Haïti, rongé par différents maux, reste une terre d’espérance

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Le Pape François a appelé, le 15 décembre dernier, à prier pour Haïti après l’explosion d’un camion-citerne dans la ville de Cap-Haïtien qui a fait plus de 90 morts. Le Saint-Père a décrit un peuple en souffrance, victime de tragédies successives. L’année 2021 qui vient de s’achever a été particulièrement sombre pour le pays.

Entretien réalisé par Hélène Destombes – Vatican News

Samedi 1er janvier 2021 (An 218 de l’Indépendance) [rezonodwes.com] –L’assassinat du président Jovenel Moïse le 7 juillet dernier dans sa résidence privée de Port-au-Prince a marqué une nouvelle étape dans la profonde crise politique et sécuritaire que traverse le pays. Roody Edmé, éditorialiste du journal haïtien “Le National”, éducateur et professeur d’histoire et de littérature contemporaine admet que «l’année a été particulièrement difficile».

«L’assassinat du président a été le summum d’une violence qui était latente. C’est un acte spectaculaire qui a choqué l’opinion publique», relève t-il. Ces derniers mois, les bandes armées ont étendu leur emprise sur Port-au-Prince. Elles contrôlent désormais les axes routiers qui conduisent aux trois terminaux pétroliers que compte le pays. Selon les Nations unies, environ un tiers de la capitale est touché par les activités criminelles et la violence propagées par quelque 95 gangs armés.

Les gangs étendent leur emprise en toute impunité

Les groupes rivaux, qui se disputent le territoire, multiplient les enlèvements et assassinats, profitant du délitement de l’État et de l’impuissance du système judiciaire. Le 16 octobre, 17 membres d’une ONG missionnaire américaine et leur famille étaient enlevés par le gang «400 Mawozo», dans la banlieue de Port-au-Prince. Les 12 derniers détenus ont été libérés ce 16 décembre. «C’est la première fois qu’il y a autant d’insécurité dans les rues» déplore Roody Edmé.

«Les gangs sont en train de conquérir le territoire en agissant comme s’ils avaient des franchises dans certaines zones auparavant protégées». Les enlèvements sont devenus un phénomène endémique et «les forces de police ne parviennent pas à endiguer ce mal». Les deux priorités aujourd’hui en Haïti sont la lutte contre l’impunité et la corruption. «Il faut donc absolument renforcer la police et réformer la justice».

La corruption gangrène l’ensemble de la société

Le système politique en Haïti est défaillant, reconnait l’éditorialiste du journal “Le National”. «Il est rongé par la corruption qui touche les hautes sphères du pouvoir politique et économique mais elle s’immisce aussi dans les structures populaires, les bidonvilles où les personnes vivent de petits boulot, de magouilles car c’est un système de survie qui s’est installé».

Le pays, le plus pauvre du continent américain, a par ailleurs subi une nouvelle catastrophe naturelle. Le 14 août le Grand Sud a été frappé par un tremblement de terre de magnitude 7,2 sur l’échelle de Richter qui a fait 2 200 morts et plus de 12 000 blessés. Près de 4 000 maisons et 170 écoles ont été détruites. «Quelque 400 000 enfants ne sont toujours pas retournés à l’école».

La société civile haïtienne terreau du changement

Dans ce contexte extrêmement sombre, plusieurs membres de la société civile se mobilisent pour construire une nouvelle nation. «Un projet, appelé la transition de rupture, a été élaboré par “le groupe Montana”, qui se bat pour le changement tout comme “le carrefour de l’espoir” qui regroupe des personnes d’idéologies ou de religions différentes engagées dans la transformation de la société haïtienne».

«On perçoit de plus en plus un réveil de la société civile haïtienne dans différents secteurs. C’est un signe d’espoir», se réjouit Roody Edmé qui invite la communauté internationale à se joindre aux forces internes progressiste, qui souhaitent le changement pour redresser le pays. «Le peuple haïtien ne souhaite pas d’ingérence mais cela ne veut pas dire que nous ne voulons pas de solidarité, d’aides techniques de pays amis».

Fraternité et non pas assistanat

L’éditorialiste haïtien met toutefois en garde contre la manière dont est pensée cette aide. «Nous ne voulons pas de pitié, d’assistanat mais nous avons besoin de supports, de dialogue et d’écoute des voix haïtiennes». Tout comme le Pape sensibilise à la situation en Haïti, «il est important que la communauté internationale s’intéresse à nous sans considérer Haïti comme le pays de la fatalité mais comme un pays d’espérance où des femmes et des hommes se battent pour transformer leur vie». Entretien avec Roody Edmé, éditorialiste du journal haïtien “Le National”.

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