Une révolution des qualifications est indispensable

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par Borge Brende

Mardi 28 mai 2019 ((rezonodwes.com))– Alors que notre monde fait face aux transformations et aux défis économiques, sociaux et environnementaux de la Mondialisation 4.0, (a) il n’a jamais été aussi crucial d’investir dans les populations.

Valoriser le capital humain (a) permet non seulement de doter les individus des connaissances et compétences nécessaires pour s’adapter aux changements systémiques, mais cela leur donne aussi les moyens de participer à la création d’un monde plus égalitaire, plus inclusif et plus durable.

L’éducation est et restera un levier essentiel d’une croissance économique inclusive offrant à tous un avenir prometteur.  Cependant, à mesure que les technologies de la quatrième révolution industrielle exerceront de nouvelles pressions sur les marchés du travail, les réformes de l’éducation, l’apprentissage tout au long de la vie et le programmes de reconversion (a) seront essentiels pour que les individus tirent parti des possibilités économiques tout en restant compétitifs dans le nouveau monde du travail, et pour que les entreprises disposent des talents dont elles auront besoin pour les emplois de demain.

La quatrième révolution industrielle entraîne le déclin généralisé d’un certain nombre de fonctions qui deviennent redondantes ou automatisées. Selon le The Future of Jobs Report 2018 (Rapport 2018 sur l’avenir des emplois), (a) 75 millions d’emplois pourraient être déplacés d’ici à 2022 dans 20 grandes économies mondiales.  Sur la même période les progrès technologiques et de nouvelles méthodes de travail pourraient créer 133 millions d’emplois nouveaux , induits par l’expansion rapide de produits et services jusqu’ici inconnus et grâce auxquels les individus travailleront avec des machines et des algorithmes pour répondre aux besoins liés aux évolutions démographiques et économiques.

Pour être pleinement préparés à tirer parti de ces évolutions, au moins 54 % des travailleurs auront besoin d’une reconversion et d’une requalification d’ici à 2022.  Pourtant, seulement 30 % de ceux risquant de voir leur emploi déplacé en raison des mutations technologiques ont bénéficié d’une formation l’an dernier, et les plus menacés sont souvent ceux qui ont le moins de chances de bénéficier d’une reconversion.

Opérer une révolution des qualifications (a) exigera d’investir. Aux États-Unis par exemple, la transition de 95 % des travailleurs à risque vers de nouveaux emplois grâce à leur requalification coûterait plus de 34 milliards de dollars. Aujourd’hui toutefois, le secteur privé ne peut reconvertir de manière rentable que 25 % environ de ces travailleurs. Une collaboration entre entreprises, des investissements des gouvernements et des partenariats public-privé seront donc nécessaires pour baisser les coûts et répondre à l’ampleur des besoins.

Si les entreprises coopéraient pour créer des économies d’échelle, elles pourraient collectivement requalifier 45 % des travailleurs à risque. Et si les gouvernements s’associaient à cet effort, ils pourraient requalifier jusqu’à 77 % de tous les travailleurs à risque, tout en bénéficiant d’un retour sur investissement sous forme de l’augmentation des recettes fiscales et de la baisse des coûts sociaux, notamment des prestations de chômage. Enfin, dans le cas où les entreprises ne seront pas en mesure de faire face aux coûts de façon rentable et où les gouvernements ne pourront à eux seuls apporter des solutions, il sera impératif de recourir à des partenariats public-privé qui réduisent les coûts et offrent des avantages sociaux concrets ainsi que des solutions adaptées pour les travailleurs.

Par ailleurs, ces interventions devraient être complétées par une réflexion stratégique sur la réglementation du travail et sur les secteurs dans lesquels la création d’emplois serait bénéfique à la société. Un récent ivre blanc (a) suggère que les pays devraient s’attacher à augmenter les investissements publics et privés dans trois domaines : les capacités des personnes, les institutions et les réglementations du travail, et les secteurs voués à la croissance et bénéfiques à la société, notamment la santé, l’éducation, l’eau, l’énergie et les infrastructures numériques et de transport.
 

Le Forum économique mondial est un espace où peuvent se mettre en place de telles alliances, afin de doter la main d’œuvre d’aujourd’hui de compétences nouvelles et pour concevoir les plans d’éducation de la main d’œuvre de demain. Le projet Closing the Skills Gap (Combler l’écart de compétences) (a) offre un cadre pour fédérer des actions fragmentées et mener à bien une mission globale, afin d’organiser le développement des compétences qui seront nécessaires à l’avenir. Il permet également de susciter une collaboration public-privé constructive pour une réforme urgente et fondamentale des systèmes éducatifs et des politiques du travail, afin de préparer les travailleurs aux emplois futurs grâce à des programmes propres à chaque pays, à des échanges de bonnes pratiques à l’échelon mondial et régional, et à la mobilisation générale des entreprises.

Ces initiatives ont abouti à la création d’un réseau de groupes de travail nationaux en Inde, en Afrique du Sud, en Argentine et à Oman. En outre, plusieurs entreprises partenaires d’envergure internationale s’engagent à requalifier ou à améliorer les compétences de 17 millions de travailleurs dans le monde, (a) soit davantage que l’objectif de 2018 d’accompagner 10 millions de travailleurs en 2020.

Parallèlement à cette transformation de l’éducation et des marchés du travail, nous devons absolument prendre en compte ses effets particuliers sur différents groupes de population. Par exemple, étant donné la segmentation actuelle des marchés du travail, les femmes en subiront les conséquences de façon disproportionnée. (a) En effet, elles occupent un grand nombre des emplois susceptibles d’être remplacés par des machines et sont sous-représentées dans les secteurs les plus susceptibles de connaître une croissance de l’emploi. Par exemple, seulement 22 % des personnes travaillant dans le domaine de l’intelligence artificielle sont des femmes.

Néanmoins, les nouvelles sources de création d’emplois sont aussi une occasion unique d’intégrer la parité entre les sexes dans le futur monde du travail. Dépasser l’inégalité entre les sexes exige des mesures proactives de la part des entreprises et des gouvernements pour s’assurer que les femmes sont également représentées dans les professions en plus forte croissance et les domaines de compétences les plus recherchés. Le Forum économique mondial lance un appel aux entreprises(a) pour qu’elles recensent les cinq types d’emplois qui connaissent la croissance la plus rapide et qu’elles s’engagent à embaucher un nombre égal d’hommes et de femmes.

Toutes ces incitations à investir dans le développement des talents et des potentiels individuels peuvent actionner les leviers nécessaires pour parvenir à une croissance inclusive et durable qui tire parti de la technologie pour offrir des débouchés à tous. Investir dans les individus est un moyen de les transformer : d’observateurs passifs des évolutions, ils deviendront des moteurs d’un changement positif dans leurs communautés locales, régionales et mondiales.

Borge Brende
Président World Economic Forum

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