Haïti – Corruption : 8 institutions publiques passées au crible

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Lutte contre la corruption en Haïti :
Rapport de plaidoyer pour une meilleure connaissance des institutions étatiques

Jeudi 9 décembre 2021 ((rezonodwes.com))–

SOMMAIRE

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Résumé                                                                                                                                          2

I.            INTRODUCTION                                                                                                                                                           3

II.          METHODOLOGIE                                                                                                                                                         3

III.         MISE EN CONTEXTE ET ZOOM SUR CERTAINS CAS DE CORRUPTION                                                 4

IV.         PRESENTATION DES INSTITUTIONS DEVANT LUTTER CONTRE LA CORRUPTION                        12

A.   Unité Centrale de Renseignement Economique et Financier (UCREF)                                     12

B.    Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC)                                                                                14

C.   Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP)                                                                 15

D.   Bureau des Affaires Financières et Economiques (BAFE)                                                           16

V.          PRESENTATION DES INSTITUTIONS OFFRANT DES SERVICES DIRECTS A LA POPULATION     18

A.   Direction Générale des Impôts (DGI)                                                                                             18

B.    Office d’Assurance Véhicules Contre Tiers (OAVCT)                                                                 20

C.   Office National d’Assurance Vieillesse (ONA)                                                                             21

D.   Service de l’Emigration et de l’Immigration                                                                                  23

VI.         COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS                                                                                                    24

Résumé

1.        Détournement    des    biens    publics,    blanchiment    des    avoirs,    enrichissement    illicite, surfacturation, favoritisme, versements de pots de vin, trafic d’influence, etc., tels sont les principaux actes de corruption consacrés par les instruments légaux et fournissant aux institutions appelées à combattre la corruption en Haïti un cadre précis d’assainissement de l’appareil étatique. Pourtant, en dépit des nombreuses dénonciations et scandales qui ont jalonné la vie publique au cours de ces

20 dernières années, une seule condamnation a été prononcée par les autorités judiciaires haïtiennes et seulement 2 arrêts de débet ont été émis par la CSC/CA. Et, les citoyens-nes continuent de galérer pour avoir accès aux services offerts par des boites de l’Etat, perçues comme étant corrompues.

2.        A l’occasion de la journée internationale de lutte contre la corruption, cette année, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) entend inviter les citoyens-es à s’engager dans la lutte contre la corruption et exiger des autorités étatiques une réforme des boites de l’Etat.

3.        Pour  ce  faire,  le  RNDDH  a,  d’une  part,  tenu  à  présenter  succinctement  à  la  population haïtienne le fonctionnement de 4 institutions appelées à combattre la corruption à savoir : l’ULCC, l’UCREF, la CNMP et le BAFE. D’autre part, 4 autres institutions fournissant des services directs à la population ont été disséquées. Il s’agit de la DGI, de l’OAVCT, de l’ONA et de la  Direction de l’Immigration et de l’Emigration.

4.        Des fiches d’enquête distinctes ont été préparées par le RNDDH sur la base desquelles,  19 responsables  d’institutions,  24  employés-es  dont  des  syndicalistes  et  17  contribuables  ont  été rencontrés.

5.        Les résultats des entrevues ont révélé que les institutions appelées à combattre la corruption sont  peu  connues.  Elles ne  travaillent  pas  suffisamment  et,  elles  sont  sous la  mainmise  de  leurs autorités de tutelle. Les responsables des institutions qui offrent des services directs à la population sont perçus comme tolérant la corruption : les racketteurs y ont leurs entrées, les informations ne sont ni disponibles ni accessibles et des employés-es acceptent soit directement des citoyens-nes, soit indirectement, par le biais de  racketteurs, de recevoir de  l’argent  contre la promesse de  services rapides, ce qui laisse supposer que les services sont sciemment rendus inaccessibles, pour soutirer de l’argent aux contribuables.

6.        Sur la base des résultats des entrevues susmentionnées, le RNDDH recommande aux autorités concernées de :

•    Rendre disponibles et accessibles les services publics pour tous les citoyens-nes ;

•    Afficher les prix des services dans toutes les institutions concernées ;

•    Mettre en place un service d’accueil au sein de toutes les institutions étatiques ;

•    Prendre des mesures drastiques pour éradiquer la corruption dans les institutions étatiques ;

•    Punir les personnes impliquées dans des actes de corruption ;

•    Fournir des moyens aux employés-es pour accomplir leurs tâches. Le RNDDH recommande aussi aux citoyens-nes de :

•    Refuser de participer aux actes de corruption ;

•    Dénoncer les cas de corruption au sein des institutions de services ;

•    Exiger de l’Etat la disponibilité des services sans être obligés de passer par des racketteurs.

I.           INTRODUCTION

1.       Depuis plusieurs années, les questions relatives à la corruption captent l’attention de la population  haïtienne  en  raison  du  fait  que  la  relation  étroite  qui  existe  entre  corruption  et négation  des  droits  humains,  particulièrement  la  non-réalisation  des  droits  économiques  et sociaux, n’est plus à prouver.

2.       De nombreux reproches ont été en ce sens adressés aux institutions étatiques impliquées dans la question : d’une part, aux institutions appelées à combattre la corruption il est reproché de ne pas travailler suffisamment en vue de sévir contre ceux et celles qui la pratiquent ; d’autre part, à celles qui sont appelées à fournir un service public aux contribuables et aux justiciables, il  est  reproché  de  tolérer  les  actes  de  corruption,  en  dépit  du  fait  que  des  dénonciations d’implication de leurs membres dans des faits de corruption, soient nombreuses.

3.       Interpellé par la question, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) s’est penché, au  cours des  vingt (20) dernières années sur différents cas de corruption au  sein de l’administration publique en général et de l’appareil judiciaire en particulier. Néanmoins, cette année, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre la corruption  – le 9 décembre

2021  -,  il  s’agit  pour  l’organisation  d’encourager  les  différentes  composantes  de  la  société haïtienne  à  s’impliquer  davantage  dans  la  lutte  contre  la  corruption,  par  une  meilleure compréhension du travail de certaines institutions étatiques.

II.         METHODOLOGIE

4.       Le   présent   rapport   suit   un   double   objectif   qui   consiste   d’une   part   à   présenter succinctement  à  la  population  haïtienne  certaines  institutions  étatiques  créées  en  vue  de combattre  la  corruption  ainsi  que  quelques-unes  appelées  à  fournir  des services  directs  aux citoyens-nes et d’autre part, à porter les institutions ciblées à se pencher rapidement sur leurs différents défis en vue de l’amélioration de leur perception par les citoyens-nes.

5.       Ainsi, quatre (4) institutions devant lutter contre la corruption ont été monitorées. Il s’agit de l’Unité Centrale de Renseignement Economique et Financier (UCREF), l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) et le Bureau des Affaires Financières et Economiques (BAFE). Quatre (4) autres institutions offrant des services directs à la population ont aussi été observées. Il s’agit de la Direction Générale des Impôts (DGI), de l’Office Assurance Véhicules Contre Tiers (OAVCT), les Services de l’Immigration et de l’Emigration et

l’Office National d’Assurance-Vieillesse (ONA).

6.       Pour  l’élaboration  de  ce  document,  les  moniteurs-trices  du  RNDDH,  munis  de  fiches d’enquête,  se  sont  présentés  dans  les  huit  (8)  institutions  étatiques  susmentionnées  tant  à Port-au-Prince  que  dans certaines  villes  de  province.  Ils  se  sont  entretenus  avec  soixante  (60)

personnes dont dix-neuf (19) responsables d’institutions, vingt-quatre (24) employés-es dont des syndicalistes et dix-sept (17) citoyens-nes trouvés sur les lieux.

7.       Pour  chacune  des  institutions  monitorées,  les  entrevues  avec  les  responsables  se  sont portées sur le cadre légal, la saisine, les mécanismes internes Anti-corruption, transparence et reddition  de  compte.     Avec  les  citoyens-nes  et  les  employés-es,  leur  connaissance  des institutions,  leur  perception  des  services  offerts  par  celles-ci  et  ce  qui  devrait  être  amélioré notamment, ont été passées en revue.

III. MISE EN CONTEXTE ET ZOOM SUR CERTAINS CAS DE CORRUPTION

8.       Tel que susmentionné, au cours des  vingt (20) dernières années, le RNDDH a dénoncé plusieurs cas de corruption au sein de l’appareil étatique. Certains de ces dossiers, véritables scandales ayant défrayé la chronique, ont débouché sur des parodies de jugement alors que d’autres se sont éteints d’eux-mêmes, les institutions qui avaient été saisies n’ayant pas assuré leur aboutissement à un jugement exemplaire. En voici quelques exemples :

9.       Le 23 janvier 2003, le magistrat Pierre Josiard AGNANT a ordonné la libération de Salim BATRONY  alias  Johny  BATRONY  qui  était  alors  accusé  de  trafic  illicite  de  stupéfiants.  Une perquisition avait été réalisée chez lui au cours de laquelle, cinquante-huit (58) kilos de cocaïne avaient  été  découverts.  Des  informations  persistantes  circulaient  alors  dans  les  couloirs  du palais de justice de Port-au-Prince, laissant entendre que le juge avait reçu trois cent cinquante mille (350,000) dollars américains pour rendre cette décision1. Il s’en est suivi un scandale d’une ampleur inimaginable à la suite duquel le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique a dû alors mettre le magistrat en question en disponibilité. Le gouvernement américain de son côté annula le visa d’entrée sur le sol américain du magistrat Pierre Josiard AGNANT. Le Conseil Supérieur de la Magistrature, saisi du dossier sur plainte du coordonnateur de la Commission Nationale de Lutte contre la Drogue avait rendu, en date du 6 février 2004, un arrêt reconnaissant comme fondés les reproches adressés au magistrat AGNANT. Au cours de cette même année, le magistrat Pierre Josiard AGNANT a pourtant réintégré l’appareil judiciaire haïtien.

10.     Du 21 au 27 décembre 2006, à l’Office National d’Assurances-Vieillesse (ONA), le directeur d’alors Sandro JOSEPH a monté un dossier d’achat de terrain pour le compte de l’ONA, pour la somme  de  soixante-et-un  millions,  cent-quarante-quatre  mille,  quatre-cent-quarante-sept  gourdes  et cinquante centimes (61,144,447.50) gourdes incluant l’acquisition de quinze (15) carreaux de terre à  Tabarrpour  cinquante-six  millions  (56,000,000)  gourdes  et  le  paiement  des  honoraires  du notaire  Pierre  Hermanne  REMEDOR  de  la  résidence  de  lArcahaieestimés  à  deux  millions  six cent-quarante mille (2,640,000) gourdes.

1 RNDDH – Justice – Corruption : La NCHR condamne la réintégration du Juge Pierre Josiard AGNANT dans

l’Appareil Judiciaire, Com.P/N14/A04, 8 juin 2004

11.     La déclaration de vente de ladite propriété avait été réalisée par Jonas NOZIERE présenté comme étant le mandataire des héritiers Innocent AUGUSTE, à l’étude dudit notaire à l’Arcahaie ; ladite  propriété  aurait  été  arpentée  par  l’arpenteur  Pierre  Marcelin  JEAN  PHILIPPE   de  la commune  de  l’Arcahaie  assisté  de  l’arpenteur  Jacques  Arold  BOISROND  pour  ces  opérations. Cependant, ce dernier avait formellement démenti avoir assisté une opération d’arpentage dans une commune pour laquelle il n’était pas commissionné. La propriété prétendument vendue par des vendeurs inconnus se retranchant derrière Jonas NOZIERE n’appartenait en fait qu’à une société anonyme.2

12.     Au cours de son passage à la tête de l’ONA, le directeur Sandro JOSEPH a octroyé des montants  oscillant  entre  vingt-cinq  mille  (25,000)  et  trois  millions  (3,000,000)  gourdes  à  ses proches, pour des activités carnavalesques ou sous forme de prêts. Au total quarante-six millions, cent-quatre-vingt-seize    mille,    trois-cent-quatre-vingt-dix-sept    (46.196.397)    gourdes    ont    été distribuées  à  au  moins  vingt  (20)  particuliers-ères,  quinze  (15)  entreprises  commerciales, cinquante (50) groupes musicaux, quinze (15) organisations, vingt-deux (22) organes de presse, deux (2) ministères, deux (2) maires, quarante-neuf (49) députés et cinq (5) sénateurs, selon un rapport de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), publié en 2009.

13.     Toujours selon ce rapport de l’ULCC, des prêts ont été consentis à des parlementaires et à des proches du pouvoir par Sandro JOSEPH. Ils s’échelonnaient sur des périodes allant jusqu’à cinquante (50) ans, à des taux excessivement dérisoires.

14.     Alors qu’il était directeur de l’ONA, Sandro JOSEPH a aussi offert à une copine un véhicule

flambant neuf qu’il a payé cash au concessionnaire.

15.     Le 19 mars 2009, Sandro JOSEPH3 a été arrêté et incarcéré. Cependant, tous ceux qui avaient bénéficié de ses largesses n’ont jamais été recherchés.

16.     À la faveur du séisme du 12 janvier 2010, Sandro JOSEPH s’est évadé de la prison civile de Port-au-Prince, après y avoir passé neuf (9) mois et quelques jours. D’aucuns ont cru qu’il avait laissé le pays. Cependant,  à la stupeur générale, le  20 avril 2016, il s’est rendu aux  autorités judiciaires. Le 20 juillet 2016, le tribunal criminel de Port-au-Prince siégeant sans assistance de jury  s’était  formé  pour  juger  l’affaire  en  question,  confiée  au  Juge  Al  Duniel  DIMANCHE.  Le magistrat DIMANCHE, après l’interrogatoire de Sandro JOSEPH, avait ordonné une suspension d’audience en vue de rechercher les témoins et de les auditionner à leur tour.

2  RNDDH – Détournement des Fonds de l’ONA : Le RNDDH enjoint les autorités judiciaires à faire toute la lumière sur ce dossier, Com.P./N03/A09

3   RNDDH  –  Rapport  sur  la  situation  générale  des  Droits  Humains  en  Haïti  au  cours  de  l’année  2008,

mai 2009, 37 pages

17.     Le  22  juillet  2016,  l’audience  a  repris.  Au  cours  de  celle-ci,  le  magistrat  Al  Duniel DIMANCHE avait ordonné l’arrestation du notaire Pierre Hermann REMEDOR. Ce dernier s’était rendu quelques jours plus tard, soit le 27 juillet 2016, à la prison civile de Port-au-Prince, dans le but de se mettre à la disposition de la Justice.

18.     Face à ces actions tendant à faire jaillir la lumière sur les actes de corruption qui lui étaient reprochés  et  à  condamner  tous  ceux  et  celles  qui  étaient  effectivement  impliqués  avec  lui, Sandro JOSEPH a brusquement affirmé ne plus avoir confiance dans la manière dont le Magistrat menait le dossier et lui a demandé de se déporter de l’affaire.

19.     Le  dossier  a  été  redistribué  au  magistrat  Mathieu  CHANLATTE  qui,  en  date  du  19 septembre 2016, a rendu sa décision renvoyant Sandro JOSEPH hors des liens de l’inculpation. Le magistrat Mathieu CHANLATTE a argué que le dossier était incomplet, vu qu’aucun rapport de débet consacrant la mauvaise gestion de l’ancien directeur n’y était versé. Et, effectivement, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) alors saisie du dossier, n’y avait pas donné suite.

20.     Au ministère des Affaires Etrangères, l’ex-administrateur Harold BRUNOT a été condamné le

7  janvier  2008  par  la  Cour  Supérieure  des  Comptes  et  du  Contentieux  Administratif  (CSC/CA)  à restituer la somme de soixante-seize millions (76,000,000) gourdes qui ont été détournées sous son administration4

21.     En 2008, dans au moins quatre (4) municipalités5  du pays, des scandales de corruption et de gabegies administratives ont été recensés :

•   Le maire titulaire d’alors de Tiburon, Miclair MERVEILLE  avait pris la fuite en juin 2008 avec en sa possession, une forte somme d’argent destiné à l’exécution de divers projets sociaux dans la commune ;

•   Le maire d’alors de Léogane, Santos ALEXIS a été accusé d’avoir détourné plus de vingt millions (20,000,000) gourdes.  Le 20 octobre 2008, il a été arrêté dans la matinée à Malpasse, alors qu’il se trouvait à bord d’un autobus.

•   Le maire de Savanette, Jeantès TELFORT  a été indexé dans le détournement de plusieurs millions  de  gourdes  qui  avaient  été  allouées  dans  le  cadre  de  l’état  d’urgence.  Le  5 novembre  2008,  des  membres  de  plusieurs  organisations  de  la  commune  de  Savanette avaient fermé la porte de la mairie, pour mauvaise gestion ;

4  RNDDH – Bilan de la Présidence de René  PREVAL  en matière de droits humains mai 2006  – mai 2011, mai 2011, page 45, 86 pages

5  Idem, page 33

•   Le  13  mars  2008,  le  maire  d’alors  de  Bai+netLesly  LAFAILLE  a  été  arrêté  à  l’Aéroport

International Toussaint Louverture pour détournement de fonds.

22.     Joseph   Eugène   HYACINTHE   et   Jean   Marie   André   Esner   MILIEN  6,  respectivement commissaire du gouvernement et doyen près le Tribunal de première instance des Cayes, ont été révoqués le 22 juin 2008 suite à un scandale de corruption. Il leur avait été reproché d’avoir reçu  de  l’argent  pour  procéder  à  la  libération  de  deux  (2)  narcotrafiquants,  à  savoir  Alain MATHURIN et Jean BAPTISTE.

23.     Le 12 novembre 2008, l’appareil judiciaire de Port-de-Paix s’était transporté au domicile d’Alain DESIR pour perquisition suite à l’arrestation de ce dernier le 21 octobre 2008 pour trafic illicite de stupéfiants. La perquisition s’est transformée en une véritable scène de pillage où des magistrats, des agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH), des greffiers, ont volé dans la maison des objets de valeur ainsi qu’une forte somme d’argent dont le montant n’a jamais été dévoilé. Par la suite, d’autres personnes de la commune se sont adressées à celles qui avaient pris part à cette opération de perquisition en vue d’exiger et de recevoir leur part du butin. Dans le cadre de ce pillage, au moins sept (7) membres de l’appareil judiciaire de Port-de-Paix ont été arrêtés et emmenés  à  Port-au-Prince.  Il  s’agit  des  juges  de  paix  Saint  Marc  BOUQUET  et  Jean  Mathieu DORVILUS, des greffiers Louis Albert LORISTON et Gaby DORELIEN, du commis greffier Dumas Louis DOR, de deux (2) secrétaires du Parquet, Sainvilia SAINT-CHARLES et Kerline JEAN.7

24.     En 2010, le juge des référés Jean-Claude DOUYON a rendu, en faveur des héritiers de Jean Serpent  METELLUS  représentés  par  leur  mandataire  Solange  METELLUS,  une  ordonnance  en déguerpissement  avec  exécution  provisoire,  de  trois  cent  soixante  (360)  carreaux  de  terre, dépendant de l’habitation de Vivy Michel. Cette ordonnance a été rendue en dehors des règles juridiques car  le juge  des  référés  est incompétent  pour  statuer  sur  une question  de  droit de propriété. De plus, l’affaire n’avait été ni enrôlée, ni distribuée et la constitution d’avocats portée dans la décision était fausse, Maître Ernest ISAAC ayant déclaré n’avoir pas été mis au courant de  l’affaire. Parallèlement,  le Parquet  de  Port-au-Prince  avait  reçu  le  témoignage  de  la  dame Solange METELLUS qui a affirmé avoir versé cent mille (100,000) gourdes au juge DOUYON pour obtenir cette ordonnance. Ce dossier avait été introduit par devant la Cour de cassation qui avait jugé le 28 juillet 2010, que le témoignage de la dame Solange METELLUS n’était pas crédible en raison des conditions de pression dans lesquelles il avait été obtenu au Parquet. La Cour n’avait alors pas jugé nécessaire d’auditionner la dame en question, ni de pousser ses investigations auprès du Cabinet de Maître Ernest ISAAC ou aux parties concernées par l’affaire8.

6  Idem, page 45

7  RNDDH – Scandale au niveau de l’appareil judiciaire : Appel au respect de la loi et à la moralisation des pratiques judiciaires et policières, 30 décembre 2008, 6 pages

8  RNDDH – La Cour de cassation de la République n’est pas prête pour la lutte contre la corruption au sein

du système judiciaire, 12 août 2010, Com. P. N5/A2010

25.     Le  doyen  du  Tribunal  de  Première  Instance  de  Saint-Marc,  Ramon  GUILLAUME9,  a  été surnommé  dans  sa  juridiction  « juge  de  l’habeas  complice »,  en  raison  du  fait  qu’il  a  libéré  de nombreuses  personnes  après  arrangements  avec  les  défenseurs  de  la  cause,  en  utilisant  la procédure  d’habeas  corpus.  Il  s’est  penché  même  sur  des  dossiers  pendants  aux  cabinets d’instruction, banalisant ainsi les enquêtes judiciaires ; La Cour de cassation qui avait été saisie du dossier s’est contentée alors de déclarer que les décisions rendues par un juge peuvent être attaquées par devant les juridictions supérieures. Cependant, la Cour n’avait pas tenu à vérifier les  conditions  dans  lesquelles  certaines  décisions  scandaleuses  avaient  été  rendues  par  ce magistrat, alors que des témoins s’étaient manifestés.

26.     Au  mois  de  mai  2011,  le  Ministère  de  l’Intérieur  et  des  Collectivités  Territoriales  comptait cent cinq  (105)  contractuels  dont  vingt-deux  (22)  anciens  députés  du  bloc  Concertation  des Parlementaires Progressistes (CPP) qui avaient été élus sous la bannière de la plateforme politique Inite. Ils avaient été engagés par ledit ministère le 1er octobre 2010 pour un contrat devant expirer au départ du ministre d’alors, Paul Antoine BIEN-AIME. Ces anciens députés recevaient chacun cent mille (100,000) gourdes par mois, à l’exception du député Richard Paul OLIVAR qui lui, ne recevait   que   quarante   mille   deux-cent-cinquante   (40,250)   gourdes.   Onze   (11)   parmi   ces parlementaires ont été réélus. Et, en dépit de leur réélection, ils avaient continué pendant un certain temps, à recevoir leurs émoluments du Ministère10.

27.     Au  sous-commissariat  de  Cornillon,  en  2012,  une  note  affichée  par  des  responsables informait le public que les véhicules confisqués par le sous-commissariat ne seraient remis qu’à raison  du  versement  de  cent  (100)  gourdes  par  jour.  Aucun  reçu  n’avait  été  délivré  aux propriétaires  qui avaient alors versé le montant en question.11

28.     Le 12 avril 2004, Edrick LEANDRE12  a accédé à la tête de l’Office d’Assurance Véhicules Contre Tiers (OAVCT). A partir de 2008, de nombreux employés-es ont commencé à dénoncer des cas de corruption et de gabegies administratives enregistrées au sein de cette institution. Ils avaient entre autres reproché au directeur d’alors de l’OAVCT :

•   La mise en place le 30 juillet 2004 d’une cafétéria au sein de l’OAVCT qui lui fournissait une excuse pour décaisser mensuellement des sommes faramineuses, au nom de Magalie BAPTISTE.

9  Idem

10   RNDDH  –  Haïti  Corruption  :  Le  RNDDH  appelle  à  la  fin  du  gaspillage  et  du  copinage  au  sein  de

l’administration publique, juillet 2011, 7 pages

11   RNDDH  –  Situation  Générale  des  Droits  Humains  dans  le  pays  au  cours  de  la  première  année  de présidence de Michel Joseph MARTELLY, 14 juin 2012, 48 pages.

12  RNDDH – Soixante ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : Où en est Haïti au

regard des Droits Sociaux et Economiques ?, décembre 2008, 21 pages

•   La résiliation d’un contrat de réseautage de cinq (5) annexes de l’OAVCT pour un montant de  sept  millions  (7.000.000)  gourdes  en  dépit  du  fait  que  trois  millions  cinq  cent  mille (3.500.000) gourdes avaient déjà été versées à la firme contractante et la signature en 2005 d’un nouveau contrat pour le travail similaire mais pour un montant de quatorze millions (14.000.000) gourdes.

•   Le décaissement annuel de montants faramineux pour l’impression de calendriers en fin

d’années et de maillots lors des festivités carnavalesques ainsi que pour la publicité.

•   L’utilisation de la carte de crédit de l’OAVCT à des fins personnelles.

29.     Le  30  mai  201113,  Edrick  LEANDRE  a  été  arrêté  pour  corruption  et  détournement  de  fonds publics.

30.     En  date  du  1er   août  2011,  un  arrêt  a  été  émis  par  la  Cour  Supérieure  des  Comptes  et  du Contentieux  Administratif  (CSC/CA)  à  l’encontre  d’Edrick  LEANDRE,  dans  lequel  La  Cour  a affirmé qu’il y a dans la gestion d’Edrick LEANDRE  prévarications, malversations, concussions et détournements. Elle l’a par conséquent condamné au emboursement des dix-sept millions quatre cent vingt-cinq mille cent quatre-vingt-sept gourdes et vingt centimes (17,425,187gdes 20). De plus, la Cour avait ordonné la signification de l’arrêt à la Direction Générale des Impôts (DGI) aux fins de geler les avoirs financiers et de mettre sous séquestre les biens meubles et immeubles du sieur Edrick   LEANDRE   jusqu’au   paiement   intégral   du   montant.   Elle   avait   aussi   ordonné   la signification de l’arrêt au Ministère de l’Economie et des Finances pour son exécution. Enfin, cet arrêt a été transmis Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince pour les suites légales.

31.     Le 2 août 2012, selon le vœu de l’ordonnance de renvoi rendue par le Juge Yves ALTIDOR, Edrick LEANDRE a été trainé par devant le tribunal criminel siégeant sans assistance de jury pour détournement de fonds, corruption, blanchiment des avoirs et association de malfaiteurs.

32.     De nombreuses tergiversations ont entaché pendant plusieurs années le déroulement de l’audience. Et, finalement, ce n’est que le 10 décembre 2015 qu’il a été condamné à quatre (4) ans et  huit  (8)  mois  d’emprisonnement,  à  la  restitution  à  l’État  haïtien  de  la  somme  de  dix-sept millions quatre cent vingt-cinq mille cent-quatre-vingt-dix-sept gourdes et vingt centimes (17, 425, 197.

20)  gourdes,  à  un  million  (1,000,  000)  gourdes  d’amende  à  l’État  haïtien  et  à  trois  (3)  ans  de privation de ses droits civils, politiques et de famille.

33.     En 2015, Maître Nonie H. MATHIEU, ex-présidente de la Cour Supérieure des Comptes et du

Contentieux Administratif (SC/CA) a été indexée dans un scandale de corruption incluant des

13  RNDDH – Observations sur le fonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien au cours de l’année 2011-

2012, 1er  octobre 2012, 41 pages

faits de détournement d’un montant équivalant à trente-sept millions cinq cent mille (37,500,000) gourdes. Des matériels avaient été achetés par l’Etat pour ce montant. Ils n’ont jamais été livrés. Pourtant, Maître Nonie MATHIEU  avait pu présenter au Ministère de l’Economie et des Finances des fiches de livraisons. America Supplies Distribution et Professionnal Services and Decor ont été éclaboussés par ce scandale.

34.     Dans la nuit du 17 au 18 mars 2015, aux Gonaïves, Madsen CLERVOYANT14 a été arrêté. Il a été mis en garde à vue au commissariat de cette commune. Le juge de paix Louima LOUIDOR qui  avait  été  alors  saisi  du  dossier  l’a  transféré  au  cabinet  d’instruction  pour  tentative d’assassinat. Cependant, alors que Madsen CLERVOYANT était en rétention, le 26 mars 2015, le commissaire  du  gouvernement  Me  Enock  Géné  GENELUS   a  adressé  une  communication ordonnant aux responsables de la prison civile des Gonaïves, de « prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de faire conduire, sous escorte, le prévenu Madsen CLAIRVOYANT, à la Capital Bank, succursale des Gonaïves, à l’effet d’y effectuer une transaction bancaire et de le replacer dans sa cellule après ladite transaction. »

35.     Le 27 mars 2015, Madsen CLAIRVOYANT s’est effectivement rendu à la banque et a pu effectuer la transaction. Et, au total, il a déboursé quarante-neuf mille neuf cents (49,900) dollars américains. Pourtant, son dossier se trouvait au Cabinet d’instruction, sans aucune garantie – normalement – qu’il aurait été classé sans suite par le magistrat instructeur et que lui, serait remis en liberté.

36.     Le 28 août 2017, le ministre des Affaires Sociales et du Travail d’alors Roosevelt BELLEVUE15 a été indexé dans un scandale de surfacturation de cinquante mille (50,000) kits scolaires pour un montant  de  neuf-cent-cinquante-mille  (950,000)  dollars  américains.   Le  11  octobre  2017,  le commissaire en chef du Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince avait affirmé avoir ouvert une enquête. En ce sens, il avait adressé une correspondance à la Direction Générale des Impôts (DGI), exigeant des informations concernant des institutions qui avaient été indexées dans ce scandale de corruption. Il s’agit de :  AGD Papeterie, ENERGITEK, Haiti Supply, Kayimit Sales Services, National Trading Group, NGA Entreprise. Cependant, seul le ministre avait été par la suite révoqué.

37.     Le  6  août  2019,  Jimmy  FERVIL,  Anel  NELSON,  André  AUGUSTE,  Myrlande  GEORGES CASSEUS et Ysmick CHOUTE ont été indexés dans un scandale de corruption16.  Ils ont été arrêtés aux abords de la succursale de la Unibank située à la Rue Darguin, Pétion-ville par la Direction

14  RNDDH – Rançonnement d’un justiciable avec la complicité des autorités judiciaires et policières : Le

RNDDH crie au scandale, Rap. /A15/No04, 14 avril 2015, 6 pages

15   RNDDH  –  Situation  générale  des  Droits  humains  dans  le  pays  au  cours  de  la  première  année  du gouvernement MOÏSE / LAFONTANT, 9 mars 2018, 56 pages

16  Fonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien au cours de l’année 2018-2019, 15 octobre 2019, page 8, 37 pages

Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ). Rapidement, le nom de l’ex-Sénateur Onondieu LOUIS a été cité. Le Bureau des Affaires Financière (BAFE) a mené son enquête et conclu à des opérations de blanchiment   des   avoirs,   détournements   de   fonds,   enrichissement   illicite,   association   de malfaiteurs et abus de confiance.

38.     Le 16 août 2019, le rapport de la DCPJ  a été acheminé au  Parquet près le Tribunal  de première instance  de Port-au-Prince. Le juge d’instruction Jean  Osner PETIT PAPA a été choisi pour  mener  l’instruction  judiciaire  du  dossier.  Ses  deux  (2)  seuls  actes  d’instruction  ont  été d’ordonner la libération des personnes arrêtées et d’auditionner, en date du 14 septembre 2019, l’ex-sénateur Onondieu LOUIS qui s’était d’ailleurs présenté à la chambre criminelle sans avoir été convoqué. Après son audition, il est rentré chez lui.

39.     Le RNDDH a aussi dénoncé, de concert avec d’autres partenaires de la société, des cas de corruption.  Les  deux  (2) exemples  les  plus  récents  sont  le  cas  de  Fritz  William  MICHEL  et  le dossier PetroCaribe.

40.     Le  22  juillet  2019,  Fritz  William  MICHEL17   a  été  nommé  par  arrêté  présidentiel  pour remplacer Jean Michel LAPIN. Tout de suite après sa nomination, il a été indexé dans un scandale de corruption selon lequel, depuis plusieurs années, avec son épouse Natacha MARSAN, il a monté  de  nombreuses  entreprises  en  vue  de  bénéficier  des  contrats  exorbitants  au  sein  de l’administration publique.

41.     Abus  de  confiance,  surfacturation,  trafic  d’influence,  délit  d’initié  et  prise  illégale d’intérêts sont autant d’actes de corruption dont s’est rendu coupable Fritz William MICHEL, depuis  2016.  Cependant,  après  le  tollé  médiatique  provoqué  par  ce  dossier,  Fritz  William MICHEL a tout simplement été remplacé.

42.     De  2008  à  2018,  3.8  milliards  de  dollars  américains  ont  été  dilapidés  par  les  autorités étatiques,  à  la  faveur  du  projet  PetroCaribe.  Il  s’agissait  d’un  accord  liant  l’Etat  haïtien  au Vénézuéla,   permettant   d’acheter   des   produits   pétroliers   avec   des   facilités   de   paiement, échelonnées sur plusieurs années. Cette facilité a été proposée dans l’objectif de favoriser la réalisation de projets socioéconomiques comme la construction de routes, d’écoles, d’hôpitaux, etc.

43.     Les  premières  alertes  lancées  sur  des  contrats  passés  de  gré  à  gré  pour  des  montants exorbitants ainsi que les deux (2) rapports sénatoriaux18  du 17 août 2016 et du 10 novembre

17  ECC – Scandales et Opérations de corruption : ECC estime que Fritz William MICHEL n’est pas éligible au

poste de premier ministre, 18 septembre 2019, 5 pages

18  Lutte contre la corruption : Des organisations de droits humains appellent à une mobilisation citoyenne pour faire échec à toute velléité de noyer les rapports sénatoriaux sur la dilapidation des fonds PetroCaribe,

15 décembre 2017, 3 pages

2017 n’ont pas eu les effets escomptés. Il aura fallu attendre une campagne de sensibilisation et de dénonciation menée par des PetroChallengers, pour porter la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) à auditer les dépenses liées à ce contrat et à produire trois (3) rapports distincts publiés les 31 janvier 2019, 31 mai 2019 et 12 août 2020. Ils portent sur la période allant de septembre 2008 à septembre 2016.  La cour a conclu  à des actes de gestion frauduleuse,  de  collusion,  de  trafic  d’influence,  de  favoritisme,  détournements  de  fonds,  de passation illégale de marchés publics. De plus, toujours selon la CSC/CA, les projets financés par les fonds PetroCaribe n’étaient pas supervisés ou ont bénéficié d’une supervision défaillante et  complaisante.  Les  bonnes  pratiques  de  gestion  de  projets  n’ont  pas  été  appliquées  et  les avances  de  démarrage  des  travaux  étaient  souvent  supérieurs  au  seuil  de  30  %.  Ainsi,  les conclusions de la Cour ont assimilé ce dossier au plus grand scandale de corruption organisée, jamais orchestré au plus haut niveau de l’Etat.

44.     Quatre (4) présidents, six (6) gouvernements, des ministères, des directions générales ont été indexés dans cet énorme scandale de corruption. Et, aujourd’hui, le PetroCaribe reste la dette actuelle la plus exorbitante de l’Etat Haïtien. Pourtant, la saisine des autorités judiciaires sur ce dossier n’a encore abouti à aucun procès.

45.     Ces nombreux cas démontrent clairement que pour les dossiers analysés, deux (2) arrêts de débet seulement ont été émis par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) et seulement une (1) condamnation a été prononcée par l’appareil judiciaire haïtien. Pourtant, dans de nombreux cas, des institutions appelées à enquêter sur les faits de corruption avaient acheminé aux autorités judiciaires, des rapports circonstanciés.

46.     L’appareil  judiciaire  haïtien,  lui-même  gangréné  par  la  corruption,  n’a  jamais  jugé nécessaire de jouer sa partition qui consiste à dissuader d’autres personnes à commettre des actes  de  corruption.  Et,  les  différents  gouvernements  qui  se  sont  succédé  n’ont  fait  preuve d’aucune volonté politique d’éradiquer la corruption au sein des institutions étatiques.

IV.       PRESENTATION DES INSTITUTIONS DEVANT LUTTER CONTRE LA CORRUPTION

47.     Tel que susmentionné, quatre (4) institutions appelées à lutter contre la corruption ont été touchées dans le cadre de ce rapport. Il s’agit de l’UCREF, l’ULCC, la CNMP et le BAFE.

A.  Unité Centrale de Renseignement Economique et Financier (UCREF)

a)   Présentation et Saisine

48.     L’UCREF  est  créé  par  la  loi  du  21  février  2001  relative  au  blanchiment  des  avoirs  en provenance du trafic illicite de la drogue. Son fonctionnement est régi par un cadre normatif comprenant  entre  autres,  la  loi  susmentionnée,  celle  du  11  novembre  2013  portant  sur  le blanchiment  de  capitaux  et  le  financement  du  terrorisme,  la  loi  organique  de  mai  2017  sur

l’autonomie  de  l’UCREF,  l’arrêté  de  2004  opérationnalisant  l’UCREF.  Organisme  autonome dotée de personnalité juridique, l’unité jouit de l’autonomie financière et administrative.

49.     L’UCREF a pour mission de recevoir, d’analyser et de traiter les déclarations qui lui sont acheminées par des personnes physiques ou morales ayant l’obligation de les lui faire parvenir, et portant sur le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.  L’unité est aussi appelée  à  jouer  un  rôle  de  police  judiciaire  en  recherchant,  rassemblant  les  preuves  et  en déférant les dossiers à la justice, pour les suites de droit.

50.     Le  personnel  de  l’UCREF  est  composé  de  quatre-vingt-dix-sept  (97)  personnes  dont

quarante-sept (47) nommés en 2021 et trente (30) autres qui ont un statut de contractuel.

51.     L’UCREF peut être saisie par des personnes physiques et morales telles que les maisons de transfert, les institutions bancaires, les établissements de crédit, les maisons d’assurance, les agents  de change, les  avocats,  les comptables,  etc.  Elle  peut  aussi  être  saisie  par  toute  autre personne qui, dans le cadre de sa profession, réalise ou contrôle des opérations de déplacements de capitaux et des opérations immobilières.

b)   Mécanismes internes Anti-corruption – Transparence et reddition de comptes – contrôle et financement

52.     Les  mécanismes  internes  Anti-corruption  sont  énoncés  par  les  Règlements  internes  de

l’UCREF.

53.     Pour la transparence et la reddition de comptes, l’UCREF compte un conseil de gestion. Il est tenu de soumettre à chaque fin d’exercice, un rapport d’activités et de dépenses ainsi que ses planifications  pour  l’exercice  suivant,  au  Ministère  de  l’Economie  et  des  Finances.   Un  rapport d’inventaire  est  annuellement  soumis  à  la   Cour  supérieure  des  comptes  et  du  contentieux administratif (CSC/CA).

54.     Aucun mécanisme de contrôle et de financement n’est prévu, tout étant pris en charge par le Ministère de tutelle de l’unité. Malgré tout, l’UCREF dispose d’un plan de gestion de risques et  de  règles  de  procédures  d’achat  pour  l’institution,  basées  sur  le  respect  des  principes  de comptabilité publique.

c)   Connaissance de l’UCREF par les citoyens-nes

55.     Très  peu  de  personnes  rencontrées  ont  affirmé  avoir  l’habitude  d’entendre  parler  de l’UCREF à la radio. Cependant, elles seraient en peine de définir le sigle ou même d’énoncer le champ d’intervention de l’UCREF.

d)   Défis de l’UCREF

56.     Le  manque  de  formation  du  personnel  de  l’UCREF,  le  manque  de  sensibilisation  des composantes de la société sur le travail et l’importance de l’institution, le manque de moyens financiers  pour  réaliser  les  travaux  de  l’institution  et  aussi  le  fait  que  l’UCREF  n’est  ni indépendante ni présente sur le territoire national constituent les défis majeurs de l’institution.

B.   Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC)

a)   Présentation et Saisine

57.     L’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC), organisme administratif placé sous la tutelle du Ministère de l’Economie et des Finances, a été créée par le décret du 8 septembre 2004.

58.     Le  cadre  légal  de  fonctionnement  de  l’ULCC  est  composé  entre  autres,  du  décret susmentionné, de la Loi du 12 février 2008 portant déclaration de Patrimoine, de la Loi du 14 mars  2014  portant  prévention  et  répression  de  la  corruption,  de  la  loi  du  29  août  1912  sur l’extradition des criminels fugitifs et des conventions interaméricaine et onusienne réprimant la corruption, ratifiées par Haïti.

59.     La mission de l’ULCC consiste à combattre la corruption et ses manifestations sous toutes ses formes au sein de l’administration publique. En ce sens, elle est appelée à protéger les biens publics et collectifs, à favoriser la transparence dans la gestion de la chose publique, à établir un climat  de  confiance  pour  promouvoir  l’investissement  privé  et  à  moraliser  l’administration publique et la vie publique en général. Elle doit aussi participer à la définition d’une stratégie de lutte contre la corruption en Haïti et se pencher sur les contrats relatifs aux grands projets d’infrastructure de l’Etat haïtien.

60.     L’ULCC  est  saisie  par  plainte  déposée  par  toute  personne  physique  ou  morale,  pour enquêter sur des faits soupçonnés de corruption ou toutes autres infractions assimilées.

61.     A date, le RNDDH attend une rencontre de travail avec les responsables de l’ULCC pour discuter  avec  eux  des  mécanismes  internes  Anti-corruption,  Transparence  et  Reddition  de comptes.

b)   Connaissance de l’ULCC par les citoyens-nes

62.     Les  personnes  rencontrées  affirment  entendre  souvent  parler  de  l’ULCC  à  la  radio. Cependant, elles affirment avoir l’impression que l’unité ne travaille pas suffisamment en vue de combattre la corruption.

C.   Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP)

a)   Présentation et Saisine

63.     La Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) est créée par le décret du 3 décembre

2004  établissant  les  règles  applicables  à  la  passation  des Marchés  Publics de  Travaux,  de Fournitures et de Services.   La commission fonctionne néanmoins sous l’égide de la loi du 10 juin  2009  fixant  les  règles  générales  relatives  aux  marchés  publics  et  aux  conventions  de concession d’ouvrage de service public.

64.     Le  cadre  normatif  de  la  CNMP  comprend  le  décret  et  la  loi  susmentionnés,  l’Arrêté précisant les modalités d’application de la loi fixant les règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de concession d’ouvrage de service public, l’Arrêté déterminant les modalités d’organisation et de fonctionnement de la Commission Nationale des Marchés Publics, l’Arrêté  sanctionnant  le  manuel  de  procédures  pour  la  passation  de  marchés  publics  et  des conventions de concession d’ouvrage et de service public et l’Arrêté pris le 25 mai 2012 fixant les seuils de passation de marchés publics et les seuils d’intervention de la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP).

65.     Présente dans l’les départements de l’Ouest, le Nord et le Sud, la CNMP a pour mission d’assurer  la  régulation  et  le  contrôle  du  système  de  passation  des marchés  publics et  des conventions de  concession  d’ouvrage  de  service public.  En ce sens,  la CNMP  émet  des avis, propositions ou recommandations en vue de la définition de la politique d’achat public. Elle met aussi à la disposition des institutions contractantes, des outils de travail et est appelée à proposer aux autorités étatiques une politique en matière de marchés publics.

66.     Le  personnel  de  la  CNMP  est  composé  de  cent-six  (106)  agents  publics  dont  neuf  (9)

contractuels.

67.     La  CNMP  est  saisie  par l’autorité  contractante  qui  lui  transmet  copie  des  soumissions reçues. Son contrôle se fait tant à priori qu’à posteriori. Elle peut prendre des sanctions contre les soumissionnaires et titulaires de marchés fautifs en prononçant leur exclusion des marchés publics,  le  retrait  ou  l’abrogation  de  la  validation.  Et,  contre  les  agents  fautifs,  elle  peut prononcer leur remplacement, leur exclusion temporaire ou définitive du suivi ou des contrôles des marchés publics et transférer leurs dossiers aux autorités judiciaires.

b)   Mécanismes internes Anti-corruption – Transparence et reddition de comptes – Contrôle et financement

68.     Le code de déontologie applicable aux agents de la fonction publique, tous textes légaux faisant référence à ces mécanismes ainsi que le titre 5 de la loi du 10 juin 2009 établissant les règles en vue de lutter contre la corruption au niveau du système des marchés publics, sont utilisés comme mécanisme interne Anti-corruption.

69.     Pour la transparence et la reddition de compte, la CNMP compte une coordination.

70.     Les  mécanismes  de  contrôle  sont  fixés  par  les  règles  et  procédures  de  passation  de

Marchés publics.

c)   Connaissance de la CNMP par les citoyens-nes

71.     Les citoyens-nes rencontrés n’ont jamais entendu parler de la CNMP.

d)   Défis de la CNMP

72.     La CNMP a du mal à convaincre les différents ministères et organismes de prestation de services à adopter le plan prévisionnel de passation de marchés ce qui constitue un défi de taille.

73.     De  plus,  l’adoption  d’une  loi  obligeant  les  différentes  entités  à  acheminer  leur  projet annuel de passation de marchés au 31 octobre de chaque année au plus tard, serait de nature à aider la CNMP dans son travail.

74.     La révision de cadre légal de fonctionnement et la création de nouvelles directions au sein de la CNMP dont une direction de communication appelées à améliorer les services de cette commission, sont aussi considérées comme des défis que confronte la CNMP.

D.  Bureau des Affaires Financières et Economiques (BAFE)

a)   Présentation et Saisine

75.     Le Bureau des Affaires Financières et Economiques (BAFE) est une entité spécialisée placée sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) elle-même créée par la Loi du

29 novembre 1994 portant création, organisation et fonctionnement de la Police Nationale d’Haïti

(PNH), instituant la DCPJ.

76.     Pour  mieux  comprendre le  rôle  du  BAFE, il convient  de  rappeler  que la DCPJ  a  pour attributions  de  constater  les  infractions  aux  lois  pénales,  d’en  établir  les  circonstances  et rassembler  les  preuves  et  de  rechercher  les  auteurs-res.  La  DCPJ  lutte  aussi  contre  la

contrebande,  les  crimes  financiers  et  économiques   ainsi  que  contre  le  trafic  illicite  des stupéfiants.  Et,  le  BAFE  est  particulièrement  chargé  d’enquêter  sur  les  crimes  financiers  et économiques, de rechercher les personnes impliquées et de les déférer par-devant les autorités judiciaires pour les suites de droit.

77.     Le BAFE ne dispose pas de loi-cadre.

78.     Le  personnel  du  BAFE  est  constitué  de  trente-et-un  (31)  policiers-ères  qui  sont  des investigateurs-trices et de vingt (20) employés civils, eux-mêmes contractuels.

79.     Au  même  titre  que  la  DCPJ,  le  BAFE  est  saisi  par  une  commission  rogatoire  du  juge d’instruction ou une délégation de compétence du commissaire du Gouvernement. Le BAFE peut aussi s’autosaisir et ouvrir une enquête sur des crimes économiques et financiers, ce qui permet à n’importe quelle personne physique ou morale de porter plainte. Et, pour faire son travail, le BAFE compte une cellule de lutte contre la corruption, une brigade anti-blanchiment, un service d’investigation financière et un service d’investigation économique, à travers lesquels il reçoit des plaintes et dénonciation de personnes physiques et morales.

b)   Mécanismes internes Anti-corruption – Transparence et reddition de comptes – contrôle et financement

80.     Le BAFE ne dispose ni de règlements internes ni de mécanisme Anti-corruption propres. Etant une entité de la DCPJ, elle est administrée par la Direction Générale de la PNH. Toutefois, à leur intégration, les policiers-ères subissent un test polygraphe qui consiste en un détecteur de mensonge. Ceux et celles qui ne le réussissent pas, ne sont pas autorisés à intégrer le BAFE.

81.     Pour la transparence et la reddition de comptes, le BAFE compte un conseil de gestion. Il est  tenu   de  présenter  un   rapport  d’activités  et  de  dépenses  ainsi  qu’un   document  de planification à chaque fin d’exercice, au Ministère de l’Economie et des Finances, par le biais de la Direction Générale de la PNH.

82.     Pour les mécanismes de contrôle et de financement, le BAFE ne dispose d’aucun plan de

gestion des risques. Le BAFE ne dispose non plus d’aucun budget propre de fonctionnement.

c)   Connaissance du BAFE par les citoyens-nes

83.     Les citoyens-nes rencontrés ne connaissent pas le BAFE. Ils n’ont jamais entendu parler

de cette instance.

d)   Défis du BAFE

84.     Aujourd’hui,  le BAFE n’a  pas  de loi-cadre.  Il ne dispose  pas non  plus d’une  politique d’investissement. Conséquemment, les contraintes budgétaires du BAFE sont supportées par la Direction Générale de la PNH. Pourtant, le BAFE est par définition, une institution financièrement autonome. Ainsi, atteindre l’autonomie pour le BAFE constitue un défi.

85.     Le   BAFE  ne   compte   pas   non   plus   de  services   déconcentrés   pas   plus  qu’il   n’est opérationnel au niveau régional. Et, les antennes prévues pour les ports et les aéroports du pays ne sont à date pas encore mises en place, ce qui limite le travail de cette cellule spécialisée de la DCPJ.

V.         PRESENTATION DES INSTITUTIONS OFFRANT DES SERVICES DIRECTS A LA POPULATION

86.     Quatre (4) autres institutions offrant des services directs à la population haïtienne ont aussi été monitorées. Il s’agit de la Direction Générale des Impôts (DGI), de l’Office d’Assurance Véhicules Contre  Tiers  (OAVCT),  de  l’Office  National  d’Assurance-Vieillesse  (ONA)  et  de  la  Direction  de l’Immigration et de l’Emigration.

A.  Direction Générale des Impôts (DGI)

a)   Présentation de la DGI

87.     La Direction Générale des Impôts (DGI), placée sous la tutelle du Ministère de l’Economie et des Finances est créée par la loi du 6 juin 1924 portant création de l’Administration Générale des Contributions. Cependant, sa dénomination et son cadre de fonctionnement actuels sont fixés par la loi du 29 septembre 1987.

88.     Organisme déconcentré, la DGI est une structure mise en place dans la perspective de percevoir   des   impôts   au   profit   de   l’État   haïtien.   Par   conséquent,   sa   mission   consiste principalement à contribuer à la mise en œuvre de la politique fiscale de l’Etat.

89.     La DGI représente l’Etat haïtien en justice tant en demandant qu’en défendant et elle offre ses services directement aux contribuables : déclaration définitive d’impôts, matricule fiscale pour personnes physiques et morales, droits de passeport, taxes de légalisation des documents, Patente, certificat de bonnes vies et mœurs, marque de fabrique etc.

90.     Le personnel de la DGI est composé de plus de deux mille (2.000) agents publics. Et, en

fonction des besoins, d’autres ressources peuvent être sollicitées pour un temps limité.

b)   Perception de la DGI par les contribuables

91.     Pour certains contribuables, la DGI collecte des recettes pour le pays. Pour d’autres, il s’agit seulement d’une institution étatique appelée à fournir un service direct aux citoyens-nes.

92.     Plusieurs estiment que l’accueil des contribuables dans les différents bureaux de la DGI est organisé d’une manière telle qu’il favorise la présence des racketteurs sur les lieux. En effet, déjà aux alentours des bureaux de la DGI, des personnes qui ne travaillent pas dans la boite et qui  se  sont  acoquinées  avec  des  employés-es  pour  extorquer  de  l’argent  aux  contribuables, abordent  toute  personne  qui  se  rend  à  la  DGI  et  promet  de  lui  faire  bénéficier  d’un accompagnement ou d’un service express. Ainsi, pour une matricule fiscale dont les frais sont fixés à deux-cent-cinquante (250) gourdes, un contribuable se verra demander deux-cent-cinquante (250) gourdes de plus, pour des services simples ou sept-cent-cinquante (750) gourdes de plus, pour un service express.

93.     Les  informations  ne  sont  pas  disponibles  et  il  n’y  a  pas  un  service  d’accueil  pour accompagner les contribuables. Les différents espaces où les contribuables doivent se rendre pour  réclamer  les services  dont ils  ont  besoin,  ne  sont pas  ou  sont très peu  indiqués.  Ainsi, l’accueil des contribuables est donc laissé à la charge des racketteurs. Plusieurs d’entre eux sont grossiers et agressifs avec les contribuables.

94.     De plus, les services sont très lents. Conséquemment, les contribuables qui décident de ne pas payer un racketteur risquent de passer la journée ou même d’être obligés de revenir.

95.     Certains contribuables estiment que la DGI est une institution désordonnée et corrompue. D’autres croient que le personnel recruté n’a aucune compétence et semble avoir été favorisé sur la base de ses accointances politiques.

96.     Les  responsables,  au  courant  de  la  présence  des  raquetteurs  ayant  décidé  de  ne  pas intervenir  pour  régulariser  la  situation,  les  contribuables  avec  lesquels  le  RNDDH  s’est entretenu estiment que l’institution tolère allègrement la corruption.

c)   Perception de la DGI par les employés-es

97.  Les employés-es n’ont pas tenu à partager leur perception de la boite avec le RNDDH.

d)   Défis de la DGI

98.     L’affichage  d’indications  claires  permettant  aux  contribuables  de  s’informer  sur  les services  disponibles  et  les  tarifs,  la  mise  en  place  d’un  bureau  d’accueil  et  l’éradication  du phénomène de raquetteurs aux bureaux de la DGI aideront à améliorer les services offerts à la

population. De plus, la formation des employés-es et l’adoption d’une nouvelle loi-cadre de fonctionnement de la DGI constituent aussi des défis que confronte cette institution.

B.    O ffi ce  d’A ss urance  V éhi cul es  Contre  Ti ers  (OAV CT)

a)   Présentation de l’OAVCT

99.     L’Office d’Assurance Véhicules Contre Tiers (OAVCT) a été créé à la faveur du décret du 21 septembre 1967 qui fait de l’assurance automobile contre tiers, une obligation et mettant du même coup la protection des personnes particulièrement exposées aux risques de la circulation automobile, au rang de la sécurité publique.

100.   Son cadre légal est composé du décret du 8 juin 1964 faisant de l’assurance automobile contre tiers, une obligation, de la loi du 21 juin 1967 concédant à la banque commerciale d’Haïti S.A. le privilège exclusif d’exercer les attributions de la compagnie d’assurance contre tiers pour inexécution des obligations à l’endroit de l’État haïtien ; du décret du 21 septembre 1967 créant l’office d’Assurance Véhicules Contre Tiers.

101.   L’OAVCT a pour mission de protéger et de sécuriser les usagers de la voie publique, les piétons et les véhicules. C’est pourquoi il exige une couverture d’assurance à tous les véhicules qui circulent sur le territoire national.

102.   Présent  sur  le  territoire  national,  l’OAVCT  compte   mille  cent-cinquante-trois  (1,153)

employés-es et contractuels-les.

b)   Perception de l’OAVCT par les contribuables

103.   Des contribuables rencontrés aux locaux de l’OAVCT estiment que les services offerts sur place  par  cette  institution  fonctionnent  plus  ou  moins  rapidement.  Cependant,  lors  des accidents, les services de constat et de dédommagement sont trop lents. Ils dénoncent aussi le fait  par  des  employés-es  de  l’OAVCT  d’accepter  d’être  abordés  par  des  racketteurs  ou  de percevoir des montants supérieurs aux tarifs exigés.

c)   Perception de l’OAVCT par les employés-es

104.   Même si les preuves sont difficilement produites, des employés-es rencontrés affirment que des rumeurs persistantes circulent sur l’implication de l’actuelle direction de l’OAVCT dans des actes de corruption.

105.   Ils estiment que depuis l’arrivée de l’équipe en place, des changements stratégiques ont été opérés pour détourner les fonds collectés. Par exemple, il a été ordonné de ne plus transférer les collectes de la boite à la Banque Nationale de Crédit (BNC) tel que cela se faisait par le passé.

Les fonds collectés doivent rester sur place pour être récupérés par le bureau central. Depuis cette nouvelle décision, la boite est de plus en plus irrégulière dans le paiement des salaires. De plus, à la direction de suivi des accidents, des chèques sont régulièrement détournés, selon eux.

106.   Certains  dénoncent  aussi  des  transferts  d’employés-es  à  des  postes  clé,  qui  ont  été effectués de manière irrégulière. De même, nombreux sont ceux et celles qui estiment ne pas avoir le droit d’évoquer l’épineux problème de salaire. Dès qu’ils agitent l’ajustement salarial, les contractuels sont simplement révoqués et les employés-es sont transférés contre leur gré ou tout simplement révoqués.

107.   Des  fonctionnaires  sont  aussi  remplacés  par  des  proches  de  l’actuel  directeur,  le  sieur Fritzner BERNADEL et des membres du syndicat ayant fait alliance avec lui, dans le cadre de la résolution des crises qui secouaient l’OAVCT.

108.   Selon  des  responsables  de  l’OAVCT,  c’est  en  raison  des  problèmes  de  sécurité  et  des problèmes  en  alimentation  en  carburant  que  de  nombreux  chauffeurs  et  propriétaires  de véhicules n’ont pu venir renouveler leurs assurances, ce qui a eu pour conséquences des retards récurrents dans le paiement des salaires.

109.   Enfin, les employés-es rencontrés dénoncent le fait que de nombreux scandales de vols (Croix-des-Bouquets), de détournements de fonds, de favoritisme, de détournements de biens de l’OAVCT  (Tabarre)  au  profit  de  militants  politiques,  aient  défrayé  la  chronique  sans  que  les autorités judiciaires n’y accordent grande importance.

d)   Défis de l’OAVCT

110.   Fournir un service de qualité et éradiquer le phénomène de racketteurs constituent les

principaux défis de l’OAVCT.

C.    O ffi ce  N at i onal  d’A ssurance  Vi ei l less e  (O NA )

a)   Présentation de l’ONA

111.   L’Office    National    d’Assurance-Vieillesse    (ONA)    est    une    direction    autonome    de l’administration publique, créé à la faveur de la Loi du 28 août 1967. Il a pour mission d’assurer aux  employés-es  des  secteurs  public  et  privé,  des  prestations,  en compensation  des  services fournis durant les années productives de leur vie.

112.   Le cadre légal de l’ONA comprend, outre la loi qui le créée, la loi du 10 octobre 1949 qui constitue une première sur les assurances sociales, le décret du 8 novembre 1965  consacrant l’assurance-vieillesse obligatoire et la loi du 25 août 1971 créant un comptoir d’Epargne et de Prêts.

113.   Aujourd’hui, l’ONA compte quinze (15) bureaux régionaux à travers le territoire national qui servent à offrir des services et des produits aux assurés.

b)   Perception de l’ONA par des assurés-es

114.   Pour de nombreux assurés, l’ONA est une institution qui s’occupe des assurances et des retraites  tout  en  offrant  des  prêts  aux  personnes  qui  cotisent.  Cependant,  lorsque  celles-ci sollicitent  des  prêts  sur  leurs  cotisations,  ils  ont  du  mal  à  recevoir  l’argent.  Le  service  est excessivement lent. Et, puisque souvent à la radio, ils entendent parler de sommes faramineuses empruntées par de grands entrepreneurs, ils ont la perception que les demandes de prêts sont plus  facilement  accordées  aux  personnes  bien  nanties  plutôt  qu’aux  personnes  de  la  classe moyenne ou de la masse.

c)   Perception de l’ONA par les employés-es

115.   Selon  plusieurs  employés-es,  l’ONA  est  perçue  comme  une  institution  favorisant  la corruption. Si aujourd’hui, elle n’est pas aussi flagrante qu’avant, cette corruption se manifeste cependant sous plusieurs formes et à plusieurs niveaux.

116.   Les  cas de  surfacturation  par  exemple,  sont très fréquents.  De  plus, certains parmi les techniciens-nes  de  la  Cour  Supérieure  des  Comptes  et  du  Contentieux  Administratif  (CSC/CA) placés  dans  les  boites  de  l’ONA  en  vue  de  s’assurer  de  la  conformité  et  du  respect  des procédures en matière de marchés publics, sont dénoncés par des employés-es qui estiment qu’ils  ferment  les  yeux  et  visent  des  contrats  irréguliers.  Ils  reçoivent  en  contrepartie  des pourcentages indus.

117.   Au niveau des services juridiques, les employés-es estiment aussi que certains avocats s’arrangent avec des patrons d’entreprises qui doivent beaucoup d’argent à l’ONA et effacent leurs dettes contre pots-de-vin. Ainsi, Trafic d’influence, complicité et actes de malversation à l’encontre de l’institution sont légion.

118.   Par ailleurs, si certaines revendications ont été prises en compte par le nouveau directeur général  a.i.  de  l’ONA,  d’autres  problèmes  ne  sont  toujours  pas  résolus.  Ils  concernent principalement l’octroi à nouveau de la carte de débit aux employés-es, avec un montant révisé à  la  hausse,  l’octroi  des  promotions  à  des  employés-es,  particulièrement  ceux  et  celles  qui travaillent en région.

d)   Défis de l’ONA

119.   Porter les patrons à payer régulièrement les cotisations de leurs employés-es, porter toutes les institutions étatiques à cotiser, partager les informations aux assurés et améliorer les services

constituent les défis auxquels se confronte l’ONA. De plus, le personnel doit être qualifié et surtout discipliné.

D.  Direction d e  l’ Imm igration  et  de  l’Emigration

a)   Présentation de la Direction de l’Immigration et de l’Emigration

120.   La Direction de l’Immigration et de l’Emigration est une entité du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales, lui-même créé à la faveur du Décret du 17 mai 1990. La Direction de l’Immigration  et  de  l’Emigration   a  pour  principale  mission   de  contrôler  les  mouvements migratoires sur le territoire national.

b)   Perception de la Direction de l’Immigration et de l’Emigration par les citoyens-nes

121.   Mal  connue,  elle  est  présentée  par  plusieurs  citoyens-nes  comme  étant  une  entité uniquement chargée de fournir des passeports aux Haïtiens-nes. Et, en effet, ceux et celles qui ont  rencontrés  à  la  Direction  de  l’Immigration  et  de  l’Emigration  s’y  sont  présentés  en  vue  de réclamer ce service.

122.   Ils estiment qu’il est facile pour quiconque de connaitre le tarif légal du passeport puisque le montant est versé contre reçu à la Direction Générale des Impôts  (DGI). Cependant, c’est en raison de la lenteur du service et du manque d’information qu’ils sont obligés de passer par un racketteur.

123.   Des employés-es, en complicité avec des racketteurs promettent d’accélérer le service et de  délivrer  le  document  le  plus  vite  possible.  Si  certains  d’entre  eux  reçoivent  directement l’argent de la personne qui réclame le service, d’autres traitent directement avec des agences, contre un pourcentage substantiel. Enfin, quelques autres ont pour contact des agents de la PNH qui facilitent à leurs proches et amis, des services rapides.

c)   Perception de la Direction par les employés-es

124.   Aucun employé de la Direction de l’Immigration et de l’Emigration  n’a voulu partager sa perception du fonctionnement de la boite.

d)   Défis de la direction de l’Immigration et de l’Emigration

125.    Lenteur   du   service,   manque   d’information,   corruption,   délai   trop long   sont   les principales difficultés rencontrées à la Direction de l’Immigration et de l’Emigration. De même, une déconcentration effective des services de cette direction constitue aussi un défi.

VI.       COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS

126.   Le monitoring des huit (8) institutions étatiques présentées dans ce document révèle que la corruption au sein de l’Etat reste et demeure un fléau et que des mesures immédiates doivent être prises pour l’éradiquer.

127.   Les quatre (4) institutions appelées à combattre la corruption, qui ont été succinctement présentées ici, savoir l’UCREF, l’ULCC, la CNMP et le BAFE, sont peu connues par la société et leur travail n’est pas du tout divulgué. Le RNDDH veut pour preuve le fait que nombre de citoyens-nes rencontrés, n’ont même pas pu définir les sigles de ces institutions.

128.   L’UCREF, l’ULCC, la CNMP et le BAFE ne luttent pas suffisamment contre la corruption. Le  RNDDH  croit  que  si  cela  avait  été  le  cas,  les  nombreux  racketteurs  qui  abordent  les contribuables aux portes des boites de l’Etat qui fournissent des services directs à la population, ne  le  feraient  pas  aussi  ouvertement.  C’est  d’ailleurs  l’une  des  nombreuses  raisons  pour lesquelles  il  est  difficile  d’accorder  crédit  aux  organes  de  lutte  contre  la  corruption  car  en n’effectuant  pas  leur  travail,  ils  acceptent  de  fait,  les  actes  quotidiens  de  corruption  qui  ont tendance à être considérés comme normaux ou insurmontables, par les citoyens-es.

129.   Le RNDDH déplore aussi le fait par les institutions appelées à combattre la corruption de ne pas être autonomes financièrement. Elles ne disposent pas non plus des moyens et outils nécessaires pour un travail efficace : Absence de cadre légal de fonctionnement pour certaines, couverture limitée à Port-au-Prince et certaines grandes villes en régions pour d’autres, manque de personnel qualifié, contraintes budgétaires, incapacités à forcer les institutions étatiques à respecter les règlements établis, etc., tels sont les défis auxquels ces quatre (4) institutions sont confrontées  parce  qu’elles  dépendent  trop  de  leur  ministère  de  tutelle  ou  de  leur  autorité hiérarchique.

130.   Il faut aussi souligner le fait que les autorités étatiques aient choisi de ne pas donner les coudées franches à ces institutions. L’UCREF a été récemment dénaturée par le président décédé Jovenel MOÏSE, avec la complicité de la 50ème  Législature. L’ULCC a toujours été placée sous la coupe réglée des hommes au pouvoir. Et, de leur côté, le BAFE et la CNMP ont tout simplement été  muselés  et  cantonnés  dans  des  rôles  secondaires  alors  qu’ils  auraient  dû  être  parmi  les premières institutions vers lesquelles se tourner, le BAFE pour les enquêtes judiciaires en lien avec  des  actes  de  corruption,  la  CNMP,  pour  un  contrôle  à  priori  et/ou  à  posteriori  des procédures de passation de marchés publics.

131.   Toutefois, le RNDDH reconnait que le plus grand blocage réside dans le fait que l’appareil judiciaire   haïtien,   lui-même   très   corrompu,   n’a   aucune   volonté   de   réaliser   des   procès exemplaires en vue de condamner des personnes indexées dans des actes de corruption. Un zoom  sur  les  différents scandales  ayant  éclaboussé  différentes  entités  de  l’Etat  au  cours  des vingt (20) dernières années le prouve amplement : Deux (2) dossiers seulement ont abouti à un

arrêt de débet de la CSC/CA et un (1) parmi ces deux (2) dossiers, à une condamnation par le

Tribunal criminel.

132.   Les quatre (4) institutions qui offrent un service direct à la population, touchées dans le cadre  de  ce  rapport,  savoir,  la  DGI,  l’OAVCT,  l’ONA  et  la  Direction  de  l’Immigration  et  de l’Emigration,  fonctionnent  dans  des  conditions  inacceptables :  les  services  sont  lents,  les racketteurs  organisent  l’accueil  des  usagers,  des  employés-es  dénoncent  l’opacité  dans  la gestion de ces boites par les responsables et les contribuables reprochent à ces institutions de fonctionner de manière telle à favoriser ou tolérer la corruption.

133.   Pour   ces   institutions   aussi,   les   défis   sont   nombreux.   Et,   leur   résolution   passe inévitablement par l’éradication du phénomène de racketteur, la déconcentration effective des directions  et  services,  une  réorganisation  de  l’accueil  des  citoyens-nes  et  une  stratégie  de communication permettant à tous et à toutes d’avoir accès aux informations relatives tant aux tarifs des services qu’au temps nécessaire pour le traitement des dossiers.

134.   Fort de ce qui précède, le RNDDH recommande aux autorités concernées de :

•   Rendre disponibles et accessibles les services publics pour tous les citoyens-nes ;

•   Afficher les prix des services dans toutes les institutions concernées ;

•   Mettre en place un service d’accueil au sein de toutes les institutions étatiques ;

•   Prendre  des  mesures  drastiques  pour  éradiquer  la  corruption  dans  les  institutions étatiques ;

•   Punir les personnes impliquées dans des actes de corruption ;

•   Fournir des moyens aux employés-es pour accomplir leurs tâches. Le RNDDH recommande aussi aux citoyens-nes de :

•   Refuser de participer aux actes de corruption ;

•   Dénoncer les cas de corruption au sein des institutions de services ;

•   Exiger de l’Etat la disponibilité des services sans être obligés de passer par des racketteurs.

Réseau National de Défense des Droits Humains
(RNDDH)

Illustrations : Mac Henson THOMAS

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