Non Monsieur le Président, vous n’avez pas le droit !

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edmonde supplice beauzile

Par Edmonde Supplice Beauzile

Présidente du Parti Fusion des Sociaux-Démocrates Haïtiens (PFSDH/FUSION)

Jeudi 27 août 2020 ((rezonodwes.com))–Le président Jovenel Moïse a pris de mauvaises habitudes qui font courir des risques énormes à notre pays, notamment : 

  1. Il abreuve en permanence le peuple haïtien de fausses promesses ;  
  2. Il prend de dangereuses libertés avec la constitution et avec les lois de la République.  

Un président démocrate et responsable n’a pas le droit de faire ces choses-là.

Les fausses promesses et les mensonges d’État ne peuvent que nuire à la crédibilité de la fonction présidentielle.   Électricité 24/24, de l’argent dans nos poches, de la nourriture dans nos assiettes, la sécurité, la lutte contre la corruption, un téléphérique entre la ville du Cap et la Citadelle, une mairie moderne pour cette ville.  Autant de mensonges qui font que le président n’a pas osé se rendre au Cap-Haïtien pour marquer le 350ème anniversaire de la fondation de la ville. Les capoises et les capois l’auraient certainement conspué, chahuté et chassé de leur fière cité.  La liste des promesses non tenues est longue, mais nous voulons aujourd’hui insister davantage sur les multiples violations de la constitution dont s’est rendu coupable le président :

  • Élections multiples non tenues ;
  • Promulgation de décrets inconstitutionnels ;
  • Volonté de toucher à la constitution ;
  • Tentative de constituer un Conseil Électoral Provisoire en violation des prescrits constitutionnels ;
  • Attaque contre les syndicalistes ;
  • Persécution politique d’opposants ;
  • Tolérance envers les gangs armés et la corruption ; 
  • Prétention de prolonger le mandat présidentiel.

L’article 150 de la constitution est formel : « le président n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribue la constitution ».  L’article 136 lui impose le devoir de veiller au respect et à l’exécution de la constitution et à la stabilité des institutions.

Depuis son accession à la tête de l’état, il s’est évertué à violer systématiquement la charte fondamentale, base du fonctionnement démocratique de l’état.

  1. Non Organisation de sept (7) élections.  Pendant toute la durée de son mandat, le président avait l’obligation constitutionnelle et légale d’organiser sept (7) scrutins: élection d’un premier tiers du sénat en 2017, élection d’un second tiers du sénat en 2019, élection des députés en 2019, élection des cartels de mairie en 2020, élection des cartels des conseils d’administration des sections communales en 2020, élection des membres des assemblées de sections communales et des délégués de ville en 2020, élection du président de la République fin 2020.  Monsieur le président vous n’aviez pas le droit de priver le peuple haïtien en sept (7) occasions de son droit de choisir ses dirigeants.   Toute tentative d’organiser des élections en dehors du temps électoral et du temps constitutionnel est voué à l’échec et ne sera pas accepté par les démocrates haïtiens.
  2. Promulgation de décrets inconstitutionnels.  Dans le système démocratique voulu et adopté par le peuple haïtien, le principe de la séparation des pouvoirs est consacré, le droit de légiférer est exclusivement de la compétence du parlement.  Le président de la république n’a en aucune circonstance le droit d’édicter des lois ni des décrets.  C’est une disgrâce et une imposture de sa part de s’être réjoui publiquement de l’absence du parlement, situation qu’il a provoquée à dessein, pour avoir les pleins pouvoirs et agir selon son bon plaisir.  Non Monsieur le Président vous n’avez pas le droit de vous transformer en législateur ni de gouverner par décret, car nulle part, absolument nulle part la constitution ne vous confère une telle prérogative.  
    1. Formation du Conseil Électoral Provisoire (CEP).  Un Conseil Électoral Permanent aurait dû être constitué depuis belle lurette selon le vœu de la constitution.  À la suite de la récente démission de tous les membres du dernier CEP, le président s’est engouffré dans la brèche avec une tentative maladroite de constituer unilatéralement un énième CEP provisoire en violation flagrante de la constitution. Ce choix désespéré ne peut que décrédibiliser tout scrutin organisé avec un CEP à la solde du pouvoir.  D’autres avant ce président ont tenté de le faire et ont dû faire marche arrière et cherché un consensus avec l’opposition pour mettre en place un CEP acceptable et crédible. Monsieur le président vous n’avez pas le droit de créer un CEP en dehors des prescrits constitutionnels.
    2. Modification de la Constitution.  Le président de la République a été élu sous l’empire de la Constitution de 1987 et a juré sur cette constitution de l’observer fidèlement.  Les constituants avaient pris des précautions pour empêcher un quelconque apprenti dictateur d’y toucher.  Les articles 282 et suivants fixent clairement et sans équivoque les procédures à suivre pour changer un article quelconque de la constitution.   Ce président a volontairement laissé passer le dernier trimestre de la dernière législature sans faire voter les amendements préparés par les députés et s’est arrangé pour qu’il n’y ait pas de nouvelle législature en janvier 2020, sabotant ainsi toute possibilité de procéder aux changements souhaités dans le respect de la procédure établie.   Monsieur le président vous n’avez pas le droit de décider de modifier par référendum ou par tout autre moyen notre charte fondamentale en violant les normes prescrites.  Toute manœuvre en ce sens constitue un crime contre la constitution et est passible de la Haute Cour de Justice.
    3. Attaque contre les syndicats du secteur de l’éducation.  La liberté syndicale est un droit acquis auquel les travailleurs n’entendent pas renoncer.  S’attaquer aux dirigeants syndicaux ne va pas décourager les syndicats d’enseignants.   La manœuvre grossière consistant à les révoquer ou à les muter loin de la capitale ne les fera pas taire et ne dispensera pas l’administration de prendre en compte leurs justes revendications.   Non Monsieur le président vous n’avez pas le droit de laisser vos ministres bafouer les droits constitutionnels et les libertés individuelles des syndicalistes enseignants.  Les décisions punitives prises contre les principaux responsables de ces syndicats ne feront que raviver leur ardeur militante et augmenter le soutien de la population en faveur de leur lutte.
    4. Refus de combattre la corruption.  Depuis plusieurs années les forces vives de la nation, en particulier certains partis politiques et la jeunesse haïtienne ont manifesté clairement leur volonté d’en finir avec la corruption au sein de l’appareil étatique.  En dépit de vos promesses, à ce jour tout semble avoir été mis en œuvre pour protéger ceux qui ont dilapidé les fonds du programme Petrocaribe.   Malgré les rapports parlementaires accablants confirmés par les évidences présentées par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif, aucune action en justice n’a été intentée contre les présumés coupables.  Non Monsieur le président vous n’avez pas le droit de bloquer le combat contre la corruption en vue de couvrir les exactions de vos amis du PHTK ni celles dont vous êtes accusé.  Que vous le vouliez ou non le moment viendra, et il est proche, où vous n’aurez plus l’autorité pour protéger vos amis contre les rigueurs de la loi et des comptes vous seront demandés.
    5. Persécution politique des opposants.  Il y a des citoyennes et des citoyens qui sont résolument engagés dans l’opposition contre votre manière de gouverner notre pays qui nous conduit tous vers une catastrophe annoncée.  Au lieu d’entendre les critiques constructives qui lui sont adressées et de changer de cap, le président persiste dans ses erreurs et préfère instrumentaliser le système judiciaire contre ses adversaires politiques.  Non Monsieur le président vous n’avez pas le droit de dévoyer nos juges et nos institutions chargés de lutter contre la corruption ni de les utiliser pour persécuter vos opposants.  
    6. Tolérance de l’exécutif envers les gangs armés.  Les gangs armés ont pris le contrôle de pans entiers du territoire national.   Quand bon leur semble, ils rançonnent, ils pillent, ils kidnappent, ils bloquent les routes, ils s’exhibent et paradent les armes illégales à la main, ils narguent les forces de l’ordre, ils violent, ils tuent impunément.  Ils affichent ouvertement leur contact avec des officiels au plus haut niveau de l’État.   Non Monsieur le président vous n’avez pas le droit de tolérer de tels agissements quels que soient les services que les membres de ces gangs ont pu rendre à votre pouvoir.
    7. Prétention de prolonger le mandat présidentiel.  À maintes reprises, la FUSION et de nombreuses organisations politiques et de la société civile ont démontré, constitution et décret électoral à l’appui, que le mandat de l’actuel président prend fin sans conteste le 7 février 2021.   Les articles 134.2 de la constitution de 1987 et 239 du décret électoral sont clairs, sans équivoque et ne laissent aucune place pour des interprétations permettant de prétendre que le mandat du président se terminerait le 7 février 2022.  Aucune prolongation de mandat présidentiel n’est envisageable.  Non Monsieur le président vous n’avez pas le droit de prétendre à une quelconque prolongation de mandat ni d‘aggraver les crises multiples politiques, institutionnelles, économiques et sociales que vos violations systématiques de la constitution et des lois ont créées.

Les haïtiennes et les haïtiens attendent mieux de la part de leurs dirigeants parce que leurs besoins sont immenses.  En effet :

Haïti a besoin de changement à tous les niveaux ;

Haïti a besoin d’un leadership différent, responsable et respectueux des règles démocratiques ;

Haïti a besoin de retrouver sa dignité ;

Haïti a besoin de retrouver la stabilité et un fonctionnement normal de ses institutions ;

Haïti a besoin du rétablissement de l’autorité de l’État ;

Haïti a besoin d’une culture du respect de la règle de droit par tous ;

Haïti a besoin de voir le démantèlement des gangs armés ;

Haïti a besoin de la sécurité sur tout son territoire ;

Haïti a besoin d’un plan national de développement économique durable ;

Haïti a besoin d’attirer les investissements massifs ;

Haïti a besoin d’emplois durables et bien rémunérés pour les jeunes et les moins jeunes ;

Haïti a besoin de nourrir ses citoyennes et ses citoyens.

Port-au-Prince, le 26 août 2020 

« JOUR J-164»

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