Port-de-Paix : entre rénovation urbaine et disparition de la mémoire

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Mardi 18 août 2020 ((rezonodwes.com))– Il est un constat que tout le milieu urbain de Port-de-Paix n’a été construit sous l’égide d’aucun plan. S’il y en avait un, il n’aurait pas été pris en compte. Car, il ne faudrait pas la présence d’un expert pour le comprendre. Même dans le cas d’une démolition voire une rénovation, cela nécessiterait à coup sûr un plan. Ce dernier devrait prendre en compte d’une part l’énergie investie et d’autre part la représentation de cette ville dans la mémoire de plusieurs générations.

Il y a de cela plus d’une décennie que ce concept combien important à la sociologie urbaine  à savoir « rénovation urbaine » semble utiliser de façon abusive à Port-de-Paix par des autorités qui sont toujours assoiffées de visibilité et de saupoudrage. En observant bien les actions entreprises dans le cadre des travaux interprétés comme de rénovation urbaine au sein de la ville, le sens réductible de nos dirigeants politiques a été clairement exprimé. Partant de la déformation de certains bâtiments publics et des places publiques jusqu’à la réalisation des travaux de drainage, rien ne se fait dans l’idée de maintenir les éléments fondamentaux qui constituent la mémoire et le panthéon de cette ville sinon que d’élargir des rues pour mieux abriter les immondices et des marchés publics. Voilà donc les indices sur lesquels les décideurs se tournent pour parler d’une rénovation urbaine qui n’existe pas.

A titre d’exemple, c’était dans une perspective de rénovation urbaine que les dirigeants à l’époque  avaient détruit l’architecture de la maison qui logeait la Téléco, le portrait robuste de la BNC, les vides galeries de la Mairie… C’est à ce moment de massacre contre la mémoire qu’on a enlevé honteusement et à l’insu de tout le monde le buste de Cappoix Lamort sur la place qui portait son Nom. Le pire dans tout cela, je me demande s’il y a un seul lieu public au niveau de la ville qui garde une seule image de ces bâtiments et lieux qui apportaient beaucoup à notre imaginaire collectif si toutefois une autre génération voudrait reconstruire la mémoire de cette ville.

Je ne suis pas contre la rénovation. Cependant, je crois que cela doit faire partie d’un plan qui tient en compte certains éléments fondamentaux. Particulièrement, pour une ville comme Port-de-Paix, il y a 3 aspects qu’on ne devait pas négliger: l’aspect patrimonial et touristiques; l’aspect commercial et l’aspect écologique. Voyez-vous, nous sommes en train d’assister à un soit-disant rénovation urbaine qui fait peu de cas de ces trois aspects sus-mentionnés. Pourtant, celle-ci se caractérise de manière très hasardeuse à aplatir des maisons qui constituent des pans d’histoires pour certaines familles.

Rappelons que Port-de-Paix a été toujours une ville portuaire à forte prédominance commerciale avec l’extérieur. C’est le feu président René Préval qui lui a enlevé malheureusement cette richesse. En 2004, l’un de ses patrimoines a été mis en feu, en référence au building où habitait l’APN. Jusqu’à présent rien n’est fait pour sa reconstruction. Dans ce cas, comment peut-on oser parler de rénovation urbaine ? Toute rénovation qui ne permet à Port-de-Paix d’articuler ses potentiels patrimoniaux pour attirer des touristes doit être considéré comme une insulte à la communauté. Les fils et les filles de Port-de-Paix qui sont dans la diaspora doivent être le premier marché à séduire. Pour y parvenir, nous devons être en mesure de leur offrir ce qui reste de mémoire après avoir tenté de rénover sa morphologie physique sans même penser à celle qui est sociale. Quelle inadéquation!

Aujourd’hui, le plus triste scénario qu’on est en train d’assister à Port-de-Paix se réside dans le rapport que le citoyen entretien avec son environnement. Pour pallier à cela, la ville a besoin d’un plan, sans l’étiquette d’être spécial, qui lui permettra d’intégrer les enjeux environnementaux à l’organisation sociale, économique et politique. Il s’agit de mettre en place un nouveau modèle de développement communautaire basé sur la transformation radicale du rapport activité humaine vis-à-vis de l’environnement. La ville ne peut plus respirer. Cela témoigne à quel point les activités dites rénovatrices n’affectent que négativement la mémoire de cette ville et arrangent parallèlement les affaires des propagandistes.

Pour élever Port-de-Paix à la dimension de son passé, la ville a besoin d’un complot positif. La ville a besoin d’un « NOUS » pour ne pas rater ces deux évènements historiques importants à venir. Les 400 ans de la ville dans 20 ans, c’est maintenant qu’il faut commencer à le préparer. Nous ne devons donc pas oublier que Port-de-Paix avait joué un rôle prépondérant dans les luttes qui ont abouti à l’indépendance du pays le 1er janvier 1804.

En effet, nous ne pouvons oser de ne pas participer en grande pompe au 250e anniversaire de l’indépendance du pays en 2054. Pour accomplir ces 2 tâches, il nous faut laisser dès maintenant les petits projets mesquins qui tuent notre mémoire pour entamer ensemble ceux qui conservent nos patrimoines et qui nous poussent ainsi dans la modernité dans toutes ses dimensions.

Jordan Hérard VERDULE

jordanverdule@yahoo.fr

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