Monsieur le Bâtonnier !!!

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par Dr Jean Claude Desgranges

Mardi 8 septembre 2020 ((rezonodwes.com))–

Haiti a  grandi dans le sang, la trahison, l’auto flagellation et l’ingratitude!

On en voulait à l’idéal de justice sociale, puisqu’au Pont Rouge on a exécuté l’Empereur, le Père de notre indépendance si chèrement acquise aux prix du fer et de l’acier.

On en voulait à l’intelligence et aux savoirs puisqu’on a tué Boisrond Tonnerre et depuis on assiste tout au long de notre histoire de peuple à une succession de complots contre la qualité, la verticalité.

Monferrier votre port altier, votre refus de vous aliéner  à un clan ou à un autre, vous a  brutalement ôté la vie. Pourtant si ces malfrats avaient lu André Malraux, ils auraient su qu’une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie. Et dire que la vie Monferrier était synonyme de courage, de lumière.

Dire Monferrier que votre vie avait fait sienne cette pensée de l’autre « que tout savoir est vain s’il ne se préoccupe pas d’être transmis ». Les témoignages, malheureusement posthumes, comme c’est le plus souvent le cas en Haïti.


Ce fils de Grande Salines, ce citoyen du monde que j’avais l’opportunité et le privilège  de croiser lors des mercredis de l’IMED, je l’avais bel et bien dit qu’il est un albatros, car ses ailes de géant l’empêchaient de marcher dans ce chemin sablonneux, malaisé et de tous les côtés aux coups bas exposés dans ce « singulier petit pays ».

« Ah, qui ose rire dans le noir ! »
« Nous n’avons plus de bouche pour parler »

On a exécuté un Mapou.
On a souillé un symbole d’une des institutions les plus honorables.
Quelle bêtise!


Lors de notre dernière conversation on s’était promis de se revoir, malheureusement la bêtise humaine a eu raison de ton amour pour ta patrie et de ta joie de vivre. Un jour tu m’avais demandé quelles sont les recettes qui puissent me permettre d’aller au delà du centenaire.

Tu rêvais d’une vieillesse heureuse et robuste.
Ton optimiste combatif rêvait de vivre une Haiti libérée de ces tares empoisonnés puisque 1986 et ces hommes et femmes, toutes idéologies confondues ont menti à ce peuple bon enfant.

Et depuis, c’est la décente aux enfers.
C’est la paupérisation galopante d’un pseudo classe moyenne.
C’est une chute libre de notre monnaie nationale.
C’est la faillite aux proportions dantesques de nos institutions.
C’est la colère légitime d’une jeunesse déboussolée.
Une masse populaire aux abois.
C’est l’incertitude généralisée.
C’est l’avenir même du pays, sa raison d’être, un peu son âme, qui sont menacés.
La COVID-19 étrangle les difficultés du quotidien douloureux.

Le bateau ivre d’Arthur Rimbaud !

Et au delà de cette atmosphère morbide et délétère, l’exécution du Bâtonnier Monfferier Dorval sonne le glas.

Nous n’avons plus de bouche pour parler !

Cet acte odieux et infâme, c’est la messe d’enterrement d’une certaine Haiti.

La nouvelle génération a pour devoir de composer une ode héroïque à la future renaissance de ce pays qui ne saurait mourir à cause de son épaisseur historique.

Il revient à cette jeunesse qui pleure le départ brutal de son professeur, le Bâtonnier Monfferier Dorval, qui leur a tant appris le rôle et la mission régalienne de l’Etat, cette puissance publique avec laquelle les citoyens auraient du pouvoir nouer une relation de confiance.

Un Etat qui se doit de divorcer avec la corruption pour se mettre au service de sa population.

Cette nouvelle génération a besoin d’une lucidité incisive qui fuit les pneus enflammés, qui cultive les vertus de la tolérance, un des piliers fondamentaux de la démocratie

Une jeunesse innovatrice et combative, comme c’est le cas des Petro Challengers

Une jeunesse qui embrasse le gout de l’effort, la méritocratie, la recherche de l’excellence et la fraternité humaine.

La promotion d’une République plus prospère, plus équilibrée, plus juste et plus moderne.

Une manière de rendre justice à ce somptueux patrimoine, le Bâtonnier Monfferier Dorval

Une manière de crier haut et fort  « Mort où est ta victoire ?» et de cracher sur le visage hideux de ces lâches assassins, qu’on ne tue pas les idées.

Port-au-Prince, le 7 Septembre 2020

Jean Claude Desgranges,MD,FAGS
Président de la Fondation du Troisième Age (FTA)

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