Assassinat ou « Suicide programmé » de l’ex-président Jovenel Moïse

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ASSASSINAT OU « SUICIDE PROGRAMMÉ » DE L’EX-PRÉSIDENT JOVENEL MOÏSE

(Par Edgard Gousse)

Dimanche 18 juillet 2021 ((rezonodwes.com))– Nous sommes incertains et imparfaits depuis toujours. Pis encore, un peuple libre, mais à la dérive. Nous cherchons sans arrêt une voie, celle qui nous conviendrait le mieux, mais nous avons de la peine à la trouver. Ceux qui nous gouvernent ou qui nous ont gouvernés y sont certainement pour beaucoup. Tous ou presque tous se lancent naturellement tête baissée dans le marécage politique, croyant dans la plupart des cas pouvoir y trouver la clé qui leur donnerait accès aux coffres de l’État. Un État, curieusement, se promenant à demi nu, le torse épilé et qui n’avait même pas l’air de porter un caleçon sous son pantalon. Et pour y arriver, bien évidemment, tous ou presque tous se montraient prêts à tout…

Néanmoins, un malheur sur lequel il conviendrait d’abord de s’apitoyer, puis de mettre en pièces détachées ―pour chercher à en connaître davantage les tenants et les aboutissants― vient de frapper à nos portes! Pour dire mieux, un nouveau coup du destin, une nouvelle ombre au tableau, car les autres vies doivent également avoir leur poids dans la balance. Ma foi, oui. À dire vrai, dans le cas qui nous préoccupe, il fallait s’y attendre. Un dommage de plus, imputable lui aussi à l’inaction coupable et prolongée de l’État d’Haïti! L’État, avions-nous finalement compris, avait fait semblant de cesser d’exister. Les pouvoirs établis cédaient en effet aux demandes les plus déraisonnables. Les mots et la morale s’usaient et ne servaient plus à rien. Il n’y avait par ailleurs aucune garantie qui permettait de croire en des lendemains meilleurs. Pour permettre au pays d’échapper au désespoir, il fallait bien que des voix acceptent de se taire. Oui, mais lesquelles?

Ça alors! Admettons un instant que le président Jovenel Moïse ait immolé sa vie pour une cause qu’il croyait juste… Oh là là! Un fils qui s’immolerait sous les yeux de sa Patrie et pour le bien-être de cette dernière, cela vaudrait assurément la peine d’être pris en considération! Néanmoins, peu importe l’hypothèse avancée ou retenue, cette mort s’avère amplement suffisante pour que nous décidions finalement de passer de la parole aux actes: apprendre à échapper à la mesquinerie et à la médiocrité, apprendre à grandir socialement et intellectuellement, non pour satisfaire nos propres désirs, mais de préférence pour montrer à la face du monde que nous sommes un peuple véritablement capable de se prendre en main. Oh! oui, il nous convient dès lors de bâtir ensemble la Paix puis de prendre, ensemble encore une fois, la décision de ne plus charrier l’hypocrisie et la malhonnêteté que constituent les eaux usées et pestilentielles de la communauté internationale. Ainsi seulement, le sang du président Jovenel Moïse, celui de la marchande de charbon dont on oublie déjà si elle s’appelait Ti-Sina ou Gwo-Manman, celui du policier syndicalisé Guerby Geffrard, celui de Janbéklou, Zokoubanm, Kakadyab, Zago-Loray, Dyésibon, Jézilomme, Lifèt, Titwa, Asélomme, Sélavi, Aséfi et Tikoko, celui bien entendu de l’écolière Évelyne Sincère, du docteur Ernst Paddy, de la journaliste et militante politique Antoinette Duclair, celui certainement des journalistes Diego Charles, Vladjimir Legagneur, Néhémie Joseph, Jacquelin François, Bernard Belle-Fleur et Rospide Pétion, celui également de nombreux autres citoyens du pays, incluant ceux autrefois proches du pouvoir durant ces dix dernières années, dont Evinx Daniel ―l’homme d’affaires du Sud qui aurait été enterré vivant à Mare Rouge, dans le département de l’Artibonite― et Klaus Eberwein, ex-directeur général du Fonds d’Assistance économique et social (FAES), ô malheur! ô rage! ô désespoir! ce sang du père Joseph Simoly, de l’étudiant Grégory Saint-Hilaire et du bâtonnier de l’Ordre des avocats, Monferrier Dorval, ce sang de tous, de nous tous, aurions-nous aimé dire, tout ce sang-là, bien évidemment, n’aura pas coulé en vain. Ma foi non.

D’aucuns rétorqueront sèchement qu’ils ont beau chercher les causes des véritables problèmes, mais ne les ont pas trouvées… Voyons voir, mais surtout pas comme le disait l’aveugle à sa femme qui ne savait lire que sur ses lèvres, parce que frappée de surdité! Pourquoi dans ce cas ne pas commencer par éradiquer la misère qui ronge les entrailles du peuple, pour que la paix se précipite ainsi dans les cœurs et parvienne à étouffer à son tour la haine qui y avait pris place depuis toujours? Car la paix, une fois rétablie, l’amour, l’espérance et la charité se présenteront au pas, au trot et au galop. Les riches mangeront sans doute dans les plats des pauvres, alors que les pauvres seront invités dans les lits des riches. Le président, le Premier ministre et les ministres ne seront rien d’autre que des serviteurs zélés de la patrie. Ah! nous vous en assurons toutes les garanties souhaitables, la «chose politique» cesserait d’être ce marécage puant qu’elle avait été depuis toujours, et encore plus depuis ces dix dernières années. Par devoir, à n’en pas douter, certains y mettraient le pied, puisqu’on les aurait désignés pour y jouer un rôle quelconque. Cela va sans dire, toutes ces hiérarchies d’aujourd’hui auraient été préalablement bousculées, car un sentiment d’égalité ou de bien-être à partager habiterait dans le cœur des hommes. Dans le cœur des femmes et des jeunes du pays. Ce pays qu’est le nôtre, personne n’aurait eu envie, en vérité, de le quitter. La démocratie non plus ne serait pas menacée, ni la violence présente. Les garanties juridiques, tout comme les garanties politiques seraient au rendez-vous à tout instant. Mais hélas!

Existe-t-il toutefois un plus grand malheur pour un pays qui tarde à sortir de la misère la plus abjecte que le désespoir de quelques-uns de ses fils qui aspiraient à le diriger, mais qui confondent aujourd’hui encore opportunisme et désintéressement ou qui préfèrent apprendre à vivre à genoux, au lieu de se battre pour finalement protéger les vies et le patrimoine, en construisant des murailles d’acier et de ciment? Malgré les excuses et les prétextes que ces derniers pourraient bien nous fournir, leur geste porterait désormais un nom: trahison masquée! Dire à la vérité, avec ou sans eux, qu’aucun soleil nouveau ne viendrait de sitôt poindre à l’horizon, parce que nous n’avons tout bonnement pas appris à franchir la toute première étape vers une conscientisation sociale! Bâtissons finalement nos propres richesses, pour échapper une fois pour toutes au fouet du commandeur, pour que l’Oncle Sam, les fils de Rochambeau et d’autres pieuvres monstrueuses et tentaculaires ne viennent plus jamais nous dire quoi faire à chaque instant ou durant nos brefs moments de répit, au lieu de nous laisser agir au meilleur de notre jugement, dans l’intérêt de notre propre peuple et non du leur.

De fait, certains comportements échappent parfois au symbole. Toutefois à des étapes précises de l’Histoire, ils sont appelés à se renouveler. Car si les nuits sont obscures ou impénétrables et les journées lumineuses ou ensoleillées, si les vérités et les contre-vérités se tiennent côte à côte, toujours prêtes à empiéter les unes sur les autres, elles ne se fusionnent jamais ni ne se supportent non plus. De même, celui qui est victime du mensonge de ceux qui lui doivent pourtant la vérité subit la violence dans sa chair, mais gagne tout au moins en dignité. Des larmes de sang sur Haïti, certes! Mais pour combien de temps encore? Le temps sans doute de mettre fin aux monopoles qui abusent sans vergogne et impunément de leurs positions dominantes? Ouf! le seul fait d’y penser semble déjà nous consoler…

En réalité, des forces que nous méprisons ou dont nous ne tenons naïvement pas compte nous font parfois agir avec célérité, éveillent à un moment donné notre curiosité et finissent par nous bousculer. Puis voilà! Nous ne sommes plus les maîtres, nous en devenons les esclaves. Ce que nous ignorons la plupart du temps, c’est le fait que les influences qui pèsent sur nous sont souvent appelées à nous surprendre désagréablement. Nos goûts démesurés pour les brutales colères n’ont finalement rien d’une création artificielle, ni non plus ne peuvent demeurer indéfiniment, car les bourreaux et leurs accompagnateurs, tous ceux qui se vantent de leurs exploits d’aujourd’hui, de leurs monstruosités sans bornes de demain, sont appelés coûte que coûte à faire face, un jour ou l’autre, au tribunal de l’Histoire.

Nous sommes conscients, cela va sans dire, qu’il existe des plaies qui ne se cicatrisent jamais complètement. L’hypocrisie, le mensonge et la mort en sont sans doute les plus inguérissables ou les plus aggravantes. Dieu seul sait, malgré tout, si la mort cause véritablement autant de douleur que l’hypocrisie ou le mensonge, voire davantage! Mais une perte de vie, cela ne s’oublie pas. C’est certainement le seuil que personne ne cherche à atteindre. Ni vous ni moi! Et l’on se fait d’habitude pour cela un devoir de la déplorer… Adieu, dans ce cas, Monsieur le Président! Nous regrettons sincèrement votre mort. Autant dire, nous reprochons d’un côté la sanguinaire intolérance érigée en dogme, du début à la fin de votre période de gestion du pays, et de l’autre la cruauté extravagante et monstrueuse à laquelle on a eu recours pour trancher le fil de votre existence. Soit! Nous vous avons pourtant prévenu, Monsieur le Président, et cela, à plus d’une reprise. Il suffit en effet à n’importe qui de lire les encadrés qui suivent pour s’en rendre compte…

Malheureusement, la violence était devenue la norme, et le cycle appelé assurément à se perpétuer, puisqu’aucun châtiment exemplaire n’avait été infligé, pour briser l’élan des assassins de tous bords, des violeurs et des meurtriers qui hypothèquent lourdement, depuis ces dernières années, l’avenir des générations futures du pays.

Adieu, une fois de plus, Monsieur le Président! Pour ce qui me concerne, bien entendu. La question, toutefois, est de savoir en tout premier lieu si le peuple haïtien tout entier souhaite effectivement vous voir partir en paix [«RIP»], comme le font nombre d’hypocrites, de faux jetons et de tartuffes de votre entourage, ou même certains de vos plus farouches adversaires, quand il paraît de plus en plus évident que vous ne goûterez pour rien au monde à cette paix… La question est de savoir en second lieu si les couches de population de l’économie monétaire ―celles de population aisées ou les plus actives économiquement― souhaitent à leur tour vous voir partir en paix [«RIP»]… La question est de savoir en tout dernier lieu si les couches de population les plus vulnérables, économiquement défavorisées et sans espérance souhaiteraient pour leur part vous voir partir en paix [«RIP»]… La réponse est certainement NON. Vous le saviez bien avant nous, nous le savons tous, incluant celles et ceux qui en disent le contraire, rien que pour se faire mousser, pour dégager ou amplifier de faux-semblants… Le fait demeure, en dehors de toutes ces considérations, que la violence aura conduit à la violence. La situation est telle que vous êtes l’un de ceux à avoir récolté les fruits de la semence…

Revenons un instant en arrière, Monsieur le Président, pour une meilleure interprétation de la préoccupante situation, celle précisément qui aura conduit à votre mort… Durant votre mandat, en effet, toutes les institutions publiques ont été fragilisées. Les espoirs qu’une tranche de la population avait mis en vous, après lui avoir promis l’accès sans équivoque à une vie meilleure, ont été soudainement anéantis. Le détournement des fonds Petro Caribe qui auraient dû servir à renforcer les infrastructures du pays et à améliorer le sort des plus démunis, les dérives destructrices et inquiétantes de votre gouvernance ont encore plus terni votre réputation et souillé à jamais les traces de vos pas. Il vous sera pour cela impossible, à notre humble avis, de vous reposer en paix, Monsieur le Président. Cette paix [«RIP»] que plusieurs vous souhaitent, vous savez aussi bien que nous tous que vous ne l’aurez jamais, rien qu’à entendre les autres dire que le coup vous aura été porté par quelques-uns de vos proches. De ceux que vous aviez embauchés pour «diriger» ou se charger de la sale besogne et qui auraient finalement tourner casaque, au point de vous enlever vos propres droits. De ceux-là plus précisément qui suivaient à la lettre votre regard… Oh là là! Comment en est-on arrivé là?

Au début, pourtant, il faut bien se le rappeler, se tenait devant nous un homme face à sa propre peur. Puis, tout d’un coup, il s’est mis en tête de devenir un autre. Et il a jugé nécessaire d’exprimer des pensées que l’on croirait tout à fait inaccessibles. Du genre: «Je tiens à informer toutes celles et tous ceux que la question intéresse que leurs mauvais coups ne sont pas susceptibles de m’atteindre. Ils ne seront jamais en mesure de m’assassiner. Ils ne pourront pas non plus m’envoyer en prison. Ils ne pourront pas me faire partir pour l’exil. Je suis un os de poisson et je leur colle à la gorge.» [C’est nous qui traduisons approximativement sa version créole.] Un discours tout à fait anodin, à première vue. Douze secondes bien comptées, mais qui n’auront servi à la vérité qu’à offrir des pistes à explorer, à ceux qui en cherchaient peut-être ailleurs. Et l’on se fut dès lors mis à y penser!

Tout compte fait, franchissons ensemble le mur, pour voir comment on en est arrivé là… Le président Jovenel Moïse avait fait des promesses qu’il ne serait certainement jamais en mesure de concrétiser. Jamais, au grand jamais! Des promesses intenables ou fallacieuses, démagogiques ou populistes, cela existe en effet et font même partie du jeu malsain de la politique. Mais le fait demeure que son approche était on ne peut plus maladroite. Il aurait eu l’air moins abracadabrant, en effet, s’il avait offert aux populations malfamées des bidonvilles assiégeant bien régulièrement le «grand Port-au-Prince» —ce qui inclurait tout naturellement ceux de Cité Soleil, de Carrefour, de Tabarre, de Delmas et de Pétion-Ville, pour un total de 357 quartiers précaires, en dehors bien entendu des nombreux autres répartis un peu partout à l’échelle de la république— de mettre dans leur assiette, matin, midi et soir, respectivement, un kilo de jambon, un kilo de bœuf et un sandwich garni de charcuterie, que lorsqu’il laissait croire à celles et à ceux qui pouvaient distinguer le vrai du faux qu’ils auraient un téléphérique à leur disposition, en dehors du courant électrique 24h/24, pour toute visite impromptue à la Citadelle Christophe, toutes les fois que le cœur leur en disait. Hélas! oui, les plus naïfs y croyaient dur comme fer, mais avaient fini par désenchanter. Évidemment, comme il fallait s’y attendre, la faute était bien vite attribuée aux récalcitrants, celles et ceux que l’on accusait à tort et à travers de toujours mettre les bâtons dans les roues de l’ensemble des «projets du président», pour les empêcher de se concrétiser.

Pour tout cela, en effet, on lui a demandé de payer le prix. Mais on y est allé vraiment trop loin. Trop fort, surtout! Il était certainement loin de mériter une mort aussi atroce. Ou même qui ne fût pas naturelle. Ah mais! Si par hasard le coup lui avait été directement asséné par ceux des quartiers populaires qu’il avait d’une manière ou d’une autre embrigadés, tel que dit ou démontré antérieurement, on l’aurait mieux compris ou accepté, sans pour autant justifier un quelconque recours à la violence. Chose certaine, cette mutation de la vie à la mort aurait dû porter chacun de nous à s’ouvrir préférablement au mystère de l’inconnu et à partager avec d’autres qui en ont moins ou pas du tout le pain, le savoir, les plaisirs et non les souffrances. Car seule la faim serrant les cœurs est capable véritablement de conduire à une pareille violence.

Le drame, malheureusement dans le pays, vient surtout du fait que les intérêts personnels n’ont jamais été en situation de s’incliner devant ceux de la nation. L’intérêt des affaires publiques a souvent été soit légué aux oubliettes, soit placé sur le banc arrière. Ce que nous voyons se produire de nos jours n’est en réalité qu’une forme déguisée de ce que nous avons connu dans le temps. Ah! des groupes semblent par ailleurs remettre de l’avant une «idéologie raciste» que d’autres se croient contraints de condamner, moyennant une propagande haineuse. Qu’il n’en soit pas forcément ainsi! Bien sûr, des arguments complètement irrationnels sont étayés de part et d’autre pour justifier des propos désobligeants et parfois orduriers, propres à scandaliser les bien-pensants. Le seul facteur égalitaire dans le pays, celui susceptible de mettre l’individu face à son impuissance, c’est malheureusement, à tous coups: LA MORT. Pis encore, la mort affecte mais délivre. Libère des crimes commis. Écarte la haine et la rancune des autres, incluant celles des ennemis d’hier. Autant dire, l’exécution sommaire ou la mort physique, en lieu et place de la mort civile du violeur pervers, du criminel notoire, du dirigeant sans scrupules ou du dangereux hors-la-loi lui est, dans certaines circonstances, beaucoup plus profitable qu’à la société. Hélas, ce n’est que trop vrai!

Ironiquement ―nous jugeons bon d’insister sur le mot―, nous feignons tous de détester la mort, mais nous fabriquons régulièrement en nous-mêmes les outils susceptibles de la provoquer, parfois même de la précipiter. Pour réaliser des objectifs politiques, nous sommes le plus souvent prêts à tout. La raison cède bien vite la place à l’agitation, au point que nous traversons le temps sans même nous demander si les moyens que nous avons mis en branle ne prendront pas un jour le pas sur la fin.

Certes, la violence peut changer une situation, tout comme le mensonge d’ailleurs, mais pas pour longtemps. Pour atteindre des objectifs à long terme, il importerait de se défaire provisoirement des moyens de déconstruction de notre propre État, malencontreusement laissé à la merci de tout un chacun. Sans chercher pour autant à flirter avec un idéalisme qui nous éloigne bien au contraire de notre réalité de peuple, nous avons chacun pour devoir de présenter des objections basées sur des scrupules de conscience, de manière à faire entendre notre voix. Pour cela, en effet, il importe tout également que les institutions étatiques chargées du maintien de l’ordre dans la république puissent jouer leur rôle ou consentent à faire respecter les lois, au lieu de se déclarer impuissantes à réprimer les crimes dans la société. Or il semblerait que ni la volonté politique de résoudre maints problèmes majeurs et récurrents de la quotidienneté, ni les moyens techniques, ni les prescriptions légales, ni les remèdes humains n’étaient l’apanage des dirigeants du moment.

Évidemment, la question suivante ne se pose même pas, mais nous y allons malgré tout : comment construire une société moderne, organisée ou démocratique quand la morale individuelle est tout à fait inexistante, quand les dangers et les périls avoisinent quotidiennement nos rues, envahissent notre lieu de travail ou pénètrent dans notre chambre à coucher? Plus on y pense, à la vérité, plus on a l’impression que la raison elle-même est utilisée comme piège et nous empêche d’élaborer une quelconque stratégie pour échapper au guet-apens. Plus encore, le véritable problème, ce ne sont pas prioritairement les bandits ni les violeurs qui courent régulièrement les rues, bien qu’il n’existe aucun «Pater Noster», nul «Ave Maria», aucun psaume de la Bible, susceptible de les détourner de notre chemin, comme on le ferait manifestement face à Lucifer, si ce dernier était revenu et avait élu domicile dans le pays. Mais qui sait, malgré tout? Le problème encore plus sérieux et plus pressant à résoudre, le vrai cette fois, dans une certaine mesure, en dehors de celui des bandits et des violeurs, c’est préférablement notre propre société qui nous empêche de vivre en tant qu’êtres humains, au point de nous porter à ne plus savoir quelle ficelle tirer pour atteindre le surlendemain les buts que l’on s’était fixés la veille. Ouvrez un peu les yeux et vous verrez et vous comprendrez…

Nous vivons dans une société de prédateurs dangereux et redoutables, de requins voraces et agressifs, de vautours affamés, de mangoustes et de malfinis, politiciens et hommes d’affaires pour la plupart, mangeurs de lombrics, de rats cadavériques et de charognes, pour qui la poursuite d’objectifs particulièrement humains se révèle une abstraction inutile. «À quoi cela nous servirait-il?» semblaient-ils se dire. N’est pas sot qui le veut, à la vérité. Les sots censés ne pas l’être le sont parfois doublement. À titre d’exemple, les dirigeants et les hommes d’affaires du pays oublient le plus souvent que la distorsion entre les besoins de consommation et les ressources du citoyen engendrent des frustrations qui cherchent à aller au-delà d’une simple comédie. Et ils sont tout naturellement les premiers à en payer le prix. Or les mille et un prétendants au «trône suprême», appelés à trouver une solution au problème, refusent malgré tout d’échanger une poignée de main chaleureuse et franche, pour déployer les meilleures ressources disponibles et concrétiser une vision d’avenir propre à soutenir d’abord l’équité sociale, puis à en favoriser une meilleure, chemin faisant. Ô malédiction! ChairOpposition!

Douze cents ans avant notre ère, en effet, Égyptiens et Hittites, après des conflits ayant duré de très nombreuses années ―une reine égyptienne du nom de Ânkhésenamon, veuve de Toutânkhamon, avait demandé au roi hittite de lui offrir son fils comme mari, de manière que cette alliance scellée entre leurs deux peuples mette fin une fois pour toutes à leurs multiples conflits. Le roi consent, mais le fils est assassiné en cours de route. Dessein tyrannique, certes! Mais leurs deux peuples allaient finalement conclure des traités de paix et d’arbitrage qui allaient les unir à tout jamais. Or voilà que notre société tâtonne, à la fois des pieds et des mains. A-t-on vraiment tort de rêver à une unité des forces vives de la nation, de manière à ne plus vivre dans un pareil climat d’agression permanente? Oui ou non? Et pourquoi tout ce qui est fiction ailleurs doit se convertir chez nous en réalités cruelles et incontournables, multiformes et insaisissables?

Ce que nous aurions dû comprendre à demi-mot, mais que nous ne comprenons absolument pas, c’est que nous cheminons parfois, l’arme psychologique dans la main, le canon posé sur notre propre tempe, le doigt légèrement appuyé bien plus sur la détente. Un simple moment d’égarement, et nous voilà devenus, le temps de le dire, nos propres agresseurs. Eh bien! non, on n’y avait pas pensé. On n’y pense tout simplement pas. On présume toujours qu’on sera capable de maîtriser la situation, loin de se suspecter soi-même. Ironique et pourtant vrai à chaque fois! Pis encore, nous ne nous gênons pas de frapper les autres, nous n’éprouvons aucune honte à commettre une injustice, mais nous craignons d’être frappés et nous nous opposons à ce qu’on se montre injuste à notre endroit. Or un minimum de lucidité nous aurait certainement aidés à éviter le pire. Mais nous refusons presque toujours de nous regarder dans le miroir, sachant sans doute à l’avance que le monstre que l’on y verra nous inspirera de la peur.

Ainsi donc, pour échapper au marécage puant, il importerait de ne point se comporter comme des usurpateurs de la puissance politique. De ne point obliger non plus celles et ceux qui prétendaient vivre paisiblement dans leur demeure à épouser ou à suivre vos regards infâmes et souvent diaboliques. Autant dire, il conviendrait au départ de maîtriser l’art d’entrer dans le marécage sans même se salir, pour s’en sortir le moment venu, sans provoquer soi-même ni avalanche ni éclaboussure. Dans le cas contraire, on finit par s’y retrouver jusqu’au cou, avec le risque avéré d’y laisser à regret sa peau. Malheureusement, nos hommes politiques commettent presque toujours l’erreur de courir après l’illusion qu’on les aime bien et qu’ils sont les meilleurs, ou finissent par croire, dans bien des cas, à l’éternité de leur vie sur terre.

Cela dit, pendant qu’il est encore temps d’apprendre à apprendre, sachez tout au moins que celles et ceux qui se sont opposés à ceux qui dirigeaient doivent décidément apprendre, une fois pour toutes, à se donner la main. Qu’ils sachent également qu’il est absolument honteux pour les dirigeants d’un pays de s’avouer impuissants à opposer une résistance décente à la crue de la violence, au point de fermer le cercle, une fois l’agression subie. Ah! ça non! S’ils ne brisent pas le cercle une fois pour toutes, l’agression finira par devenir une mode et nous nous retrouverons tous dans des zones rouges… La société civile indépendante et l’opposition politique —dure ou molle, salée ou sucrée— ont donc pour devoir de proposer des points de vue alternatifs clairs et non surannés, susceptibles de sortir le pays de cette impasse. Mais faudra-t-il qu’ils apprennent une fois de plus ―nous insistons sur l’urgence d’agir― à se donner la main!

Nous exhortons par conséquent les futurs dirigeants du pays à en prendre conscience. Et nous leur parlons comme si demain était déjà aujourd’hui. Celles et ceux qui vous seront hostiles, ne soyez pas leurs bourreaux pour autant. Dites-vous, avant toute chose, qu’ils souhaitaient sans doute savoir où vous voulez les emmener. Faites donc l’impossible, pour briser le cercle et arracher la peur fantasmatique de leur imaginaire. Invitez-les, au reste, à être de la famille, et ils ne se mettront point à deviner la route que vous emprunterez. Ne vous inquiétez plus pour personne par la suite, ni même pour vous. Les résultats suivront et votre vie ne sera pas en danger, en pareil cas. Les ennemis d’hier viendront bien au contraire manger à votre table. Et ainsi naîtra et vivra le Nouvel État! Que vive alors le Nouvel État!

(Edgard Gousse, Montréal)

NOTICE BIOGRAPHIQUE D’EDGARD GOUSSE (juillet 2021)

Ancien professeur des universités, linguiste et didacticien, journaliste de formation, romancier, essayiste, critique littéraire, poète, conférencier, artiste peintre et traducteur littéraire, Edgard Gousse a beaucoup voyagé et a publié ses livres à Montréal, à Paris, à La Havane et à Santiago de Cuba. Son plus prochain ouvrage (à paraître en 2022, aux Éditions du CIDIHCA) est le fruit de ses nombreuxvoyages effectués à Cuba. De là donc, les « 864 jours (passés) dans la vie de Fidel Castro Ruz ». À quatre-vingt-deux (82) reprises, en effet, il s’est rendu dans l’île, il a rencontré témoins et acteurs, il a vu et compris. Loin de s’endormir volontiers dans le rêve, il a tout bonnement choisi de consacrer une imposante et bouleversante biographie au plus grand homme politique du vingtième siècle, rien qu’en dressant un bilan de sa vision du monde, ses actions et sa gouvernance. Somme toute, un simple ouvrage, en deux modestes volumes, dépassant toutefois les MILLE SIX CENTS (1600) pages. Vous y trouverez bien évidemment tout ce que les médias ne vous auraient jamais dit… plus d’un millier de vérités cachées ou ignorées. Indomptable Fidel!

LIENS DES ARTICLES PRÉCÉDENTS PUBLIÉS PAR EDGARD GOUSSE :

Le mensonge politique et le cas d’Haïti: une force de violence de loin plus inquiétante que la terreur exercée dans les rues

L’État d’Haïti est mort… Des bandits programmés l’ont ignoblement assassiné

La folie furieuse du président: est-on obligé, oui ou non, de la vénérer?

Bandit légal ou non? Pour une meilleure interprétation de l’institutionnalisation du crime dans le pays

De grâce, Monsieur le Président, faites grincer votre chaise et partez!

Les années sombres d’un ancien président… À qui la faute?

3 COMMENTS

  1. V O I C I U N A R T I C L E À L I R E E T À R E L I R E…

    Une fois de plus, le Professeur Edgard Gousse nous livre une profonde réflexion et une analyse percutante sur la crise multidimensionnelle d’Haïti. L’assassinat du Président Jovenel Moïse est scruté sous divers angles. Dans cet article de 24 paragraphes, dépassant largement les CINQ MILLE (5000) mots, l’auteur cite des extraits de trois textes différents, au contenu prémonitoire, à travers lesquels il s’était adressé au défunt président. Il prodigue aussi mille et un conseils à l’opposition politique dont l’unité d’action et les gestes patriotiques se font encore attendre. Cet article vise les jeunes sur lesquels reposent l’avenir et le développement du pays; ils se doivent donc d’éviter les faux pas et les lourdes erreurs des élites actuelles et passées. Professeur Gousse pense aux gens des médias qui, en tant que directeurs d’opinion, partagent avec fortement les politiques et les intellectuels des responsabilités de formation citoyenne et de modelage démocratique en faveur de la population. Je vous recommande la lecture de cet article et je vous encourage bien plus à le partager dans vos réseaux. (Vitran TESS)

  2. V O I C I U N A R T I C L E À L I R E E T À R E L I R E…

    Une fois de plus, le Professeur Edgard Gousse nous livre une profonde réflexion et une analyse percutante sur la crise multidimensionnelle d’Haïti. L’assassinat du Président Jovenel Moïse est scruté sous divers angles. Dans cet article de 24 paragraphes, dépassant largement les CINQ MILLE (5000) mots, l’auteur cite des extraits de trois textes différents, au contenu prémonitoire, à travers lesquels il s’était adressé au défunt président. Il prodigue aussi mille et un conseils à l’opposition politique dont l’unité d’action et les gestes patriotiques se font encore attendre. Cet article vise les jeunes sur lesquels reposent l’avenir et le développement du pays; ils se doivent donc d’éviter les faux pas et les lourdes erreurs des élites actuelles et passées. Professeur Gousse pense aux gens des médias qui, en tant que directeurs d’opinion, partagent avec la classe politique et les intellectuels des responsabilités de formation citoyenne et de modelage démocratique en faveur de la population. Je vous recommande la lecture de cet article et je vous encourage bien plus à le partager dans vos réseaux. (Vitran TESS)

  3. Suicide programmé parce que vouloir devenir chef en Haïti pour changer ce qui est devenu inchangeable avec le temps, combattre la corruption et vouloir améliorer l’existence du plus grand nombre, c’est planifier la perte de sa vie. Comment vouloir réussir là où l’échec est devenu inévitable ? Les intérêts lésés, menacés et perdus en Haïti sont des mangeurs d’hommes. Notre Palais National est le tombeau de beaux rêves détruits. Jovenel a eu le malheur de faire un mauvais rêve et l’articuler à sa façon : de façon intempestive. À la vérité, Jovenel n’était qu’une colombe aguerrie, qui avait voulu porter le rameau d’olivier un peu trop haut et trop loin, suivie par à peu près par deux millions de brebis agitées sans boussole décisive.

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