7 février 2021 – Fin du mandat constitutionnel présidentiel : Document complet du CARDH

0
2940

Ce rapport thématique du CARDH fournit une analyse juridique sur la durée du mandat constitutionnel présidentiel.

Mercredi 27 mai 2020 ((rezonodwes.com))– Les cinq années de la durée du mandat présidentiel, article 134-1 de la Constitution, ne sont pas calendaires, c’est-à-dire cumulatives quel que soit le commencement du mandat, mais constitutionnelles, ce qui veut dire qu’elles s’inscrivent dans des échéanciers clairement définis par la Constitution : 7 février 2016 au7 février 2021, 7 février 2021 au 7 février 2026… et peuvent être aucunement ajournées, ni rallongées.

Ainsi, les alinéas 1eret 2 de l’article 134 précisent à l’encre forte : « le  mandat du président élu est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection», soit le 7 février 2016, « au cas où le scrutin ne peut avoir lieu dans la date prévue », soit le dernier dimanche d’octobre 2016 (cinquième année du mandat présidentiel de Martelly). 

Reprenant le libellé du présent article, le décret électoral du 2 mars 2015 (spécial No.1) précise en son article 239 que dans le but d’harmoniser le temps constitutionnel et le temps électoral« (…) le mandat du Président de la République prend fin obligatoirement le sept (7) février de la cinquième année de son mandat quelle que soit la date de son entrée en fonction ».

La Constitution et les précédents juridiques sont donc clairs : le mandat constitutionnel du Président Moïse, issu du processus électoral d’août et d’octobre 2015, prend fin le 7 février 2021. Il ne doit pas planer de doute sur ce sujet.  

Table des matières
SIGLES ………………………………………………………………………………………………… 3
I. RÉSUMÉ …………………………………………………………………………………………… 4
II. INTRODUCTION ……………………………………………………………………………… 5
III. 7 FÉVRIER 2021 : FIN DU MANDAT PRÉSIDENTIEL………………………. 7
A. CONSTITUTION ………………………………………………………………………………… 7
I) ARTICLE 134, ALINÉAS 1 ET 2………………………………………………………………. 7
Les cinq ans définis par la Constitution ne sont pas calendaires, mais
respectueux de l’échéancier de 2021 ……………………………………………………… 7
B. DÉCRET ÉLECTORAL DU 2 MARS 2015 (LE MONITEUR, SPÉCIAL NO. 1) :
ARTICLE 239……………………………………………………………………………………….. 8
C. PRINCIPE D’APPLICATION STRICTE DE LA CONSTITUTION ……………………….. 8
D. PRÉCÉDENT JURIDIQUE : FIN DU MANDAT DU PRÉSIDENT MARTELLY, LE 7
FÉVRIER 2016……………………………………………………………………………………… 8
E. SUR LE PROCESSUS ÉLECTORAL AMENANT JOVENEL MOÏSE AU POUVOIR LE 7
FÉVRIER 2017……………………………………………………………………………………… 9
ii) Commission d’évaluation électorale indépendante (CEEI) ……………………. 9
iii) « Accord politique pour la continuité institutionnelle à la fin du mandat du
Président de la République en l’absence d’élection d’un Président élu pour la
poursuite du processus électoral entamé en 2015 » ………………………………… 10
IV. CONCLUSION………………………………………………………………………………… 11
F. 7 FÉVRIER 2021, FIN DU MANDAT PRÉSIDENTIEL…………………………………. 11
G. RAPPEL DE QUELQUES PRÉCÉDENTS HISTORIQUES RELATIFS AU RESPECT DE
L’ÉCHÉANCIER PRÉSIDENTIEL CONSTITUTIONNEL…………………………………… 12
H. NÉCESSITÉ D’ANTICIPER LA CRISE POLITICO-INSTITUTIONNELLE POST 7
FÉVRIER 2021 : ABSENCE DE PARLEMENT ET FIN DU MANDAT DU CONSEIL
ÉLECTORAL PROVISOIRE CHARGÉ DE FINALISER LES PROCESSUS ÉLECTORAL DE
2015…………………………………………………………………………………………………. 12
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………………….. 14

Sigles
CEP : Conseil électoral provisoire
CEEI : Commission d’évaluation électorale indépendante
CIEVE : Commission indépendante d’évaluation et de vérification électorale
CARDH : Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme

I. Résumé

  1. La Déclaration et le programme d’action de Vienne, adoptés le 25 juin 1993, par
    la deuxième Conférence mondiale sur les droits de l’homme, affirme que les
    droits humains sont garantis dans un État de droit. Celui-ci s’implémente à
    travers l’indépendance des institutions de contrôle (contrôle administratif,
    contrôle judiciaire, contrôle de constitutionalité et de conventionalité…), mais
    surtout, par le respect de la Constitution, considérée comme la norme suprême
    de tout pays, quel qu’en soit le régime politique, vu que fondamentalement elle
    organise le fonctionnement régulier et l’équilibre des entités de l’État.
  2. L’application de la Constitution est donc le devoir premier de tout gouvernement.
    Ainsi, les politiques et les institutions de la société civile, du secteur
    économique et des droits humains ont la responsabilité d’exiger le respect
    scrupuleux de la Constitution par les gouvernants et les gouvernés. C’est en ce
    sens que le CARDH, dans son rapport faisant état des droits humains en 2019,
    avait souligné que, selon la Constitution, la durée du mandat du Président
    Jovenel Moïse touchera à son terme le 7 février 2021.
  3. En effet, les cinq années de la durée du mandat présidentiel (article 134-1) ne
    sont pas calendaires, c’est-à-dire cumulatives quel que soit le commencement du
    mandat, mais constitutionnelles, ce qui veut dire qu’elles s’inscrivent dans des
    échéanciers clairement définis par la Constitution : 7 février 2016 au7 février
    2021, 7 février 2021 au 7 février 2026… et peuvent être aucunement ajournées,
    ni rallongées.
  4. Ainsi, les alinéas 1er et 2 de l’article 134 précisent à l’encre forte : « le mandat
    du président élu est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection »,
    soit le 7 février 2016, « au cas où le scrutin ne peut avoir lieu dans la date
    prévue », soit le dernier dimanche d’octobre 2016 (cinquième année du mandat
    présidentiel de Martelly).
  5. Reprenant le libellé du présent article, le décret électoral du 2 mars 2015
    (spécial No.1) précise en son article 239 que dans le but d’harmoniser le temps
    constitutionnel et le temps électoral « (…) le mandat du Président de la
    République prend fin obligatoirement le sept (7) février de la cinquième année de
    son mandat quelle que soit la date de son entrée en fonction ».
  6. C’est pourquoi, le président Joseph Michel Martelly, ayant prêté serment le 14
    mai 2011, a quitté le fauteuil présidentiel le 7 février 2016, précisant dans son
    discours de fin de mandat par-devant l’Assemblée nationale, que « (…) mon mandat touche à sa fin (…) et se termine le 7 février de la cinquième année du mandat, peu importe la date d’entrée en fonction ».
  1. La Constitution et les précédents juridiques sont donc clairs : le mandat
    constitutionnel du Président Moïse, issu du processus électoral d’août et
    d’octobre 2015, prend fin le 7 février 2021. Il ne doit pas planer de doute sur ce
    sujet.
  2. En outre, il faut souligner qu’avec l’accélération de la pauvreté (4.5 millions
    d’Haïtiens en insécurité alimentaire), l’insécurité, la débandade institutionnelle
    et la corruption auxquels le pays est déjà confronté, s’ajoute, en cette période de
    pandémie de la COVID-19 qui s’accélère à un rythme préoccupant, un
    enlisement certain dans une crise institutionnelle et politique profonde et
    inédite.
  3. Cette crise a déjà été provoquée par un Parlement dysfonctionnel depuis le
    deuxième lundi du mois de janvier dernier, la fin imminente du mandat
    présidentiel et un Conseil électoral provisoire (CEP) dont le mandat est arrivé à
    termes, n’ayant, par conséquent, aucune prérogative pour organiser les élections
    présidentielle, législatives et locales. La sonnette d’alarme a été tirée, le tableau
    lugubre d’une crise magistrale est dressé. Il est temps de ne plus les ignorer et
    de se concentrer sur une solution théorique ou pratique durable et réfléchie,
    capable de sortir le pays de l’« hécatombe » socio-politique et institutionnelle
    annoncée.


    II. Introduction
  4. Les principales fonctions de la Constitution consistent à : i) organiser les
    pouvoirs et institutions formant l’État, ainsi que leurs relations ; ii) définir le
    régime politique ainsi que la forme juridique de l’État (État fédéral, État
    unitaire…) ; iii) proclamer de manière générale et explicite les droits
    fondamentaux des citoyens. Par son caractère de loi suprême, certains
    constitutionalistes la considèrent comme « la loi des lois ». À ce titre, elle
    dispose d’un organe chargé d’assurer que toutes les autres lois lui soient
    conformes (contrôle de la constitutionnalité des lois et des traités
    internationaux): Conseil constitutionnel, Cour constitutionnelle, Cour suprême…
    Dans toute société moderne et démocratique, ou du moins qui tend vers la construction de l’État de droit, la durée du mandat d’un Président et des parlementaires est définie par la Constitution.

  1. Dans l’idée d’anticiper la crise institutionnelle liée au mandat du Président
    Jovenel Moïse, en 2019, au moment où le pays était pratiquement « lock » et le
    Président sur le point de démissionner en raison d’importantes manifestations
    anti-gouvernementales, le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme
    (CARDH), sur des bases strictement juridiques, avait abordé la question dans
    son rapport sur l’état des droits humains en 2019, publié en février 2020. De
    plus, le CARDH a publiquement souligné la nécessité urgente d’aborder la
    question du mandat présidentiel lors de nombreuses rencontres et débats tenus
    en 2019 et 2020 sur la crise haïtienne, regroupant divers acteurs politiques et de
    la coopération internationale.
  2. En vue de relancer la mobilisation anti-gouvernementale, le mandat présidentiel
    semble devenir le fer de lance de l’opposition. Les partis politiques commencent
    tour à tour à ouvertement soutenir que l’échéance constitutionnelle du mandat du
    Président Jovenel Moïse est le 7 février 2021.
  3. Néanmoins, le fait que le Président Moïse affirme publiquement que son mandat
    s’étendrait jusqu’au 7 février 2022, s’avère plus inquiétant. Il l’a bien fait
    comprendre à l’opposition lors de son discours à l’occasion de la fête du drapeau
    national, le 18 mai 2020. L’absence de Parlement, sévère anomalie à la
    construction de la démocratie et aux principes de l’État de droit ; l’inefficacité de
    l’appareil judiciaire et de certaines institutions, ne peuvent qu’amplifier cette
    inquiétude.
  4. En outre, il est important de souligner que cette déclaration s’est faite à un
    moment où l’administration Moïse, profitant de la crise mondiale déclenchée par
    la pandémie de la COVID-19, a déclaré l’état d’urgence, lui permettant de violer
    systématiquement les principes de droits humains et de bonne gouvernance, et, sans aucune supervision du Corps législatif quasi inexistant, a édicté trois arrêtés sur les régimes matrimoniaux qui n’ont rien à voir avec la conjoncture, modifiant ainsi le code civil actuellement en vigueur.

  1. Or, un code consiste fondamentalement à règlementer le fonctionnement social
    dans un domaine spécifique. C’est pourquoi, la prérogative de codifier relève du
    pouvoir législatif au regard du principe de la séparation des pouvoirs. Ces
    décrets transforment donc le fonctionnement social des citoyens en dehors du
    respect de la séparation des pouvoirs.
  2. Dans ce contexte s’apparentant à une velléité dictatoriale, la présente analyse
    juridique démontre que la fin du mandat présidentiel est bien le 7 février 2021
    et offre au Président Jovenel Moïse, ainsi qu’au Core Group et toute autre
    personne intéressée, une référence claire et documentée sur la question.


    III. 7 février 2021 : fin du mandat présidentiel

    A. Constitution

    i) Article 134, alinéas 1 et 2
  3. Selon l’article 134, alinéas 1 et 2, de la Constitution haïtienne de 1987 amendée
    actuellement en vigueur : « La durée du mandat présidentiel est de cinq (5) ans.
    Cette période commence et se terminera le 7 février suivant la date des élections.
    L’élection présidentielle a lieu le dernier dimanche d’octobre de la cinquième
    année du mandat présidentiel. Le président élu entre en fonction le 7 février
    suivant la date de son élection. »
  4. Les cinq ans définis par la Constitution ne sont pas calendaires, mais
    respectueux de l’échéancier de 2021. L’amendement fait en 2011, sous la
    présidence de René Préval (9 mai 2011), visait essentiellement à harmoniser le
    temps électoral avec le temps constitutionnel : 2011-2016, 2016-2021… Ceci est
    explicite, et dans l’esprit, et dans la lettre de la Constitution.
  5. Ainsi, pour éviter toute tentative délétère de la part d’un Président de rester au
    pouvoir au-delà de la date prévue, le deuxième alinéa de l’article 134 poursuit
    en ces termes : « Au cas où le scrutin ne peut avoir lieu avant le 7 février, le
    président élu entre en fonction immédiatement après la validation du scrutin et son
    mandat est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection. »
  1. Quelque soit la date et l’année des élections ayant eu lieu après la présidence de
    Joseph Michel Martelly, la Constitution prescrit péremptoirement que le
    Président élu terminera son mandat le 7 février 2021.
    B. Décret électoral du 2 mars 2015 (Le Moniteur, Spécial No. 1) : Article 239
  2. Le décret électoral de 2015 reprend le libellé de l’article 134-2 de la
    Constitution et énonce expressément son esprit et sa lettre, consistant pour
    l’essentiel à « harmoniser les temps constitutionnel et électoral ».
  3. À ce titre, l’article 239 dudit décret stipule : « à l’occasion d’élections organisées
    en dehors du temps constitutionnel, pour quelque raison que ce soit, les mandats
    des élus arrivent à terme de la manière suivante : a) Le mandat du Président de la
    République prend fin obligatoirement le sept (7) février de la cinquième année de
    son mandat quelle que soit la date de son entrée en fonction »
    C. Principe d’application stricte de la Constitution
  4. Vu sa fonction centrale dans l’organisation de l’État, le droit constitutionnel fait
    partie du droit public. L’un des principes fondamentaux qui sous-tend la
    Constitution est son application stricte par les gouvernements, notamment le
    Président de la République, considéré comme le premier chargé de la respecter.
    À ce titre, l’article 136 de la Constitution haïtienne fait du Président le garant de
    la bonne marche des institutions. Il devra donc l’appliquer et non interpréter
    ce qu’elle définit en des termes simples et clairs, comme, par exemple, le mandat
    présidentiel.
    D. Précédent juridique : Fin du mandat du Président Martelly, le 7 février 2016
  5. Vainqueur de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 (premier tour) et du
    20 mars 2011 (second tour) et ayant prêté serment le 14 mai suivant, M. Joseph
    Michel Martelly a bouclé son mandat et déposé l’échappe présidentielle au
    Parlement le 7 février 2016, malgré le vide provoqué par la crise politicoélectorale.
  6. Dans son discours par-devant l’Assemblée nationale, le Président Martelly eut à
    déclarer : « Ce 7 février 2016 (…) mon mandat touche à sa fin. En effet, selon
    l’article 134-1 de la loi-mère, la durée du mandat présidentiel est de cinq (5) ans.
    Cette période commence et se termine le 7 février de la cinquième année du
    mandat, peu importe la date d’entrée en fonction ».
  7. Comme démontré, la Constitution fixe de manière claire le terme du mandat
    présidentiel au 7 février 2021. Cela est renforcé par le principe d’application
    stricte de la Constitution et le précèdent juridique créé par le départ du
    Président Martelly, le 7 Février 2016.
  1. Toutefois, il n’est pas superflu de rappeler le processus électoral, notamment
    l’« Accord politique pour la continuité institutionnelle à la fin du mandat du
    Président de la République en l’absence d’élection d’un Président élu pour la
    poursuite du processus électoral entamé en 2015 », ayant conduit provisoirement
    au pouvoir M. Jocelerme Privert dans le but d’achever le processus,
    conformément aux termes et à l’esprit de l’article 134-2.
    E. Sur le processus électoral amenant Jovenel Moïse au pouvoir le 7 février 2017
  2. Les élections présidentielles et législatives se sont tenues respectivement le 9
    août et le 25 octobre 2015 pour élire le 57ème Président de la République et les
    députés formant la 50ème législature, ainsi que 20 sénateurs. La crise politique
    n’a pas permis au Président Joseph Michel Martelly de boucler ces élections. Par
    conséquent, le 22 décembre 2015, il a créé la Commission indépendante
    d’évaluation électorale (CEEI), et le 6 février 2016, la veille de son départ, il a
    conjointement signé avec le Parlement, un accord politique dénommé : « Accord
    pour la continuité institutionnelle à la fin du mandat du Président de la
    République en l’absence d’un Président élu et pour la poursuite du processus
    électoral entamé en 2015 ».
    ii) Commission d’évaluation électorale indépendante (CEEI)
  3. Par un arrêté édicté le 22 décembre 2015, le président Joseph Michel Martelly a
    créé la Commission indépendante d’évaluation électorale (CEEI) avec pour
    mission de « prendre toutes les dispositions nécessaires en vue d’évaluer le
    processus électoral et de faire des recommandations au Conseil électoral provisoire
    et au Gouvernement (…)».
  4. Reconnaissant tacitement que les élections du 9 août et du 25 octobre 2015
    étaient contraires aux normes démocratiques, la CEEI avait recommandé « un
    examen technique plus approfondi de la responsabilité de la machine électorale »
    et de reconsidérer « les dossiers traités par les Bureaux du contentieux électoral
    national et départemental».
  5. Après la publication du rapport de la Commission, la mobilisation populaire s’est
    poursuivie, menant à des démissions en cascade de plusieurs conseillers
    électoraux, et à la démission du Président du Conseil, M. Pierre Louis Opont, le
    23 janvier 2016, seulement 14 jours avant la fin du mandat présidentiel.
  1. N’étant pas prévue par la Constitution amendée qui attribue les responsabilités
    respectives aux pouvoirs exécutif, législatif et judicaire, cette situation a porté le
    Présidant Martelly à « concocter » une formule extraconstitutionnelle pour
    achever le processus électoral.
    iii) « Accord politique pour la continuité institutionnelle à la fin du mandat du
    Président de la République en l’absence d’élection d’un Président élu pour la
    poursuite du processus électoral entamé en 2015 »
  2. Le 6 février 2016, la veille de son départ, le Président Martelly, conjointement
    avec le Parlement, représenté par le président du Sénat et celui de la Chambre
    des députés, a paraphé l’accord politique : « Accord politique pour la continuité
    institutionnelle à la fin du mandat du Président de la République en l’absence
    d’élection d’un Président élu pour la poursuite du processus électoral entamé en
    2015 ».
  3. L’essence de cet accord était de corroborer la fin du mandat du Président
    Martelly le 7 février 2016, comme le veut la Constitution, de poursuivre et
    d’achever le processus électoral initié en 2015, par l’entremise d’un président
    provisoire et la formation d’un nouveau Conseil électoral qui devra suivre les
    recommandations de la Commission d’évaluation électorale indépendante
    (CEEI), créée par le Président Martelly.
  4. i) Fin du mandat présidentiel le 7 février, conformément à l’article 134-2 de la
    Constitution. L’Accord stipule : « le Président de la République, par devant
    l’Assemblée nationale, fait une adresse à la Nation relative à la fin de son mandat
    et de son départ du pouvoir le 7 février 2016 ».
  5. En outre, arrivé au terme de son mandat, le Président de la République,
    « informe le Parlement, à titre de co-dépositaire de la souveraineté, du vide
    provoqué par cette situation au niveau du pouvoir exécutif. Le Président de
    l’Assemblée nationale, par un message respectif, dit prendre acte du message du
    Président de la République et constate le vide présidentiel, entrainant le
    dysfonctionnement du Pouvoir exécutif. Une fois le vide constaté, le Président de
    l’Assemblée nationale charge le Premier ministre en poste de la gestion des affaires
    courantes et annonce l’élection par l’Assemblée nationale d’un Président
    provisoire ».
  6. Issu de l’élection indirecte organisée par l’Assemblée nationale, sur la base dudit
    accord et non de la Constitution, le Président Jocelerme Pivert eut à rappeler
    dans son discours d’investiture, que sa mission repose sur trois piliers, dont : «
    la poursuite et le renforcement du processus électoral ».
  7. ii) Formation d’un nouveau Conseil électoral provisoire (CEP) en vue de « relancer
    de finaliser le processus électoral ». L’accord prévoit la formation d’un CEP avec pour mission l’achèvement du processus électoral. « (…) ce nouveau Président devra former un nouveau CEP, dont la mission est de « relancer le processus électoral après évaluation des étapes franchies et mettre en application les recommandations techniques de la Commission indépendante d’évaluation électorale, organiser le deuxième tour de l’élection présidentielle et installer le Président élu ».

  1. iii) Mise en place de la Commission indépendante d’évaluation et de vérification
    électorale (CIEVE). Conformément à sa mission susmentionnée, le Président
    provisoire Jocelerme Privert a consulté les acteurs politiques et a mis en place la
    Commission indépendante d’évaluation et de vérification électorale (CIEVE), le
    27 avril 2016.
  2. Le mandat de la nouvelle Commission était d’« épurer le processus de vote par
    l’analyse des listes d’émargement, des Listes électorales partielles (LEP), des
    Feuilles de comptage, des Procès verbaux de carence, des procès-verbaux
    d’incidence, des bulletins et de plaintes déjà enregistrés». Conformément à son
    mandat, la Commission a recommandé la « reprise du processus électoral» qui, malheureusement, n’a pas été suivie par le Conseil électoral provisoire et la
    présidence.
  3. L’élection présidentielle a eu lieu le 20 novembre 2016. Obtenant 55,67 % des
    suffrages et déclaré élu au premier tour selon les résultats du CEP, Jovenel
    Moïse a prêté serment le 7 février 2017, comme 57ème Président de la
    République d’Haïti. Ainsi, ce processus, initié le 25 octobre 2015, a pris fin le 7
    février 2017.


    IV. Conclusion
    F. 7 février 2021, fin du mandat présidentiel
  4. Il ne fait absolument aucun doute que le mandat du Président Jovenel Moïse,
    vainqueur au premier tour selon le CEP du processus électoral, initié le 25
    octobre 2015, prend fin le 7 février 2021, conformément : (i) aux prescrits de
    l’article 134-2 de la Constitution ; (ii) au principe d’appliquer et de respecter
    strictement la Constitution ; (iii) au précèdent juridique créé par le président
    Joseph Michel Martelly ayant terminé son mandat le 7 février 2016, alors qu’il
    avait prêté serment le 14 mai 2011 et ; (iv) à l’« Accord pour la continuité
    institutionnelle à la fin de du mandat du Président de la République en l’absence d’un Président élu et pour la poursuite du processus électoral, 6 février 2015 », ayant conduit provisoirement M. Jocelerme Privert au pouvoir.

G.- Rappel de quelques précédents historiques relatifs au respect de l’échéancier présidentiel constitutionnel

  1. Il n’est pas superflu de rappeler quelques antécédents relatifs au respect du
    quinquennat constitutionnel et non calendaire du mandat présidentiel lors de
    périodes troublées :
  2. i) Jean Bertrand Aristide (7 février 1991 – 7 février 1996). Ayant prêté serment le
    7 février 1991 comme nouveau Président vainqueur des élections du 16
    décembre 1990, le Président Jean-Bertrand Aristide a écopé un coup d’État
    militaire, le 30 septembre suivant, le forçant à passer trois ans en exil. Revenu
    au pays le 15 octobre 1994, il a organisé des élections le 17 décembre 1995 et a
    laissé le pouvoir le 7 février 1996.
  3. ii) Jean Bertrand Aristide/Boniface Alexandre (7 février 2001 – 7 février 2006).
    Ayant prêté serment le 7 février 2001, pour un second mandat, Jean-Bertrand
    Aristide a été contraint de quitter le pouvoir le 29 février 2004. Conformément à
    la Constitution d’alors, Me. Boniface Alexandre, président de la Cour de
    Cassation, a prêté serment le 8 mars 2004 en vue de combler la vacance.
    Vainqueur de l’élection présidentielle du 6 février 2006, René Garcia Préval a
    prêté serment le 14 mai suivant.
  4. iii) Joseph Michel Martelly (14 mai 2011- 7 Février 2016). Ayant prêté serment
    le 14 mai 2011, le Président Joseph Michel Martelly a terminé son mandat le 7
    février 2016.
  5. Que l’élection présidentielle ait démarré en 2017 ou en 2018, le mandat du
    Président élu prendrait fin le 7 février 2021. La Constitution est claire, quelle
    que soit la date à laquelle l’élection a lieu, le mandat du Président élu « est censé
    avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection », soit le 7 février 2016.
  6. Élu au second degré sur l’« Accord » politique du 6 février 2016, M. Jocelerme
    Privert, ayant passé une année au pouvoir (7 février 2016 – 7 février 2017), a
    bouclé le processus électoral, et a fait un mandat « exceptionnel », et non
    constitutionnel.
    H. Nécessité d’anticiper la crise politico-institutionnelle post 7 février 2021 :
    absence de Parlement et fin du mandat du Conseil électoral provisoire chargé de
    finaliser les processus électoral de 2015.
  7. Les protagonistes, notamment le Président Jovenel Moïse, doivent se montrer
    lucides et responsables, car le pays s’enlise dans une crise institutionnelle et
    politique profonde inédite, au-delà de la situation socio-économique désastreuse actuelle; l’accentuation de la pauvreté (4.5 millions d’Haïtiens en insécurité alimentaire) et du chômage, entraînant la réduction, à un rythme exponentiel du pouvoir d’achat (environ 110 gourdes pour un dollar américain), l’insécurité galopante, la débandade institutionnelle…
  1. Il n’y a pas de Parlement. Le Conseil électoral provisoire dont le mandat était de
    « Relancer le processus électoral de 2015, mettre en application les
    recommandations de la Commission indépendante d’évaluation électorale et de
    finaliser et proclamer les résultats des élections », est arrivé à terme,
    conformément à la loi électorale (article 240) et de l’arrêté du 29 mars 2016.
  2. Le Président de la République, l’opposition et la société civile doivent se
    montrer clairvoyants et vigilants, en proposant des solutions légitimes novatrices
    et constructives, ainsi que des plans d’action clairs sur la formule de transition à
    adopter, en choisissant, par exemple, soit la Cour de cassation pour assurer la
    Présidence, ou une personnalité par consensus éclairé, capable de forger les
    bases d’un nouveau départ au profit des filles et des fils de la Nation, ou encore
    en optant conjointement pour une ou des théories de droit public reflétant les
    circonstances, sinon la catastrophe qui s’annonce sera très hypothétique pour le
    pays et ce, à tous les niveaux.


Bibliographie

A. Texte juridique

  1. Déclaration de Vienne (Juin 1993).
  2. Constitution haïtienne (29 mars 1987 amendée).
  3. Décret électorale du 2 mars 2015.
  4. Arrêté du 29 mars 2016.
  5. Arrêté présidentiel du 22 décembre 2015.
  6. Arrêté du 28 avril 2016.
    B. Ouvrages
  7. Gédéon Jean, « Crises électorales en Haïti, la Commission indépendante d’évaluation
    et de vérification électorale CIEVE, L’inédit et la fin d’un système », CARDH, Haïti, Imp.
    PRESSMAX, novembre 2016.
  8. Gédéon Jean, « Crises électorales en Haïti, La Commission d’évaluation électorale
    indépendante (CEEI), contribution pour une sortie de crise », CARDH, Port-au-Prince,
    Imp. PRESSMAX, avril 2016.
    C. Rapports

CARDH :
▪ « COVID-19, Bilan du « deuxième » état d’urgence sanitaire en Haïti, L’administration
Moïse-Jouthe persiste dans la violation des principes de droits humains », 21 mai 2020.
▪ « COMMUNIQUÉ DE PRESSE, Journée internationale de la liberté de la Presse, La
gestion de l’administration Moïse-Jouthe du COVID-19 : violation de la liberté de la
presse et des droits des journalistes », 4 mai 2020.
▪ « COVID-19 : Vers le bilan du « premier » état d’urgence sanitaire en Haïti, Violation
des principes de droits humains et mauvaise gouvernance », 21 avril 2020.
▪ « COVID-19, état d’urgence mondiale limité par les droits humains, Haïti : non-respect
des principes de droits humains et de bonne gouvernance », 8 avril 2020.
Accessibles sur www.cardh.org

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.