif 

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