Depuis plus d’un mois, le personnel administratif et le petit personnel du plus grand centre hospitalier du pays tiennent mordicus à leur mot d’ordre de grève, en vue d’obtenir de meilleures conditions de travail et un meilleur traitement salarial. Pendant que la grève persiste, la situation des malades devient de plus en plus critique. Ceux qui sont hospitalisés sont complètement abandonnés à leur triste sort et ceux qui viennent se faire consulter sont renvoyés.
Port-au-Prince, jeudi 19 janvier 2017 [[rezonodwes.com]]– Nous sommes à la Rue Saint-Honoré, à un jet de pierres du palais national. Dans la cour nauséabonde de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti communément appelé hôpital général, il est déjà 12h 17. Ici, la santé fuit les gens. Dès l’entrée, les visiteurs sont accueillis par des boites à ordure surchargées, des seringues et pansements à même le sol. Voilà en substance l’image que peint l’aire réservée à la cour du plus grand centre hospitalier du pays.
À l’intérieur de l’établissement, le regard porté au loin dévoile l’ampleur de la situation. Dans les couloirs, nous ne voyons qu’une seule fois le reflet d’une blouse blanche. « Le personnel administratif et le petit personnel sont en grève », nous a informé une dame assise sur un banc dans la salle d’attente.
À la salle des services d’orthopédie, des patients sont abandonnés à leur triste sort. À quelques mètre de la porte d’entrée, Milène Verdieu, 24 ans, s’allonge sur un matelas apparemment abîmé. Elle souffre amèrement à cause d’une fracture de la colonne vertébrale. Si l’on en croit ses paroles, elle vit seule. Elle n’a ni mère ni père. « J’ai 10 mois ici. Je ne dors ni la nuit ni le jour à cause de la douleur. Les médecins disent que mon cas dépasse le champ de leurs compétences. Du coup, je devrais me rendre à Cuba pour subir une intervention chirurgicale. Opération qui, hormis les billets d’avion, m’aurait valu 12000 mille dollars US, larmoie-t-elle. Aidez-moi s’il vous plaît ! Car je n’ai même pas un sou.
« Aidez-moi ! Cela fait maintenant trois mois depuis que je suis hospitalisée ici, halète une septuagénaire dont le fémur gauche est fracturé. Les médecins n’ont rien fait pour me venir en aide. Avant la grève, ils disaient à mes proches que je devais le plus tôt possible subir une intervention chirurgicale. Mais, maintenant où sont-ils ? Je souffre grandement. »
Fixateur externe au pied droit, assis sur un lit soutenu par des blocs en béton, Jacky Thomas, se plaint de cette longue grève. « La grève a trop duré. Les médecins doivent avoir pitié de nous, époumone-t-il. Car nos faibles moyens ne nous permettent pas d’aller nous faire soigner dans un hôpital privé. » Cet homme de 34 ans a été victime d’un accident de la circulation à Delmas 5, il y a de cela 3 mois. Tibia droit fracturé, il se plie sur l’effet de la douleur : « Ça me fait mal ».
En quittant l’hôpital vers les 13h 30, nous avons vu dans une salle à l’odeur nauséabonde, trois prisonniers enchaînés à leur lit. Deux de ces détenus, hospitalisés sur des lits délabrés, se battent contre une douleur. L’autre, ventre ballonné, assis sur un vase en plastique expulse ses matières fécales. Toutefois, ils ne veulent pas piper mot sur leur situation exécrable dans ce centre hospitalier : « On nous a interdit de parler à qui que ce soit sur ce sujet », soupire l’un d’entre eux.
Depuis 5 décembre 2016 l’Hôpital Universitaire d’État d’Haïti (HUEH) ne fonctionne plus. Le personnel administratif et le petit personnel sont en grève. Ils réclament un ajustement salarial et la nomination de près de 216 membres du petit personnel de l’Hôpital général de Port-au-Prince.
Dieudonné ST-CYR, Journaliste
stcyr89@yahoo.fr


