Présidentielle en Côte d’Ivoire émaillée d’incidents malgré l’appel au calme de Ouattara

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par Patrick FORT / David ESNAULT

Samedi 31 octobre 2020 ((rezonodwes.com))– Le président ivoirien Alassane Ouattara, qui brigue un troisième mandat controversé lors du scrutin de samedi, a appelé les opposants à cesser la « désobéissance civile » face aux incidents qui se multiplient, surtout dans des fiefs de l’opposition.

Les incidents qui se déroulés en plusieurs endroits du pays « sont insignifiants », selon la Comision électorale indépendante (CEI).

Le taux de participation du scrutin qui doit se clore à 18H00 (locales et GMT) sera déterminant pour mesurer si l’appel de l’opposition à le boycotter a été suivi. 

Les quelque 7,5 millions d’électeurs sur 25 millions d’habitants, ont le choix entre quatre candidats: M. Ouattara, 78 ans, l’ex-président Henri Konan Bédié, 86 ans, chef du principal parti d’opposition, Pascal Affi N’Guessan, 67 ans, ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo et l’outsider Kouadio Konan Bertin, 51 ans, indépendant.

Dénonçant la décision de M. Ouattara de se représenter après deux mandats comme un « coup d’Etat électoral », MM. Bédié et Affi N’Guessan ont appelé au boycott du scrutin, même s’ils ont maintenu leurs candidatures, et à la « désobéissance civile ».

« J’en appelle à ceux qui ont lancé un mot d’ordre de désobéissance civile qui a conduit à des morts d’hommes: qu’ils arrêtent! La Côte d’Ivoire a besoin de paix. Ce sont des actes criminels », a dit M. Ouattara. 

Une trentaine de personnes sont mortes lors de manifestations qui ont viré aux affrontements interethniques depuis le mois d’août, après l’annonce de la candidature de M. Ouattara.

« Je dis aux jeunes de ne pas se laisser manipuler », a déclaré le chef de l’Etat, qui a voté à Cocody, quartier chic d’Abidjan. De nombreux incidents se sont produits à travers le pays dans la journée.

– « Troubles mineurs » –

Le président de la Commission électorale indépendante (CEI) Ibrahime Kuibiert-Coulibaly l’a reconnu: « Il y a des zones qui ont connu des troubles. Ce sont des troubles mineurs. Sur 22.381 bureaux de vote, nous avons à peine 30 ou 40 bureaux saccagés. C’est insignifant ». Il n’a toutefois pas indiqué combien de bureaux n’avaient pu ouvrir. 

« Le matériel électoral vient d’être brûlé à Brobo », près de Bouaké (centre), deuxième ville du pays, a déclaré Aboudramane Ouattara, président régional de la commission électorale.

Des individus ont bloqué la principale route du pays entre Abidjan et le Nord, menant au Mali et au Burkina Faso, près de Djebonoua à 350 km au nord d’Abidjan, selon un habitant.

A Daoukro (centre-est), le fief de M. Konan Bédié, le matériel électoral n’est pas arrivé aux bureaux de vote et des barricades ont été érigées dans la ville et sur certaines voies y menant, ont constaté des journalistes de l’AFP. 

A Bouadikro et Bongouanou, 100 km au nord d’Abidjan, fiefs de M. Affi N’Guessan, les bureaux n’ont pas ouvert, selon des témoins des deux camps. Des barrages ont été dressés entre les villes et des jeunes prévenaient: « Pas de vote ici! ».

Dans le quartier de Blockhauss à Abidjan vers midi, plusieurs centaines de jeunes, qui ont empêché l’ouverture de bureaux de vote, affrontaient des policiers qui faisaient usage de gaz lacrymogène, a constaté un journaliste l’AFP. Des violences avaient aussi lieu dans le quartier de Yopougon-Kouté, selon des habitants.

A Gboguhé (centre-ouest), « toutes les urnes ont été saccagées. Il y a eu ensuite des affrontements entre Dioula (ethnie du nord Pro-Ouattara) et Gueres (ethnie locale) qui ont fait un blessé », a affirmé Arsène Boazo, ambulancier.

A Bonoua (est), un des points chauds de la campagne, du matériel électoral a été saccagé et des bureaux de vote sont restés fermés, selon le site d’information Alerte Info.

– « La peur a gagné la population » –

« La peur a gagné la population, ça peut affecter le taux de participation. Les gens ne doivent pas mourir pour une élection », a estimé Patrick Allou, 32 ans, au quartier du Plateau d’Abidjan.

Comme en Guinée voisine où la réélection du président Alpha Condé pour un troisième mandat contesté a provoqué des troubles, l’opposition ivoirienne juge un troisième mandat « anticonstitutionnel ».

L’élection en Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, fait craindre une nouvelle crise dans une région éprouvée par des attaques jihadistes incessantes au Sahel, par un putsch au Mali et une contestation politique chez le géant voisin nigérian.

Quelque 35.000 membres de forces de l’ordre ont été déployés pour assurer la sécurité des bureaux de vote.

L’ONU et l’Union européenne ont appelé à un scrutin « pacifique ».

Des milliers d’Ivoiriens ont quitté les grandes villes pour rentrer dans leurs villages. Beaucoup craignent une crise majeure, dix ans après la celle qui avait suivi la présidentielle de 2010, faisant 3.000 morts, à la suite du refus de Gbagbo, qui était au pouvoir depuis 2000, de reconnaître sa défaite face à M. Ouattara.

Pour Sylvain N’Guessan de l’Institut de stratégie d’Abidjan, « Ouattara va être réélu, mais il a perdu son aura, il est devenu un président africain comme les autres, qui s’accroche au pouvoir ».

bur-pgf/stb

© Agence France-Presse

1 COMMENT

  1. Les leaders politiques de la Côte d’Ivoire ne se différencient pas de ceux d’Haiti. Ou wè vre se menm Ras la ki « sòti » nan chèn esklavaj ak kolonizasyon. De nombreux pays d’Afrique se trouvent dans la situation d’Haiti. Comment comprendre cette manoeuvre, « dénonçant la décision de M. Ouattara de se représenter après deux mandats comme un « coup d’Etat électoral », MM. Bédié et Affi N’Guessan ont appelé au boycott du scrutin, même s’ils ont maintenu leurs candidatures, et à la « désobéissance civile. » Yanm yanm kaka chat à l’haitienne.

    Deux semaines avant les élections, le PM avait rencontré des partis politiques dans la lignée de « Nou Pareh, », KID…et « Parasol. » Comme en Haiti, « les partis présents à cette rencontre entre autres, le RHDP, Concorde, ont exprimé leur satisfaction pour avoir été associés à ces échanges. » Ils faisaient peu de cas des partis qui avaient appelé au boycott des élections.

    Après la rencontre avec les « opposants, » le ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, Sidiki Diakité allait se comporter comme un JONAS PETIT ou un MARIO DUPUY (2001-2004), « dans leur ensemble, les partis présents ont exprimé leur désapprobation face aux appels à la désobéissance civile et invité le gouvernement à plus de fermeté et de vigilance face à ces actes. » Les représentants du PDCI, du FPI, de EDS, etc, n’ont pas pris part à la rencontre. Les méfaits de l’esclavage et de la colonisation.

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