Reconnaissance de l’Indépendance|Président Boyer, 6 oct. 1824 : »Les ennemis d’Haïti comptent encore sur la chimère d’une division parmi nous »

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Port-au-Prince, 6 octobre 1824.

CIRCULAIRE

Jean-Pierre Boyer, président d’Haïti,

aux commandants d’arrondissement.

Les envoyés que, sur l’appel qui m’avait été fait, j’avais expédiés pour traiter en France de la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti, sont de retour ici. Leur mission n’a pas obtenu le résultat que l’on était en droit d’espérer, parce que le gouvernement français ( chose incroyable ! ) prétend encore au droit de suzeraineté sur ce pays. Cette prétention, à laquelle il paraissait avoir renoncé, est à jamais inadmissible : elle est une nouvelle preuve, comme je l’ai déjà proclamé, que notre véritable garantie est dans notre inébranlable résolution, et combien nos défiances et les mesures que j’ai prises
étaient fondées.

Dans ces circonstances, vous devez, plus que jamais, vous rappeler les dispositions de
ma proclamation du 1er janvier dernier, et les instructions particulières qui l’ont suivie. Pressez activement tous les travaux nécessaires ; l’entretien en ordre des armes, la mise en bon état de l’artillerie, des munitions de toute espèce etc., rien ne doit être négligé ; mettez en réquisition les ouvriers des corps, et même,
au besoin, les particuliers, pour la prompte confection des affûts de canon qui pourraient
ne pas être encore achevés.

Faites en sorte, enfin, en cas d’invasion de l’ennemi, de n’être en retard sur aucun point. Songez sans cesse à vos devoirs, à votre responsabilité et agissez
en conséquence.

L’honneur national prescrit (vous ne perdrez pas non plus cet objet de vue) d’assurer la tranquillité et la sûreté aux étrangers qui, sur la foi publique, garantie par la constitution, se trouvent dans le pays. Couvrez-les, ainsi que leurs propriétés, de votre protection, de manière qu’ils soient en pleine sécurité. Il suffit de réfléchir, pour sentir l’infamie qui rejaillirait sur la nation, si, dans n’importe quelle circonstance , nous agissions différemment.

Guerre à mort aux implacables ennemis qui porteraient un pied sacrilège sur notre territoire ; mais ; ne souillons jamais notre cause par aucune action déshonorante !

En envoyant des députés pour régler les formalités de la reconnaissance de notre indépendance , j’ai cédé à l’invitation qui m’a été faite par des agens du gouvernement du Roi de France. J’ai dû faire cette démarche, pour ôter à la malveillance tout-prétexte de me taxer d’obstination: j’ai dû la faire pour l’acquit de ma conscience, et pour enfin fixer l’opinion de la nation sur ce point important.

Je crois avoir rempli à cet-égard mon devoir mais j’ai la satisfaction de pouvoir assurer que je n’ai point été abusé.

La république est libre; elle est à jamais indépendante, puisque nous sommes déterminés à nous ensevelir sous ses ruines, plutôt que de nous soumettre à l’étranger. Cependant, les ennemis d’Haïti comptent encore sur la chimère d’Une division parmi nous. Quelle erreur et en même temps quelle duplicité!

Soyons éternellement unis, fidèles à nos devoirs, et nous serons, avec l’aide du Tout-Puissant, à jamais invincibles.

Signé BOYER.

Référence :

« Précis historique des négociations entre la France et Saint-Domingue: suivi de pièces justificatives et d’une notice biographique sur le général Boyer, président de la République d’Haïti » / par M. Wallez
Auteur  :  Wallez, Jean Baptiste Guislain (1783-1847).
Éditeur  :  Ponthieu (Paris)
Date d’édition :  1826
Sujet :  Boyer, Jean Pierre (1776-1850)

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