Des milliers de familles menacées de disette dans le Grand Sud

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par Claudy Briend Auguste

« Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font », dirait le Christ, s’il devait encore revenir mourir sur la croix, un vendredi-saint pour nos incompréhensions, nos manques de jugement, le mépris de la personne humaine. Pardessus tout, notre mauvaise conception des affaires de l’État. Face à une disette d’idées nouvelles qui frappe nos dirigeants, il semblerait qu’ils ne savent vraiment pas comment allier le bonheur d’un peuple à la rigidité dans les dépenses publiques




Port-au-Prince, mercredi 29 mars 2017 ((rezonodwes.com)).-N’étant pas encore pleinement investi dans ses fonctions de Premier-ministre, lors des trois jours gras d’un carnaval qualifié par des gens de la société civile d’« infamie », qui s’est déroulé aux Cayes, en février dernier, récemment le dimanche 26 mars 2017, le Dr. Jack Guy Lafontant s’est associé à la première dame pour continuer la fête. Ils recherchaient les mondanités, soit exactement un mois après la prestation dégradante du groupe Sweet Micky, au cours des défilés carnavalesques. Des festivités qui ont coûté au trésor public plus de 4 millions $ alors que le pays est en état d’insolvabilité par rapport au Vénézuéla, depuis le dernier trimestre de l’année 2016. Néanmoins, une note de presse de la présidence a fait état d’ « un cocktail de prestige or anisé en l’honneur des stylistes et designers haïtiens ayant rehaussé l’éclat du Carnaval des Cayes, du 26 au 28 février écoulé».

Pardonnez-lui car si les conseillers du nouveau PM Lafontant, à ne pas confondre avec l’ancien tortionnaire ministre de l’Intérieur des Duvalier, Dr. Roger Lafontant, l’avaient tenu informé de la démarche, vendredi 24 mars dernier, d’une dizaine de parlementaires américains décidés d’étendre le programme du TPS aux Haïtiens en résidence irrégulière aux États-Unis, il y a fort à parier que le chef de la primature n’allait pas revenir sur une remise des primes aux gens de la mode, tout au moins, s’il est appelé à fonctionner à visière levée. Des primes, le Premier-ministre en aurait assez distribuées pour gagner des votes au Parlement, lors des nuits blanches passées à écouter des palabres pour finir par procéder à sa ratification, sous promesse de partager le gâteau démuni de la « cerise amère de Petro Caribe».

En effet, les parlementaires de la Floride, une dizaine au total, y compris le célèbre sénateur Marco Rubio, pour s’assurer d’ une plus large couverture du programme TPS (Temporay Protect ed Status), lors de son renouvellement, peu importe l’objectif inavouable et inavoué de leurs démarches, ont renforcé leur argument en faveur de leur démarche grâce aux découvertes récentes des conséquences néfastes de l’ouragan Matthew sur les populations du Sud d’Haïti, menacée d’une disette qui frappe à leurs portes. Le département de la Grande-Anse, en particulier, sera le plus touché avec le retour de « l’homme des cavernes ». Pour comble de malheur, ce département a encore une voix manquante au Parlement. Qui osera prendre la décision de combler ce vide et dire qu’ils se font tous passer pour des hommes d’ État. Que prévoit la Constitution dans le cas de remplacement d’un élu, après le constat d’une absence ou empêchement au-delà de de 90 jours ?

En continuant d’agiter vainement des sujets sur le Carnaval des Cayes, alors qu’en réalité c’était un gaspillage de nos maigres ressources, avec le ver toujours dans le fruit. L’État haïtien, dans sa grandiloquence, pourrait entraver sans le vouloir, jusqu’à empêcher des Haïtiens en situation irrégulière aux États-Unis de bénéficier d’un changement de statut, aussi temporaire qu’il soit, mais combien nécessaire pour une paix d’esprit quand ils vaquent à leurs occupations coutumières. Les congressistes américains n’étant pas imbus des dégâts causés par Matthew, et probablement au courant d’un carnaval organisé sur les ruines des villes et villages dévastés, sans aucune retombée économique en perspective, ont relevé que le Grand-Sud, avec une disette menaçante, a subi des pertes énormes évaluées à plus d’un milliard de dollars.

Les céréales, qui faisaient le bonheur de ces localités, jusqu’à se constituer, autrefois, en un des principaux greniers de Port-au-Prince, redeviendraient florissantes si quelques 600 millions $ ou plus sont injectés dans ce secteur. Si ces parlementaires floridiens sont venus avec tous ces faits, c’est pour démontrer la gravité d’une situation dans laquelle végètent au quotidien les sinistrés post- Matthew, et en même temps pour faire appel à l’humanisme du secrétaire américain au Homeland Security en vue d’une haute considération de la présence de nombreux immigrants illégaux haïtiens sur le territoire américain en leur octroyant une certaine « légalisation » temporaire renouvelable de leur statut.

Notre humilité devrait prouver nos vrais besoins, mais quand un gouvernement, en dépit des polémiques soulevées sur le carnaval des Cayes, vient encore, un mois plus tard, à décorer et à distribuer des primes, c’est purement un manque de responsabilité. Afficher une telle irresponsabilité — encore une autre — au moment où la sonnette d’alarme annonçant la disette est bel et bien tirée, est le comble de l’insouciance. C’est bien malheureux que ces politiciens n’en n’ont cure des leçons de la nature.




Un agronome contacté, qui s’est récemment rendu sur place, décrit l’ampleur de la chronique d’ une catastrophe annoncée. Alors que le Premier-ministre Lafontant et Martine Moïse, confortablement assis dans un haut lieu pour couronner des participants au Carnaval des Cayes, des images d’hommes croupis dans des grottes qu’on aurait aimées ne jamais voir, circulent sur les réseaux sociaux. L’agronome, dont nous nous gardons de citer le nom, presse le bouton rouge pour lancer un cri d’alarme. Le département de la Grande-Anse, écrit-il, est « l’un des départements géographiques du pays les plus affectés par l’ouragan Matthew », dont parlent les Congressmen américains pour justifier leur demande expresse de prolongation du TPS pour les Haïtiens.

Du grenier de la République, sur le plan de la production vivrière, révèle l’enquêteur professionnel, les paysans de la Grande-Anse deviennent des affamés de la République plus de cinq mois après le passage dévastateur du cyclone Matthew. Il est temps d’avoir des hommes et femmes responsables qui cessent de se livrer, aux frais de la République, à toutes sortes d’amusements et de plaisirs. Car, selon les études faites sur place, lisons-nous toujours dans le documentaire, «toutes les informations laissent comprendre que, dans presque toutes les sections communales, les gens meurent de faim. La malnutrition est le sort réservé aux enfants et aux vieillards. Les écoles ne peuvent plus garder leurs portes ouvertes à cause de l’incapacité physique des professeurs et des élèves ». Pourtant à Port-au-Prince, le PM, un novice dans l’administration publique, voudrait bien faire croire que tout va
bien en récompensant des designers qui ont déjà absorbé une bonne partie de l’enveloppe de 240 millions de gourdes allouées pour ce carnaval de «fatra », selon Mme Odette Roy Fombrun.

Nous pouvons toujours continuer à nous mentir nous-mêmes en maquillant la vérité, mais la nature, dans tous ses aspects, ne nous pardonne jamais notre mauvaise répartition des taches pour une meilleure gestion de notre vie en société. Finie la campagne électorale, la Grand’Anse est abandonnée à son sort. C’est un crime de laisser mourir des gens crevant de faim quand tandis qu’on crée des occasions pour faire la fête, surtout, quand le moment ne s’y prête pas. Davantage un acte criminel, quand, en leur nom, on assoie une base politique pour venir discuter les affaires partisanes. La liste récente des nouveaux directeurs-généraux en dit long.




Entre les gens en guenilles, dépouillés de tout par l’ouragan Matthew, et les citoyens bien vêtus par des designers pour aller débiter des idioties au carnaval des Cayes, nous laissant un souvenir amer, les primes de résilience auraient plus d’écho dans la société que la persistance dans l’ignorance des faits à vouloir défier la moralité. Nous vivons aujourd’hui une époque où les dirigeants passent le plus clair de leur temps à répéter que l’heure est à l’urgence et qu’ils n’ont pas une seconde à perdre. Mais le moment est venu de faire au pays l’économie de ces futilités pour mettre le cap sur la Grande-Anse où la population souffre de la famine.

cba

Chef de la Rédaction des réseaux de Rezo Nòdwès

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