16 décembre 2025
Politique : le pouvoir, la morale et le peuple | Haïti face au miroir des nations
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Politique : le pouvoir, la morale et le peuple | Haïti face au miroir des nations

Par Reynoldson Mompoint

Port-au-Prince, le 15 décembre 2025

– La politique comme champ de bataille moral

La politique n’est ni une science neutre ni un exercice d’esthétique institutionnelle. Elle est un rapport de force, une morale en action, un choix permanent entre l’intérêt général et les intérêts particuliers. Machiavel, souvent caricaturé, ne prônait pas l’immoralité : il constatait la brutalité du réel. Mais lorsque le réalisme politique devient un alibi pour la rapine, l’État cesse d’être un arbitre et devient un complice.

Haïti, aujourd’hui, n’est pas un cas isolé dans l’histoire du monde ; elle est un miroir grossissant de ce qui arrive lorsque la politique se détache du peuple et se marie au cynisme.

– Théorie politique : entre les livres et la rue haïtienne

Platon rêvait de gouvernants philosophes, convaincu que la justice devait précéder l’autorité. Montesquieu, plus pragmatique, exigeait la séparation des pouvoirs pour contenir l’arbitraire. Max Weber définissait l’État par le monopole de la violence légitime.

En Haïti, la violence est réelle, mais la légitimité absente. L’État n’a plus le monopole de la force, les gangs l’exercent ; il n’a plus l’autorité morale, la population la lui a retirée. Nous sommes dans un no man’s land théorique : ni État fort, ni société civile protégée.

Thomas Hobbes affirmait que sans État, l’homme retombe dans la guerre de tous contre tous. Haïti n’a pas aboli l’État, elle l’a vidé de sa substance. Le Léviathan existe encore sur le papier, mais il a abandonné le terrain.

– Le pouvoir et la vision : ce que les grands dirigeants ont compris

Charles de Gaulle concevait l’État comme une continuité historique, supérieure aux individus. Nelson Mandela gouvernait avec la mémoire de la souffrance collective. Thomas Sankara liait souveraineté, dignité et responsabilité morale.

Tous avaient une chose en commun : une vision du long terme et un rapport organique au peuple. En Haïti, le pouvoir est conjoncturel, fragmenté, sans mémoire ni projection. On gouverne pour survivre politiquement, non pour transformer la société.

Lee Kuan Yew disait que la popularité ne peut jamais remplacer la compétence. En Haïti, ni l’une ni l’autre ne sont exigées : seule compte l’appartenance au bon réseau.

– Les élites haïtiennes : autopsie d’une faillite

Frantz Fanon avait prévenu : la bourgeoisie nationale des pays postcoloniaux est tentée de remplacer le colon sans changer le système. Haïti illustre cette thèse avec une fidélité presque scolaire.

L’élite politique instrumentalise la misère, l’élite économique finance le désordre pour préserver ses rentes, l’élite intellectuelle se réfugie dans l’analyse stérile ou l’exil confortable. Antonio Gramsci parlait de la trahison des intellectuels ; en Haïti, cette trahison est devenue une habitude sociale.

Le pays n’est pas dirigé, il est géré à vue, comme une entreprise en faillite maintenue artificiellement en activité.

– Démocratie confisquée, peuple marginalisé

Alexis de Tocqueville rappelait que la démocratie repose sur les mœurs autant que sur les lois. Or, en Haïti, les élections sont devenues des procédures sans confiance, sans participation réelle, sans conséquence morale.

Abraham Lincoln parlait d’un gouvernement « du peuple, par le peuple et pour le peuple ». En Haïti, le peuple est invoqué dans les discours et exclu des décisions.

Hannah Arendt définissait la politique comme l’espace où les hommes décident ensemble. En Haïti, cet espace est occupé par la peur, la corruption et la tutelle étrangère.

– Réapprendre la politique ou disparaître

Haïti n’a pas besoin d’hommes providentiels, mais d’institutions crédibles. Pas de discours enflammés, mais de courage administratif et moral. Pas de dépendance déguisée, mais d’une souveraineté assumée.

Comme le rappelait Thomas Sankara, gouverner sans conscience politique revient à administrer la mort lente d’un peuple. Haïti est à ce carrefour : reconstruire le politique ou accepter la dissolution de l’État.

Reynoldson MOMPOINT

mompointreynoldson@gmail.com

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