15 juin 2024
De la bêtise à l’indigence au travers d’un artifice
Actualités Société

De la bêtise à l’indigence au travers d’un artifice

PAR ERNO RENONCOURT

Voici un effort de reliance pour faire émerger, par la complexité d’une réflexion, la structure de l’indigence dans un lien apparemment improbable entre une image de gangsters, une citation sur la bêtise et un concept d’asservissement.

Mardi 13 avril 2021 ((rezonodwes.com))–

Pour ceux et celles qui doutent encore de la puissance de l’indigence universelle, je viens en donner un avant goût à travers une image, une citation et un concept. Je crée entre les trois, en apparence sans lien, une sorte de reliance pour faire émerger le sens de mon propos sur l’indigence. 

L’image : le gangstérisme structuré

 Voici une image en rapport avec l’actualité haïtienne pour mieux méditer sur l’imposture occidentale. Alors que le monde entier semble être stupéfié par le kidnapping de 2 Français en Haïti depuis dimanche, personne ne semble se demander pourquoi ces gangs sont-ils aussi puissants et intouchables. Personne ne semble se rappeler que depuis 10 ans Haïti vit sous la coupe d’un banditisme d’état promu comme forme de démocratie pour ce peuple d’anciens esclaves par ceux la mêmes qui vantent les vertus des droits humains. Ces gangs sont si bien entretenus qu’ils ont des uniformes. Ils ont posté une vidéo pour exposer leurs armes, leurs munitions et leur troupe. Ceci juste après le kidnapping des religieux, une manière de nous dire qu’ils ont des appuis plus solides que l’on voudrait croire. Hier lundi, à 50 mètres d’un commissariat,  un autre gang ou le même a agi au canapé vert. Ils ont tué un entrepreneur et kidnappé une autre personne. A noter qu’ils circulent dans de luxueux véhicules blindés avec plaque officielle. Ils ont munis d’armes puissantes pour atteindre même les véhicules blindés.

Pourtant, seule la Police haïtienne peut importer des armes sur le territoire et avec l’autorisation du département d’État américain.  Je vous laisse réfléchir d’où viennent ces armes. Et tous les ports du pays sont aux mains des hommes d’affaires d’origine étrangère qui soutiennent le pouvoir en place. Je vous laisse deviner qui transportent ces armes.

Le département d’État vient d’interdire tout voyage de leurs citoyens vers Haïti, mais il continue de demander aux Haïtiens d’aller aux élections et d’aller se faire massacrer. Et oui, voici l’occident dans ses impostures démocratiques. Il s’émeut de sa propre indigence quand elle touche ses citoyens. Mais ce n’est pas cette imposture qui pose problème pour un Haïtien. C’est celle par laquelle ceux et celles ,qui se mettent en posture militante pour combattre cette imposture occidentale, ne comprennent pas aussi que que les diplômes, les titres, les prix, les subventions, les aides qu’ils reçoivent de l‘occident ont la même valeur destructrice pour Haïti que les armes des gangs. Car comment la même institution internationale, qui arme et instrumentalise les gangs pour mieux imposer des choix électoraux indigents pour sa géostratégie, peut-elle débloquer des fonds pour une aide technique, académique, technologique, économique et culturelle qui serait profitable au même pays qu’elle shitholise ?

Allez dire aux gangs de déposer leurs armes, allez dire aux médaillés de rendre leurs médailles, allez dire aux diplômés de remettre leurs diplômes, allez dire aux subventionnés de renoncer à leurs subventions, allez dire aux assistés de renoncer à leur assistance ; personne ne vous écoutera. Chacun tient à la réussite que le système lui procure. C’est ce qu’on appelle des logiques de réussite précaires et enchevêtrées : on vous apporte une ressource qui ne peut que contribuer à votre perte en croyant qu’elle vous fait du bien, car vous en avez besoin. On a créé la précarité et on vous a donné les adjuvants pour vous précipiter dans le gouffre  C’est la base de la structure de l’indigence. Le système enfume la conscience de chaque groupe et de chacun et empêche ainsi toute solidarité agissante, toute intelligence pour le combattre. Pierre Bourdieu disait que l’essence du néolibéralisme est d’affaiblir la résistance des peuples pour permettre au libre marché de s’imposer comme la seule valeur. C’est justement ce qui s’expérimente en Haïti, on modélise le futur Homme Amoindri qui sera assisté par l’Intelligence artificielle. Ah, vous croyez que je divague. Mais, attendez un peu pour voir la puissance de la bêtise.

La citation : sur la bêtise universelle

Je vous laisse méditer aussi cette citation de Philippe Gelluck qui nous rappelle qu’il suffit d’un peu de bêtise en un lieu pour que toute l’intelligence s’effondre. La citation dit que « La bêtise est nettement supérieure à l’intelligence car toute l’intelligence du monde ne permettra jamais de comprendre la bêtise universelle, tandis qu’un peu de bêtise suffit amplement à ne pas comprendre quoi que ce soit d’intelligent ». Voilà pourquoi il est si difficile aux gens de prendre conscience de la spirale de l’indigence. Car la bêtise attire plus que l’intelligence. La bêtise a des ressources infinies de simplicité et de duplicité.  L’intelligence demande beaucoup d’effort pour être entretenue, beaucoup de sacrifices, de prises de risque, de courage et d’authenticité. Alors que la bêtise se contente de silence, de soumission, de passivité, de la tranquillité, de servilité. Des médiocrités plus immédiatement mobilisables. La personne authentique ne modifiera pas sa posture éthique selon qu’elle soit en face d’une personne puissante ou faible. Elle verra dans les deux la même valeur humaine. La personne indigente adaptera sa posture pour plaire à la personne puissante et pour mépriser, dompter, asservir la personne faible.  La grandeur, comme l’intelligence se mesure à l’attitude qu’on a devant les personnes faibles. Si l’occident n’était pas profondément indigent dans ses gênes, il aurait appris à traiter les peuples faibles avec pus d’humanité.

Le concept : l’asservité

Dans leur imposture, les maitres du monde préparent si bien le monde indigent d’après, qu’ils ont inventé un concept subtil appelé ASSERVITÉ comme versant comportemental opposé à l’agressivité. Quelqu’un, comme moi, toujours prompt à affirmer sa dignité, son orgueil, sa fierté de pauvre (Ah oui, les pauvres ont leur noblesse) et son authenticité est un agressif. Pour neutraliser, maitriser, soumettre et dompter cette agressivité, on me fera comprendre qu’il vaut mieux passer par l’asservité. Dois-je vous faire remarquer que dans asservité, il y a ASSERVIR ? Quand on a dans la mémoire de ses gènes 3 siècles d’asservissement et 2 siècles de manipulation, imposés par ceux là mêmes qui vous donnent des leçons comportementales, on ne saurait sans indigence renoncer à son agressivité contre ce monde si inhumain dans ses bonnes intentions.

À ceux et celles qui veulent comprendre comment  fonctionne la culture occidentale, je recommande cet petit ouvrage d’Eric Hazan  LQR La propagande au Quotidien. L’auteur nous raconte comment se fait le dépouillement de sens dans cette culture. Une sorte de langue officielle appelée Lingua Quintae Republicae, portée par des chercheurs, a pris naissance dans le but d’évider la conscience humaine du pauvre de ses capacités de résistance. Un monde artificiellement structuré et simplifié s’ouvre devant nous. Dans ce monde artificiel, il n’y a plus d’opprimés, mais des vulnérables. Car opprimé est agressif et suppose qu’il y a un agresseur. Or dans vulnérable, personne n’est en cause, on neutralise ainsi l’agressivité. On ne voit pas les individus, on voit la structure comme abstraction juridique. On ne peut pas lutter efficacement contre ce qu’on ne voit pas. Vous voyez comment les structures se reproduisent dans la conscience.

La meilleure façon d’asservir l’humanité est de la déposséder de ce qu’elle a d’authentique pour y mettre un artifice. Ainsi, l’Intelligence Humaine sera remplacée par l’Intelligence Artificielle : vous n’aurez plus besoin de penser, un artifice sera là pour vous assister. Vous n’aurez plus besoin d’expérimenter vos intuitions par des expériences sensibles, un androïde a mémorisé vos données.  Pendant des années vous avez transféré toutes vos données à cet artifice, il vous a dépouillé et vous assistera. Vous voilà libéré de nombreux fardeaux, mais à quoi sera consacré ce temps humain libre ? Mais à quoi servira l’intelligence humaine si elle est stockée dans une mémoire artificielle ?

Ah, souvenez vous de la gentille équation de M. Idriss Aberkane qui modélise le flux de la connaissance par l’élégante formule φ(k) ∝ At : le flux de la connaissance est proportionnel à l’attention et au temps. Empressons-nous de dire que cette équation est incomplète, car les ressources attentionnelles ne produisent pas de connaissance, mais juste un stockage de données observées dans la mémoire à court terme du cerveau humain. Il faut un traitement induit par des ressources processuelles. Or si le temps est privé de toute activité intelligente, et s’il est infini, cette il n’y a plus de connaissance, mais un grand vide. Et dans ce vide résiduel immense émergera l’Indigence Humaine…pour un plan de servitude des Hommes Amoindris au service des Hommes Augmentés.

J’admets que mon discours nécessite une dose de folie pour le partager, car il oblige à se placer dans l’anticipation et val complexité. Ce qui n’est pas évident. De fait, l’incapacité à se placer dans l’anticipation, en mobilisant ses ressources cognitives, pour trouver les postures agressives afin de faire face aux stimulus d’asservissement de son écosystème est la plus grande des défaillances humaines. Seul l’exercice de la pensée complexe, comme réel paradigme, de l’homme régénéré, peut nous en prémunir (E. Morin).

Or si l’on croit Morin, il n’y aucune université au monde qui enseigne la complexité. Car l’aptitude à penser dans la complexité ne se développe qu’à travers l’intelligence naturelle comme part de l’intelligence universelle. On ne la trouve qu’en puisant au fond de soi et en étant à l’écoute des stimulus de son écosystème. C’est pour cela que nous sommes dotés de capteurs sensoriels qui alimentent de données notre conscience. Pour que cette conscience soit activement créative, il faut  qu’elle soit intranquille; ce qui demande de l’attention, de l’intuition, de l’imagination, de l’anticipation. Or ces ressources cognitives ne sont pas dans les livres, on ne les trouve qu’en apprenant « à dialoguer avec les incertitudes » ( E.Morin) et les erreurs. Voilà pourquoi, malgré les légions de diplômés, tout reste médiocre en Haïti.  Ils cherchent dans les livres, ce qui est au plus profond d’eux. Mais comme ils sont en permanente imposture pour réussir, l’enfumage de leur réussite précaire leur interdit toute disponibilité pour être à l’écoute de leur conscience. D’où leur incapacité à comprendre l’exigence éthique nécessaire pour sortir de l’indigence. L’intelligence n’est pas un artifice de savoir, ce n’est qu’une étincelle qui scintille dans la nuit obscure pour trouver la brèche vers l’inespéré. Et nul ne peut s’enflammer de cette éclaircie sans être illuminé de l’intérieur.

Pour en savoir plus, visitez notre blogue pour trouver les annonces de publication du récit de l’Humaine défaillance.

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