Lutte contre la corruption en Haïti :
Rapport de plaidoyer pour une meilleure connaissance des institutions étatiques
Jeudi 9 décembre 2021 ((rezonodwes.com))–
SOMMAIRE
PAGE
Résumé 2
I. INTRODUCTION 3
II. METHODOLOGIE 3
III. MISE EN CONTEXTE ET ZOOM SUR CERTAINS CAS DE CORRUPTION 4
IV. PRESENTATION DES INSTITUTIONS DEVANT LUTTER CONTRE LA CORRUPTION 12
A. Unité Centrale de Renseignement Economique et Financier (UCREF) 12
B. Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) 14
C. Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) 15
D. Bureau des Affaires Financières et Economiques (BAFE) 16
V. PRESENTATION DES INSTITUTIONS OFFRANT DES SERVICES DIRECTS A LA POPULATION 18
A. Direction Générale des Impôts (DGI) 18
B. Office d’Assurance Véhicules Contre Tiers (OAVCT) 20
C. Office National d’Assurance Vieillesse (ONA) 21
D. Service de l’Emigration et de l’Immigration 23
VI. COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS 24
Résumé
1. Détournement des biens publics, blanchiment des avoirs, enrichissement illicite, surfacturation, favoritisme, versements de pots de vin, trafic d’influence, etc., tels sont les principaux actes de corruption consacrés par les instruments légaux et fournissant aux institutions appelées à combattre la corruption en Haïti un cadre précis d’assainissement de l’appareil étatique. Pourtant, en dépit des nombreuses dénonciations et scandales qui ont jalonné la vie publique au cours de ces
20 dernières années, une seule condamnation a été prononcée par les autorités judiciaires haïtiennes et seulement 2 arrêts de débet ont été émis par la CSC/CA. Et, les citoyens-nes continuent de galérer pour avoir accès aux services offerts par des boites de l’Etat, perçues comme étant corrompues.
2. A l’occasion de la journée internationale de lutte contre la corruption, cette année, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) entend inviter les citoyens-es à s’engager dans la lutte contre la corruption et exiger des autorités étatiques une réforme des boites de l’Etat.
3. Pour ce faire, le RNDDH a, d’une part, tenu à présenter succinctement à la population haïtienne le fonctionnement de 4 institutions appelées à combattre la corruption à savoir : l’ULCC, l’UCREF, la CNMP et le BAFE. D’autre part, 4 autres institutions fournissant des services directs à la population ont été disséquées. Il s’agit de la DGI, de l’OAVCT, de l’ONA et de la Direction de l’Immigration et de l’Emigration.
4. Des fiches d’enquête distinctes ont été préparées par le RNDDH sur la base desquelles, 19 responsables d’institutions, 24 employés-es dont des syndicalistes et 17 contribuables ont été rencontrés.
5. Les résultats des entrevues ont révélé que les institutions appelées à combattre la corruption sont peu connues. Elles ne travaillent pas suffisamment et, elles sont sous la mainmise de leurs autorités de tutelle. Les responsables des institutions qui offrent des services directs à la population sont perçus comme tolérant la corruption : les racketteurs y ont leurs entrées, les informations ne sont ni disponibles ni accessibles et des employés-es acceptent soit directement des citoyens-nes, soit indirectement, par le biais de racketteurs, de recevoir de l’argent contre la promesse de services rapides, ce qui laisse supposer que les services sont sciemment rendus inaccessibles, pour soutirer de l’argent aux contribuables.
6. Sur la base des résultats des entrevues susmentionnées, le RNDDH recommande aux autorités concernées de :
• Rendre disponibles et accessibles les services publics pour tous les citoyens-nes ;
• Afficher les prix des services dans toutes les institutions concernées ;
• Mettre en place un service d’accueil au sein de toutes les institutions étatiques ;
• Prendre des mesures drastiques pour éradiquer la corruption dans les institutions étatiques ;
• Punir les personnes impliquées dans des actes de corruption ;
• Fournir des moyens aux employés-es pour accomplir leurs tâches. Le RNDDH recommande aussi aux citoyens-nes de :
• Refuser de participer aux actes de corruption ;
• Dénoncer les cas de corruption au sein des institutions de services ;
• Exiger de l’Etat la disponibilité des services sans être obligés de passer par des racketteurs.
I. INTRODUCTION
1. Depuis plusieurs années, les questions relatives à la corruption captent l’attention de la population haïtienne en raison du fait que la relation étroite qui existe entre corruption et négation des droits humains, particulièrement la non-réalisation des droits économiques et sociaux, n’est plus à prouver.
2. De nombreux reproches ont été en ce sens adressés aux institutions étatiques impliquées dans la question : d’une part, aux institutions appelées à combattre la corruption il est reproché de ne pas travailler suffisamment en vue de sévir contre ceux et celles qui la pratiquent ; d’autre part, à celles qui sont appelées à fournir un service public aux contribuables et aux justiciables, il est reproché de tolérer les actes de corruption, en dépit du fait que des dénonciations d’implication de leurs membres dans des faits de corruption, soient nombreuses.
3. Interpellé par la question, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) s’est penché, au cours des vingt (20) dernières années sur différents cas de corruption au sein de l’administration publique en général et de l’appareil judiciaire en particulier. Néanmoins, cette année, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre la corruption – le 9 décembre
2021 -, il s’agit pour l’organisation d’encourager les différentes composantes de la société haïtienne à s’impliquer davantage dans la lutte contre la corruption, par une meilleure compréhension du travail de certaines institutions étatiques.
II. METHODOLOGIE
4. Le présent rapport suit un double objectif qui consiste d’une part à présenter succinctement à la population haïtienne certaines institutions étatiques créées en vue de combattre la corruption ainsi que quelques-unes appelées à fournir des services directs aux citoyens-nes et d’autre part, à porter les institutions ciblées à se pencher rapidement sur leurs différents défis en vue de l’amélioration de leur perception par les citoyens-nes.
5. Ainsi, quatre (4) institutions devant lutter contre la corruption ont été monitorées. Il s’agit de l’Unité Centrale de Renseignement Economique et Financier (UCREF), l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) et le Bureau des Affaires Financières et Economiques (BAFE). Quatre (4) autres institutions offrant des services directs à la population ont aussi été observées. Il s’agit de la Direction Générale des Impôts (DGI), de l’Office Assurance Véhicules Contre Tiers (OAVCT), les Services de l’Immigration et de l’Emigration et
l’Office National d’Assurance-Vieillesse (ONA).
6. Pour l’élaboration de ce document, les moniteurs-trices du RNDDH, munis de fiches d’enquête, se sont présentés dans les huit (8) institutions étatiques susmentionnées tant à Port-au-Prince que dans certaines villes de province. Ils se sont entretenus avec soixante (60)
personnes dont dix-neuf (19) responsables d’institutions, vingt-quatre (24) employés-es dont des syndicalistes et dix-sept (17) citoyens-nes trouvés sur les lieux.
7. Pour chacune des institutions monitorées, les entrevues avec les responsables se sont portées sur le cadre légal, la saisine, les mécanismes internes Anti-corruption, transparence et reddition de compte. Avec les citoyens-nes et les employés-es, leur connaissance des institutions, leur perception des services offerts par celles-ci et ce qui devrait être amélioré notamment, ont été passées en revue.
III. MISE EN CONTEXTE ET ZOOM SUR CERTAINS CAS DE CORRUPTION
8. Tel que susmentionné, au cours des vingt (20) dernières années, le RNDDH a dénoncé plusieurs cas de corruption au sein de l’appareil étatique. Certains de ces dossiers, véritables scandales ayant défrayé la chronique, ont débouché sur des parodies de jugement alors que d’autres se sont éteints d’eux-mêmes, les institutions qui avaient été saisies n’ayant pas assuré leur aboutissement à un jugement exemplaire. En voici quelques exemples :
9. Le 23 janvier 2003, le magistrat Pierre Josiard AGNANT a ordonné la libération de Salim BATRONY alias Johny BATRONY qui était alors accusé de trafic illicite de stupéfiants. Une perquisition avait été réalisée chez lui au cours de laquelle, cinquante-huit (58) kilos de cocaïne avaient été découverts. Des informations persistantes circulaient alors dans les couloirs du palais de justice de Port-au-Prince, laissant entendre que le juge avait reçu trois cent cinquante mille (350,000) dollars américains pour rendre cette décision1. Il s’en est suivi un scandale d’une ampleur inimaginable à la suite duquel le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique a dû alors mettre le magistrat en question en disponibilité. Le gouvernement américain de son côté annula le visa d’entrée sur le sol américain du magistrat Pierre Josiard AGNANT. Le Conseil Supérieur de la Magistrature, saisi du dossier sur plainte du coordonnateur de la Commission Nationale de Lutte contre la Drogue avait rendu, en date du 6 février 2004, un arrêt reconnaissant comme fondés les reproches adressés au magistrat AGNANT. Au cours de cette même année, le magistrat Pierre Josiard AGNANT a pourtant réintégré l’appareil judiciaire haïtien.
10. Du 21 au 27 décembre 2006, à l’Office National d’Assurances-Vieillesse (ONA), le directeur d’alors Sandro JOSEPH a monté un dossier d’achat de terrain pour le compte de l’ONA, pour la somme de soixante-et-un millions, cent-quarante-quatre mille, quatre-cent-quarante-sept gourdes et cinquante centimes (61,144,447.50) gourdes incluant l’acquisition de quinze (15) carreaux de terre à Tabarre pour cinquante-six millions (56,000,000) gourdes et le paiement des honoraires du notaire Pierre Hermanne REMEDOR de la résidence de l’Arcahaie, estimés à deux millions six cent-quarante mille (2,640,000) gourdes.
1 RNDDH – Justice – Corruption : La NCHR condamne la réintégration du Juge Pierre Josiard AGNANT dans
l’Appareil Judiciaire, Com.P/N14/A04, 8 juin 2004
11. La déclaration de vente de ladite propriété avait été réalisée par Jonas NOZIERE présenté comme étant le mandataire des héritiers Innocent AUGUSTE, à l’étude dudit notaire à l’Arcahaie ; ladite propriété aurait été arpentée par l’arpenteur Pierre Marcelin JEAN PHILIPPE de la commune de l’Arcahaie assisté de l’arpenteur Jacques Arold BOISROND pour ces opérations. Cependant, ce dernier avait formellement démenti avoir assisté une opération d’arpentage dans une commune pour laquelle il n’était pas commissionné. La propriété prétendument vendue par des vendeurs inconnus se retranchant derrière Jonas NOZIERE n’appartenait en fait qu’à une société anonyme.2
12. Au cours de son passage à la tête de l’ONA, le directeur Sandro JOSEPH a octroyé des montants oscillant entre vingt-cinq mille (25,000) et trois millions (3,000,000) gourdes à ses proches, pour des activités carnavalesques ou sous forme de prêts. Au total quarante-six millions, cent-quatre-vingt-seize mille, trois-cent-quatre-vingt-dix-sept (46.196.397) gourdes ont été distribuées à au moins vingt (20) particuliers-ères, quinze (15) entreprises commerciales, cinquante (50) groupes musicaux, quinze (15) organisations, vingt-deux (22) organes de presse, deux (2) ministères, deux (2) maires, quarante-neuf (49) députés et cinq (5) sénateurs, selon un rapport de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), publié en 2009.
13. Toujours selon ce rapport de l’ULCC, des prêts ont été consentis à des parlementaires et à des proches du pouvoir par Sandro JOSEPH. Ils s’échelonnaient sur des périodes allant jusqu’à cinquante (50) ans, à des taux excessivement dérisoires.
14. Alors qu’il était directeur de l’ONA, Sandro JOSEPH a aussi offert à une copine un véhicule
flambant neuf qu’il a payé cash au concessionnaire.
15. Le 19 mars 2009, Sandro JOSEPH3 a été arrêté et incarcéré. Cependant, tous ceux qui avaient bénéficié de ses largesses n’ont jamais été recherchés.
16. À la faveur du séisme du 12 janvier 2010, Sandro JOSEPH s’est évadé de la prison civile de Port-au-Prince, après y avoir passé neuf (9) mois et quelques jours. D’aucuns ont cru qu’il avait laissé le pays. Cependant, à la stupeur générale, le 20 avril 2016, il s’est rendu aux autorités judiciaires. Le 20 juillet 2016, le tribunal criminel de Port-au-Prince siégeant sans assistance de jury s’était formé pour juger l’affaire en question, confiée au Juge Al Duniel DIMANCHE. Le magistrat DIMANCHE, après l’interrogatoire de Sandro JOSEPH, avait ordonné une suspension d’audience en vue de rechercher les témoins et de les auditionner à leur tour.
2 RNDDH – Détournement des Fonds de l’ONA : Le RNDDH enjoint les autorités judiciaires à faire toute la lumière sur ce dossier, Com.P./N03/A09
3 RNDDH – Rapport sur la situation générale des Droits Humains en Haïti au cours de l’année 2008,
mai 2009, 37 pages
17. Le 22 juillet 2016, l’audience a repris. Au cours de celle-ci, le magistrat Al Duniel DIMANCHE avait ordonné l’arrestation du notaire Pierre Hermann REMEDOR. Ce dernier s’était rendu quelques jours plus tard, soit le 27 juillet 2016, à la prison civile de Port-au-Prince, dans le but de se mettre à la disposition de la Justice.
18. Face à ces actions tendant à faire jaillir la lumière sur les actes de corruption qui lui étaient reprochés et à condamner tous ceux et celles qui étaient effectivement impliqués avec lui, Sandro JOSEPH a brusquement affirmé ne plus avoir confiance dans la manière dont le Magistrat menait le dossier et lui a demandé de se déporter de l’affaire.
19. Le dossier a été redistribué au magistrat Mathieu CHANLATTE qui, en date du 19 septembre 2016, a rendu sa décision renvoyant Sandro JOSEPH hors des liens de l’inculpation. Le magistrat Mathieu CHANLATTE a argué que le dossier était incomplet, vu qu’aucun rapport de débet consacrant la mauvaise gestion de l’ancien directeur n’y était versé. Et, effectivement, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) alors saisie du dossier, n’y avait pas donné suite.
20. Au ministère des Affaires Etrangères, l’ex-administrateur Harold BRUNOT a été condamné le
7 janvier 2008 par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) à restituer la somme de soixante-seize millions (76,000,000) gourdes qui ont été détournées sous son administration4
21. En 2008, dans au moins quatre (4) municipalités5 du pays, des scandales de corruption et de gabegies administratives ont été recensés :
• Le maire titulaire d’alors de Tiburon, Miclair MERVEILLE avait pris la fuite en juin 2008 avec en sa possession, une forte somme d’argent destiné à l’exécution de divers projets sociaux dans la commune ;
• Le maire d’alors de Léogane, Santos ALEXIS a été accusé d’avoir détourné plus de vingt millions (20,000,000) gourdes. Le 20 octobre 2008, il a été arrêté dans la matinée à Malpasse, alors qu’il se trouvait à bord d’un autobus.
• Le maire de Savanette, Jeantès TELFORT a été indexé dans le détournement de plusieurs millions de gourdes qui avaient été allouées dans le cadre de l’état d’urgence. Le 5 novembre 2008, des membres de plusieurs organisations de la commune de Savanette avaient fermé la porte de la mairie, pour mauvaise gestion ;
4 RNDDH – Bilan de la Présidence de René PREVAL en matière de droits humains mai 2006 – mai 2011, mai 2011, page 45, 86 pages
5 Idem, page 33
• Le 13 mars 2008, le maire d’alors de Bai+net, Lesly LAFAILLE a été arrêté à l’Aéroport
International Toussaint Louverture pour détournement de fonds.
22. Joseph Eugène HYACINTHE et Jean Marie André Esner MILIEN 6, respectivement commissaire du gouvernement et doyen près le Tribunal de première instance des Cayes, ont été révoqués le 22 juin 2008 suite à un scandale de corruption. Il leur avait été reproché d’avoir reçu de l’argent pour procéder à la libération de deux (2) narcotrafiquants, à savoir Alain MATHURIN et Jean BAPTISTE.
23. Le 12 novembre 2008, l’appareil judiciaire de Port-de-Paix s’était transporté au domicile d’Alain DESIR pour perquisition suite à l’arrestation de ce dernier le 21 octobre 2008 pour trafic illicite de stupéfiants. La perquisition s’est transformée en une véritable scène de pillage où des magistrats, des agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH), des greffiers, ont volé dans la maison des objets de valeur ainsi qu’une forte somme d’argent dont le montant n’a jamais été dévoilé. Par la suite, d’autres personnes de la commune se sont adressées à celles qui avaient pris part à cette opération de perquisition en vue d’exiger et de recevoir leur part du butin. Dans le cadre de ce pillage, au moins sept (7) membres de l’appareil judiciaire de Port-de-Paix ont été arrêtés et emmenés à Port-au-Prince. Il s’agit des juges de paix Saint Marc BOUQUET et Jean Mathieu DORVILUS, des greffiers Louis Albert LORISTON et Gaby DORELIEN, du commis greffier Dumas Louis DOR, de deux (2) secrétaires du Parquet, Sainvilia SAINT-CHARLES et Kerline JEAN.7
24. En 2010, le juge des référés Jean-Claude DOUYON a rendu, en faveur des héritiers de Jean Serpent METELLUS représentés par leur mandataire Solange METELLUS, une ordonnance en déguerpissement avec exécution provisoire, de trois cent soixante (360) carreaux de terre, dépendant de l’habitation de Vivy Michel. Cette ordonnance a été rendue en dehors des règles juridiques car le juge des référés est incompétent pour statuer sur une question de droit de propriété. De plus, l’affaire n’avait été ni enrôlée, ni distribuée et la constitution d’avocats portée dans la décision était fausse, Maître Ernest ISAAC ayant déclaré n’avoir pas été mis au courant de l’affaire. Parallèlement, le Parquet de Port-au-Prince avait reçu le témoignage de la dame Solange METELLUS qui a affirmé avoir versé cent mille (100,000) gourdes au juge DOUYON pour obtenir cette ordonnance. Ce dossier avait été introduit par devant la Cour de cassation qui avait jugé le 28 juillet 2010, que le témoignage de la dame Solange METELLUS n’était pas crédible en raison des conditions de pression dans lesquelles il avait été obtenu au Parquet. La Cour n’avait alors pas jugé nécessaire d’auditionner la dame en question, ni de pousser ses investigations auprès du Cabinet de Maître Ernest ISAAC ou aux parties concernées par l’affaire8.
6 Idem, page 45
7 RNDDH – Scandale au niveau de l’appareil judiciaire : Appel au respect de la loi et à la moralisation des pratiques judiciaires et policières, 30 décembre 2008, 6 pages
8 RNDDH – La Cour de cassation de la République n’est pas prête pour la lutte contre la corruption au sein
du système judiciaire, 12 août 2010, Com. P. N5/A2010
25. Le doyen du Tribunal de Première Instance de Saint-Marc, Ramon GUILLAUME9, a été surnommé dans sa juridiction « juge de l’habeas complice », en raison du fait qu’il a libéré de nombreuses personnes après arrangements avec les défenseurs de la cause, en utilisant la procédure d’habeas corpus. Il s’est penché même sur des dossiers pendants aux cabinets d’instruction, banalisant ainsi les enquêtes judiciaires ; La Cour de cassation qui avait été saisie du dossier s’est contentée alors de déclarer que les décisions rendues par un juge peuvent être attaquées par devant les juridictions supérieures. Cependant, la Cour n’avait pas tenu à vérifier les conditions dans lesquelles certaines décisions scandaleuses avaient été rendues par ce magistrat, alors que des témoins s’étaient manifestés.
26. Au mois de mai 2011, le Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales comptait cent cinq (105) contractuels dont vingt-deux (22) anciens députés du bloc Concertation des Parlementaires Progressistes (CPP) qui avaient été élus sous la bannière de la plateforme politique Inite. Ils avaient été engagés par ledit ministère le 1er octobre 2010 pour un contrat devant expirer au départ du ministre d’alors, Paul Antoine BIEN-AIME. Ces anciens députés recevaient chacun cent mille (100,000) gourdes par mois, à l’exception du député Richard Paul OLIVAR qui lui, ne recevait que quarante mille deux-cent-cinquante (40,250) gourdes. Onze (11) parmi ces parlementaires ont été réélus. Et, en dépit de leur réélection, ils avaient continué pendant un certain temps, à recevoir leurs émoluments du Ministère10.
27. Au sous-commissariat de Cornillon, en 2012, une note affichée par des responsables informait le public que les véhicules confisqués par le sous-commissariat ne seraient remis qu’à raison du versement de cent (100) gourdes par jour. Aucun reçu n’avait été délivré aux propriétaires qui avaient alors versé le montant en question.11
28. Le 12 avril 2004, Edrick LEANDRE12 a accédé à la tête de l’Office d’Assurance Véhicules Contre Tiers (OAVCT). A partir de 2008, de nombreux employés-es ont commencé à dénoncer des cas de corruption et de gabegies administratives enregistrées au sein de cette institution. Ils avaient entre autres reproché au directeur d’alors de l’OAVCT :
• La mise en place le 30 juillet 2004 d’une cafétéria au sein de l’OAVCT qui lui fournissait une excuse pour décaisser mensuellement des sommes faramineuses, au nom de Magalie BAPTISTE.
9 Idem
10 RNDDH – Haïti Corruption : Le RNDDH appelle à la fin du gaspillage et du copinage au sein de
l’administration publique, juillet 2011, 7 pages
11 RNDDH – Situation Générale des Droits Humains dans le pays au cours de la première année de présidence de Michel Joseph MARTELLY, 14 juin 2012, 48 pages.
12 RNDDH – Soixante ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : Où en est Haïti au
regard des Droits Sociaux et Economiques ?, décembre 2008, 21 pages
• La résiliation d’un contrat de réseautage de cinq (5) annexes de l’OAVCT pour un montant de sept millions (7.000.000) gourdes en dépit du fait que trois millions cinq cent mille (3.500.000) gourdes avaient déjà été versées à la firme contractante et la signature en 2005 d’un nouveau contrat pour le travail similaire mais pour un montant de quatorze millions (14.000.000) gourdes.
• Le décaissement annuel de montants faramineux pour l’impression de calendriers en fin
d’années et de maillots lors des festivités carnavalesques ainsi que pour la publicité.
• L’utilisation de la carte de crédit de l’OAVCT à des fins personnelles.
29. Le 30 mai 201113, Edrick LEANDRE a été arrêté pour corruption et détournement de fonds publics.
30. En date du 1er août 2011, un arrêt a été émis par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) à l’encontre d’Edrick LEANDRE, dans lequel La Cour a affirmé qu’il y a dans la gestion d’Edrick LEANDRE prévarications, malversations, concussions et détournements. Elle l’a par conséquent condamné au emboursement des dix-sept millions quatre cent vingt-cinq mille cent quatre-vingt-sept gourdes et vingt centimes (17,425,187gdes 20). De plus, la Cour avait ordonné la signification de l’arrêt à la Direction Générale des Impôts (DGI) aux fins de geler les avoirs financiers et de mettre sous séquestre les biens meubles et immeubles du sieur Edrick LEANDRE jusqu’au paiement intégral du montant. Elle avait aussi ordonné la signification de l’arrêt au Ministère de l’Economie et des Finances pour son exécution. Enfin, cet arrêt a été transmis Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince pour les suites légales.
31. Le 2 août 2012, selon le vœu de l’ordonnance de renvoi rendue par le Juge Yves ALTIDOR, Edrick LEANDRE a été trainé par devant le tribunal criminel siégeant sans assistance de jury pour détournement de fonds, corruption, blanchiment des avoirs et association de malfaiteurs.
32. De nombreuses tergiversations ont entaché pendant plusieurs années le déroulement de l’audience. Et, finalement, ce n’est que le 10 décembre 2015 qu’il a été condamné à quatre (4) ans et huit (8) mois d’emprisonnement, à la restitution à l’État haïtien de la somme de dix-sept millions quatre cent vingt-cinq mille cent-quatre-vingt-dix-sept gourdes et vingt centimes (17, 425, 197.
20) gourdes, à un million (1,000, 000) gourdes d’amende à l’État haïtien et à trois (3) ans de privation de ses droits civils, politiques et de famille.
33. En 2015, Maître Nonie H. MATHIEU, ex-présidente de la Cour Supérieure des Comptes et du
Contentieux Administratif (SC/CA) a été indexée dans un scandale de corruption incluant des
13 RNDDH – Observations sur le fonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien au cours de l’année 2011-
2012, 1er octobre 2012, 41 pages
faits de détournement d’un montant équivalant à trente-sept millions cinq cent mille (37,500,000) gourdes. Des matériels avaient été achetés par l’Etat pour ce montant. Ils n’ont jamais été livrés. Pourtant, Maître Nonie MATHIEU avait pu présenter au Ministère de l’Economie et des Finances des fiches de livraisons. America Supplies Distribution et Professionnal Services and Decor ont été éclaboussés par ce scandale.
34. Dans la nuit du 17 au 18 mars 2015, aux Gonaïves, Madsen CLERVOYANT14 a été arrêté. Il a été mis en garde à vue au commissariat de cette commune. Le juge de paix Louima LOUIDOR qui avait été alors saisi du dossier l’a transféré au cabinet d’instruction pour tentative d’assassinat. Cependant, alors que Madsen CLERVOYANT était en rétention, le 26 mars 2015, le commissaire du gouvernement Me Enock Géné GENELUS a adressé une communication ordonnant aux responsables de la prison civile des Gonaïves, de « prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de faire conduire, sous escorte, le prévenu Madsen CLAIRVOYANT, à la Capital Bank, succursale des Gonaïves, à l’effet d’y effectuer une transaction bancaire et de le replacer dans sa cellule après ladite transaction. »
35. Le 27 mars 2015, Madsen CLAIRVOYANT s’est effectivement rendu à la banque et a pu effectuer la transaction. Et, au total, il a déboursé quarante-neuf mille neuf cents (49,900) dollars américains. Pourtant, son dossier se trouvait au Cabinet d’instruction, sans aucune garantie – normalement – qu’il aurait été classé sans suite par le magistrat instructeur et que lui, serait remis en liberté.
36. Le 28 août 2017, le ministre des Affaires Sociales et du Travail d’alors Roosevelt BELLEVUE15 a été indexé dans un scandale de surfacturation de cinquante mille (50,000) kits scolaires pour un montant de neuf-cent-cinquante-mille (950,000) dollars américains. Le 11 octobre 2017, le commissaire en chef du Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince avait affirmé avoir ouvert une enquête. En ce sens, il avait adressé une correspondance à la Direction Générale des Impôts (DGI), exigeant des informations concernant des institutions qui avaient été indexées dans ce scandale de corruption. Il s’agit de : AGD Papeterie, ENERGITEK, Haiti Supply, Kayimit Sales Services, National Trading Group, NGA Entreprise. Cependant, seul le ministre avait été par la suite révoqué.
37. Le 6 août 2019, Jimmy FERVIL, Anel NELSON, André AUGUSTE, Myrlande GEORGES CASSEUS et Ysmick CHOUTE ont été indexés dans un scandale de corruption16. Ils ont été arrêtés aux abords de la succursale de la Unibank située à la Rue Darguin, Pétion-ville par la Direction
14 RNDDH – Rançonnement d’un justiciable avec la complicité des autorités judiciaires et policières : Le
RNDDH crie au scandale, Rap. /A15/No04, 14 avril 2015, 6 pages
15 RNDDH – Situation générale des Droits humains dans le pays au cours de la première année du gouvernement MOÏSE / LAFONTANT, 9 mars 2018, 56 pages
16 Fonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien au cours de l’année 2018-2019, 15 octobre 2019, page 8, 37 pages
Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ). Rapidement, le nom de l’ex-Sénateur Onondieu LOUIS a été cité. Le Bureau des Affaires Financière (BAFE) a mené son enquête et conclu à des opérations de blanchiment des avoirs, détournements de fonds, enrichissement illicite, association de malfaiteurs et abus de confiance.
38. Le 16 août 2019, le rapport de la DCPJ a été acheminé au Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince. Le juge d’instruction Jean Osner PETIT PAPA a été choisi pour mener l’instruction judiciaire du dossier. Ses deux (2) seuls actes d’instruction ont été d’ordonner la libération des personnes arrêtées et d’auditionner, en date du 14 septembre 2019, l’ex-sénateur Onondieu LOUIS qui s’était d’ailleurs présenté à la chambre criminelle sans avoir été convoqué. Après son audition, il est rentré chez lui.
39. Le RNDDH a aussi dénoncé, de concert avec d’autres partenaires de la société, des cas de corruption. Les deux (2) exemples les plus récents sont le cas de Fritz William MICHEL et le dossier PetroCaribe.
40. Le 22 juillet 2019, Fritz William MICHEL17 a été nommé par arrêté présidentiel pour remplacer Jean Michel LAPIN. Tout de suite après sa nomination, il a été indexé dans un scandale de corruption selon lequel, depuis plusieurs années, avec son épouse Natacha MARSAN, il a monté de nombreuses entreprises en vue de bénéficier des contrats exorbitants au sein de l’administration publique.
41. Abus de confiance, surfacturation, trafic d’influence, délit d’initié et prise illégale d’intérêts sont autant d’actes de corruption dont s’est rendu coupable Fritz William MICHEL, depuis 2016. Cependant, après le tollé médiatique provoqué par ce dossier, Fritz William MICHEL a tout simplement été remplacé.
42. De 2008 à 2018, 3.8 milliards de dollars américains ont été dilapidés par les autorités étatiques, à la faveur du projet PetroCaribe. Il s’agissait d’un accord liant l’Etat haïtien au Vénézuéla, permettant d’acheter des produits pétroliers avec des facilités de paiement, échelonnées sur plusieurs années. Cette facilité a été proposée dans l’objectif de favoriser la réalisation de projets socioéconomiques comme la construction de routes, d’écoles, d’hôpitaux, etc.
43. Les premières alertes lancées sur des contrats passés de gré à gré pour des montants exorbitants ainsi que les deux (2) rapports sénatoriaux18 du 17 août 2016 et du 10 novembre
17 ECC – Scandales et Opérations de corruption : ECC estime que Fritz William MICHEL n’est pas éligible au
poste de premier ministre, 18 septembre 2019, 5 pages
18 Lutte contre la corruption : Des organisations de droits humains appellent à une mobilisation citoyenne pour faire échec à toute velléité de noyer les rapports sénatoriaux sur la dilapidation des fonds PetroCaribe,
15 décembre 2017, 3 pages
2017 n’ont pas eu les effets escomptés. Il aura fallu attendre une campagne de sensibilisation et de dénonciation menée par des PetroChallengers, pour porter la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) à auditer les dépenses liées à ce contrat et à produire trois (3) rapports distincts publiés les 31 janvier 2019, 31 mai 2019 et 12 août 2020. Ils portent sur la période allant de septembre 2008 à septembre 2016. La cour a conclu à des actes de gestion frauduleuse, de collusion, de trafic d’influence, de favoritisme, détournements de fonds, de passation illégale de marchés publics. De plus, toujours selon la CSC/CA, les projets financés par les fonds PetroCaribe n’étaient pas supervisés ou ont bénéficié d’une supervision défaillante et complaisante. Les bonnes pratiques de gestion de projets n’ont pas été appliquées et les avances de démarrage des travaux étaient souvent supérieurs au seuil de 30 %. Ainsi, les conclusions de la Cour ont assimilé ce dossier au plus grand scandale de corruption organisée, jamais orchestré au plus haut niveau de l’Etat.
44. Quatre (4) présidents, six (6) gouvernements, des ministères, des directions générales ont été indexés dans cet énorme scandale de corruption. Et, aujourd’hui, le PetroCaribe reste la dette actuelle la plus exorbitante de l’Etat Haïtien. Pourtant, la saisine des autorités judiciaires sur ce dossier n’a encore abouti à aucun procès.
45. Ces nombreux cas démontrent clairement que pour les dossiers analysés, deux (2) arrêts de débet seulement ont été émis par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) et seulement une (1) condamnation a été prononcée par l’appareil judiciaire haïtien. Pourtant, dans de nombreux cas, des institutions appelées à enquêter sur les faits de corruption avaient acheminé aux autorités judiciaires, des rapports circonstanciés.
46. L’appareil judiciaire haïtien, lui-même gangréné par la corruption, n’a jamais jugé nécessaire de jouer sa partition qui consiste à dissuader d’autres personnes à commettre des actes de corruption. Et, les différents gouvernements qui se sont succédé n’ont fait preuve d’aucune volonté politique d’éradiquer la corruption au sein des institutions étatiques.
IV. PRESENTATION DES INSTITUTIONS DEVANT LUTTER CONTRE LA CORRUPTION
47. Tel que susmentionné, quatre (4) institutions appelées à lutter contre la corruption ont été touchées dans le cadre de ce rapport. Il s’agit de l’UCREF, l’ULCC, la CNMP et le BAFE.
A. Unité Centrale de Renseignement Economique et Financier (UCREF)
a) Présentation et Saisine
48. L’UCREF est créé par la loi du 21 février 2001 relative au blanchiment des avoirs en provenance du trafic illicite de la drogue. Son fonctionnement est régi par un cadre normatif comprenant entre autres, la loi susmentionnée, celle du 11 novembre 2013 portant sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la loi organique de mai 2017 sur
l’autonomie de l’UCREF, l’arrêté de 2004 opérationnalisant l’UCREF. Organisme autonome dotée de personnalité juridique, l’unité jouit de l’autonomie financière et administrative.
49. L’UCREF a pour mission de recevoir, d’analyser et de traiter les déclarations qui lui sont acheminées par des personnes physiques ou morales ayant l’obligation de les lui faire parvenir, et portant sur le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. L’unité est aussi appelée à jouer un rôle de police judiciaire en recherchant, rassemblant les preuves et en déférant les dossiers à la justice, pour les suites de droit.
50. Le personnel de l’UCREF est composé de quatre-vingt-dix-sept (97) personnes dont
quarante-sept (47) nommés en 2021 et trente (30) autres qui ont un statut de contractuel.
51. L’UCREF peut être saisie par des personnes physiques et morales telles que les maisons de transfert, les institutions bancaires, les établissements de crédit, les maisons d’assurance, les agents de change, les avocats, les comptables, etc. Elle peut aussi être saisie par toute autre personne qui, dans le cadre de sa profession, réalise ou contrôle des opérations de déplacements de capitaux et des opérations immobilières.
b) Mécanismes internes Anti-corruption – Transparence et reddition de comptes – contrôle et financement
52. Les mécanismes internes Anti-corruption sont énoncés par les Règlements internes de
l’UCREF.
53. Pour la transparence et la reddition de comptes, l’UCREF compte un conseil de gestion. Il est tenu de soumettre à chaque fin d’exercice, un rapport d’activités et de dépenses ainsi que ses planifications pour l’exercice suivant, au Ministère de l’Economie et des Finances. Un rapport d’inventaire est annuellement soumis à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA).
54. Aucun mécanisme de contrôle et de financement n’est prévu, tout étant pris en charge par le Ministère de tutelle de l’unité. Malgré tout, l’UCREF dispose d’un plan de gestion de risques et de règles de procédures d’achat pour l’institution, basées sur le respect des principes de comptabilité publique.
c) Connaissance de l’UCREF par les citoyens-nes
55. Très peu de personnes rencontrées ont affirmé avoir l’habitude d’entendre parler de l’UCREF à la radio. Cependant, elles seraient en peine de définir le sigle ou même d’énoncer le champ d’intervention de l’UCREF.
d) Défis de l’UCREF
56. Le manque de formation du personnel de l’UCREF, le manque de sensibilisation des composantes de la société sur le travail et l’importance de l’institution, le manque de moyens financiers pour réaliser les travaux de l’institution et aussi le fait que l’UCREF n’est ni indépendante ni présente sur le territoire national constituent les défis majeurs de l’institution.
B. Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC)
a) Présentation et Saisine
57. L’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC), organisme administratif placé sous la tutelle du Ministère de l’Economie et des Finances, a été créée par le décret du 8 septembre 2004.
58. Le cadre légal de fonctionnement de l’ULCC est composé entre autres, du décret susmentionné, de la Loi du 12 février 2008 portant déclaration de Patrimoine, de la Loi du 14 mars 2014 portant prévention et répression de la corruption, de la loi du 29 août 1912 sur l’extradition des criminels fugitifs et des conventions interaméricaine et onusienne réprimant la corruption, ratifiées par Haïti.
59. La mission de l’ULCC consiste à combattre la corruption et ses manifestations sous toutes ses formes au sein de l’administration publique. En ce sens, elle est appelée à protéger les biens publics et collectifs, à favoriser la transparence dans la gestion de la chose publique, à établir un climat de confiance pour promouvoir l’investissement privé et à moraliser l’administration publique et la vie publique en général. Elle doit aussi participer à la définition d’une stratégie de lutte contre la corruption en Haïti et se pencher sur les contrats relatifs aux grands projets d’infrastructure de l’Etat haïtien.
60. L’ULCC est saisie par plainte déposée par toute personne physique ou morale, pour enquêter sur des faits soupçonnés de corruption ou toutes autres infractions assimilées.
61. A date, le RNDDH attend une rencontre de travail avec les responsables de l’ULCC pour discuter avec eux des mécanismes internes Anti-corruption, Transparence et Reddition de comptes.
b) Connaissance de l’ULCC par les citoyens-nes
62. Les personnes rencontrées affirment entendre souvent parler de l’ULCC à la radio. Cependant, elles affirment avoir l’impression que l’unité ne travaille pas suffisamment en vue de combattre la corruption.
C. Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP)
a) Présentation et Saisine
63. La Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) est créée par le décret du 3 décembre
2004 établissant les règles applicables à la passation des Marchés Publics de Travaux, de Fournitures et de Services. La commission fonctionne néanmoins sous l’égide de la loi du 10 juin 2009 fixant les règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de concession d’ouvrage de service public.
64. Le cadre normatif de la CNMP comprend le décret et la loi susmentionnés, l’Arrêté précisant les modalités d’application de la loi fixant les règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de concession d’ouvrage de service public, l’Arrêté déterminant les modalités d’organisation et de fonctionnement de la Commission Nationale des Marchés Publics, l’Arrêté sanctionnant le manuel de procédures pour la passation de marchés publics et des conventions de concession d’ouvrage et de service public et l’Arrêté pris le 25 mai 2012 fixant les seuils de passation de marchés publics et les seuils d’intervention de la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP).
65. Présente dans l’les départements de l’Ouest, le Nord et le Sud, la CNMP a pour mission d’assurer la régulation et le contrôle du système de passation des marchés publics et des conventions de concession d’ouvrage de service public. En ce sens, la CNMP émet des avis, propositions ou recommandations en vue de la définition de la politique d’achat public. Elle met aussi à la disposition des institutions contractantes, des outils de travail et est appelée à proposer aux autorités étatiques une politique en matière de marchés publics.
66. Le personnel de la CNMP est composé de cent-six (106) agents publics dont neuf (9)
contractuels.
67. La CNMP est saisie par l’autorité contractante qui lui transmet copie des soumissions reçues. Son contrôle se fait tant à priori qu’à posteriori. Elle peut prendre des sanctions contre les soumissionnaires et titulaires de marchés fautifs en prononçant leur exclusion des marchés publics, le retrait ou l’abrogation de la validation. Et, contre les agents fautifs, elle peut prononcer leur remplacement, leur exclusion temporaire ou définitive du suivi ou des contrôles des marchés publics et transférer leurs dossiers aux autorités judiciaires.
b) Mécanismes internes Anti-corruption – Transparence et reddition de comptes – Contrôle et financement
68. Le code de déontologie applicable aux agents de la fonction publique, tous textes légaux faisant référence à ces mécanismes ainsi que le titre 5 de la loi du 10 juin 2009 établissant les règles en vue de lutter contre la corruption au niveau du système des marchés publics, sont utilisés comme mécanisme interne Anti-corruption.
69. Pour la transparence et la reddition de compte, la CNMP compte une coordination.
70. Les mécanismes de contrôle sont fixés par les règles et procédures de passation de
Marchés publics.
c) Connaissance de la CNMP par les citoyens-nes
71. Les citoyens-nes rencontrés n’ont jamais entendu parler de la CNMP.
d) Défis de la CNMP
72. La CNMP a du mal à convaincre les différents ministères et organismes de prestation de services à adopter le plan prévisionnel de passation de marchés ce qui constitue un défi de taille.
73. De plus, l’adoption d’une loi obligeant les différentes entités à acheminer leur projet annuel de passation de marchés au 31 octobre de chaque année au plus tard, serait de nature à aider la CNMP dans son travail.
74. La révision de cadre légal de fonctionnement et la création de nouvelles directions au sein de la CNMP dont une direction de communication appelées à améliorer les services de cette commission, sont aussi considérées comme des défis que confronte la CNMP.
D. Bureau des Affaires Financières et Economiques (BAFE)
a) Présentation et Saisine
75. Le Bureau des Affaires Financières et Economiques (BAFE) est une entité spécialisée placée sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) elle-même créée par la Loi du
29 novembre 1994 portant création, organisation et fonctionnement de la Police Nationale d’Haïti
(PNH), instituant la DCPJ.
76. Pour mieux comprendre le rôle du BAFE, il convient de rappeler que la DCPJ a pour attributions de constater les infractions aux lois pénales, d’en établir les circonstances et rassembler les preuves et de rechercher les auteurs-res. La DCPJ lutte aussi contre la
contrebande, les crimes financiers et économiques ainsi que contre le trafic illicite des stupéfiants. Et, le BAFE est particulièrement chargé d’enquêter sur les crimes financiers et économiques, de rechercher les personnes impliquées et de les déférer par-devant les autorités judiciaires pour les suites de droit.
77. Le BAFE ne dispose pas de loi-cadre.
78. Le personnel du BAFE est constitué de trente-et-un (31) policiers-ères qui sont des investigateurs-trices et de vingt (20) employés civils, eux-mêmes contractuels.
79. Au même titre que la DCPJ, le BAFE est saisi par une commission rogatoire du juge d’instruction ou une délégation de compétence du commissaire du Gouvernement. Le BAFE peut aussi s’autosaisir et ouvrir une enquête sur des crimes économiques et financiers, ce qui permet à n’importe quelle personne physique ou morale de porter plainte. Et, pour faire son travail, le BAFE compte une cellule de lutte contre la corruption, une brigade anti-blanchiment, un service d’investigation financière et un service d’investigation économique, à travers lesquels il reçoit des plaintes et dénonciation de personnes physiques et morales.
b) Mécanismes internes Anti-corruption – Transparence et reddition de comptes – contrôle et financement
80. Le BAFE ne dispose ni de règlements internes ni de mécanisme Anti-corruption propres. Etant une entité de la DCPJ, elle est administrée par la Direction Générale de la PNH. Toutefois, à leur intégration, les policiers-ères subissent un test polygraphe qui consiste en un détecteur de mensonge. Ceux et celles qui ne le réussissent pas, ne sont pas autorisés à intégrer le BAFE.
81. Pour la transparence et la reddition de comptes, le BAFE compte un conseil de gestion. Il est tenu de présenter un rapport d’activités et de dépenses ainsi qu’un document de planification à chaque fin d’exercice, au Ministère de l’Economie et des Finances, par le biais de la Direction Générale de la PNH.
82. Pour les mécanismes de contrôle et de financement, le BAFE ne dispose d’aucun plan de
gestion des risques. Le BAFE ne dispose non plus d’aucun budget propre de fonctionnement.
c) Connaissance du BAFE par les citoyens-nes
83. Les citoyens-nes rencontrés ne connaissent pas le BAFE. Ils n’ont jamais entendu parler
de cette instance.
d) Défis du BAFE
84. Aujourd’hui, le BAFE n’a pas de loi-cadre. Il ne dispose pas non plus d’une politique d’investissement. Conséquemment, les contraintes budgétaires du BAFE sont supportées par la Direction Générale de la PNH. Pourtant, le BAFE est par définition, une institution financièrement autonome. Ainsi, atteindre l’autonomie pour le BAFE constitue un défi.
85. Le BAFE ne compte pas non plus de services déconcentrés pas plus qu’il n’est opérationnel au niveau régional. Et, les antennes prévues pour les ports et les aéroports du pays ne sont à date pas encore mises en place, ce qui limite le travail de cette cellule spécialisée de la DCPJ.
V. PRESENTATION DES INSTITUTIONS OFFRANT DES SERVICES DIRECTS A LA POPULATION
86. Quatre (4) autres institutions offrant des services directs à la population haïtienne ont aussi été monitorées. Il s’agit de la Direction Générale des Impôts (DGI), de l’Office d’Assurance Véhicules Contre Tiers (OAVCT), de l’Office National d’Assurance-Vieillesse (ONA) et de la Direction de l’Immigration et de l’Emigration.
A. Direction Générale des Impôts (DGI)
a) Présentation de la DGI
87. La Direction Générale des Impôts (DGI), placée sous la tutelle du Ministère de l’Economie et des Finances est créée par la loi du 6 juin 1924 portant création de l’Administration Générale des Contributions. Cependant, sa dénomination et son cadre de fonctionnement actuels sont fixés par la loi du 29 septembre 1987.
88. Organisme déconcentré, la DGI est une structure mise en place dans la perspective de percevoir des impôts au profit de l’État haïtien. Par conséquent, sa mission consiste principalement à contribuer à la mise en œuvre de la politique fiscale de l’Etat.
89. La DGI représente l’Etat haïtien en justice tant en demandant qu’en défendant et elle offre ses services directement aux contribuables : déclaration définitive d’impôts, matricule fiscale pour personnes physiques et morales, droits de passeport, taxes de légalisation des documents, Patente, certificat de bonnes vies et mœurs, marque de fabrique etc.
90. Le personnel de la DGI est composé de plus de deux mille (2.000) agents publics. Et, en
fonction des besoins, d’autres ressources peuvent être sollicitées pour un temps limité.
b) Perception de la DGI par les contribuables
91. Pour certains contribuables, la DGI collecte des recettes pour le pays. Pour d’autres, il s’agit seulement d’une institution étatique appelée à fournir un service direct aux citoyens-nes.
92. Plusieurs estiment que l’accueil des contribuables dans les différents bureaux de la DGI est organisé d’une manière telle qu’il favorise la présence des racketteurs sur les lieux. En effet, déjà aux alentours des bureaux de la DGI, des personnes qui ne travaillent pas dans la boite et qui se sont acoquinées avec des employés-es pour extorquer de l’argent aux contribuables, abordent toute personne qui se rend à la DGI et promet de lui faire bénéficier d’un accompagnement ou d’un service express. Ainsi, pour une matricule fiscale dont les frais sont fixés à deux-cent-cinquante (250) gourdes, un contribuable se verra demander deux-cent-cinquante (250) gourdes de plus, pour des services simples ou sept-cent-cinquante (750) gourdes de plus, pour un service express.
93. Les informations ne sont pas disponibles et il n’y a pas un service d’accueil pour accompagner les contribuables. Les différents espaces où les contribuables doivent se rendre pour réclamer les services dont ils ont besoin, ne sont pas ou sont très peu indiqués. Ainsi, l’accueil des contribuables est donc laissé à la charge des racketteurs. Plusieurs d’entre eux sont grossiers et agressifs avec les contribuables.
94. De plus, les services sont très lents. Conséquemment, les contribuables qui décident de ne pas payer un racketteur risquent de passer la journée ou même d’être obligés de revenir.
95. Certains contribuables estiment que la DGI est une institution désordonnée et corrompue. D’autres croient que le personnel recruté n’a aucune compétence et semble avoir été favorisé sur la base de ses accointances politiques.
96. Les responsables, au courant de la présence des raquetteurs ayant décidé de ne pas intervenir pour régulariser la situation, les contribuables avec lesquels le RNDDH s’est entretenu estiment que l’institution tolère allègrement la corruption.
c) Perception de la DGI par les employés-es
97. Les employés-es n’ont pas tenu à partager leur perception de la boite avec le RNDDH.
d) Défis de la DGI
98. L’affichage d’indications claires permettant aux contribuables de s’informer sur les services disponibles et les tarifs, la mise en place d’un bureau d’accueil et l’éradication du phénomène de raquetteurs aux bureaux de la DGI aideront à améliorer les services offerts à la
population. De plus, la formation des employés-es et l’adoption d’une nouvelle loi-cadre de fonctionnement de la DGI constituent aussi des défis que confronte cette institution.
B. O ffi ce d’A ss urance V éhi cul es Contre Ti ers (OAV CT)
a) Présentation de l’OAVCT
99. L’Office d’Assurance Véhicules Contre Tiers (OAVCT) a été créé à la faveur du décret du 21 septembre 1967 qui fait de l’assurance automobile contre tiers, une obligation et mettant du même coup la protection des personnes particulièrement exposées aux risques de la circulation automobile, au rang de la sécurité publique.
100. Son cadre légal est composé du décret du 8 juin 1964 faisant de l’assurance automobile contre tiers, une obligation, de la loi du 21 juin 1967 concédant à la banque commerciale d’Haïti S.A. le privilège exclusif d’exercer les attributions de la compagnie d’assurance contre tiers pour inexécution des obligations à l’endroit de l’État haïtien ; du décret du 21 septembre 1967 créant l’office d’Assurance Véhicules Contre Tiers.
101. L’OAVCT a pour mission de protéger et de sécuriser les usagers de la voie publique, les piétons et les véhicules. C’est pourquoi il exige une couverture d’assurance à tous les véhicules qui circulent sur le territoire national.
102. Présent sur le territoire national, l’OAVCT compte mille cent-cinquante-trois (1,153)
employés-es et contractuels-les.
b) Perception de l’OAVCT par les contribuables
103. Des contribuables rencontrés aux locaux de l’OAVCT estiment que les services offerts sur place par cette institution fonctionnent plus ou moins rapidement. Cependant, lors des accidents, les services de constat et de dédommagement sont trop lents. Ils dénoncent aussi le fait par des employés-es de l’OAVCT d’accepter d’être abordés par des racketteurs ou de percevoir des montants supérieurs aux tarifs exigés.
c) Perception de l’OAVCT par les employés-es
104. Même si les preuves sont difficilement produites, des employés-es rencontrés affirment que des rumeurs persistantes circulent sur l’implication de l’actuelle direction de l’OAVCT dans des actes de corruption.
105. Ils estiment que depuis l’arrivée de l’équipe en place, des changements stratégiques ont été opérés pour détourner les fonds collectés. Par exemple, il a été ordonné de ne plus transférer les collectes de la boite à la Banque Nationale de Crédit (BNC) tel que cela se faisait par le passé.
Les fonds collectés doivent rester sur place pour être récupérés par le bureau central. Depuis cette nouvelle décision, la boite est de plus en plus irrégulière dans le paiement des salaires. De plus, à la direction de suivi des accidents, des chèques sont régulièrement détournés, selon eux.
106. Certains dénoncent aussi des transferts d’employés-es à des postes clé, qui ont été effectués de manière irrégulière. De même, nombreux sont ceux et celles qui estiment ne pas avoir le droit d’évoquer l’épineux problème de salaire. Dès qu’ils agitent l’ajustement salarial, les contractuels sont simplement révoqués et les employés-es sont transférés contre leur gré ou tout simplement révoqués.
107. Des fonctionnaires sont aussi remplacés par des proches de l’actuel directeur, le sieur Fritzner BERNADEL et des membres du syndicat ayant fait alliance avec lui, dans le cadre de la résolution des crises qui secouaient l’OAVCT.
108. Selon des responsables de l’OAVCT, c’est en raison des problèmes de sécurité et des problèmes en alimentation en carburant que de nombreux chauffeurs et propriétaires de véhicules n’ont pu venir renouveler leurs assurances, ce qui a eu pour conséquences des retards récurrents dans le paiement des salaires.
109. Enfin, les employés-es rencontrés dénoncent le fait que de nombreux scandales de vols (Croix-des-Bouquets), de détournements de fonds, de favoritisme, de détournements de biens de l’OAVCT (Tabarre) au profit de militants politiques, aient défrayé la chronique sans que les autorités judiciaires n’y accordent grande importance.
d) Défis de l’OAVCT
110. Fournir un service de qualité et éradiquer le phénomène de racketteurs constituent les
principaux défis de l’OAVCT.
C. O ffi ce N at i onal d’A ssurance Vi ei l less e (O NA )
a) Présentation de l’ONA
111. L’Office National d’Assurance-Vieillesse (ONA) est une direction autonome de l’administration publique, créé à la faveur de la Loi du 28 août 1967. Il a pour mission d’assurer aux employés-es des secteurs public et privé, des prestations, en compensation des services fournis durant les années productives de leur vie.
112. Le cadre légal de l’ONA comprend, outre la loi qui le créée, la loi du 10 octobre 1949 qui constitue une première sur les assurances sociales, le décret du 8 novembre 1965 consacrant l’assurance-vieillesse obligatoire et la loi du 25 août 1971 créant un comptoir d’Epargne et de Prêts.
113. Aujourd’hui, l’ONA compte quinze (15) bureaux régionaux à travers le territoire national qui servent à offrir des services et des produits aux assurés.
b) Perception de l’ONA par des assurés-es
114. Pour de nombreux assurés, l’ONA est une institution qui s’occupe des assurances et des retraites tout en offrant des prêts aux personnes qui cotisent. Cependant, lorsque celles-ci sollicitent des prêts sur leurs cotisations, ils ont du mal à recevoir l’argent. Le service est excessivement lent. Et, puisque souvent à la radio, ils entendent parler de sommes faramineuses empruntées par de grands entrepreneurs, ils ont la perception que les demandes de prêts sont plus facilement accordées aux personnes bien nanties plutôt qu’aux personnes de la classe moyenne ou de la masse.
c) Perception de l’ONA par les employés-es
115. Selon plusieurs employés-es, l’ONA est perçue comme une institution favorisant la corruption. Si aujourd’hui, elle n’est pas aussi flagrante qu’avant, cette corruption se manifeste cependant sous plusieurs formes et à plusieurs niveaux.
116. Les cas de surfacturation par exemple, sont très fréquents. De plus, certains parmi les techniciens-nes de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) placés dans les boites de l’ONA en vue de s’assurer de la conformité et du respect des procédures en matière de marchés publics, sont dénoncés par des employés-es qui estiment qu’ils ferment les yeux et visent des contrats irréguliers. Ils reçoivent en contrepartie des pourcentages indus.
117. Au niveau des services juridiques, les employés-es estiment aussi que certains avocats s’arrangent avec des patrons d’entreprises qui doivent beaucoup d’argent à l’ONA et effacent leurs dettes contre pots-de-vin. Ainsi, Trafic d’influence, complicité et actes de malversation à l’encontre de l’institution sont légion.
118. Par ailleurs, si certaines revendications ont été prises en compte par le nouveau directeur général a.i. de l’ONA, d’autres problèmes ne sont toujours pas résolus. Ils concernent principalement l’octroi à nouveau de la carte de débit aux employés-es, avec un montant révisé à la hausse, l’octroi des promotions à des employés-es, particulièrement ceux et celles qui travaillent en région.
d) Défis de l’ONA
119. Porter les patrons à payer régulièrement les cotisations de leurs employés-es, porter toutes les institutions étatiques à cotiser, partager les informations aux assurés et améliorer les services
constituent les défis auxquels se confronte l’ONA. De plus, le personnel doit être qualifié et surtout discipliné.
D. Direction d e l’ Imm igration et de l’Emigration
a) Présentation de la Direction de l’Immigration et de l’Emigration
120. La Direction de l’Immigration et de l’Emigration est une entité du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales, lui-même créé à la faveur du Décret du 17 mai 1990. La Direction de l’Immigration et de l’Emigration a pour principale mission de contrôler les mouvements migratoires sur le territoire national.
b) Perception de la Direction de l’Immigration et de l’Emigration par les citoyens-nes
121. Mal connue, elle est présentée par plusieurs citoyens-nes comme étant une entité uniquement chargée de fournir des passeports aux Haïtiens-nes. Et, en effet, ceux et celles qui ont rencontrés à la Direction de l’Immigration et de l’Emigration s’y sont présentés en vue de réclamer ce service.
122. Ils estiment qu’il est facile pour quiconque de connaitre le tarif légal du passeport puisque le montant est versé contre reçu à la Direction Générale des Impôts (DGI). Cependant, c’est en raison de la lenteur du service et du manque d’information qu’ils sont obligés de passer par un racketteur.
123. Des employés-es, en complicité avec des racketteurs promettent d’accélérer le service et de délivrer le document le plus vite possible. Si certains d’entre eux reçoivent directement l’argent de la personne qui réclame le service, d’autres traitent directement avec des agences, contre un pourcentage substantiel. Enfin, quelques autres ont pour contact des agents de la PNH qui facilitent à leurs proches et amis, des services rapides.
c) Perception de la Direction par les employés-es
124. Aucun employé de la Direction de l’Immigration et de l’Emigration n’a voulu partager sa perception du fonctionnement de la boite.
d) Défis de la direction de l’Immigration et de l’Emigration
125. Lenteur du service, manque d’information, corruption, délai trop long sont les principales difficultés rencontrées à la Direction de l’Immigration et de l’Emigration. De même, une déconcentration effective des services de cette direction constitue aussi un défi.
VI. COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS
126. Le monitoring des huit (8) institutions étatiques présentées dans ce document révèle que la corruption au sein de l’Etat reste et demeure un fléau et que des mesures immédiates doivent être prises pour l’éradiquer.
127. Les quatre (4) institutions appelées à combattre la corruption, qui ont été succinctement présentées ici, savoir l’UCREF, l’ULCC, la CNMP et le BAFE, sont peu connues par la société et leur travail n’est pas du tout divulgué. Le RNDDH veut pour preuve le fait que nombre de citoyens-nes rencontrés, n’ont même pas pu définir les sigles de ces institutions.
128. L’UCREF, l’ULCC, la CNMP et le BAFE ne luttent pas suffisamment contre la corruption. Le RNDDH croit que si cela avait été le cas, les nombreux racketteurs qui abordent les contribuables aux portes des boites de l’Etat qui fournissent des services directs à la population, ne le feraient pas aussi ouvertement. C’est d’ailleurs l’une des nombreuses raisons pour lesquelles il est difficile d’accorder crédit aux organes de lutte contre la corruption car en n’effectuant pas leur travail, ils acceptent de fait, les actes quotidiens de corruption qui ont tendance à être considérés comme normaux ou insurmontables, par les citoyens-es.
129. Le RNDDH déplore aussi le fait par les institutions appelées à combattre la corruption de ne pas être autonomes financièrement. Elles ne disposent pas non plus des moyens et outils nécessaires pour un travail efficace : Absence de cadre légal de fonctionnement pour certaines, couverture limitée à Port-au-Prince et certaines grandes villes en régions pour d’autres, manque de personnel qualifié, contraintes budgétaires, incapacités à forcer les institutions étatiques à respecter les règlements établis, etc., tels sont les défis auxquels ces quatre (4) institutions sont confrontées parce qu’elles dépendent trop de leur ministère de tutelle ou de leur autorité hiérarchique.
130. Il faut aussi souligner le fait que les autorités étatiques aient choisi de ne pas donner les coudées franches à ces institutions. L’UCREF a été récemment dénaturée par le président décédé Jovenel MOÏSE, avec la complicité de la 50ème Législature. L’ULCC a toujours été placée sous la coupe réglée des hommes au pouvoir. Et, de leur côté, le BAFE et la CNMP ont tout simplement été muselés et cantonnés dans des rôles secondaires alors qu’ils auraient dû être parmi les premières institutions vers lesquelles se tourner, le BAFE pour les enquêtes judiciaires en lien avec des actes de corruption, la CNMP, pour un contrôle à priori et/ou à posteriori des procédures de passation de marchés publics.
131. Toutefois, le RNDDH reconnait que le plus grand blocage réside dans le fait que l’appareil judiciaire haïtien, lui-même très corrompu, n’a aucune volonté de réaliser des procès exemplaires en vue de condamner des personnes indexées dans des actes de corruption. Un zoom sur les différents scandales ayant éclaboussé différentes entités de l’Etat au cours des vingt (20) dernières années le prouve amplement : Deux (2) dossiers seulement ont abouti à un
arrêt de débet de la CSC/CA et un (1) parmi ces deux (2) dossiers, à une condamnation par le
Tribunal criminel.
132. Les quatre (4) institutions qui offrent un service direct à la population, touchées dans le cadre de ce rapport, savoir, la DGI, l’OAVCT, l’ONA et la Direction de l’Immigration et de l’Emigration, fonctionnent dans des conditions inacceptables : les services sont lents, les racketteurs organisent l’accueil des usagers, des employés-es dénoncent l’opacité dans la gestion de ces boites par les responsables et les contribuables reprochent à ces institutions de fonctionner de manière telle à favoriser ou tolérer la corruption.
133. Pour ces institutions aussi, les défis sont nombreux. Et, leur résolution passe inévitablement par l’éradication du phénomène de racketteur, la déconcentration effective des directions et services, une réorganisation de l’accueil des citoyens-nes et une stratégie de communication permettant à tous et à toutes d’avoir accès aux informations relatives tant aux tarifs des services qu’au temps nécessaire pour le traitement des dossiers.
134. Fort de ce qui précède, le RNDDH recommande aux autorités concernées de :
• Rendre disponibles et accessibles les services publics pour tous les citoyens-nes ;
• Afficher les prix des services dans toutes les institutions concernées ;
• Mettre en place un service d’accueil au sein de toutes les institutions étatiques ;
• Prendre des mesures drastiques pour éradiquer la corruption dans les institutions étatiques ;
• Punir les personnes impliquées dans des actes de corruption ;
• Fournir des moyens aux employés-es pour accomplir leurs tâches. Le RNDDH recommande aussi aux citoyens-nes de :
• Refuser de participer aux actes de corruption ;
• Dénoncer les cas de corruption au sein des institutions de services ;
• Exiger de l’Etat la disponibilité des services sans être obligés de passer par des racketteurs.
Réseau National de Défense des Droits Humains
(RNDDH)
Illustrations : Mac Henson THOMAS