Un référentiel structuré pour expliquer l’indigence

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PAR ERNO RENONCOURT

L’humanité évolue vers un effondrement cognitif appelé Indigence Humaine. ‘Hackée » par l’Intelligence Artificielle, l’intelligence humaine est le centre d’une perversion portant la faille devant asservir totalement l’humanité: la courbure de sa conscience vers les basses eaux culturelles. Comme d’habitude cela échappe à beaucoup, car se jouant sur le théâtre insignifiant du shithole haïtien.

Dimanche 18 avril 2021 ((rezonodwes.com))– Alors que je m’apprêtais à partager avec mes rares lecteurs et lectrices une note méthodologique sur l’axiomatique de l’indigence, je sus tombé sur un court texte disponible à travers ce lien sur le site du grand soir. La lecture de ce texte vient rappeler utilement combien l’exercice de la pensée critique est difficile et demande du courage  à ceux et celles résolus, malgré tous les dangers, à en faire montre dans un monde de plus en plus orienté vers la négation de la vérité par peur d’assumer les vérités qui dérangent.

Les gardiens de l’indigence

Ainsi, selon l’auteur de ce texte, que je soupçonne du reste d’être un fin provocateur soucieux de rétablir la vérité dans ses espaces de noblesse, Pierre Bourdieu avait essuyé, de la part des universitaires, des intellectuels et des médias français, des insultes et des invectives qui sonnent comme des trésors de la langue française. Pour cause, dans sa lucidité, Bourdieu avait acquis la conscience que les médias et les réseaux culturels dominants étaient les gardiens de l’asservissement culturel de l’humanité. Ce qu’il n’hésitait pas à dire ouvertement. Logiquement pour avoir osé dénoncer la crapulerie des intellectuels et des journalistes, agissant comme chiens de garde du néolibéralisme, Bourdieu avait été traité « d’aigri », «d’ignare », de « singe militant » par ce que la France avait de plus académique et de plus cultivé. Quelle immense ironie de voir ce sociologue s’installer aujourd’hui dans l’univers académique et culturel mondial comme «l’intellectuel français le plus cité dans le monde » ! Je vous laisse découvrir par vous même ce texte sur le site du Grand Soir.

Lire ce texte m’a confirmé dans le sentiment que de nombreuses vérités (scientifiques, politiques, historiques, etc…) n’ont jamais été reconnues au moment de leur énoncé. Presque toujours, selon ce que nous dit Schopenhauer, elles ont été d’abord platement ridiculisées, puis sauvagement combattues avant de devenir universellement évidentes. Une manière d’inviter les esprits lucides à toujours avoir un doute sur les idées qui sont médiatisées, béatifiées, popularisées au moment même de leur publication. Forcément, une telle lecture, contagieusement insoumise, n’a fait qu’amplifier mon désir de partager avec vous mon propre délire puisque, dans mon axiomatique de l’indigence, j’énonce cette pratique culturelle comme un certain postulat de l’enfumage invitant à tenir compte que la quête de la vérité doit toujours surmonter un étouffoir épistémologique.

En effet, la vérité étant rarement un produit de son époque, c’est toujours en triomphant sur la médiocrité dominante, comme une nécessité épistémologique, qu’elle doit se révéler en assumant le statut provisoire de déchéance que lui confère les puissants, les experts et les éditocrates de ce monde.

Le référentiel de l’indigence

Alors, souffrez que je vous apporte  la preuve que ce sont ces faits épars qui me permettent de postuler que l’indigence et l’intelligence peuvent être réunies dans un continuum spatio-temporel contraint par la culture sous l’effet de la technologie. Au vrai, les études sur l’ingénierie de la cognition, les théories sur la gouvernance cognitive (sous le prisme des ouvrages de Gérard Charreaux, Claudette Fortin, Robert Rousseau et Daniel Kahneman) et les bases épistémologiques de l’intelligence artificielle (à travers le regard des Laurent Alexandre, Ricardo Caferra et Olivier Boisard) permettent de modéliser un référentiel quadridimensionnel, borné et structuré par le Temps (cosmique), l’Espace (géographique), la Culture ( ? ) et l’Homme (anthropologie), pour expliquer l’évolution cognitive de l’humanité par la TECH-NO-LOGIE. Une évolution qui peut s’orienter vers deux pôles devenus désormais indissociables par l’intelligence artificielle transformée en processeur central du devenir humain :

  1. Le pôle de l’Ennoblissement Cognitif  borné par l’Intelligence Universelle ;
  2. Le pôle de l’Effondrement Cognitif borné par l’Indigence Universelle.

Dans ce modèle HI-TECH, l’Humaine Intelligence dérive vers une Humaine Indigence par une défaillance simulée dans la conscience humaine pour produire un vide capable de ramener l’homme toujours plus proche des lignes de basses eaux culturelles. Si la culture reste la variable manipulable permettant d’agir efficacement sur la conscience humaine, l’Intelligence Artificielle reste le processeur technologique qui uniformisera les espaces géographiques pour préparer l’avènement de cette Humaine Défaillance: d’un côté, l’Homme Augmenté; et de l’autre, l’Homme Amoindri. Ainsi prendra forme le rêve infini de croissance et de profit pour la gloire de l’Homo Deus régnant sur l’Homo Detritus.

Il est permis de voir dans tous les dérèglements politiques, toutes les défaillances sanitaires, tous les soubresauts climatiques, toutes les provocations militaires qui ont lieu sur la planète ne sont que des processus modulés de cette évolution cognitive que certains scientifiques appellent la Grande Simulation. L’univers tel que nous le voyons n’est qu’un  »algorithme d’apprentissage automatique ». Pour s’en convaincre, il suffit de lire l’ouvrage L’Homme Nu ou la dictature invisible du numérique de Marc Dugain et de Christophe Labbé pour prendre conscience que l’homme est en train d’être dépouillé du champ de ses expériences sensibles par évidement de sa conscience: l’Intelligence Artificielle ne fera que nous propulser vers un nouvel ordre international d’asservissement. Et comme l’homme noir a toujours été la principale victime des progrès de l’occident, je me suis approprié ces données empiriques pour les projeter sur mon écosystème défaillant afin de donner un sens à cet effondrement local qui fait d’Haïti un shithole dans la fiction occidentale.

Pour moi, ce qui se joue en Haïti n’est nullement anodin et peut être intégré dans la perspective de la Grande simulation comme une boucle d’expérimentation de l’Homme Amoindri, ou l’Homo Detritus par l’Indigence avec comme versant opposé l’Homme Augmenté , ou l‘Homo Deus, par l’Intelligence. C’est le moment de se rappeler de l’une des leçons du maitre Yoda :  »Toujours par deux ils vont. Ni plus, ni moins: le maître et son esclave ». C’est la grande loi de l’imposture : chaque fois que l’occident fait la promotion d’un concept, il s’arrange toujours pour créer deux versions : une à valeur ajoutée pour les Blancs et une autre à valeur diminuée pour l’Afrique et le reste. Ainsi, une élection avec 20% de participation électorale en Russie est une abomination qui mérite des sanctions; mais une parodie électorale avec 2% de participation sous le contrôle des gangs en Haïti est un succès démocratique qu’il faut célébrer.

Haïti, lieu d’expérimentation de l’indigence

Et le plus outrageant est qu’il a donné des diplômes, des distinctions et des subventions à des gens qui vont faire la promotion de cette indigence. N’avez vous pas vu comment la communauté universitaire  haïtienne, si prompte, dans ses institutions académiques, à célébrer les prix que ses membres reçoivent de l’Occident, a été indifférente et distante de la contestation de la légitimité du référendum sur la constitution dictatoriale et sur la prochaine parodie électorale en Haïti ? Pourtant ce débat a une dimension scientifique par ses aspects statistiques et méthodologiques en termes de disponibilité de listes électorales fiables. Un pays qui n’a pas connu de recensement depuis 2003 et qui, entre temps, a connu des bouleversements sismiques, cycloniques, démographiques et migratoires intenses, peut-il sérieusement procéder a des processus électoraux de qualité ? Où sont les génies qui travaillent à grands coups de subventions internationales sur l’intelligence artificielle dans les Tech Summit ? Peut-on travailler sur des projets technologiques à valeur ajoutée pour les prises de décision sans disposer de données sociodémographique structurées et fiables pour étudier la fécondité, la mortalité, les migrations géographiques, la mobilité sociale et la mobilité professionnelle ?

Tout ce qui existe comme données sociodémographiques en Haïti se base sur des approximations de la Banque Mondiale. L’écosystème informationnel haïtien dans tous les domaines ( santé, éducation, justice, sécurité publique, sécurité sociale) est un véritable foutoir qui permet toutes les aberrations. Et ce sont des gens avec des grades de docteurs, des diplômes prestigieux qui valident ces aberrations pour se maintenir  à leur poste de gestionnaire des fonds internationaux. Chaque fois qui consultant haïtien compétent essaie de poser ce problème, on lui reproche son manque de flexibilité en trouvent des profils plus souples. Voilà ce dont parle mon axiomatique de l’indigence. Nous avons mis à l’appui de notre modèle des données empiriques provenant des exemples de cas capables de décrire cette humaine défaillance par la spirale de l’indigence pour tous.

 Dans L’intuition de l’instant, Gaston Bachelard nous dit que « dans une évolution vraiment créatrice, il n’y a qu’une loi générale, c’est qu’un accident est à la racine de toute […] évolution ». Par accident, on peut lire, un détail, un fait anodin, un évènement en apparence banale, ou encore tout stimulus de l’environnement qui peut passer inaperçu au plus grand nombre. Pour cause, l’esprit humain, aimant le confort de ce qui rassure, s’adapte très vite à ce qu’il sait faire.  Dès lors, majoritairement, « La raison ne peut connaître que ce qu’elle a réussi à apprendre » (L’engagement rationaliste, G. Bachelard). Or, pour penser rationnellement, il faut  d’abord désapprendre. Car « Les révélations du réel sont toujours récurrentes », puisque par défaut, « le réel n’étant jamais  ‘‘ce qu’on pourrait croire’’ mais […] toujours ce qu’on aurait dû penser,  la pensée ne devient […] claire, qu’après coup, quand l’appareil des raisons a été mis au point » ( La Formation de l’esprit scientifique, G. Bachelard).

Ce qui suppose que par défaut la majorité d’entre nous pense avec un ‘‘appareil des raisons’’ inversé. C’est ce que Daniel Kahneman (prix Nobel d’économie 2002) appelle le système 1 de la pensée qui est lent, paresseux et qui aime la tranquillité. C’est justement ce dont l’indigence vise à rendre compte : dans certains écosystèmes, on a programmé l’esprit humain pour qu’il ne fonctionne que sur ce mode inversé. D’où l’invitation que je lance à penser à l’envers pour réhabiliter l’apprentissage en ces lieux. Ce qui autorise à contester la légitimité des succès acquis dans ces écosystèmes. C’est ce que nous dit toute l’œuvre anthro-pédagogique d’Helen Trocmé-Fabre : ‘‘celui qui est en échec (dans un écosystème indigent : ajouté par nous) a réussi à apprendre quelque chose de difficile : résister à l’aptitude de s’adapter’’ ( cité In Pour un enseignement stratégique, l’apport de la psychologie cognitive, Jacques Tardiff).

 L’intelligence adaptative devient donc l’obstacle épistémologique qu’il faut vaincre pour réhabiliter « l’appareil des raisons » et éviter à l’homme la dérive cognitive vers l’indigence. Voilà ce qui peut aider à comprendre pourquoi ce discours est si insaisissable pour une grande majorité dans les milieux culturels et éducatifs haitiens. Quant à la petite minorité qui en voit la pertinence, elle reste indifférente et distante ; car elle aussi est plombée par une autre faille culturelle présente dans les écosystèmes indigents. En effet, le lettré haïtien a un grand défaut : il est incapable de valoriser un effort autre que celui qui participe du processus ( soumission, déshumanisation, corruption) lui donnant le sentiment d’exister et d’être puissant. Dans son complexe indigent, le lettré haïtien croit que reconnaitre la valeur d’un autre, c’est se dévaloriser soi même. Pour lui, tout ce qu’il ne contrôle pas est sans valeur, tout ce qui conteste son monde de succès insignifiant est aigreur. Voilà pourquoi l’Haïtien en général ne valorise les gens qu’après leur mort. Mort, nul n’est plus un danger potentiel pour éclipser la valeur des autres. Qui n’a pas vu qu’après la Mort du professeur Leslie F. Manigat combien même ses détracteurs le citent à tue-tête comme la référence qui manque au pays ? Qui n’a pas vu qu’après la mort du dirigeant politique Turneb Delpé, tous les leaders politiques haïtiens faisaient la promotion de son idée phare d’une conférence nationale pour poser les problèmes du pays, alors mêmes qu’ils avaient farouchement combattu cette idée du vivant de son promoteur ? 

Commencez-vous par comprendre pourquoi la société haïtienne reproduit à tous les niveaux les codes de l’esclavage ? Majoritairement, dans cet écosystème déformé par 5 siècles de barbarie, les gens sont incapables de traiter tout autre n’appartenant pas à leur entre soi avec dignité, respect, empathie. Intégrer l’autre, comme sujet porteur de dignité et de valeur dans ses différences, reste un défi majeur pour la grande majorité des Haïtiens. Voilà pourquoi l’école haïtienne devrait, entre autres réformes, intégrer la psychologie comme discipline stratégique pour repenser l’homme haïtien.  C’est justement ce qui fait l’originalité de mon récit : il est supporté par une approche holistique combinant une variété de savoirs pour parvenir à une structure intelligible: des morceaux cohérents de vérités pris ça et là pour former une nouvelle façon de voir le monde. Quand Edgar Morin prône la reliance comme approche épistémologique pour saisir la complexité du monde, il ne fait rien d’autre que proposer une topologie conceptuelle pour approprier les déformations d’un espace discontinu (complexe) par intégration récurrente des segments d’espace infiniment plus petits : on apprend à segmenter pour mieux relier. C’est le détail qui révèle la vérité, c’est le motif qui décrit la structure, c’est l’accident qui explique l’évolution, c’est le battement d’aile du papillon qui explique la tempête. C’est la trame logique qui révèle la vérité de la structure des données.

 C’est exactement ce qui fait la valeur de l’intelligence artificielle :  trouver des trames logiques, à partir d’un Volume gigantesque de données structurées sur des thématiques Variées et traitées par des machines puissantes travaillant à des Vitesses de plus en plus grandes, pour permettre de :

  • « réagir avec discernement à des situations nouvelles ;
  • tirer profit de circonstances fortuites ;
  • discerner le sens de messages ambigus ou contradictoires ;
  • juger de l’importance relative de différents éléments d’une situation ;
  • trouver des similitudes entre des situations malgré leurs différences ;
  • établir des distinctions entre des situations malgré leurs similitudes ;
  • synthétiser de nouveaux concepts malgré leurs différences ;
  • trouver de nouvelles idées » (cité in Intelligence Artificielle, Olivier Boisard).

Comme vous pouvez le deviner, c’est uniquement (enfin si l’on ne prend en compte que les 3 dimensions en V) par la vitesse que l’homme demeure inférieur à la machine, sauf si on s’arrange pour que dans la mémoire de l’homme, le Volume de données tende vers le vide et la Variété des thématiques tende vers le superflu.  Donc on aura un Homme Amoindri, devenu impuissant à comprendre le monde par sa culture insignifiante. Ainsi émerge l’indigence automatisée dans les projets de l’intelligence artificielle. Le dilemme est que plus les données explosent, plus leur exploitation devient difficile pour l’homme dont le cerveau fonctionne par défaut en mode lent et indigent, la numérisation du monde va amplifier cette difficulté en rendant l’homme dépendant de la machine. Et dans cette dépendance se glissera la faille qui permettra de lui proposer n’importe quoi. Souvenez vous de ce que disait Camus,  »tout ce qui affaiblit la culture est un raccourci vers la barbarie ». Et comment ne pas se rappeler de Bourdieu qui disait justement que l’essence du néolibéralisme est d’affaiblir la résistance des peuples ». Quoi de plus faible qu’un peuple avec des réseaux culturels insignifiants et impuissants ?

Quelle indigence pour un collectif de voir ses élites croire que les mêmes entités internationales, qui nient leur humanité, leur dignité et leur liberté comme peuple, peuvent leur offrir une valeur culturelle qui ne soit pas une faille pour les maintenir dans leur état d’insignifiance et d’impuissance ! Comme disait Cheik Anta Diop :  »l’esclave qui n’a pas conscience de ses chaines ne fera aucun effort pour les briser ». Or les chaines sont devenues plus légères et même invisibles par les progrès technologiques d’un monde où tout se virtualise et se dématérialise. C’est du reste pourquoi, c’est dans la conscience qu’il faut disséminer les ferments de la dissidence pour lutter conte l’indigence.

J’espère vous en avoir dit assez pour vous rendre curieux de la suite…

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