In Memoriam : éloge funèbre à la mémoire de M. Antonio Auguste

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Rezo Nòdwès qui continue de compatir à la douleur de la famille Auguste et de proches parents de notre rédacteur en chef et lui-même en particulier, après le décès de M. Antonio Auguste le 5 janvier dernier, reproduit ci-après l’intégralité d’un éloge funèbre émouvant, lequel prononcé par Claudy Briend Auguste aux Gonaives, décrit le caractère exceptionnel de son père, un très regretté disparu qui allait avoir 86 ans.

Gonaives, samedi 17 janvier 2020

par Claudy Briend Auguste

Une nouvelle année
La joie est fanée

Il n’y a aucun mot pour décrire tout ce que nous ressentons ce matin. Papa, le 5 janvier dernier, au seuil d’une nouvelle année, après 85 années de mission accomplie sur terre, tu es parti tout en te rassurant d’avoir laissé de belles traces sur nos pensées. Je t’en remercie au nom de ma bienheureuse mère, mes deux sœurs et deux frères bien-aimés, sans oublier tes nombreux petits-enfants et arrière-petits-enfants, les espoirs de ta 3ème génération à venir. Nous n’avons pas fini de t’aimer.

Ce matin du samedi 18 janvier 2020, c’est l’un des plus difficiles exercices auquel je me suis soumis depuis mon existence. Me tenir debout face à mon père qui endurât des souffrances dans le corps pour entrer finalement aujourd’hui dans sa gloire et le salut des âmes.

Circonstance oblige, je me suis efforcé de répondre aux exigences de l’heure me basant sur l’un de tes vœux pieux de nous voir si nombreux rassemblés autour de toi, mais en d’autres occasions bien spécifiques et réjouissantes, comme par exemple la célébration d’un anniversaire de naissance comme au bon vieux temps. Et ces anniversaires se célébraient toujours avec des bonbons Kay Madan Raymond, des bouteilles de kola Larco, du Cinzanno…et de la viande de cabris grillée.

Papa, aujourd’hui, étant donné dans le cœur il y a toujours des mots muets, nous sommes venus jusqu’ici pour te rendre un ultime hommage, le témoignage d’affection éprouvée l’un pour l’autre. Car pour moi, mes sœurs et frères, tu fus un papa, un père, un ami et un confident.

Et pour vous autres, distinguée assemblée, vous tous, réunis autour de lui en signe de grand témoignage d’affection et de considération, apprenez que Ton’n, le compagnon de ma mère depuis à l’age de 17 ans, – Antonio, le père de Jacques, le premier de ses progénitures, – Tonn, qui, en 1973, a parcouru à bicyclette Gonaives-Pont Sondé pour aller prendre l’autobus à destination de Port-au-Prince en vue d’aller procurer de nouveaux ouvrages à ma sœur Marguerite qui allait entrer en secondaire I Chez les Sœurs, fut un homme honnête, droit et respectueux et aimé de tous.

Son franc-parler qui inspirait toujours la confiance, lui a valu une solide réputation chez ses anciens collègues de travail à Care-Haïti où il a mis fin à sa longue carrière de chauffeur professionnel de véhicules à moteur. Un peu partout durant ses soixante ans et plus de carrière dans le domaine de transport en commun, Papa, de concert avec maman, a su se mettre à la hauteur pour parfaire l’éducation de ses enfants dont les orientations professionnelles n’ont été nullement imposées.

Appelé par la Divine Majesté le dimanche 5 janvier 2020 sans que son âme n’ait à décoller violemment de son corps, Papa, dont le Grand-Esprit Pur et Infiniment Parfait a toujours su protéger du mal, faisait sien le principe de “mal pa dous« pa fè mounn mal pou mal ».

Un beau jour, au cours de l’une de nos confidences les plus intimes, j’ai demande à papa pourquoi mon oncle Lionel et toi aviez choisi d’appeler vos camionnettes de transport en commun “Enfants de Dieu » ou encore « Je Crois en Dieu » – Mal pa dous”, la réponse de papa fut catégorique, simples, sincère et directe. Il me disait que « dans la vie, ne rends jamais le mal pour le mal et laisse au Créateur de décider du sort de ce ou de celle qui te veut du mal« , car, a-t-il poursuivi, « quand on essaie de faire du mal a quelqu’un, il faut toujours penser à ceux qui vont souffrir. Dans ma vie, je me suis toujours arrangé pour m’écarter des forces du mal et cela m’a donné la force de vivre au-delà des quatre-vingts ans. Je veux qu’il en soit aussi pour vous mes enfants: Jacques, Marguerite, Jean-Michel et Antonia et toi-même« . Désormais, en mettant en sourdine son absence, c’est notre leitmotiv pour garder en nous vivant et pour toujours la mémoire de notre père.

Papa était aimé de tout le monde, pour me reprendre. La première expérience que nous avions faite, – mes sœurs et frères et moi-même, incluant mes 2 sœurs cadettes Nadette et Ghislaine, de regrettée mémoire – c’était à Bois Neuf, Terre Neuve au cours des vacances d’été de juillet 1970. Papa introduit pour la première fois un appareil de radio, bande AM et SW dans la région. Mes oncles, cousines et cousins de l’arrière-pays, n’en croyaient pas leurs oreilles. « Quelqu’un qui nous parle à distance, wow, incroyable » disaient-ils. M’en suis souvenu-je, que c’était le kombit sous la chaumière où il faisait si bon de vivre à la campagne.

Plus tard dans la vie, à chaque vacances d’été, papa nous faisait découvrir d’autres endroits de villégiature du pays. Nous avions tantôt été à Anse Rouge, à Boucan Patriot, à Sources Chaudes, Milot, Dondon, St -Raphaël, partout où il allait bosser, papa nous traînait derrière lui et de là, nous avons appris de combien il est grand, il est beau d’être animé d’une fierté de pouvoir gagner son pain à la sueur de son front sans compromission, sans avoir à nous verser dans la corruption. Merci papa, cette bonne partie de leçon de la vie est bien apprise et je n’y faillerai jamais à ma tradition, à mes engagements.

Comme protecteur de ses petits, papa et maman n’ont que d’égal la mère-poule. Pour papa, les liens paternel et maternel ne se délient jamais peu importe l’age de l’enfant, son niveau social et autre. Une tradition, pour la plupart d’entre nous, qui a traversé les frontières et nous a permis d’éduquer et d’élever nos enfants de la mème façon que papa et maman auraient fait à notre place. L’ haïtienneté ne doit jamais leur faire défaut. Nou toujou sonje koté nou soti, e kiyès ki manman’nou ak papa’nou.

Tonn était un homme humble, d’une humilité à revendre. Papa comptait beaucoup aux yeux de ses amis dont certains devenus des notables de la ville qui furent également ses petits camarades de classe chez les Frères de l’Instruction Chrétienne à Gonaives. C’est toujours la franche camaraderie qui régnait quand des rares circonstances de la vie les rapprochaient. Contrairement à nous, – mon frère cadet Jacques, ma sœur cadette Marguerite, mon frère benjamin Jean Michel, et la benjamine Antonia,- notre papa n’a pas eu la grâce de ce cadeau divin, c’est à dire de pouvoir grandir à l’ombre de son père qui, malheureusement rappelé tôt à 33 ans, avait laissé un vide énorme dans le cœur d’adolescent de mes oncles Lionel et Jean-Claude Auguste, ma tante Adeline Auguste.

Au moment ou papa allait définitivement quitter les bancs du lycée Fabre Geffrard bien avant de passer son bac I pour aborder l’école de la vie, ses défis, ses incertitudes…deux autres frères, Fritz et Raynald Timo, s’ajoutent joyeusement à sa famille. Ils demeurent de véritables amis dans le cheminement de leur quotidien et le combat de la vie.

Aujourd’hui, nous allons conduire à sa dernière demeure un homme, un grand Homme qui avait la crainte de Dieu, qui n’avait aucun attachement aux biens de la terre, ki pa jan’m mele nan okin’n zafè louch. Parfois, disait Papa, le bonheur est dans l’abandon de certaines choses et de certaines personnes. Papa gardait une foi inébranlable dans son amour prêt à pardonner ses manquements, ses incartades, à réviser ses cahiers avec des devoirs non accomplis. Et fort de ce pardon que le Grand Esprit Pur et Infiniment Parfait allait lui accorder en prenant cause et fait pour lui dans ses traversées vers l’au-delà, Papa, paisiblement, remit son âme et part rejoindre d’un cœur léger le commun des mortels. Toutefois, l’écho de sa voix retentira toujours à nos tympans.

Il vient de laisser cette terre pour revivre à l’autre bout de l’univers inconnu, qui, un jour ou l’autre, sera connu de nous tous. Et la seule question qui nous sera probablement posée: qu’avions-nous fait des deniers reçus ? J’ai la ferme assurance que papa saura bien répondre à cette interrogation car il se tenait prêt toute sa vie durant pour ce voyage sans retour. Il me l’a dit, il me l’a confié et c’est difficile d’admettre et de changer la perception que je n’entendrai plus sa voix à l’autre bout du fil, les dimanche soir, me demander les nouvelles de ma famille, de ses petits-enfants. Que de souvenirs me réchauffent de l’intérieur.

Par contre, sa voix continuera de résonner dans mon cœur, dans celui de ma bienheureuse et adorable mère, de réfléter dans les bonnes actions de Jacques, de Jean-Michel, dans les confins des pensées positives de Marguerite et d’Antonia rendant toujours gloire au Très-Haut pour ce papa exceptionnel ayant accepté de faire le voyage avec le Christ qui a triomphé et remporté la victoire qui, Seul, est capable de nous conduire vers le Salut éternel. Le bien-être de l’âme est la somme accumulée de notre passage sur terre.

Papi Tonn, pour certains ; Ligondé, pour d’autres quand il se tient ferme dans ses corrections ; Antonio, pour ses anciens collègues de travail ou encore des proches…Papa, c’est toujours l’enfant à son père quand l’ amour déferle sur le cœur et noie tous les autres sentiments : Maintenant que ton périple sur terre a pris fin, va te reposer éternellement en Paix! Et merci pour tout ! Merci ! Nou pap jan’m bliye’w !

Que la Terre te soit légère !

2 COMMENTS

  1. Je présente mes sincères condoléances à toute la famille Auguste et à tous ceux qui se sont affectés par le départ de Mr Antonio Auguste, espécialement à CBA,un homme de belle tête et de belle plume sans oublier ses collaborateurs.Bon courage à vous tous. Merci! Un lecteur au quotidien

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